Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A...X... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision implicite, née le 2 juin 2015, par laquelle le ministre de la défense a refusé de faire droit à sa demande tendant à obtenir le bénéfice de la nouvelle bonification indiciaire (NBI) et le versement des montants correspondants, à compter du 18 février 2010, d'enjoindre au ministre de lui verser la somme due au titre du rappel de la NBI, dont elle a été privée depuis sa prise de fonctions, de régulariser le montant de sa prime de fonctions et de résultats en tenant compte du niveau de ses responsabilités, de condamner l'Etat, sous astreinte, à lui verser les sommes de 9 933,12 euros et 5 000 euros, assorties des intérêts au taux légal, en réparation des préjudices financier et moral résultant pour elle de la privation du bénéfice de la NBI et du montant de la prime de fonctions et de résultats qui lui est versée, et de mettre à la charge de l'Etat les frais de justice.
Par un jugement n° 1509202/5-1 du 15 juillet 2016, le Tribunal administratif de Paris a rejeté cette demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête sommaire et trois mémoires complémentaires, enregistrés les
15 septembre 2016, 4 novembre 2016, 11 juillet 2017 et 8 octobre 2018, Mme X..., représentée par la SCP Masse-Dessen, Thouvenin, Coudray demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Paris n° 1509202/5-1 du
15 juillet 2016 et la décision attaquée ;
2°) de faire droit à sa demande tendant à obtenir le bénéfice de la nouvelle bonification indiciaire (NBI) et le versement des montants correspondants à compter du 18 février 2010, d'enjoindre au ministre de lui verser la somme due au titre du rappel de la NBI, dont elle a été privée depuis sa prise de fonctions, de régulariser le montant de sa prime de fonctions et de résultats en tenant compte du niveau de ses responsabilités et de condamner l'Etat, sous astreinte, à lui verser une indemnité de 14 922,15 euros, assortie des intérêts au taux légal, sauf à parfaire
3°) de mettre à la charge de la société Orange une somme de 3 500 euros au titre des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la décision attaquée est entachée d'erreur de droit au regard des dispositions de l'arrêté du 14 mai 2007 en ce que son emploi relève du I 3° de l'annexe V audit arrêté ;
- elle est illégale par voie d'exception d'illégalité de l'arrêté du 16 mai 2007 fixant la liste des emplois ouvrant droit au bénéfice de la NBI, qui méconnaît les dispositions du décret du 14 mai 2007 ;
- elle méconnaît le principe d'égalité de traitement entre agents d'un même corps dès lors qu'elle exerce des responsabilités comparables à celles exercées par l'ensemble des autres agents de son service bénéficiant de la NBI ;
- parmi les agents de son service ayant le grade de secrétaire administratif de classe exceptionnelle et exerçant des fonctions de responsable, elle est la seule à ne pas percevoir la NBI ;
- elle est victime d'une discrimination en raison de sa situation de handicap dès lors que l'administration lui a attribué des fonctions de niveau inférieur à celles normalement attribuées à un secrétaire administratif de classe exceptionnelle et l'a affectée sur un poste ne lui donnant pas droit à la part de fonction la plus élevée de la prime de fonctions et de résultats et à une NBI et compromettant son avancement ;
- la décision attaquée est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- elle a subi un préjudice financier et un préjudice moral évalués à la somme de 14 933,12 euros sauf à parfaire.
