Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A...Varin a demandé au Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie de condamner l'Etat à lui verser une somme de 1 539 782 F CFP (12 903,38 euros) au titre de l'indemnité forfaitaire de changement de résidence (IFCR) et une somme de 250 000 F CFP au titre des frais de justice sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 1500438 du 15 septembre 2016, le Tribunal administratif de
Nouvelle-Calédonie a rejeté la demande de M. Varin.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 21 novembre 2016 et
18 janvier 2019, M. Varin, représenté par MeC..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie n° 1500438 du 15 septembre 2016 ;
2°) d'enjoindre à la Garde des Sceaux, ministre de la Justice, de lui verser une somme de 8 368,75 euros ;
3°) de dire que cette somme de 8 368,75 euros, portera intérêts à compter de la requête initiale, eux-mêmes capitalisés dans les conditions de l'article 1432-2 du code civil ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 6 000 euros au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du
10 juillet 1191 relative à l'aide juridique.
Il soutient que :
- n'ayant pas bénéficié en Nouvelle-Calédonie d'un logement de fonction, il entre dans le champ d'application de l'article 40 du décret du 22 septembre 1998 ;
- il convient, pour calculer la distance orthodromique, d'additionner entre elles les distances orthodromiques correspondant, le cas échéant, au transit par un lieu ;
- il convient de lui appliquer les dispositions relatives à un agent célibataire ayant au moins un enfant à charge ;
- il a droit au bénéfice de la majoration de 20 % prévue à l'article 24-1-2° du décret du
22 septembre 1998 ;
- il a également droit à la majoration prévue à l'article 4 de l'arrêté du 22 septembre 1998 ;
- l'indemnité à laquelle il pouvait prétendre s'établit ainsi à la somme de 3 045 114 F CFP ;
- l'administration, ne lui ayant versé que 1 593 782 F CFP, reste donc redevable de la somme de 1 539 782 F CFP.
Par un mémoire en défense, enregistré le 7 décembre 2018, la Garde des Sceaux, ministre de la Justice conclut au rejet de la requête.
Elle soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Par une décision du 8 décembre 2016, le bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Paris a rejeté la demande de M. Varin.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le décret n° 98-844 du 22 septembre 1998 fixant les conditions et les modalités de règlement des frais occasionnés par le changement de résidence des personnels civils de l'Etat à l'intérieur d'un territoire d'outre-mer, entre la métropole et un territoire d'outre-mer, entre deux territoires d'outre-mer et entre un territoire d'outre-mer et un département d'outre-mer, Mayotte ou la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon ;
- l'arrêté du 22 septembre 1998 fixant les montants des indemnités forfaitaires de changement de résidence prévues aux articles 39 et 40 du décret n° 98-844 du 22 septembre 1998 modifié ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme d'Argenlieu,
- et les conclusions de MmeB....
Considérant ce qui suit :
1. M. Varin, greffier du 2ème grade au tribunal de grande instance d'Ajaccio a, par un arrêté du 27 juin 2011, été muté à la Cour d'appel de Nouméa où il a été installé le 3 octobre 2011. Il a ensuite été affecté, par nécessité de service, au Tribunal de première instance de Nouméa. Les deux enfants mineurs de M. Varin, dont il a la garde exclusive, l'ont rejoint en novembre 2011. M. Varin a demandé à bénéficier de l'indemnité forfaitaire de changement de résidence (IFCR). Cette indemnité a été liquidée par deux états de frais, l'un daté du 23 septembre 2011, et l'autre du
23 novembre suivant. Le premier, d'un montant de 12 614,69 euros, était propre à M. Varin, et le second, d'un montant de 6 306,99 euros, était relatif à ses deux enfants. Estimant que cette somme était erronée au regard des dispositions en vigueur, M. Varin a présenté, le 20 août 2015, une réclamation auprès de la Garde des Sceaux, ministre de la Justice, tendant au paiement d'une somme complémentaire de 12 903,38 euros. Par un jugement du 15 septembre 2016, dont M. Varin fait appel, le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté sa demande tendant à ce que l'Etat soit condamné à lui verser une somme de 1 539 782 F CFP (12 903,38 euros) au titre de l'indemnité forfaitaire de changement de résidence (IFCR).
