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29/11/2016 | FRANCE | N°16PA02340

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 29 novembre 2016, 16PA02340


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Madame E...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 24 février 2016 par lequel le Préfet de police de Paris a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai d'un mois et a fixé son pays de destination.

Par un jugement n° 1604234/5-2 du 16 juin 2016, le Tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté attaqué, enjoint au préfet de police de délivrer à Mme B...un titre de séjour portant la mention " vie pri

vée et familiale ", dans les trois mois suivant la notification du jugement et condamné l'...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Madame E...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 24 février 2016 par lequel le Préfet de police de Paris a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai d'un mois et a fixé son pays de destination.

Par un jugement n° 1604234/5-2 du 16 juin 2016, le Tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté attaqué, enjoint au préfet de police de délivrer à Mme B...un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", dans les trois mois suivant la notification du jugement et condamné l'Etat à verser à Mme B...la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 20 juillet et 31 octobre 2016, le préfet de police demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1604234/5-2 du Tribunal administratif de Paris du 16 juin 2016 ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme B...devant le Tribunal administratif de Paris ;

Il soutient que Mme B...ne satisfait pas aux conditions énoncées par l'article L. 121-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour être admise au séjour en France.

Par un mémoire en défense et un mémoire complémentaire, enregistrés les 1er septembre et 7 novembre 2016, MmeB..., représentée par MeA..., demande à la Cour, d'une part, de rejeter la requête du préfet de police et de confirmer le jugement attaqué, d'autre part, à ce qu'il soit enjoint au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard et, enfin, à ce que soit mise à la charge de l'État la somme de 1 440 euros en application de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'arrêté est entaché d'un vice de procédure dès lors qu'il a méconnu son droit préalable à être entendue ;

- il est insuffisamment motivé ;

- la signature de l'auteur de l'acte est illisible ;

- le préfet n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation ;

- le préfet de police a méconnu les dispositions des articles L. 121-1 et L. 121-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le préfet de police a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il a commis une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences de ses décisions sur sa situation personnelle.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la directive n° 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 relative au droit des citoyens de l'Union et des membres de leur famille de circuler et de séjourner librement sur le territoire des Etats membres ;

- la loi n° 99-944 du 15 novembre 1999 relative au pacte civil de solidarité ;

- le décret n° 2006-1806 du 23 décembre 2006 relatif à la déclaration, la modification, la dissolution et la publicité du pacte civil de solidarité ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme d'Argenlieu ;

- et les conclusions de Mme Oriol, rapporteur public.

Un mémoire, présenté pour MmeB..., a été enregistré le 9 novembre 2016.

1. Considérant que MmeB..., de nationalité brésilienne, est née le 7 juin 1975 ; qu'elle a sollicité la délivrance d'un titre de séjour en qualité de membre de la famille d'un ressortissant de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse, sur le fondement de l'article L. 121-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par l'arrêté contesté en date du 24 février 2016, le préfet de police lui a refusé la délivrance de ce titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai d'un mois et a fixé son pays de destination ; que le préfet de police relève appel du jugement du

16 juin 2016 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé cet arrêté ;

Sur les conclusions du préfet de police :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 2 de la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 susvisée : " Aux fins de la présente directive, on entend par : (...) 2) " membre de la famille " : a) le conjoint ; b) le partenaire avec lequel le citoyen de l'Union a contracté un partenariat enregistré, sur la base de la législation d'un Etat membre, si, conformément à la législation de l'Etat membre d'accueil, les partenariats enregistrés sont équivalents au mariage, et dans le respect des conditions prévues par la législation pertinente de l'Etat membre d'accueil (... ) " ; qu'aux termes de l'article 3 de la même directive : " La présente directive s'applique à tout citoyen de l'Union qui se rend ou séjourne dans un Etat membre autre que celui dont il a la nationalité, ainsi qu'aux membres de sa famille, tels que définis à l'article 2, point 2), qui l'accompagnent ou le rejoignent (...) L'Etat membre d'accueil entreprend un examen approfondi de la situation personnelle et motive tout refus d'entrée et de séjour visant ces personnes " ; qu'aux termes de l'article 7 de cette directive : " Droit de séjour de plus de trois mois 1. Tout citoyen de l'Union a le droit de séjourner sur le territoire d'un autre État membre pour une durée de plus de trois mois : a) s'il est un travailleur salarié ou non salarié dans l'État membre d'accueil, ou b) s'il dispose, pour lui et pour les membres de sa famille, de ressources suffisantes afin de ne pas devenir une charge pour le système d'assistance sociale de l'État membre d'accueil au cours de son séjour, et d'une assurance maladie complète dans l'État membre d'accueil (...) /2. Le droit de séjour prévu au paragraphe 1 s'étend aux membres de la famille n'ayant pas la nationalité d'un État membre lorsqu'ils accompagnent ou rejoignent dans l'État membre d'accueil le citoyen de l'Union, pour autant que ce dernier satisfasse aux conditions énoncées au paragraphe 1, points a), b) ou c) (....) " ;

