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30/12/2016 | FRANCE | N°16PA01885

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 5ème chambre, 30 décembre 2016, 16PA01885


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D...C...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 20 mai 2015 par lequel le préfet de police a rejeté sa demande de regroupement familial présentée au profit de son épouse et de deux de leurs enfants.

Par un jugement n° 1510067 du 29 mars 2016, le Tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du préfet de police du 20 mai 2015, lui a enjoint de délivrer une autorisation de regroupement familial au profit de l'épouse et des deux enfants de M. C...visés dans sa d

emande et a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au titre de l'article ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D...C...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 20 mai 2015 par lequel le préfet de police a rejeté sa demande de regroupement familial présentée au profit de son épouse et de deux de leurs enfants.

Par un jugement n° 1510067 du 29 mars 2016, le Tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du préfet de police du 20 mai 2015, lui a enjoint de délivrer une autorisation de regroupement familial au profit de l'épouse et des deux enfants de M. C...visés dans sa demande et a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 9 juin 2016, le préfet de police demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1510067 du 29 mars 2016 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. C...devant le Tribunal administratif de Paris.

Le préfet de police soutient que :

- il n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté manque en fait ;

- l'arrêté est suffisamment motivé ;

- les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale sur les droits de l'enfant n'ont pas été méconnues.

Par un mémoire en défense, enregistré le 1er septembre 2016, M.C..., représenté par MeB..., conclut au rejet de la requête, à ce qu'il soit enjoint au préfet de police de faire droit à sa demande de regroupement familial dans un délai de quinze jours sous astreinte de 150 euros par jour de retard ou, à défaut, de réexaminer sa demande et à la mise à la charge de l'Etat de la somme de 1 500 euros, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

M. C...soutient que :

- les moyens invoqués par le préfet de police ne sont pas fondés ;

- ses moyens de première instance restent fondés ;

- le préfet de police a méconnu l'article 4 de l'accord franco-algérien.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention de New-York relative aux droits de l'enfant ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 modifiée ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Platillero,

- et les observations de MeF..., pour M.C....

1. Considérant que M.C..., de nationalité algérienne, a sollicité le bénéfice du regroupement familial au profit de son épouse et de leurs deux enfants résidant en Algérie ; que, par un arrêté du 20 mai 2015, le préfet de police a refusé de faire droit à sa demande, au motif que M. C... ne remplissait pas les conditions prévues à l'article 4 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, compte tenu du montant de ses ressources ; que le préfet de police fait appel du jugement du 29 mars 2016 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 20 mai 2015, lui a enjoint de délivrer une autorisation de regroupement familial au profit de l'épouse et des deux enfants de M. C...dans le délai de trois mois et a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Sur le motif d'annulation retenu par le tribunal :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;

3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. C...est entré pour la première fois en France en 2003 et a été admis au séjour en 2004 en vue d'accompagner son fils né en 1992 en Algérie, Mohamed Ali, pour permettre à ce dernier, qui est hémiplégique et allergique au gluten, de bénéficier des soins requis par son état de santé ; qu'il a été par la suite mis en possession de titres de séjour régulièrement renouvelés et a ainsi vécu séparé de son épouse et de ses enfants Lakhdar Ibrahim, né en 1997, et Rayan Nour Essalamn, né en 2007, au bénéfice desquels il n'a demandé le regroupement familial qu'en 2014 ; que les pièces médicales produites par M. C...n'établissent pas que l'état de santé et le handicap de son fils majeur nécessitaient, à la date de l'arrêté en litige, la présence continue d'une tierce personne, telle que l'un de ses parents, pour l'assister dans les actes de la vie quotidienne, notamment l'attestation médicale établie en 2003, qui ne permet pas d'apprécier la situation de l'intéressé à la date de l'arrêté contesté, le certificat médical établi le 28 novembre 2014, qui se borne à indiquer que le fils de M. C...est suivi pour une maladie coeliaque, qu'il doit suivre un régime sans gluten et avoir un suivi médical régulier, et ceux postérieurs à l'arrêté contesté, qui se bornent, sans autre précision, à indiquer que l'état de santé du fils de M. C...nécessite l'aide permanente d'une tierce personne et de son père ; que, si le fils du requérant a été reconnu travailleur handicapé en 2011, il ressort des pièces du dossier qu'il travaille dans un établissement d'aide par le travail et peut voyager en Algérie ; qu'il ne ressort, par ailleurs, pas des pièces du dossier que l'insuffisance des ressources dont se prévaut M. C...serait justifiée par la nécessité pour lui d'occuper un emploi à temps partiel en raison de l'état de santé et du handicap de son fils, le requérant ayant au demeurant occupé un autre emploi en vue de compléter ses ressources à la suite de la notification de l'arrêté contesté ; que, compte tenu de ce qui précède, M.C..., qui ne justifie d'ailleurs pas subvenir aux besoins de son épouse et de ses enfants restés en Algérie, n'établit pas l'existence de circonstances qui feraient obstacle à ce qu'il les y rejoigne ; que, dans ces conditions, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, en rejetant, en raison de l'insuffisance des ressources du demandeur, la demande de regroupement familial formée par M.C..., le préfet de police n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels l'arrêté contesté a été pris ; que le préfet de police n'a, dès lors, pas méconnu les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que c'est à tort que les premiers juges se sont fondés, pour annuler l'arrêté du 20 mai 2015 du préfet de police, sur le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