Sur le fond :
2. Aux termes de l'article 36 du décret susvisé du 22 septembre 1998 : " L'agent qui change de résidence peut prétendre à la prise en charge des frais qui en résultent pour lui-même et, le cas échéant, son conjoint et les membres de sa famille à la condition que ces frais n'aient pas été pris en charge par l'employeur de son conjoint. Chacun des conjoints d'un couple d'agents disposant d'un droit propre aux indemnités pour frais de changement de résidence reçoit l'indemnité à laquelle il a droit sur la base fixée pour un célibataire. Dans tous les cas, la prise en charge de chacun des membres de la famille ne peut être effectuée qu'au titre de l'un ou l'autre des conjoints. La prise en charge de ces frais n'est définitivement acquise que si l'agent justifie du transfert de sa résidence familiale et de l'installation à sa nouvelle résidence des membres de sa famille qui l'ont suivi, dans un délai de six mois à compter de leur arrivée respective ". L'article 37 du même décret dispose que : " L'agent ne peut prétendre à la prise en charge des frais de changement de résidence des membres de sa famille que s'ils l'accompagnent à son nouveau poste ou l'y rejoignent dans le délai de six mois à compter de la date de son installation administrative. L'alinéa premier de l'article 40 issu du même prévoit que : " L'agent qui ne bénéficie pas d'un logement meublé dans sa nouvelle résidence est remboursé de tous les frais autres que les frais de transport de personnes au moyen d'une indemnité forfaitaire de changement de résidence dont le montant est déterminé suivant des modalités fixées par un arrêté conjoint du ministre chargé du budget, du ministre chargé de la fonction publique et du ministre chargé de l'outre-mer. ".
3. L'article 2 de l'arrêté susvisé du 22 septembre 2008 dispose pour le calcul de l'IFCR que : " Le montant de l'indemnité forfaitaire prévue à l'article 40 ci-dessus du décret du
22 septembre 1998 susvisé est déterminé à l'aide de la formule suivante : Pour l'agent : I = 365, 88 + (0, 07 x VD), si le produit VD est égal ou inférieur à 110 000 ; I = 564, 07 + (0, 04 x VD), si le produit VD est supérieur à 110 000. Pour le conjoint et toute personne à charge est ajoutée l'indemnité calculée de la façon suivante : I = (365, 88 + (0, 07 x VD)) / 2 si le produit VD est égal ou inférieur à 110 000. I = (564, 07 + (0, 04 x VD)) / 2 si le produit VD est égal ou supérieur à
110 000. Dans laquelle : I est le montant de l'indemnité forfaitaire exprimé en euros ; D est la distance kilométrique mesurée d'après l'itinéraire le plus court par la route ou la distance orthodromique exprimée en kilomètres entre l'ancienne et la nouvelle résidence ; V est le volume du mobilier transporté, fixé forfaitairement ainsi qu'il suit, en mètres cubes : pour l'agent 14 m3, pour le conjoint 18 m3 et par enfant 3,5 m3 (...). Lorsqu'il vit seul, l'agent célibataire, veuf, divorcé ou séparé de corps ayant au moins un enfant ou un ascendant à charge bénéficie du volume total prévu pour un agent marié, diminué du volume fixé pour un enfant ou ascendant (...). L'article 3 du même arrêté prévoit que : " Les distances orthodromiques sont fixées ainsi qu'il suit : a) Entre Paris et les chefs-lieux des territoires d'outre-mer : Polynésie française (Papeete) : 15 703 ;
Nouvelle-Calédonie (Nouméa) : 16 736 (...) Lorsque le trajet entre la métropole et un territoire d'outre-mer ou entre deux territoires d'outre-mer comporte un transit obligatoire par un autre lieu, il convient d'additionner entre elles les distances orthodromiques correspondantes ". L'article 4 issu dudit arrêté ajoute que : " Pour les changements de résidence entre deux lieux qui ne sont pas reliés par la route ou entre plusieurs îles d'un même territoire, il y a lieu d'ajouter à l'indemnité déterminée conformément aux dispositions des articles 1er et 2 du présent arrêté une indemnité complémentaire dont le taux est fixé ainsi qu'il suit (en euros) : (...) Pour l'agent 691,21 euros (...) Par enfant (...) 197,73 ". Enfin, aux termes de l'article 5 du même arrêté : " L'agent célibataire, veuf, divorcé ou séparé de corps ayant au moins un enfant à charge bénéficie du poids total prévu pour un agent marié, dans la même situation, diminué du poids fixé pour un enfant. A partir du deuxième enfant, il est ajouté pour chaque enfant le poids prévu pour un enfant. "
En ce qui concerne le calcul de la distance orthodromique (D) :
4. En premier lieu, il ressort de l'article 3 précité de l'arrêté susvisé du 22 septembre 1998 que, pour le calcul de l'indemnité forfaitaire de changement de résidence, c'est la distance correspondant à la totalité du parcours entre l'ancienne et la nouvelle résidence qui doit être prise en compte. Si, pour la commodité de ce calcul, l'arrêté précité du 22 septembre 1998 fournit, pour les changements de résidence entre la Nouvelle-Calédonie et la métropole, la distance orthodromique entre Paris et Nouméa, il convient, pour déterminer la distance totale lors des affectations en métropole de fonctionnaires résidant précédemment à Nouméa, d'ajouter à cette distance orthodromique, compte tenu de la nécessité d'un transit par Paris, la distance entre Paris et la commune de résidence. Dans ces conditions, M. Varin avait droit à ce que l'indemnité de changement de résidence qui lui était due à l'occasion de son affectation à Nouméa prenne en compte outre la distance orthodromique entre Paris et Nouméa, celle correspondant au trajet entre Ajaccio et Paris. Il n'est pas contesté que les distances orthodromiques entre Ajaccio et Paris et entre Paris et Nouméa sont respectivement de 917,5 kilomètres et 16 736 kilomètres. La distance totale à prendre en compte s'élevait donc à 17 653,5 kilomètres.
