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03/04/2018 | FRANCE | N°16NT03278

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 03 avril 2018, 16NT03278


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...E...a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision implicite par laquelle la société Orange a rejeté sa demande du 20 août 2012 tendant à la reconstitution de sa carrière et à la condamnation de la société Orange de l'indemniser à hauteur de 57 309,87 euros des différents chefs de préjudice qu'il estime avoir subis du fait du comportement fautif de son employeur.

Par un jugement n° 1400099 du 29 juillet 2016, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 28 sept...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...E...a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision implicite par laquelle la société Orange a rejeté sa demande du 20 août 2012 tendant à la reconstitution de sa carrière et à la condamnation de la société Orange de l'indemniser à hauteur de 57 309,87 euros des différents chefs de préjudice qu'il estime avoir subis du fait du comportement fautif de son employeur.

Par un jugement n° 1400099 du 29 juillet 2016, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 28 septembre 2016 et 11 janvier 2018, M. E..., représenté par MeC..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 29 juillet 2016 ;

2°) d'annuler la décision de la société Orange ;

3°) d'enjoindre à la société Orange de reconstituer sa carrière à compter de l'année 1993 ;

4°) de condamner la société orange à lui verser une somme de 57 309,87 euros, assortie des intérêts légaux à compter de la date de réception de sa demande préalable d'indemnisation, en réparation du préjudice subi du fait du comportement de son employeur à son égard ;

5°) de mettre à la charge de la Société Orange une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

M.E... soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier en ce qu'il est insuffisamment motivé s'agissant de l'obligation incombant à son employeur de reconstituer sa carrière en raison des fautes commises, d'une part, de la méconnaissance du principe d'égalité, d'autre part, et enfin en ce qu'il produisait un témoignage attestant de sa valeur professionnelle ;

- les illégalités commises par France Télécom dans la gestion de sa carrière impliquent une reconstitution de celle-ci ;

- le décret du 26 novembre 2004 ne faisait pas obstacle à ce que des promotions de grade puissent intervenir au sein des corps des lignes ;

- les promotions au grade de chef de district intervenues entre 2004 et 2013 l'ont été dans des conditions irrégulières ;

- France Télécom s'est abstenue d'activer les voies de promotion interne qui demeuraient ouvertes ;

- le caractère fautif du comportement de France Télécom a été reconnu par la Cour dans son arrêt du 30 décembre 2010 ;

- son déroulement de carrière est intervenu en méconnaissance du principe d'égalité de traitement ;

- son déroulement de carrière est intervenu en méconnaissance du principe de liberté du travail et de l'opinion ;

- il doit être indemnisé des conséquences financières tenant à l'absence des avancements dont il aurait dû bénéficier à compter de 1993.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 7 avril 2017, le 23 juin 2017, le 30 août 2017, 9 octobre 2017 et le 22 décembre 2017, la Société Orange, représentée par MeA..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge du requérant en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La société Orange fait valoir qu'aucun des moyens d'annulation soulevés n'est fondé et qu'il en va de même des prétentions indemnitaires du requérant.

L'instruction a été close au 8 février 2018, date d'émission d'une ordonnance prise en application des dispositions combinées des articles R. 611-11-1 et R. 613-1 du code de justice administrative.

Un mémoire présenté pour la société Orange a été enregistré le 12 mars 2018, postérieurement à la clôture d'instruction.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 ;

- la loi n° 83- 634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84- 16 du 11 janvier 1984 ;

- la loi n° 96-660 du 26 juillet 1996 ;

- le décret n° 54-865 du 2 septembre 1954 modifié ;

- le décret n°76-4 du 6 janvier 1976 ;

- le décret 85-1238 du 25 novembre 1985 ;

- le décret n° 90-1225 du 31 décembre 1990 ;

- les décrets n° 92-945 du 7 septembre 1992 ;

- le décret n° 2004-1300 du 26 novembre 2004 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Mony,

- les conclusions de M. Durup de Baleine, rapporteur public,

- et les observations de MeD..., substituant MeC..., représentant M.E....