5. Considérant, toutefois, qu'il y a lieu pour la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés en première instance et devant la Cour par M. C... ;

Sur les autres moyens invoqués par M. C...:

6. Considérant, en premier lieu, que, par un arrêté du 16 février 2015, régulièrement publié au bulletin municipal officiel de la ville de Paris du 24 février 2015, le préfet de police a donné délégation à M. E...A..., en vue de signer les arrêtés relevant de ses attributions ; que le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté contesté manque ainsi en fait ;

7. Considérant, en deuxième lieu, que l'arrêté du préfet de police du 20 mai 2015 comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement ; que le moyen tiré du défaut de motivation de cet arrêté doit ainsi être écarté ; que, par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de police n'aurait pas examiné la situation de M.C..., au regard notamment de la situation de son fils majeur et de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

8. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 4 de l'accord franco-algérien susvisé : " Le regroupement familial ne peut être refusé que pour l'un des motifs suivants : 1. Le demandeur ne justifie pas de ressources stables et suffisantes pour subvenir aux besoins de sa famille. Sont pris en compte toutes les ressources du demandeur et de son conjoint indépendamment des prestations familiales. L'insuffisance des ressources ne peut motiver un refus si celles-ci sont égales ou supérieures au salaire minimum interprofessionnel de croissance (...) " ;

9. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que les ressources de M.C..., hors prestations sociales, sur la période de douze mois précédant sa demande de regroupement familial et à la date de l'arrêté contesté, à laquelle sa légalité doit être appréciée, étaient inférieures au salaire minimum interprofessionnel de croissance ; que M. C...n'est ainsi pas fondé à soutenir que le préfet de police aurait méconnu les stipulations précitées de l'article 4 de l'accord franco-algérien en rejetant sa demande de regroupement familial ; qu'à cet égard, M. C...ne peut utilement soutenir que son logement était d'une taille suffisante pour lui permettre d'accueillir son épouse et ses deux enfants restés en Algérie ;

10. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien susvisé : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) " ; que M. C... ne peut utilement se prévaloir de ces stipulations, dès lors que le litige n'entre pas dans leur champ d'application ;

11. Considérant, en cinquième lieu, que, pour les mêmes motifs que ceux mentionnés au point 3, le moyen tiré de ce que le préfet de police aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de son arrêté sur la situation personnelle du requérant doit être écarté ;

12. Considérant, enfin, qu'aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention de New-York relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privé es de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale " ; qu'il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ;

13. Considérant que l'arrêté en litige n'a ni pour objet ni pour effet de séparer M. C...de ses enfants mineurs ni de faire obstacle à ce que celui-ci rejoigne son épouse et leurs enfants en Algérie, pays où ils ont toujours vécu sans la présence continue de leur père depuis 2003 ; que, dans ces conditions, cet arrêté n'a pas porté à l'intérêt supérieur des enfants mineurs de M. C...une atteinte contraire aux stipulations précitées du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

14. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 20 mai 2015, lui a enjoint de délivrer une autorisation de regroupement familial au profit de l'épouse et de deux des enfants de M. C...et a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Sur les conclusions de M. C...à fin d'injonction sous astreinte :

15. Considérant que le présent arrêt n'appelle aucune mesure d'exécution au profit de M. C... ; que ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte doivent dès lors être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

16. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation " ;

17. Considérant que les dispositions précitées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. C...demande au titre des frais qu'il a exposés ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1510067 du 29 mars 2016 du Tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. C...devant le Tribunal administratif de Paris et ses conclusions d'appel sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. D...C....

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 8 décembre 2016, à laquelle siégeaient :

- Mme Coiffet, président,

- M. Platillero, premier conseiller,

- Mme Larsonnier, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 30 décembre 2016.

Le rapporteur,

F. PLATILLEROLe président,

V. COIFFET

Le greffier,

S. JUSTINELa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 16PA01885


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 16PA01885
Date de la décision : 30/12/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : Mme COIFFET
Rapporteur ?: M. Fabien PLATILLERO
Rapporteur public ?: M. LEMAIRE
Avocat(s) : MEUROU

Origine de la décision
Date de l'import : 17/01/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2016-12-30;16pa01885 ?
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