3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile , dans sa rédaction issue de la loi du 24 juillet 2006 : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, tout citoyen de l'Union européenne, tout ressortissant d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse a le droit de séjourner en France pour une durée supérieure à trois mois s'il satisfait à l'une des conditions suivantes : 1° S'il exerce une activité professionnelle en France ; 2° S'il dispose pour lui et pour les membres de sa famille tels que visés au 4° de ressources suffisantes afin de ne pas devenir une charge pour le système d'assistance sociale, ainsi que d'une assurance maladie ; (...) 4° S'il est un descendant direct âgé de moins de vingt et un ans ou à charge, ascendant direct à charge, conjoint, ascendant ou descendant direct à charge du conjoint, accompagnant ou rejoignant un ressortissant qui satisfait aux conditions énoncées aux 1° ou 2 (... )" ; qu'aux termes de l'article L. 121-3 du même code : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, le membre de famille visé aux 4° et 5° de l'article L.121-1 selon la situation de la personne qu'il accompagne ou rejoint, ressortissant d'un Etat tiers, a le droit de séjourner sur l'ensemble du territoire français pour une durée supérieure à trois mois (...) " ;

4. Considérant qu'il appartient au juge national saisi d'un litige d'interpréter le droit national conformément au droit de l'Union européenne, et notamment aux objectifs poursuivis par les directives, en particulier lorsque le délai de transposition est dépassé ; qu'en l'espèce, aucune des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile applicables aux ressortissants de l'Union européenne et aux membres de leurs familles, ainsi qu'à tout ressortissant d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse ne régit explicitement la situation des partenaires liés par un pacte civil de solidarité ; que, toutefois, eu égard à ses effets analogues dans la plupart des situations sociales juridiquement protégées, le pacte civil de solidarité, régi notamment par les dispositions des articles 515-1 et suivants du code civil, doit être regardé comme constituant un partenariat enregistré équivalent au mariage, au sens du point b) du paragraphe 2 de l'article 2 de la directive du 29 avril 2004 ; qu'il suit de là que le partenaire d'un pacte civil de solidarité régulièrement enregistré, ressortissant de pays tiers, doit être regardé comme assimilable au conjoint d'un ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse, au sens des dispositions combinées de l'article L. 121-3 et du 4° de l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et non comme un concubin ;

5. Considérant que MmeB..., de nationalité brésilienne, a conclu avec M. C...D..., ressortissant suisse, un pacte civil de solidarité, qui a été enregistré le 4 février 2015 par le greffe du Tribunal d'instance du 11ème arrondissement de Paris ; que, dès lors, ainsi qu'il a été dit au point 4, la requérante remplissait les conditions précitées de l'article 2 b) de la directive du 29 avril 2004 pour se voir reconnaître la qualité de membre de famille d'un citoyen de la Confédération suisse ; que, par suite, en refusant de délivrer un titre de séjour à l'intéressée comme membre de famille de M.D..., en raison du fait qu'elle était simplement pacsé à lui et non marié, le préfet de police a commis une erreur de droit ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le préfet de police n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté susvisé du 26 février 2016 et lui a enjoint de délivrer à l'intéressée un titre de séjour ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte de MmeB... :

7. Considérant qu'aux termes du troisième alinéa de l'article R. 121-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (Les membres de famille ressortissants d'un Etat tiers mentionnés à l'article L. 121-3), reçoivent un titre de séjour portant la mention " carte de séjour de membre de famille d'un citoyen de l'Union " de même durée que celui auquel le ressortissant mentionné à l'article L. 121-1 qu'ils accompagnent ou rejoignent peut prétendre, dans la limite de cinq années. (...) " ;

8. Considérant qu'en enjoignant au préfet de police de délivrer à Mme B...un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", alors que leur jugement d'annulation impliquait uniquement la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article R. 121-14 précité du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; les premiers juges ont méconnu cet article ; que, par suite, le préfet de police est fondé à demander l'annulation de l'article 2 du jugement du Tribunal administratif de Paris du 16 juin 2016 dont il relève appel ; qu'il y a, dès lors, lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par Mme B...devant ce Tribunal en vue du prononcé d'une injonction de délivrance d'un titre de séjour portant la mention " carte de séjour membre de famille d'un ressortissant de l'Union européenne " ;

9. Considérant qu'eu égard au motif retenu pour annuler l'arrêté préfectoral du 24 février 2016, et en l'absence d'éléments de fait ou de droit nouveaux, le présent arrêt implique que le préfet de police délivre à Mme B...un titre de séjour portant la mention " carte de séjour de membre de famille d'un citoyen de l'Union européenne " ; qu'il y a lieu, par suite, d'enjoindre à l'administration de délivrer ce titre dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt ; que, toutefois, dans les circonstance d'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par Mme B...et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : L'article 2 du jugement du Tribunal administratif de Paris du 16 juin 2016 est annulé.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête du préfet de police est rejeté.

Article 3 : Il est enjoint au préfet de police de délivrer à Mme B...un titre de séjour portant la mention "carte de séjour de membre de famille d'un citoyen de l'Union européenne ", dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera la somme de 1 500 euros à Mme B...en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E...et au ministère de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de police de Paris.

Délibéré après l'audience du 15 novembre 2016, à laquelle siégeaient :

- M. Even, président de chambre,

- M. Privesse, premier conseiller,

- Mme d'Argenlieu, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 29 novembre 2016.

Le rapporteur,

L. d'ARGENLIEULe président,

B. EVEN Le greffier,

S. GASPAR

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 16PA02340


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 16PA02340
Date de la décision : 29/11/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. EVEN
Rapporteur ?: Mme Lorraine D'ARGENLIEU
Rapporteur public ?: Mme ORIOL
Avocat(s) : DAVID

Origine de la décision
Date de l'import : 13/03/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2016-11-29;16pa02340 ?
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