Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. E...B...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision par laquelle le ministre du travail a implicitement rejeté son recours hiérarchique formé contre la décision de l'inspecteur du travail du 5 mars 2015 autorisant la société " Triomphe Sécurité " à le licencier, ensemble ladite décision de l'inspecteur du travail.
Par un jugement n° 1515744/3-2 du 2 mars 2016, le Tribunal administratif de Paris a rejeté la requête de M.B....
Procédure devant la Cour :
Par une requête et deux mémoires enregistrés les 6 mai, 17 et 30 novembre 2016, M.B..., représenté par MeA..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 2 mars 2016 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) de faire droit à ses conclusions de première instance ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 500 euros au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision litigieuse du 5 mars 2015 a été prise à l'issue d'une enquête contradictoire irrégulière ;
- elle est entachée d'erreurs de fait dès lors que le poste d'agent de sécurité incendie qu'il occupait n'a pas été supprimé ; son employeur a recouru à des pratiques de fausse sous-traitance ;
- elle est entachée d'erreur d'appréciation ;
- il n'a pas été réintégré dans son emploi sur le site le Millénaire ;
- il existe un lien entre la demande d'autorisation de licenciement et son mandat.
Par des mémoires en défense enregistrés les 2 août 2016 et 10 juillet 2017, la société " Triomphe Sécurité ", représentée par MeD..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 500 euros soit mise à la charge de M. B...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La société soutient que :
- le principe du contradictoire n'a pas été méconnu ;
- le refus du salarié d'accepter un poste équivalent à la suite de la suppression de son poste est de nature à justifier son licenciement ;
- il n'existe pas de lien entre la procédure de licenciement et le mandat de M.B... ;
- aucun motif d'intérêt général ne s'oppose au licenciement du salarié.
Par un mémoire en défense, enregistré le 27 mars 2018, le ministre du travail conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- le principe du contradictoire n'a pas été méconnu ;
- les faits sont établis et d'une gravité suffisante pour justifier le licenciement ;
- il n'existe pas de lien entre le licenciement et le mandat de M.B....
Vu :
- les autres pièces du dossier ;
- le code du travail,
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Pena,
- les conclusions de Mme Delamarre, rapporteur public,
- et les observations de MeA..., représentant M.B..., et de MeC..., représentant la société " Triomphe Sécurité ".
1. Considérant que M. E...B...a été recruté en 2011 par la société " Triomphe Sécurité "en qualité d'agent de surveillance ; qu'il a été désigné, le 10 juillet 2012, représentant de section syndicale par le syndicat SNEPS - CFTC ; que, suite à l'annulation par le ministre du travail d'une première autorisation de licenciement, M. B...a sollicité sa réintégration par courrier du 4 octobre 2014 ; que son poste ayant été supprimé, la société
" Triomphe Sécurité " l'a affecté sur un poste équivalent qu'il a refusé ; que, suite à ce refus d'occuper le poste proposé, la société " Triomphe Sécurité " a convoqué M.B..., par un courrier du 8 décembre 2014, à un entretien préalable à son licenciement qui s'est tenu le
19 décembre suivant ; que, par un courrier du 7 janvier 2015, la société " Triomphe Sécurité " a sollicité de l'inspection du travail l'autorisation de licencier pour faute l'intéressé ; que par une décision du 5 mars 2015, l'inspecteur du travail a autorisé le licenciement demandé ; que
M. B...a formé le 26 mars 2015 un recours hiérarchique contre cette décision que le ministre du travail a implicitement rejeté ; que M. B...relève régulièrement appel du jugement du 2 mars 2016 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande d'annulation de la décision par laquelle le ministre du travail a implicitement rejeté son recours hiérarchique formé contre la décision de l'inspecteur du travail du 5 mars 2015 autorisant la société " Triomphe Sécurité " à le licencier ainsi que sa demande d'annulation de la décision de l'inspecteur du travail ;
2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article R. 2421-4 du code du travail : "L'inspecteur du travail procède à une enquête contradictoire au cours de laquelle le salarié peut, sur sa demande, se faire assister d'un représentant de son syndicat. / L'inspecteur du travail prend sa décision dans un délai de quinze jours, réduit à huit jours en cas de mise à pied. Ce délai court à compter de la réception de la demande d'autorisation de licenciement. Il n'est prolongé que si les nécessités de l'enquête le justifient. (...) " ; que le caractère contradictoire de l'enquête menée conformément aux dispositions précitées impose à l'autorité administrative, saisie d'une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé fondée sur un motif disciplinaire, d'informer le salarié concerné des agissements qui lui sont reprochés et de l'identité des personnes qui en ont témoigné ; qu'il implique que le salarié protégé soit mis à même de prendre connaissance en temps utile de l'ensemble des pièces produites par l'employeur à l'appui de sa demande, sans que la circonstance que le salarié est susceptible de connaître le contenu de certaines de ces pièces puisse exonérer l'inspecteur du travail de cette obligation ;
3. Considérant, d'une part, que M. B...persiste à soutenir devant la cour qu'il n'a disposé que de quatre jours calendaires pour préparer son entretien avec l'inspectrice du travail qui a eu lieu le 2 mars 2015 ; que toutefois, et quand bien même ce délai ne peut être effectivement considéré comme excessivement long, il ne ressort d'aucune des pièces du dossier qu'il aurait demandé le report de cet entretien ni qu'il aurait fait état de difficultés particulières l'ayant empêché de préparer utilement sa défense, alors qu'il a été en mesure de se faire assister par un délégué syndical et qu'aucune disposition législative ou réglementaire n'impose, en tout état de cause, un délai minimal entre la convocation à un tel entretien et sa tenue ;