Par un mémoire en défense et un mémoire complémentaire, enregistrés le 30 mai 2017 et le 24 septembre 2018, le ministre de la défense conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 91-73 du 18 janvier 1991 ;
- la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 ;
- le décret n° 2007-887 du 14 mai 2007 ;
- le décret n° 2008-1533 du 22 décembre 2008 ;
- le décret n° 2010-302 du 19 mars 2010 ;
- 1'arrêté du 14 mai 2007 fixant les conditions d'attribution de la nouvelle bonification indiciaire dans les services du ministère de la défense ;
- l'arrêté du 16 mai 2007 fixant la liste des emplois tenus par les fonctionnaires ouvrant droit au bénéfice de la NBI sein du ministère de la défense ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme d'Argenlieu,
- les conclusions de Mme Oriol, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Mme X..., secrétaire administratif de classe exceptionnelle, a été affectée du
1er janvier 2010 au 9 juin 2017 sur le poste de " responsable recrutement stagiaires et chargé de reconversion " au sein du bureau de la gestion de la mobilité de la direction des ressources humaines (DRH) de la direction générale de l'armement (DGA). Par un courriel du 3 novembre 2014, Mme X... a saisi sa hiérarchie d'une demande tendant à obtenir le bénéfice de la nouvelle bonification indiciaire (NBI). Sa demande a fait l'objet d'une décision de rejet, notifiée à l'intéressée par un courriel du 22 décembre 2014, au motif que les responsabilités qu'elle exerce n'étaient pas jugées suffisantes pour justifier le versement de cette prime. Elle a alors présenté un premier recours hiérarchique auprès du directeur des ressources humaines. Le silence gardé par ce dernier sur son recours a fait naître une décision implicite de rejet. Par une lettre du 27 mars 2015, réceptionnée par le ministre de la défense le 2 avril 2015, Mme X... a formé un second recours hiérarchique visant à obtenir le bénéfice de la NBI à compter de son affectation sur le poste susmentionné. Le silence gardé par le ministre de la défense sur sa demande a, une nouvelle fois, fait naître une décision implicite de rejet le 2 juin 2015.
Mme X... fait appel du jugement du 15 juillet 2016, par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite née le 2 juin 2015, et à ce que l'Etat soit condamné à lui verser une somme de 14 933,12 euros en réparation des préjudices subis du fait du non versement de la NBI et de son affectation sur un poste d'un niveau insuffisant pour lui permettre de prétendre au bénéfice d'un montant plus élevé de prime de fonctions et de résultats (PFR) et d'être éligible à l'avancement au grade supérieur ou à un changement de corps.
Sur la recevabilité des conclusions tendant à engager la responsabilité de l'Etat pour les fautes commises en ne lui versant pas la prime de fonctions et de résultats et en la discriminant du fait de son handicap :
2. Une demande présentée au juge pour qu'elle soit de nature à lier le contentieux doit inclure les mêmes parties, porter sur le même objet et se fonder sur les mêmes causes juridiques que la réclamation préalable. En l'espèce, le ministre de la défense a, en première instance, opposé à titre principal l'irrecevabilité des conclusions relatives à la régularisation de la PFR et à la condamnation de l'Etat pour des faits de discrimination et n'a défendu sur le fond, qu'à titre subsidiaire. Or, dans sa demande préalable, Mme X... avait uniquement sollicité la réparation des conséquences de la faute commise par le ministre de la défense en ne lui versant pas la NBI à laquelle elle estimait avoir droit à compter du 1er janvier 2010. L'engagement de la responsabilité de l'administration pour n'avoir, à tort, pas versé à Mme X... la PFR et l'avoir discriminée, relèvent de causes juridiques distinctes de celle contenue dans la demande préalable adressée au ministre de la défense. Par suite, ces conclusions ne figurant pas dans la réclamation préalable, n'ont pas été liées, et doivent, par conséquent, être rejetées pour irrecevabilité.
Sur la recevabilité des conclusions tendant au versement de la nouvelle bonification indiciaire :
3. La demande adressée le 27 mars 2015, reçue par le ministre de la défense le 2 avril suivant, tendait au versement de la NBI. Cette demande avait donc le caractère d'une demande de plein contentieux pour laquelle, en application des dispositions de l'article R. 421-3 du code de justice administrative, seule une décision expresse de rejet fait courir le délai de recours. Par suite, en l'absence d'une telle décision, la fin de non recevoir soulevée par le ministre de la défense tirée de la tardiveté de la demande ne peut qu'être rejetée.
