Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société anonyme Le Nickel (SLN) a demandé au tribunal administratif de
Nouvelle-Calédonie de prononcer la décharge de son obligation de payer la redevance superficiaire et " d'ordonner à la Nouvelle-Calédonie toutes restitutions des redevances superficiaires payées ".
Par un jugement n° 1500094 du 7 avril 2016, le tribunal administratif de
Nouvelle-Calédonie a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires en réplique, enregistrés les 3 juin 2016, 17 mars 2017, 31 mai 2017, 13 septembre 2017, 20 février 2018 et 10 mai 2018 la SLN, représentée par Me A..., demande à la Cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler les 56 titres exécutoires émis à son encontre au titre des années 2009 à 2016 ;
3°) de la " décharger de l'imposition " et " d'enjoindre à la Nouvelle-Calédonie de lui restituer la totalité des redevances qu'elle a payée depuis 2009 ".
La SLN soutient que :
- ses demandes sont recevables dès lors qu'elle a présenté des réclamations dirigées contre l'ensemble des titres exécutoires contestés ;
- la redevance superficiaire prévue à l'article Lp. 131-3 du code minier de la
Nouvelle-Calédonie a une nature fiscale qui porte atteinte au pacte de stabilisation fiscale défini aux articles 7 et Lp. 7 bis du code des impôts de la Nouvelle-Calédonie dont elle bénéficie, depuis le 1er janvier 2002, pour une durée de quinze ans.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 5 janvier et 9 mars 2018, la
Nouvelle-Calédonie, représentée par la SCP Meier-Bourdeau Lecuyer, conclut au rejet de la requête à ce que soit mis à la charge de la SLN le versement d'une somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La Nouvelle-Calédonie soutient que :
- les conclusions dirigées contre les titres exécutoires émis le 10 juin 2016 sont nouvelles en appel et donc irrecevables ;
- les demandes de première instance de la SLN sont irrecevables au motif qu'elles ne sont pas chiffrées et méconnaissent l'article R. 411-1 du code de justice ;
- les demandes de première instance de la SLN relatives aux années 2009 et 2011 à 2016 sont tardives et par suite irrecevables ;
- la SLN n'ayant pas présenté de réclamation préalable contre les titres exécutoires des années 2011 à 2016, ses demandes portées directement devant le juge sont irrecevables ;
- les moyens de la SLN ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi organique n° 99-209 et la loi n° 99-210 du 19 mars 1999 ;
- le code des impôts de la Nouvelle-Calédonie ;
- le code minier de la Nouvelle-Calédonie ;
- la loi du pays n° 2009-6 du 16 avril 2009 relative au code minier de la
Nouvelle-Calédonie ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Boissy,
- les conclusions de Mme Mielnik-Meddah, rapporteur public ;
- et les observations de Me B...représentant la Nouvelle-Calédonie.
Considérant ce qui suit :
1. La société Le Nickel (SLN) dispose de 849 titres d'exploitation miniers sur 122 694 hectares, dont 89 % sont situés sur le domaine de la Nouvelle-Calédonie et 11 % sont situés sur l'emprise de terres coutumières, de propriétaires privés, de provinces ou des communes de la Nouvelle-Calédonie. Par des titres exécutoires émis respectivement les 31 décembre 2009, 19 novembre 2010, 25 octobre 2011, 28 juin 2012, 28 octobre 2013, 3 avril 2014, 23 avril 2015 et 10 juin 2016, la Nouvelle-Calédonie a demandé à la SLN de lui régler les sommes de 129 145 600 francs CFP, de 130 935 800 francs CFP, de 130 367 600 franc CFP, de 129 513 600 francs CFP, de 129 784 600 francs CFP, de 129 782 600 francs CFP, de 128 213 600 francs CFP et de 126 353 000 francs CFP au titre des redevances superficiaires dues pour les années 2009 à 2016. La SLN doit être regardée comme ayant demandé au tribunal administratif d'annuler les titres exécutoires émis au titre des années 2009 à 2015, de prononcer la décharge de son obligation de payer les redevances superficiaires qui lui ont été réclamées et d'ordonner à la Nouvelle-Calédonie de lui restituer des redevances qu'elle a payées depuis 2009. Par un jugement du 7 avril 2016, le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté sa demande. La SLN relève appel de ce jugement et demande en outre à la Cour d'annuler les titres exécutoires émis au titre de l'année 2016 et de prononcer la décharge de son obligation de payer les redevances superficiaires figurant sur ces titres.
