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03/07/2017 | FRANCE | N°16PA02125

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 5ème chambre, 03 juillet 2017, 16PA02125


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société SimCorp A/S et la société SimCorp France ont demandé au Tribunal administratif de Montreuil de prononcer la restitution de la retenue à la source restant à leur charge au titre des années 2009, 2010 et 2011.

Par une ordonnance du 7 janvier 2015, le vice-président du Tribunal administratif de Montreuil a transmis la demande de la société SimCorp A/S et de la société SimCorp France au Tribunal administratif de Paris.

Par un jugement n° 1500214 du 4 mai 2016, le Tribunal admini

stratif de Paris a rejeté leur demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, e...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société SimCorp A/S et la société SimCorp France ont demandé au Tribunal administratif de Montreuil de prononcer la restitution de la retenue à la source restant à leur charge au titre des années 2009, 2010 et 2011.

Par une ordonnance du 7 janvier 2015, le vice-président du Tribunal administratif de Montreuil a transmis la demande de la société SimCorp A/S et de la société SimCorp France au Tribunal administratif de Paris.

Par un jugement n° 1500214 du 4 mai 2016, le Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 1er juillet 2016, et un mémoire en réplique, enregistré le 7 décembre 2016, la société SimCorp A/S et la société SimCorp France, représentées par Me B... et MeA..., demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1500214 du 4 mai 2016 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de prononcer la restitution de la retenue à la source restant à leur charge au titre des années 2009, 2010 et 2011 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La société SimCorp A/S et la société SimCorp France soutiennent que :

- les réclamations déposées au titre des années 2009 et 2010 sont recevables, compte tenu de la survenance d'un événement au sens de l'article R. 196-1 du livre des procédures fiscales et du bulletin officiel des impôts CTX-PREA-10-30 n° 60 du 3 juin 2013 ; le contrôle fiscal diligenté par les autorités fiscales danoises au cours du premier semestre 2013 constitue un événement de nature à remettre en cause l'assiette et le calcul des retenues à la source versées au titre des années 2009 à 2011 et à ouvrir droit à la restitution de l'intégralité de la retenue à la source qui a été irrégulièrement calculée au regard de la doctrine ; les modalités d'imputation de la retenue à la source ont une influence sur le droit à restitution ;

- elles sont fondées à invoquer l'instruction référencée 14-B-2-10 du 29 juillet 2010 reprise au bulletin officiel des impôts INT-CVB-DNK du 12 septembre 2012, sur le fondement du second alinéa de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales ; il ne peut leur être reproché d'avoir spontanément acquitté la retenue à la source sans avoir fait application de la doctrine, dès lors que celle-ci prévoit un paiement avant une réclamation ouvrant droit à remboursement ;

- les coûts indirects compris dans le calcul du résultat net issu des opérations réalisées entre elles sont liés à la recherche et au développement, aux activités de marketing, aux services supports et loyers liés aux centres de données ; selon l'administration danoise, les charges afférentes à ces services doivent être prises en compte afin de déterminer le résultat net servant de base au calcul de la retenue à la source à appliquer s'agissant de la France ou du crédit d'impôt à imputer s'agissant du Danemark ; il est ainsi nécessaire pour déterminer l'impôt théorique qui aurait été dû par la société danoise si elle avait été résidente de France de prendre en compte l'ensemble des coûts directs et indirects qui doivent être rattachés à la prestation concernée ; elles apportent ainsi la preuve du revenu net et de l'absence d'impôt théorique français et d'imputation d'un crédit d'impôt correspondant au Danemark ; la doctrine n'impose pas la comptabilisation des charges selon les normes françaises pour déterminer le montant théorique de l'impôt qu'aurait acquitté la société danoise si elle avait été résidente de France ; le bénéfice de la doctrine n'est pas subordonné à une imposition effective au Danemark mais à la nécessité de replacer le contribuable danois dans la situation qui aurait été la sienne s'il avait été résident français.

Par un mémoire en défense, enregistré le 3 novembre 2016, le ministre de l'économie et des finances conclut au rejet de la requête.

Le ministre soutient que :

- la réclamation était tardive en ce qui concerne les années 2009 et 2010 ;

- les moyens invoqués par les requérantes ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Platillero ;

- les conclusions de M. Lemaire, rapporteur public ;

- et les observations de MeA..., pour la société SimCorp A/S et la société SimCorp France.

Une note en délibéré, enregistrée le 19 juin 2017, a été présentée par Me A... pour la société SimCorp A/S et la société SimCorp France.