1. Considérant que M. B...E..., fonctionnaire de France Télécom, a choisi en 1993 de demeurer dans son corps d'origine, dit de reclassement, où il occupait le grade de conducteur de travaux du service des lignes ; qu'il a formé le 12 mars 2005, estimant avoir été victime d'un blocage de carrière, un recours indemnitaire qui a aboutit à ce que, par un arrêt du 30 décembre 2010 devenu définitif, la Cour condamne la société Orange, venue aux droits de France Télécom, à l'indemniser à hauteur de 5 000 euros du préjudice moral et des troubles dans ses conditions d'existence nés de l'atteinte à ses droits statutaires à raison des illégalités fautives commises par son employeur ; que M.E..., qui a été admis à faire valoir ses droits à la retraite à compter du 1er juin 2013 au grade d'inspecteur avec effet rétro-actif au 1er janvier 2010, a formé le 10 janvier 2014 un nouveau contentieux tendant à la reconstitution de sa carrière à compter de 1993 et à ce qu'il soit indemnisé à hauteur de 57 309,87 euros du préjudice né de son absence de promotion de grade à compter de cette date ; qu'il relève appel du jugement en date du 29 juillet 2016 par lequel le tribunal administratif a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions en annulation :

En ce qui concerne la régularité du jugement

2. Considérant, en premier lieu, que le jugement attaqué a répondu de manière suffisamment précise aux moyens d'annulation soulevés par M. E...qu'il a écarté au terme d'une motivation en fait et en droit se suffisant à elle-même ;

3. Considérant, en deuxième lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que M.E..., en mentionnant dans son mémoire en réplique enregistré le 16 février 2016 que des promotions aux grades de chef de secteur et de chef de district seraient intervenues de manière irrégulière ait de la sorte entendu soulever un nouveau moyen d'annulation, tiré de la méconnaissance du principe d'égalité de traitement entre agents appartenant à un même corps, distinct du moyen tiré de la rupture d'égalité, lequel avait déjà été soulevé par le requérant dans sa requête introductive d'instance, et écarté par le tribunal administratif dans son point 4 ; que, de même, le moyen tiré du refus de la société Orange de reconstituer la carrière de M. E...a été expressément écarté par le tribunal administratif au point 2 de son jugement ; que, dès lors, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le jugement qu'il critique serait entaché d'omission à statuer ;

4. Considérant, en troisième lieu, que le témoignage dont M. E...a fait état dans ses écritures contentieuses enregistrées le 16 février 2016 ne peut être regardé que comme un argument au moyen tiré de ce que le requérant aurait été privé d'une chance sérieuse de promotion ; qu'un tel argument n'avait pas à être nécessairement repris par le tribunal administratif, celui-ci ayant rappelé que l'arrêt de la Cour du 30 novembre 2010, revêtu de l'autorité de la chose jugée, avait rejeté la demande de M. E...tendant à l'indemnisation d'un préjudice de carrière, au motif que l'intéressé n'établissaient pas que les illégalités par ailleurs commises par son employeur l'avaient privé d'une chance sérieuse de promotion de grade ; que c'est ainsi sans entacher sa décision d'une insuffisance de motivation que le tribunal administratif a pu s'abstenir de faire état d'un tel témoignage ;

En ce qui concerne le bien-fondé du jugement

5. Considérant, en premier lieu, que les décisions administratives ne peuvent légalement disposer que pour l'avenir ; que, s'agissant des décisions relatives à la carrière des fonctionnaires ou des militaires, il peut toutefois être dérogé à ce principe par l'administration en leur conférant une portée rétroactive, dans la seule mesure où ces décisions permettent d'assurer la continuité de la carrière d'un agent ou de procéder à la régularisation de sa situation ; qu'il ne résulte pas de la décision du Conseil d'Etat n° 304438 du 11 décembre 2008 jugeant illégal le refus de modifier les dispositions statutaires concernant les fonctionnaires reclassés de France Télécom-Orange afin de mettre en place des dispositifs de promotion interne, qu'une décision rétroactive soit nécessaire pour assurer la continuité de la carrière de M. E...ou régulariser sa situation ; qu'il ressort en outre des pièces du dossier que, si France Télécom a disposé, jusqu'à l'abrogation par le décret précité du 29 novembre 2011 des dispositions du statut particulier des corps des lignes le prévoyant, de la faculté d'établir des listes d'aptitude annuelles au grade de chef de secteur, dont elle s'est abstenue de faire usage, M. E...ne démontre pas avoir lui-même été privé d'une chance sérieuse d'avoir pu figurer sur une telle liste, s'il en avait été établi ; qu'il ne disposait ainsi, en l'absence de tout droit acquis à une quelconque promotion de grade, d'aucun droit particulier à reconstitution de carrière ; que, par suite, ses conclusions indemnitaires tendant à ce qu'il soit tiré les conséquences financières d'une telle reconstitution, notamment en ce qui concerne la minoration de son droit à pension, doivent être rejetées ; que M. E...n'établit pas avoir été placé dans une situation statutaire irrégulière, ni avoir été privé abusivement d'une promotion de grade qui lui aurait été acquise ; que, par suite, ses conclusions tendant à l'annulation de la décision implicite par laquelle la société Orange, venue au droit de France Télécom a rejeté sa demande tendant à la reconstitution de sa carrière doivent être également rejetées