Sur le fond :
S'agissant de la faute commise :
4. Aux termes du I de l'article 27 de la loi du 18 janvier 1991 susvisée : " La nouvelle bonification indiciaire des fonctionnaires et des militaires instituée à compter du 1er août 1990 est attribuée pour certains emplois comportant une responsabilité ou une technicité particulières dans des conditions fixées par décret. ". Aux termes de l'article 1 du décret susvisé n° 2007-887 du 14 mai 2007 instituant la nouvelle bonification indiciaire dans les services du ministère de la défense : " Une nouvelle bonification indiciaire, prise en compte et soumise à cotisation pour le calcul de la pension de retraite, peut être versée mensuellement, dans les limites des crédits disponibles, aux fonctionnaires du ministère de la défense exerçant une des fonctions figurant en annexe au présent décret ". Parmi les fonctions pouvant ouvrir droit au versement de la nouvelle bonification indiciaire, ladite annexe mentionne les fonctions comportant " l'exercice d'une responsabilité ou d'une technicité particulière dans le domaine de la gestion du personnel, dans le domaine des ressources humaines ". Il ressort de l'article 2 de 1'arrêté du 14 mai 2007 fixant les conditions d'attribution de la nouvelle bonification indiciaire dans les services du ministère de la défense que : " La liste détaillée des emplois ouvrant droit au bénéfice de cette nouvelle bonification indiciaire est déterminée par un arrêté du ministre chargé de la défense dans les conditions fixées par des tableaux figurant en annexe de cet arrêté ". Le I de l'annexe V audit arrêté dispose, quant à lui, dans sa partie relative aux emplois de la délégation générale pour l'armement ouvrant droit à la NBI, que les agents de catégorie B ou C peuvent bénéficier de ladite bonification, à concurrence de 10 à 15 points, à condition d'exercer un emploi défini au 3° comme suit : " Emploi spécialisé nécessitant la mise en oeuvre de connaissances spécifiques ou l'exécution de travaux spécifiques ou impliquant l'assujettissement à des obligations particulières. Chef de bureau ou assimilé. Adjoint à un chef de bureau ou assimilé. Chef de section ou assimilé. Adjoint à un chef de section ou assimilé. Adjoint à un chef de service ou de département. Chef de groupe. Adjoint à un chef de groupe. Agent spécialisé dans des tâches nécessitant des connaissances particulières dans le domaine de la gestion du personnel ou des ressources humaines. Conseiller ou responsable formation ". Enfin, l'arrêté du 16 mai 2007 fixant la liste des emplois ouvrant droit au bénéfice de la NBI au ministère de la défense précise qu'au sein du service dans lequel Mme X... est affectée, la NBI est attribuée aux postes de chef de section, de " responsable des réserves et du recrutement des officiers des corps de l'armement " et de " responsable du recrutement des contractuels et fonctionnaires ".