5. En second lieu, en revanche, il ressort de l'article 4 précité de l'arrêté susvisé du
22 septembre 1998, que l'indemnité complémentaire qu'il prévoit a pour objet de compenser, en l'absence de liaison routière, les frais supplémentaires engendrés par un transport aérien ou maritime à l'intérieur d'un même territoire d'outre-mer. Dans ces conditions, M. Varin n'avait pas droit au bénéfice de cette indemnité au titre du changement de résidence entre Ajaccio et Nouméa.
En ce qui concerne le calcul du volume (V) :
6. Il ressort de l'article 2 précité de l'arrêté susvisé du 22 septembre 1998 qu'un agent célibataire ayant au moins un enfant à charge bénéficie du volume total prévu pour un agent marié, soit 32 m3 correspondant à 14 m3 pour l'agent et 18 m3 pour son conjoint. Par ailleurs, au-delà d'un enfant, il convient d'ajouter pour chacun d'eux le volume prévu pour un seul. M. Varin bénéficiait donc d'un volume de 32 m3 (14 m3 + 18 m3) et chacun de ses enfants un volume de 3,5 m3.
En ce qui concerne la majoration de 20 % prévue par l'article 24 I du décret susvisé
du 22 septembre 2008 :
7. L'article 24 I du décret susvisé du 22 septembre 2008 dispose que : " L'agent a droit à la prise en charge des frais de changement de résidence mentionnés à l'article 38, majorée de 20 %, lorsque le changement de résidence est rendu nécessaire par : 1° Une mutation d'office prononcée à la suite d'une suppression d'emploi, du transfert géographique ou de la transformation de l'emploi occupé ; 2° Un changement d'affectation pour pourvoir à un emploi vacant pour lequel aucune candidature n'a été présentée ou lorsque l'autorité ayant pouvoir de nomination a écarté toutes les candidatures présentées. Pour l'application de ces dispositions, le consentement des magistrats, lorsqu'il est statutairement exigé, n'est pas assimilable à une candidature ".
8. Il n'est pas contesté que M. Varin a été muté en Nouvelle-Calédonie pour pourvoir à un emploi vacant pour lequel aucune candidature n'avait été présentée. L'intéressé était donc en droit de bénéficier de la majoration forfaitaire prévue par l'article 24-I précité.
En ce qui concerne le calcul de l'indemnité :
9. Il résulte de ce qui précède qu'en application de la formule de calcul décrite par l'article 2 précité du décret susvisé du 22 septembre 2008, la somme due à M. Varin au titre de l'IFCR s'élève à 27 792,66 euros [(546,07 + (0,04 x 564 912 (VD)) x 1,2 (majoration de 20 %)] et celle due à ses deux enfants un montant total de 4 691 euros [365,88 + (0,07 x 61 787,25 (VD)].
10. L'administration aurait donc dû verser à M. Varin la somme de 32 483,66 euros soit 11 905,12 euros de plus que l'indemnité initialement accordée. Toutefois, cette somme sera limitée à 8 638,75 euros correspondant à ce qui a été demandé en appel par l'intéressé. L'appelant est donc fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, les premiers juges ont rejeté sa demande.
Sur les intérêts moratoires :
11. La somme de 8 638,75 euros sera assortie des intérêts de droit à compter du 25 août 2015, date à laquelle l'administration a reçu la réclamation préalable de M. Varin. Ces intérêts ouvrent droit à capitalisation à compter de la date à laquelle ils ont été dus pour au moins une année entière, soit le 25 août 2016.
Sur les frais de justice :
12. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à verser à M. Varin au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie n° 1500438 du
15 septembre 2016 est annulé.
Article 2 : L'Etat est condamné à verser à M. Varin une somme de 8 638,75 euros en complément de l'indemnité forfaitaire de changement de résidence.
Article 3 : La somme de 8 638,75 euros sera assortie des intérêts de droit à compter du 25 août 2015, qui seront capitalisés à compter du 25 août 2016.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...Varin et à la Garde des Sceaux, ministre de la Justice. Copie en sera adressée au ministère des Outre-Mer et au Haut-commissariat de la
Nouvelle-Calédonie.
Délibéré après l'audience du 29 janvier 2019, à laquelle siégeaient :
- M. Even, président de chambre,
- Mme Hamon, président assesseur,
- Mme d'Argenlieu, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 19 février 2019.
Le rapporteur,
L. d'ARGENLIEU
Le président,
B. EVENLe greffier,
I. BEDR La République mande et ordonne à la Garde des Sceaux, ministre de la Justice en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 16PA03375