4. Considérant, d'autre part, que si M. B...fait également valoir que ce n'est qu'au cours du rendez-vous avec l'inspecteur du travail, le 2 mars, qu'il a été en mesure de prendre connaissance des pièces produites par son employeur à l'appui de sa demande d'autorisation de licenciement, il ressort néanmoins des pièces du dossier qu'il a été informé, dès le 25 février 2015, de ladite demande et de la liste des pièces justifiant les faits qui lui étaient reprochés, soit huit jours avant la décision de l'inspectrice du travail du 5 mars suivant ; que par suite, et alors qu'il n'établit pas davantage avoir sollicité de délai supplémentaire afin de transmettre, le cas échéant, des informations complémentaires à l'inspectrice du travail, le moyen tiré de l'irrégularité de l'enquête contradictoire doit être écarté dans ses deux branches ;
5. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes des dispositions de l'article L. 2422-1 du code du travail que : " lorsque le juge administratif annule la décision d'autorisation de l'inspecteur du travail ou du ministre compétent, le salarié concerné a le droit, s'il le demande dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision, d'être réintégré dans son emploi ou dans un emploi équivalent " ; que si l'annulation par le juge administratif d'une décision autorisant le licenciement d'un salarié protégé emporte pour le salarié droit à réintégration, la réintégration s'effectue dans un emploi équivalent lorsque l'emploi occupé précédemment n'existe plus ou n'est pas vacant ; que le refus opposé par le salarié protégé d'être affecté sur un emploi équivalent à la suite de sa réintégration dans l'entreprise, lorsque l'emploi qu'il occupait n'existe plus ou n'est pas vacant, constitue, en principe, une faute ; que, dans ce cas, l'employeur doit saisir l'inspecteur du travail d'une demande d'autorisation de licenciement ; qu'il appartient alors à l'autorité administrative, sous le contrôle du juge, d'apprécier si le refus du salarié constitue une faute d'une gravité suffisante pour justifier le licenciement ; qu'en tout état de cause, le changement d'affectation ne peut avoir pour objet de porter atteinte à l'exercice des fonctions représentatives du salarié ;
6. Considérant, d'une part, que la société " Triomphe Sécurité " reproche à M. B... d'avoir refusé de prendre le poste qui lui était proposé sur le site de La Défense, qu'elle estime équivalent à celui qu'il occupait précédemment sur le site Le Millénaire, à Aubervilliers ; qu'il ressort effectivement des pièces du dossier, et notamment des courriers échangés entre la société " Triomphe Sécurité " et son client du site Le Millénaire, que ce dernier a fait l'objet d'une réorganisation au mois d'avril 2014, soit antérieurement à la demande de réintégration du salarié, que cette réorganisation a entraîné la réduction des prestations de sécurité qui y étaient jusqu'alors effectuées et a eu pour conséquence la suppression de deux postes et demi équivalent temps plein ; qu'il n'est pas établi, contrairement aux allégations du requérant, que cette réorganisation aurait résulté de manoeuvres de l'employeur et qu'elles auraient été destinées à l'évincer de son ancien site ;
7. Considérant, d'autre part, que l'article 5 du contrat de travail de M. B...intitulé " Lieu de travail / clause de mobilité " prévoit que : " Compte tenu de l'activité de l'employeur, le salarié pourra être amené à exécuter son contrat de travail et à effectuer des vacations dans la région Ile-de-France et départements limitrophes, constituant les bassins d'emplois dans les limites desquels, s'agissant du présent contrat, la société exerce son activité " ; qu'il n'est pas contesté que le poste proposé se situait dans une zone géographique plus proche de son domicile que ne l'était son ancien poste et qu'il était à qualification et rémunération équivalentes ;
8. Considérant, en troisième et dernier lieu, que si M. B...soutient que la demande d'autorisation de licenciement n'était pas dépourvu de lien avec son mandat dès lors qu'il avait dénoncé la déqualification de certains agents et saisi la commission consultative départementale de sécurité aux fins de dénoncer la violation des règlements de sécurité incendie par son employeur et son client du site Le Millénaire, il ressort toutefois des pièces du dossier et du courrier du 20 octobre 2014 du syndicat SNEPS-CFTC qu'à la date à laquelle la procédure a été engagée, il n'exerçait plus de mandat au sein de l'entreprise ; que le changement d'affectation n'avait donc pas pour conséquence, ainsi que l'ont à juste titre relevé les premiers juges, de porter atteinte à l'exercice de ses fonctions représentatives ;
9. Considérant qu'il suit de ce qui précède que c'est à bon droit que les premiers juges ont considéré que le refus de M. B... d'accepter un poste équivalent sur le site de La Défense, à la suite de sa réintégration, et alors que son précédent poste avait été supprimé, était constitutif d'une faute d'une gravité suffisante de nature à justifier son licenciement ; que M. B...n'est dès lors pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions de l'inspecteur du travail et du ministre du travail ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
10. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. " ;
11. Considérant que les dispositions précitées font obstacle à que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande M. B... au titre de ces dispositions ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. B...la somme demandée par la société " Triomphe Sécurité " et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la société " Triomphe Sécurité " tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. E...B..., à la société " Triomphe Sécurité " et au ministre du travail.
Délibéré après l'audience du 3 avril 2018, à laquelle siégeaient :
- M. Bouleau, premier vice-président,
- M. Bernier, président assesseur,
- Mme Pena, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 24 avril 2018.
Le rapporteur,
E. PENALe président,
M. BOULEAULe greffier,
N. DAHMANI
La République mande et ordonne au ministre du travail en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 10PA03855
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N° 16PA01531