Sur les conclusions aux fins d'annulation et de décharge :
En ce qui concerne les titres exécutoires concernant l'année 2016 :
2. Les conclusions dirigées contre les sept titres exécutoires émis le 10 juin 2016, postérieurement au jugement attaqué, sont nouvelles en appel et par suite irrecevables.
En ce qui concerne les titres exécutoires concernant les années 2009 à 2015 :
3. Aux termes de l'article 22 de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 : " La Nouvelle-Calédonie est compétente dans les matières suivantes : / 1° Impôts, droits et taxes perçus au bénéfice de la Nouvelle-Calédonie (...) ". Aux termes de l'article 43 de la même loi : " L'Etat, la Nouvelle-Calédonie, les provinces et les communes exercent, chacun en ce qui le concerne, leur droit de propriété sur leur domaine public et leur domaine privé ". Aux termes de l'article 45 de cette loi : " (...) les provinces réglementent et exercent les droits d'exploration, d'exploitation, de gestion et de conservation des ressources naturelles biologiques et non biologiques (...), de leur sol et de leur sous-sol (...) ".
4. L'article Lp. 131-2 du code minier de la Nouvelle-Calédonie dispose que : " La concession minière confère à son titulaire, dans les limites de son périmètre en surface et indéfiniment en profondeur, le droit exclusif de prospection, de recherches et d'exploitation des gîtes contenant les substances pour lesquelles le permis de recherches dont elle dérive est valable ". Selon l'article Lp. 131-3 du même code : " Une redevance dite " superficiaire " est versée par les titulaires de concessions minières à la Nouvelle-Calédonie. / Cette redevance est proportionnelle à la superficie totale détenue par un même titulaire. / La surface prise en compte pour le calcul de la redevance est la surface réelle arrondie à l'hectare supérieur détenue au
1er janvier de l'année en cours. / En cas de renonciation totale ou partielle acceptée à une concession minière la redevance n'est plus due par le titulaire pour l'année en cours ". Aux termes de l'article R. 131-3 de ce code : " La redevance superficiaire due par le titulaire d'une concession minière est égale au produit de la surface réelle de la concession minière, arrondie à l'hectare supérieur, par un tarif à l'hectare ". L'article R. 131-3-1 de ce même code dispose que : " Lorsque la superficie totale des concessions détenues est inférieure à 15 000 hectares, le tarif mentionné à l'article R. 131-3 est de 800 francs CFP par hectare. / Lorsque la superficie totale des concessions détenues est supérieure à 15 000 hectares, le tarif mentionné à l'article R. 131-3 est de 1000 francs CFP par hectare ". Enfin, l'article R. 131-3-2 de ce code prévoit que : " La redevance superficiaire prévue à l'article Lp. 131-3 est perçue sur la base de titres établis par le service en charge des mines. Le payeur est destinataire de ces titres et en assure le recouvrement ".
