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04/08/2016 | FRANCE | N°16PA01718

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 04 août 2016, 16PA01718


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La Fédération CGT des sociétés et des bureaux d'études a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 24 novembre 2015, par laquelle le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi d'Île-de-France a validé l'accord collectif majoritaire du 16 novembre 2015 conclu par la société Polymont IT services SA aux fins de plan de sauvegarde de l'emploi.

Par un jugement n° 1601032/3-1 du 12 avril 2016, le Tribunal administratif

de Paris a rejeté la requête de la Fédération CGT des sociétés et des bureaux d'...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La Fédération CGT des sociétés et des bureaux d'études a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 24 novembre 2015, par laquelle le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi d'Île-de-France a validé l'accord collectif majoritaire du 16 novembre 2015 conclu par la société Polymont IT services SA aux fins de plan de sauvegarde de l'emploi.

Par un jugement n° 1601032/3-1 du 12 avril 2016, le Tribunal administratif de Paris a rejeté la requête de la Fédération CGT des sociétés et des bureaux d'études.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés respectivement le 26 mai 2016 et le 29 juillet 2016, la Fédération CGT des sociétés et des bureaux d'études, représentée par Me Tuaillon-Hibon, avocat, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1601032/3 du 12 avril 2016 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler la décision du 24 novembre 2015, par laquelle le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi d'Île-de-France a validé l'accord collectif majoritaire du 16 novembre 2015 conclu par la société Polymont IT services SA aux fins de plan de sauvegarde de l'emploi ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est entaché d'une contradiction de motifs dès lors que la détermination des catégories professionnelles ressort de l'ordre public social et doit en conséquence être contrôlée par l'administration ;

- le tribunal a dénaturé le moyen tiré de la détermination erronée des catégories professionnelles, lequel moyen ne portait pas, ainsi que l'a jugé le Tribunal, sur l'exclusion des salariés de l'activité Car Base ;

- les stipulations de l'article 6 § 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales sont méconnues, compte tenu, d'une part, de ce que la décision administrative n'est pas le résultat d'un examen approfondi de l'ensemble de la procédure d'élaboration et du contenu du plan de sauvegarde de l'emploi et, d'autre part, de ce que le contrôle exercé par le juge administratif sur la validité des accords majoritaires est également un contrôle restreint et, dans sa réponse à ce moyen développé en première instance, les premiers juges ont également entaché leur jugement d'une contradiction de motifs ;

- l'accord soumis à l'administration est un accord partiel en ce qu'il ne comporte aucune disposition sur les modalités d'information et de consultation du comité d'entreprise, ce qui impliquait que l'employeur établisse un document unilatéral pour les éléments non pris en compte et, en conséquence, l'administration aurait dû réclamer à l'employeur qu'il établisse un document unilatéral pour la partie des éléments non prévus dans l'accord ;

- en exigeant de la Fédération requérante d'être signataire de l'accord pour lui accorder le droit d'invoquer un vice du consentement, le Tribunal a commis une erreur manifeste d'appréciation ;

- le Tribunal a commis une erreur manifeste d'appréciation quant à la définition des catégories professionnelles retenue par l'accord et à l'étendue de son contrôle sur la détermination de ces catégories dans l'hypothèse d'une décision de validation, et il appartient à l'employeur et à l'administration de démontrer que les catégories professionnelles ont été correctement définies ;

- le périmètre d'application des critères d'ordre des licenciements doit être, contrairement à ce qu'a jugé le Tribunal, non seulement déterminable mais déterminé, tant dans le cadre d'un document unilatéral que d'un document collectif, or, en l'espèce, le périmètre défini n'est pas un périmètre géographique mais matériel, qui exclue l'activité Car Base ;

- il appartiendra, par la voie de l'évocation, à la Cour de se prononcer sur les moyens développés par les mémoires de première instance.