6. Considérant, en deuxième lieu, que le principe d'égalité de traitement des fonctionnaires n'est susceptible de s'appliquer, pour ce qui concerne le déroulement de leur carrière, qu'entre agents appartenant à un même corps ; que les agents " reclassifiés " et les agents " reclassés " sont placés dans des situations juridiques différentes ; que la circonstance que des collègues appartenant au même corps que le requérant aient bénéficié irrégulièrement de promotions de grades est, à la supposer même établie et en tout état de cause, sans incidence sur la légalité de la décision de la société Orange de refuser de reconstituer sa carrière ; que le moyen tiré de la méconnaissance du principe d'égalité par le refus de la société Orange de procéder à la reconstitution de la carrière de M. E... ne peut ainsi qu'être écarté ;

7. Considérant, en troisième lieu, que les allégations de M. E...selon lesquelles le refus de France Télécom, qui, ainsi qu'il a été dit au point 6, n'est pas entaché d'illégalité, confirmerait la volonté de son employeur de faire une distinction entre les agents " reclassifiés " et les agents " reclassés ", dont la carrière serait ainsi bloquée uniquement en raison de leur choix de ne pas être intégrés dans des grades de classification, et méconnaîtrait de ce fait le principe de liberté du travail et d'opinion, ne sont pas étayées par les éléments du dossier ; que ce moyen doit donc, en tout état de cause, être écarté ;

8. Considérant, en dernier lieu, que si M. E...soutient dans ses écritures enregistrées le 11 janvier 2018 fournir des éléments nouveaux démontrant qu'il a été privé d'une chance sérieuse de bénéficier d'un avancement de grade par voie de promotion interne, l'arrêt de la Cour du 30 décembre 2010, statuant définitivement sur la demande indemnitaire formée par l'intéressé le 12 mars 2015, a jugé que ce dernier n'avait pas été privé d'une chance sérieuse d'accéder au grade hiérarchiquement supérieur si des promotions avaient été organisées au bénéfice des fonctionnaires reclassés après 1993 ; que, s'agissant de la période postérieure au 1er décembre 2004, et en admettant même que France Télécom-Orange se soit alors volontairement abstenue d'activer les voies de promotion interne prévues pour l'accession au grade de chef de secteur jusqu'à l'entrée en vigueur du décret du 29 novembre 2011 relatif aux statuts particuliers des corps du service des lignes de France Télécom, M.E..., par le seul témoignage qu'il produit aujourd'hui, s'agissant en outre d'un avancement exclusivement au choix, parmi les conducteurs de lignes remplissant les conditions statutaires, ne démontre pas qu'il disposait effectivement, comparativement aux autres conducteurs de lignes potentiellement promouvables, des qualités professionnelles l'assurant de devoir bénéficier d'une telle promotion ;

9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. E...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions en injonction :

10. Considérant que le présent arrêt, qui rejette l'ensemble des conclusions de

M.E..., n'appelle aucune mesure particulière en vue d'en assurer l'exécution ; que les conclusions en injonction présentées par l'intéressé doivent ainsi, par voie de conséquence, être rejetées ;

Sur les frais liés au litige :

11. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la société Orange, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, verse à M. E...la somme que celui-ci réclame au titre des frais qu'il a exposés ; qu'il n'y a pas davantage lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M.E..., la somme que réclame, au même titre, la société Orange ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. E... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la société Orange relatives à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... E..., à la Société Orange (France Télécom) et au ministre de l'Economie et des finances.

Délibéré après l'audience du 16 mars 2018, à laquelle siégeaient :

- M. Lenoir, président de chambre,

- M. Francfort, président-assesseur,

- M. Mony, premier conseiller.

Lu en audience publique le 3 avril 2018.

Le rapporteur,

A. MONYLe président,

H. LENOIR

Le greffier,

F. PERSEHAYE

La République mande et ordonne au ministre de l'Economie et des finances, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 16NT03278


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 16NT03278
Date de la décision : 03/04/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. LENOIR
Rapporteur ?: M. Arnaud MONY
Rapporteur public ?: M. DURUP de BALEINE
Avocat(s) : LERAT

Origine de la décision
Date de l'import : 10/04/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2018-04-03;16nt03278 ?
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