5. Selon les dispositions précitées, le bénéfice de la NBI est lié non au corps d'appartenance ou aux grades des fonctionnaires, mais aux emplois qu'ils occupent, compte tenu de la nature des fonctions attachées à ces emplois. En l'espèce, il résulte de l'instruction et notamment des comptes rendus d'évaluation produits par Mme X... au titre des années 2010 à 2014, que l'intéressée a exercé des fonctions stratégiques dans un contexte marqué par la réorganisation de la direction générale de l'armement (DGA) et par l'optimisation de la fonction " ressources humaines ", laquelle passe notamment, par le recrutement de stagiaires et de vacataires et par l'aide à la reconversion des fonctionnaires en place. A ce titre, elle s'est vu confier le recrutement des stagiaires de la DGA et le pilotage des stages proposés en assurant le " reporting ", budgétaire notamment. Durant cette période, elle a également assuré le traitement des aspects administratifs du recrutement des vacataires. Parallèlement, elle a été en charge de la reconversion des militaires, en les accompagnant et en les conseillant, notamment, par la mise en relation avec l'agence de la reconversion de la défense. Dans ce cadre, elle a assuré le suivi des bilans de compétence proposés aux militaires en reconversion. Elle a d'ailleurs à ce titre rédigé des questionnaires de " satisfaction " afin d'améliorer la prestation fournie aux agents. Elle a, enfin, participé tant à la rédaction qu'à l'attribution des marchés publics correspondants. Il apparaît donc au vu de ces éléments que les fonctions confiées à Mme X... comportaient des responsabilités et exigeaient une technicité particulière. Cela ressort, d'ailleurs, du descriptif de poste tel que repris dans les comptes rendus d'évaluation, lequel exige de l'agent qu'il ait des connaissances en ressources humaines, en marchés publics, en matière budgétaire et financière, et qu'il soit doté d'une capacité d'expertise auprès du commandement. Ce qui était le cas de Mme X.... Or, en défense, alors même que la preuve lui incombait, le ministre, qui ne produit aucune pièce, s'est borné à soutenir que le poste de l'intéressée avait été reconfiguré au cours des années en litige jusqu'à être vidé de sa substance, ce qui est contredit par les pièces produites au dossier. Par suite, en ne faisant pas figurer sur la liste des postes éligibles fixée par l'arrêté précité du 16 mai 2007, celui de Mme X..., alors qu'il comportait des responsabilités et une technicité particulière au sens des décret et arrêté précités du 14 mai 2007, le ministre de la défense a commis une erreur manifeste d'appréciation. Par conséquent, la décision contestée, qui a été prise sur le fondement de l'arrêté du 16 mai 2007, est elle-même illégale. Le ministre de la défense a donc commis une faute de nature à engager sa responsabilité.
S'agissant des conséquences indemnitaires :
6. Le préjudice financier subi par Mme X... correspond au montant de la NBI, calculé sur le fondement de 15 points d'indice, qu'aurait dû percevoir l'intéressée entre le
1er janvier 2010 et le 9 juin 2017, date à laquelle elle a quitté ses fonctions. Toutefois, l'état de l'instruction ne permettant pas de déterminer le montant mensuel de NBI auquel Mme X... avait droit durant cette période, il y a lieu de renvoyer la requérante devant le ministre des armées pour qu'il soit procédé à la liquidation du principal de cette indemnité. Le principal de cette indemnité sera assorti des intérêts moratoires à compter de la réception de la demande préalable par le ministre de la défense, soit le 2 avril 2015. Ces intérêts ouvrent droit à la capitalisation à compter de la date à laquelle ils auront été dus pour au moins une année entière, soit le 2 avril 2016.
7. Il résulte de tout ce qui précède que Mme X... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif a rejeté sa demande tendant à ce que la responsabilité fautive du ministre de la défense soit engagée pour avoir refusé de faire droit à sa demande tendant à l'octroi de la nouvelle bonification indiciaire
Sur les frais de justice :
8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Paris n° 1509202/5-1 du 15 juillet 2016 est annulé en tant qu'il n'a pas retenu la responsabilité fautive du ministre de la défense pour avoir refusé de faire droit à la demande de Mme X... tendant à l'octroi de la nouvelle bonification indiciaire.
Article 2 : Mme X... est renvoyé devant le ministre des armées pour qu'il soit procédé, en application de l'article 1er ci-dessus, à la liquidation du principal de l'indemnité due et des intérêts de droit eux-mêmes capitalisés calculés sur cette indemnité conformément aux motifs du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à Mme X... une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme X... est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...X... et à la ministre des armées.
Délibéré après l'audience du 5 novembre 2018, à laquelle siégeaient :
- M. Even, président,
- Mme Hamon, président assesseur,
- Mme d'Argenlieu, premier conseiller.
Lu en audience publique le 19 novembre 2018.
Le rapporteur,
L. d'ARGENLIEU
Le président,
B. EVEN
Le greffier,
I. BEDR
La République mande et ordonne à la ministre des armées, en ce qui la concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 16PA02932