Par un mémoire en défense enregistré le 20 juin 2016, la société Polymont IT Services conclut au rejet de la requête et à ce que la Fédération CGT des sociétés et bureaux d'études soit condamnée à lui verser la somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Par un mémoire enregistré le 7 juillet 2016, le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle, et du dialogue social conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Une pièce complémentaire a été produite le 2 août 2016, postérieurement à la clôture de l'instruction, pour la société Polymont IT services SA.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Lapouzade ;

- les conclusions de M. Sorin, rapporteur public ;

- et les observations de Me A...pour la Fédération nationale CGT des personnels des bureaux d'études, de M. B...pour le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, et Me C...pour la société Polymont IT services.

Considérant ce qui suit :

Sur le bien fondé de la requête :

Sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, en particulier ceux relatifs à la régularité du jugement attaqué :

1. D'une part, aux termes de l'article L. 1233-24-1 du code du travail : " Dans les entreprises de cinquante salariés et plus, un accord collectif peut déterminer le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi mentionné aux articles L. 1233-61 à L. 1233-63 ainsi que les modalités de consultation du comité d'entreprise et de mise en oeuvre des licenciements. Cet accord est signé par une ou plusieurs organisations syndicales représentatives ayant recueilli au moins 50 % des suffrages exprimés en faveur d'organisations reconnues représentatives au premier tour des dernières élections des titulaires au comité d'entreprise ou de la délégation unique du personnel ou, à défaut, des délégués du personnel, quel que soit le nombre des votants. L'administration est informée sans délai de l'ouverture d'une négociation en vue de l'accord précité " et aux termes de l'article L. 1233-63 du code du travail : " Le plan de sauvegarde de l'emploi détermine les modalités du suivi de la mise en oeuvre effective des mesures contenues dans le plan de reclassement prévu à l'article L. 1233-61. Ce suivi fait l'objet d'une consultation régulière et détaillée du comité d'entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel dont les avis sont transmis à l'autorité administrative. L'autorité administrative est associée au suivi de ces mesures et reçoit un bilan, établi par l'employeur de la mise en oeuvre effective du plan de sauvegarde de l'emploi ".

2. D'autre part, aux termes de l'article L. 1233-24-2 du code du travail : " L'accord collectif (...) porte sur le contenu du plan de sauvegarde...Il peut également porter sur : 1° Les modalités d'information et de consultation du comité d'entreprise... " ; aux termes de l'article L. 1233-57-3 du même code : " En l'absence d'accord collectif ou en cas d'accord ne portant pas sur l'ensemble des points mentionnés aux 1° à 5° de l'article L. 1233-24-2, l'autorité administrative homologue le document élaboré par l'employeur mentionné à l'article L. 1233-24-4... ". Aux termes de l'article L. 1233-24-4 : " A défaut d'accord mentionné à l'article L. 1233-24-1, un document élaboré par l'employeur après la dernière réunion du comité d'entreprise fixe le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi et précise les éléments prévus aux 1° à 5° de l'article L. 1233-24-2, dans le cadre des dispositions légales et conventionnelles en vigueur ". Enfin, l'article L. 1233-57-4 dispose qu'en l'absence d'accord collectif, ou en cas d'accord ne portant pas sur l'ensemble des éléments prévus aux 1° à 5° : " (...) l'autorité administrative homologue le document élaboré par l'employeur mentionné à l'article L. 1233-24-4, après avoir vérifié la conformité de son contenu aux dispositions législatives et aux stipulations conventionnelles relatives aux éléments mentionnés aux 1° à 5° de l'article L. 1233-24-2 (...) ".

3. D'une part, il résulte des dispositions précitées, en particulier des dispositions combinées des articles L. 1233-24-1 et L. 1233-63 du code du travail, que le plan de sauvegarde de l'emploi détermine les modalités du suivi de la mise en oeuvre effective des mesures contenues dans le plan de reclassement prévu à l'article L. 1233-61, suivi qui fait l'objet d'une consultation régulière et détaillée du comité d'entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel. D'autre part, il résulte également de dispositions précitées, en particulier des articles L. 1233-24-2, L. 1233-24-4, L. 1233-57-3 et L. 1233-57-4 du code du travail, qu'à défaut pour l'accord collectif soumis à la validation de l'administration de contenir l'ensemble des mesures exigées par la loi, au nombre desquelles figurent les modalités du suivi de la mise en oeuvre effective des mesures contenues dans le plan de reclassement par le comité d'entreprise, ou à défaut, les délégués du personnel, les mesures ne figurant pas dans l'accord collectif soumis à validation, doivent faire l'objet d'un document unilatéral élaboré par l'employeur qui est soumis à l'homologation de l'administration.