5. Aux termes de l'article 7 du code des impôts de la Nouvelle-Calédonie : " Les entreprises dont les activités relèvent de la métallurgie des minerais telle que définie à l'article 3-II qui présentent une importance particulière pour le développement économique de la Nouvelle-Calédonie pourront bénéficier pour l'ensemble de leurs activités, sur justification d'un engagement de programme d'investissements, d'un régime de stabilisation fiscale. Pour bénéficier de ce régime, les entreprises devront être agréées par délibération. Ce régime leur garantira que ni l'assiette ni le taux de l'impôt sur les activités visées à l'article 3-II et des impôts, droits et taxes existants pour lesquels ces entreprises sont ou deviendraient des contribuables prépondérants, ne seront aggravés en ce qui les concerne. D'autre part, aucun nouvel impôt, droit ou taxe ne leur sera appliqué si cette application entraîne de ce fait pour l'entreprise la qualité de contribuable prépondérant au titre de ce nouvel impôt, droit ou taxe. Par contribuable prépondérant, il faut entendre toute personne physique ou morale qui est assujettie au moins à une disposition de l'impôt, du droit ou de la taxe concernés et au titre de laquelle moins de 50 autres personnes physiques ou morales sont des contribuables qui acquittent ou sont susceptibles d'être assujettis audit impôt, droit ou taxe. La qualité de contribuable prépondérant s'apprécie le jour de l'institution d'une taxe, d'un droit ou d'un impôt nouveau, ou le jour de la modification d'une taxe, d'un droit ou d'un impôt anciens ". Aux termes de l'article Lp. 7 bis du même code : " Les exonérations de tous droits, impôts et taxes instaurées par les dispositions du présent code en faveur des entreprises mentionnées au II de l'article 3 du même code, en vigueur à la date à laquelle lesdites entreprises obtiennent le bénéfice de l'un des agréments prévus par les articles 7 et Lp. 45 bis 5 du code, ne peuvent être remises en cause pendant la durée d'application de cet agrément. Cette disposition n'est pas applicable aux exonérations spécifiques prévues aux articles Lp. 45 bis 3, Lp. 45 bis 4 et
Lp. 45 bis 11. L'agrément prévu à l'article 7 est délivré par le gouvernement. L'arrêté d'agrément fixe la durée d'application du régime de stabilisation fiscale, laquelle ne peut excéder une période de quinze ans ".
6. La société Le Nickel SLN soutient que la redevance superficiaire définie à l'article Lp. 131-3 du code minier de la Nouvelle-Calédonie a une nature fiscale qui porte atteinte au pacte de stabilisation fiscale défini aux articles 7 et Lp. 7 bis du code des impôts de la Nouvelle-Calédonie dont elle bénéficie, depuis le 1er janvier 2002 et pour une durée de quinze ans, en vertu d'un arrêté du 13 juin 2002.
7. La redevance superficiaire définie à l'article Lp. 131-3 du code minier de la Nouvelle-Calédonie, versée par les titulaires de concessions minières à la Nouvelle-Calédonie, est affectée dans son ensemble au chapitre 70 " produits des services, du domaine et ventes diverse " du budget de la Nouvelle-Calédonie. Cette " redevance ", qui est calculée sur la superficie totale exploitée par un même titulaire de concessions minières sans faire de distinction selon que la propriété du sous-sol est détenue par la Nouvelle-Calédonie, les provinces, les communes du territoire ou des personnes privées, ne peut dès lors pas être analysée comme constituant la contrepartie de l'exploitation du sous-sol appartenant à l'une ou l'autre de ces personnes publiques. Elle n'a ainsi pas le caractère d'une redevance domaniale.
8. Toutefois, cette redevance superficiaire n'a pas été instaurée par le code des impôts de Nouvelle-Calédonie mais par le code minier de la Nouvelle-Calédonie créé par la loi du pays n° 2009-6 du 16 avril 2009. Cette redevance n'entre donc pas dans les prévisions du pacte de stabilisation fiscale dont le régime a été organisé aux articles 7 et Lp. 7 bis précités du code des impôts de la Nouvelle-Calédonie.
9. Il résulte de ce qui vient d'être dit aux points 3 à 8 que, sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir opposées en défense, la SLN n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté sa demande.
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
10. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la SLN le versement de la somme que demande la Nouvelle-Calédonie au titre des frais qu'elle a exposés et qui ne sont pas compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société Le Nickel est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par la Nouvelle-Calédonie tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société anonyme Le Nickel (SLN) et la Nouvelle-Calédonie.
Copie en sera adressée au ministre des Outre-mer et au haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie.
Délibéré après l'audience du 18 mai 2018 à laquelle siégeaient :
- Mme Heers, président de chambre,
- M. Auvray, président assesseur,
- M. Boissy, premier conseiller.
Lu en audience publique le 8 juin 2018.
Le rapporteur,
L. BOISSYLe président,
M. HEERSLe greffier,
C. DABERT
La République mande et ordonne au haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 16PA01796 2