1. Considérant que la société SimCorp France s'est acquittée de la retenue à la source prévue à l'article 182 B du code général des impôts au titre des années 2009, 2010 et 2011, à raison des sommes qu'elle avait versées en rémunération de prestations rendues par la société danoise SimCorp A/S, dépourvue d'installation professionnelle permanente en France ; que ces deux sociétés ont demandé, par des réclamations du 30 septembre 2011 et du 6 décembre 2011, le remboursement partiel des retenues à la source ainsi versées, sur le fondement de l'instruction administrative référencée 14-B-2-10 du 29 juillet 2010 ; que, par des décisions du 14 février et du 25 septembre 2012, l'administration a fait droit à leur demande ; qu'estimant qu'un contrôle fiscal de la société SimCorp A/S diligenté par les autorités danoises révélait qu'aucune retenue à la source n'était en réalité due, les deux sociétés ont présenté une nouvelle réclamation le 26 décembre 2013, demandant le remboursement des sommes restant à leur charge ; que, par une décision du 22 octobre 2014, le service a partiellement fait droit à la demande en ce qui concerne l'année 2011 au titre d'une période qui n'était pas visée par les premières réclamations, et rejeté le surplus de la demande, motivé par le contrôle fiscal réalisé au Danemark ; que la société SimCorp A/S, en tant que bénéficiaire des revenus, et la société SimCorp France, en tant qu'établissement payeur, font appel du jugement du 4 mai 2016 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande tendant à la restitution de la retenue à la source restant à leur charge au titre des années 2009, 2010 et 2011 ;

Sur le bien-fondé des impositions :

En ce qui concerne l'application de la loi :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 182 B du code général des impôts : " I. Donnent lieu à l'application d'une retenue à la source lorsqu'ils sont payés par un débiteur qui exerce une activité en France à des personnes ou des sociétés, relevant de l'impôt sur le revenu ou de l'impôt sur les sociétés, qui n'ont pas dans ce pays d'installation professionnelle permanente : (...) c. Les sommes payées en rémunération des prestations de toute nature fournies ou utilisées en France (...) II. Le taux de la retenue est fixé à 33 1/3 % (...) " ;

3. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société danoise SimCorp A/S, dont il est constant qu'elle n'a pas d'installation professionnelle permanente en France et qu'elle relève de l'impôt sur les sociétés, a fourni des prestations de services à la société SimCorp France au titre des années 2009, 2010 et 2011 ; que c'est ainsi à bon droit que les sommes payées en rémunération de ces prestations ont été soumises à la retenue à la source en application des dispositions précitées de l'article 182 B du code général des impôts ;

En ce qui concerne l'interprétation administrative de la loi fiscale :

4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales : " (...) Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente. Sont également opposables à l'administration, dans les mêmes conditions, les instructions ou circulaires publiées relatives au recouvrement de l'impôt et aux pénalités fiscales (...) " ;

5. Considérant que la société SimCorp et la société SimCorp France soutiennent qu'elles sont fondées à invoquer, sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, l'instruction référencée 14-B-2-10 du 29 juillet 2010, applicable au litige et dont les énonciations ont ultérieurement été reprises au bulletin officiel des impôts INT-CVB-DNK du 12 septembre 2012 ; qu'aux termes du paragraphe 11 de l'instruction précitée : " (...) lorsqu'elles sont payées par un débiteur qui exerce une activité en France à des personnes ou des sociétés ne disposant pas en France d'installation professionnelle permanente, les sommes visées aux articles 182 A bis et 182 B sont soumises sans restriction à la retenue à la source prévue par ces articles, sous réserve des précisions apportées au point 20 ci-dessous " ; qu'aux termes du paragraphe 20 de cette instruction : " Enfin, il est précisé que lorsqu'un contribuable résident du Danemark est imposé au titre des dispositions de l'article 182 B et apporte la preuve : - que la mise en oeuvre des dispositions prévues à cet effet par la législation danoise ne lui a pas permis d'imputer l'intégralité de l'imposition subie en France sur l'impôt dû au Danemark, et - qu'il a subi en France une imposition plus lourde que celle à laquelle il aurait été soumis s'il avait été résident de France et soumis à ce titre à une obligation fiscale illimitée, (y compris, le cas échéant, les contributions et prélèvements sociaux), il peut demander par voie contentieuse le reversement de la fraction de l'impôt payé en France qui excède celui auquel il aurait été soumis s'il avait été résident de France. Ce remboursement est limité à la fraction non imputée sur l'impôt dû au Danemark " ; qu'aux termes du paragraphe 21 de la même instruction : " Pour déterminer le montant de l'éventuel reversement prévu au paragraphe précédent, il convient de déterminer le montant théorique de l'impôt qu'aurait acquitté un résident de France sur les revenus de source française concernés. Dans l'hypothèse où ces revenus auraient été imposés par application d'un barème progressif, l'impôt théorique sera constitué par le produit du montant des revenus nets considérés par le taux résultant du rapport entre l'impôt qui aurait été dû à raison du revenu net global imposable selon la législation française et le montant de ce revenu net global " ;

6. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la retenue à la source prévue à l'article 182 B du code général des impôts a été acquittée par la société SimCorp France sur les sommes payées à la société SimCorp A/S, qui ne disposait pas d'installation professionnelle permanente en France ; que, compte tenu de l'objet de l'instruction référencée 14-B-2-10 du 29 juillet 2010, et dès lors qu'elles étaient dans l'impossibilité de faire application de l'interprétation administrative de la loi fiscale au moment du paiement des retenues à la source, les sociétés requérantes en ont demandé la restitution partielle par leurs réclamations du 30 septembre 2011 et du 6 décembre 2011, qui leur a été accordée par l'administration les 14 février et 25 septembre 2012 et le 22 octobre 2014, au seul titre de la période de l'année 2011 qui n'était pas visée par les premières réclamations ;