4. En premier lieu, si l'accord collectif conclu par la société Polymont IT services validé par l'administration le 24 novembre 2015, prévoit, ainsi que l'a relevé le Tribunal administratif, la mise en oeuvre d'une commission de suivi, présidée par l'employeur et qui comprendra parmi ses membres un membre du comité d'entreprise élu par lui, à laquelle est attribué un certain nombre de missions pour assurer la mise en oeuvre du plan de sauvegarde de l'emploi, la mise en place de cette commission ne saurait régulièrement se substituer à l'exigence de définition des modalités d'information du comité d'entreprise, ou à défaut les délégués du personnel, auxquels incombent aux termes de la loi, le suivi de la mise en oeuvre du plan de sauvegarde de l'emploi.

5. En second lieu, il résulte des pièces du dossier, en particulier de l'accord collectif qui porte en titre " Accord majoritaire Article L. 1233-24-1 du code du travail " et de la décision attaquée, laquelle vise les dispositions des articles L. 1233-24-1 et L. 1233-24-2 du code du travail et de la lettre d'accompagnement de cette décision, laquelle informe l'employeur qu'il peut procéder à la mise en oeuvre du plan de sauvegarde de l'emploi et notifier aux salariés concernés leur licenciement pour motif économique, que l'employeur a entendu présenter à la validation un plan de sauvegarde de l'emploi qu'il considérait comme complet et que l'administration a également considéré que l'accord qui lui était présenté pour validation était complet et n'impliquait pas qu'il soit complété, le cas échéant, par un document unilatéral portant spécifiquement sur les modalités de suivi par le comité d'entreprise de la mise en oeuvre du plan de reclassement.

6. Il résulte de ce qui précède que faute pour l'accord collectif majoritaire du 16 novembre 2015 conclu par la société Polymont IT services SA de contenir les modalités de suivi par le comité d'entreprise de la mise en oeuvre des mesures de reclassement prévues par le plan de sauvegarde de l'emploi, ou d'être complété par un document unilatéral définissant ces modalités, l'administration ne pouvait, ainsi qu'elle l'a fait, valider sur le fondement des dispositions de l'article L. 1233-24-1 du code du travail cet accord collectif. En conséquence, la Fédération CGT des sociétés et des bureaux d'études est fondée à demander l'annulation du jugement attaqué et de la décision du

24 novembre 2015 du directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi d'Île-de-France.

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme de 4 500 euros demandée par la société Polymont IT Services soit mise à la charge de la Fédération CGT des sociétés et des bureaux d'études, qui n'est pas la partie perdante à l'instance. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros à la Fédération CGT des sociétés et des bureaux d'études au titre de ces dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Paris et la décision du 24 novembre 2015 du directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi d'Île-de-France sont annulés.

Article 2 : L'Etat versera à la Fédération CGT des sociétés et des bureaux d'études la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Les conclusions présentées par la société Polymont IT Services au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la Fédération CGT des sociétés et des bureaux d'études, la société Polymont IT Services et au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

Délibéré après l'audience du 3 août 2016 à laquelle siégeaient :

- M. Lapouzade, président de chambre,

- M. Luben, président assesseur,

- Mme Delamarre, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 4 août 2016.

Le président rapporteur,

J. LAPOUZADELe président assesseur,

I. LUBEN

Le greffier,

E. MOULIN

La République mande et ordonne au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 16PA01718


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 16PA01718
Date de la décision : 04/08/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07 Travail et emploi. Licenciements.


Composition du Tribunal
Président : M. LAPOUZADE
Rapporteur ?: M. Jacques LAPOUZADE
Rapporteur public ?: M. SORIN
Avocat(s) : SOCIETE D'AVOCATS HADENGUE et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 12/11/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2016-08-04;16pa01718 ?
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