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28/06/2017 | FRANCE | N°16PA01735

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 28 juin 2017, 16PA01735


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Mandataires Judiciaires Associés a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler le titre de perception d'un montant de 10 375 749,03 euros émis à son encontre le

23 octobre 2013 par l'Etat (ministre de la culture et de la communication) relatif aux intérêts courus de 1982 au 25 février 1989 sur les aides publiques versées au Centre d'exportation du livre français (CELF) pour le " programme petites commandes " et de prononcer la décharge de l'obligation de payer cette somme.>
Par un jugement n° 1413677 du 24 mars 2016, le Tribunal administratif de Paris a ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Mandataires Judiciaires Associés a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler le titre de perception d'un montant de 10 375 749,03 euros émis à son encontre le

23 octobre 2013 par l'Etat (ministre de la culture et de la communication) relatif aux intérêts courus de 1982 au 25 février 1989 sur les aides publiques versées au Centre d'exportation du livre français (CELF) pour le " programme petites commandes " et de prononcer la décharge de l'obligation de payer cette somme.

Par un jugement n° 1413677 du 24 mars 2016, le Tribunal administratif de Paris a annulé ce titre de perception, mais a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés le 27 mai 2016 et le

7 mars 2017, la société Mandataires Judiciaires Associés, représentée par MeC..., demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement du Tribunal administratif de Paris n° 1413677 du

24 mars 2016 en tant que, par ce jugement, celui-ci a rejeté le surplus des conclusions de sa demande ;

2°) de prononcer la décharge de l'obligation de payer la somme de 10 375 749,03 euros réclamée par l'Etat ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat les éventuels dépens et la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- sa requête est recevable dès lors qu'elle est dirigée contre l'article 3 du dispositif et pas seulement contre les motifs du jugement attaqué ;

- le jugement est insuffisamment motivé et entaché d'une erreur de droit en ce qui concerne les conséquences à tirer de l'annulation du titre exécutoire contesté ;

- la disparition du CELF, placé en liquidation, a permis d'atteindre l'objectif de cessation de la distorsion de concurrence engendrée par le versement de ces aides ;

- même si les opérations de liquidation ne sont pas closes, il n'existe plus aucun actif du CELF réalisable pour procéder au recouvrement des sommes réclamées ;

- l'obligation pour l'Etat de procéder à la récupération des aides illégalement versées doit dès lors être considérée comme ayant été intégralement exécutée et la créance de l'Etat sur le CELF est éteinte et inexigible.

Par un mémoire en défense, enregistré le 30 janvier 2017, la ministre de la culture et de la communication, représentée par Me B...et MeE..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge de la société Mandataires Judiciaires Associés (MJA) sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête est irrecevable, la société MJA n'ayant pas intérêt à faire appel d'un jugement dont le dispositif fait droit à ses conclusions de première instance ;

- le jugement est suffisamment motivé par la référence à une décision du conseil d'Etat quant à l'existence de la créance de l'Etat ;

- une régularisation formelle du titre de perception permettra de rétablir de façon effective la concurrence ;

- la requérante, dont la liquidation n'est pas clôturée, n'apporte pas la preuve qu'elle ne dispose pas d'actifs récupérables.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le traité de l'Union européenne et le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

- l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne n° C-610/10 Commission c/ Espagne du 11 décembre 2012 ;

- le code de commerce ;

- le décret n° 2012-246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Hamon,

- les conclusions de Mme Oriol, rapporteur public,

- les observations de Me D..., pour la société MJA,

- et les observations de Me A..., pour la ministre de la culture et de la communication.

Une note en délibéré, enregistrée le 7 juin 2017, a été présentée par Me C...pour la société MJA.