7. Considérant, en revanche, que, si, dans leur réclamation du 26 décembre 2013, la société SimCorp A/S et la société SimCorp France ont demandé le remboursement des retenues à la source restant en litige en se prévalant de l'instruction référencée 14-B-2-10 du 29 juillet 2010, cette réclamation était fondée sur la prise en compte des conséquences qui devaient être tirées d'un contrôle fiscal de la société SimCorp A/S par les autorités danoises, qui ont estimé que les rémunérations versées par la société SimCorp France à la société SimCorp A/S n'étaient pas imposables au Danemark, dès lors que les charges nécessaires à la réalisation des prestations par la société danoise étaient supérieures au montant des sommes versées par la société française, après intégration des coûts indirects inhérents à ces charges ; que, selon les sociétés requérantes, ce contrôle démontrerait ainsi, d'une part, que la société SimCorp A/S n'aurait supporté aucun impôt en France au titre des rémunérations versées par la société SimCorp France, compte tenu du montant des charges déductibles, si elle avait été résidente fiscale française et, d'autre part, qu'en l'absence d'imposition établie au Danemark, le montant des retenues à la source effectivement versées ne pouvait être imputé sur l'imposition établie dans ce pays ;

8. Considérant, toutefois, que l'instruction référencée 14-B-2-10 du 29 juillet 2010, dans ses paragraphes 11, 20 et suivants, ne permet que la restitution, le cas échéant, de la retenue à la source qui a été pratiquée sur les sommes effectivement payées par la société SimCorp France, débiteur qui exerce une activité en France, à raison des rémunérations allouées à la société SimCorp A/S, qui ne dispose pas en France d'une installation professionnelle permanente ; que, par ailleurs, il résulte des énonciations mêmes de l'instruction référencée 14-B-2-10 du 29 juillet 2010 que celles-ci ne sont applicables que lorsque le contribuable résident du Danemark, dépourvu d'installation professionnelle permanente en France, a fait l'objet d'une imposition au Danemark, sur laquelle ne peut être imputée la totalité de l'imposition supportée en France à raison des sommes versées à la société danoise ; qu'il ressort des propres écritures des sociétés requérantes, que la société SimCorp A/S n'a, en l'espèce, fait l'objet d'aucune imposition au Danemark au titre des années en litige, le montant des charges déductibles afférentes aux prestations rendues au profit de la société SimCorp France ayant rendu négatif le revenu net correspondant aux rémunérations versées en contrepartie par la société française ; qu'ainsi, la réclamation du 26 décembre 2013 présentée par la société SimCorp A/S et la société SimCorp France n'entre pas dans les prévisions de l'instruction référencée 14-B-2-10 du 29 juillet 2010 ; que la société SimCorp A/S et la société SimCorp France ne sont dès lors pas fondées à se prévaloir de cette instruction, sur le fondement des dispositions précitées du second alinéa de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, pour demander la restitution de la retenue à la source restant en litige ;

9. Considérant, à cet égard, que les sociétés requérantes ne peuvent utilement se prévaloir de la survenance d'un événement, constitué du contrôle fiscal diligenté au Danemark, au sens des dispositions du c) de l'article R. 196-1 du livre des procédures fiscales, un tel événement ne pouvant être invoqué qu'en ce qui concerne le délai de réclamation et étant sans effet sur le champ d'application de la garantie prévue par l'article L. 80 A du même livre ;

10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée par le ministre, que la société SimCorp et la société SimCorp France ne sont pas fondées à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation " ;

12. Considérant que les dispositions précitées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la société SimCorp et la société SimCorp France demandent au titre des frais qu'elles ont exposés ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société SimCorp A/S et de la société SimCorp France est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société SimCorp A/S, à la société SimCorp France et au ministre de l'action et des comptes publics. Copie en sera adressée au directeur des résidents à l'étranger et des services généraux.

Délibéré après l'audience du 15 juin 2017, à laquelle siégeaient :

- Mme Coiffet, président,

- M. Platillero, premier conseiller,

- Mme Larsonnier, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 3 juillet 2017.

Le rapporteur,

F. PLATILLEROLe président,

V. COIFFETLe greffier,

N. ADOUANE

La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 16PA02125


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 16PA02125
Date de la décision : 03/07/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-01-02-06-01 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Règles générales. Impôt sur le revenu. Cotisations d`IR mises à la charge de personnes morales ou de tiers. Retenues à la source.


Composition du Tribunal
Président : Mme COIFFET
Rapporteur ?: M. Fabien PLATILLERO
Rapporteur public ?: M. LEMAIRE
Avocat(s) : CABINET FIDAL DIRECTION INTERNATIONALE

Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2017-07-03;16pa02125 ?
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