1. Considérant que la société Centre d'exportation du livre français (CELF) a perçu de la part de l'Etat, entre 1980 et 2001, un montant total d'aides de 4,8 millions d'euros afin d'assurer la gestion du programme " petites commandes ", destiné à assurer la diffusion d'ouvrages en langue française dans les territoires d'outre-mer et à l'étranger ; que la Commission européenne a, par une décision du 14 décembre 2010 devenue définitive, estimé que ces financements constituaient une aide d'Etat contraire à l'article 108, paragraphe 3, du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, incompatible avec le marché intérieur ; que la société CELF a été placée en liquidation judiciaire par un jugement du Tribunal de commerce de Paris du 9 septembre 2009 désignant la société Mandataires Judiciaires Associés (MJA) en qualité de liquidateur judiciaire ; qu'en application de la décision de la Commission européenne du 14 décembre 2010, la ministre de la culture et de la communication a émis, d'une part, un titre de perception portant sur la récupération des sommes versées au titre de cette aide et, d'autre part, un titre de perception d'un montant de 10 375 749,03 euros au titre des intérêts y afférents ; que ce second titre a été annulé par un jugement du Tribunal administratif de Paris nos 1003917-1206396 du 29 avril 2013 ; que, par une décision n° 274923 du 30 décembre 2011, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a enjoint à l'Etat de procéder " à la récupération des intérêts afférents aux aides versées au Centre d'exportation du livre français durant les années 1982 à 2001, depuis la date à laquelle ces aides ont été mises à disposition jusqu'au 25 février 2009, les intérêts devant être calculés conformément au règlement (CE) n° 794/2004 " ; qu'en conséquence, un nouveau titre de perception a été émis le 23 octobre 2013, mettant à la charge de la société Mandataires Judiciaires Associés une somme de 10 375 749,03 euros ; que la société Mandataires Judiciaires Associés, agissant en qualité de liquidateur judiciaire du CELF, relève appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Paris, après avoir annulé le titre de perception du 23 octobre 2013, a rejeté ses conclusions tendant à la décharge de l'obligation de payer cette somme de 10 375 749,03 euros ;

Sur la recevabilité de la requête de la société MJA :

2. Considérant qu'il est constant que, par son article 3, le jugement attaqué a rejeté les conclusions de la société MJA demandant que soit prononcée à son profit la décharge de l'obligation de payer la somme de 10 375 749,03 euros ; que la ministre de la culture et de la communication n'est dès lors pas fondée à soutenir que la requête de la société MJA, qui tend à l'annulation de cet article 3, serait irrecevable comme dirigée contre les seuls motifs du jugement attaqué ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

3. Considérant qu'en relevant que " le présent jugement, qui prononce l'annulation du titre exécutoire pour un motif de régularité en la forme, n'implique pas nécessairement, compte tenu de la possibilité d'une régularisation par l'administration, de prononcer la décharge des sommes demandées ", les premiers juges ont suffisamment motivé le rejet des conclusions aux fins de décharge présentées par la société MJA ;

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

4. Considérant, en premier lieu, qu'ainsi que l'ont relevé les premiers juges, l'annulation du titre exécutoire pour un motif de régularité en la forme n'a pas pour conséquence, compte tenu de la possibilité d'une régularisation par l'administration, d'entraîner la décharge pour la société MJA de l'obligation de payer la dette mentionnée par ce titre exécutoire ;

5. Considérant, en second lieu, que s'il n'est pas contesté qu'à la date du jugement attaqué, la société CELF, placée en liquidation judiciaire, présentait un passif de 20 587 142,18 euros et ne disposait plus d'aucun actif à récupérer, cette seule circonstance est par elle-même sans incidence sur l'obligation pour la société CELF de rembourser la dette résultant de l'obligation pesant sur l'Etat de poursuivre le recouvrement des aides illégalement versées et des intérêts y afférents ;

6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société MJA n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté ses conclusions tendant à être déchargée de l'obligation de payer la somme de 10 375 749,03 euros ;

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

7. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que la société MJA demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de la société MJA le versement de la somme que l'Etat demande sur le fondement des mêmes dispositions ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société MJA est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de l'Etat présentées sur le fondement des dispositions de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société MJA et à la ministre de la culture et de la communication.

Délibéré après l'audience du 6 juin 2017, à laquelle siégeaient :

- M. Even, président de chambre,

- Mme Hamon, président assesseur,

- Mme d'Argenlieu, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 28 juin 2017.

Le rapporteur,

P. HAMONLe président,

B. EVENLe greffier,

S. GASPARLa République mande et ordonne à la ministre de la culture et de la communication en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 16PA01735


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 16PA01735
Date de la décision : 28/06/2017
Type d'affaire : Administrative

Composition du Tribunal
Président : M. EVEN
Rapporteur ?: Mme Perrine HAMON
Rapporteur public ?: Mme ORIOL
Avocat(s) : AARPI SCHMITT AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 14/11/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2017-06-28;16pa01735 ?
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