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05/03/2018 | FRANCE | N°16NT00514

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 05 mars 2018, 16NT00514


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association de préservation du site d'Octeville-l'Avenel et des communes environnantes (APSOLACE) a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler l'arrêté du 11 septembre 2014 par lequel la préfète de la Manche a accordé à la SARL Ferme éolienne d'Octeville-l'Avenel un permis de construire un parc de 8 éoliennes et un poste de livraison sur des terrains situés à Octeville-l'Avenel ainsi que le rejet implicite de son recours gracieux.

Par un jugement n° 1500567 du 15 décembre 2015, le tr

ibunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association de préservation du site d'Octeville-l'Avenel et des communes environnantes (APSOLACE) a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler l'arrêté du 11 septembre 2014 par lequel la préfète de la Manche a accordé à la SARL Ferme éolienne d'Octeville-l'Avenel un permis de construire un parc de 8 éoliennes et un poste de livraison sur des terrains situés à Octeville-l'Avenel ainsi que le rejet implicite de son recours gracieux.

Par un jugement n° 1500567 du 15 décembre 2015, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 15 février 2016 et le 26 décembre 2017, l'Association de préservation du site d'Octeville-l'Avenel et des communes environnantes (APSOLACE), représentée par MeC..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 15 décembre 2015 ;

2°) d'annuler le permis de construire délivré le 11 septembre 2014 à la SARL Ferme éolienne d'Octeville-l'Avenel ainsi que la décision implicite de rejet de son recours gracieux ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat et de la SARL Ferme éolienne d'Octeville-l'Avenel une somme de 3000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le sens des conclusions indiqué avant l'audience dans l'application " Sagace " comportait des indications contradictoires ; le tribunal s'est fondé sur le défaut de qualité à agir du président de l'APSOLACE alors qu'une telle fin de non-recevoir n'a pas été soulevée en défense et que le tribunal n'en a pas informé les parties ; le jugement est donc irrégulier ;

- le président de l'association dispose, en application de ses statuts, de la capacité d'ester en justice au nom de l'association ; l'irrecevabilité opposée par le tribunal n'est pas fondée ; le conseil d'administration avait autorisé l'action en justice par une délibération du 2 mai 2013 ;

- l'APSOLACE justifie de son intérêt à agir contre le permis contesté ;

- elle a régulièrement notifié le recours gracieux formé contre le permis, en application de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme ;

- sur le fond, les collectivités limitrophes du parc éolien n'ont pas été consultées en violation du XI de l'article 90 de la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 ;

- la demande de permis n'a pas été mise à la disposition du public, en violation de l'article L. 120-1-1 du code de l'environnement ;

- les éoliennes, implantées à 14 km du radar militaire de basse altitude de Cherbourg-Maupertus, sont de nature à en altérer le fonctionnement, en méconnaissance de l'article R. 244-1 du code de l'aviation civile et de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme ;

- le permis méconnaît les dispositions de l'article R. 111-15 du code de l'urbanisme, faute de prescriptions portant sur l'éloignement des zones boisées ;

- le projet est de nature à porter une atteinte grave à l'intérêt des lieux avoisinants, en violation de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme ;

- les prescriptions dont est assorti le permis contesté sont imprécises et rendent le permis de construire inapplicable.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 6 juillet 2016, le 20 décembre 2016 et le 30 janvier 2018, la société Ferme éolienne d'Octeville-l'Avenel, représentée par MeD..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de l'APSOLACE une somme de 3000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête est irrecevable, le président de l'association ne justifiant pas en appel d'un mandat du conseil d'administration l'autorisant à interjeter appel ;

- le jugement attaqué n'est pas irrégulier ;

- les autres moyens soulevés par l'APSOLACE ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 26 décembre 2017, le ministre de la cohésion des territoires conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par l'APSOLACE ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

-le code de l'urbanisme ;

- le code de l'environnement ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Degommier,

- les conclusions de M. Derlange, rapporteur public,

- et les observations de MeC..., représentant l'association de préservation du site d'Octeville-l'Avenel et des communes environnantes, et de MeB..., substituant MeD..., représentant la SAR Ferme éolienne d'Octeville-l'Avenel.

1. Considérant que par jugement n° 1500567 du 15 décembre 2015, le tribunal administratif de Caen a rejeté la demande de l'APSOLACE tendant à l'annulation de l'arrêté du 11 septembre 2014 par lequel la préfète de la Manche a accordé à la SARL Ferme éolienne d'Octeville-l'Avenel un permis de construire un parc de 8 éoliennes et un poste de livraison sur des terrains situés à Octeville-l'Avenel ainsi que du rejet implicite de son recours gracieux ; que l'APSOLACE interjette appel de ce jugement ;

Sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée à la requête d'appel par la société Ferme éolienne d'Octeville-l'Avenel ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article R. 711-2 du code de justice administrative : "L'avis d'audience (...) mentionne (...) les modalités selon lesquelles les parties ou leurs mandataires peuvent prendre connaissance du sens des conclusions du rapporteur public, en application de l'article R. 711-3 " ; qu'aux termes de l'article R. 711-3 de ce code : " Si le jugement de l'affaire doit intervenir après le prononcé de conclusions du rapporteur public, les parties ou leurs mandataires sont mis en mesure de connaître, avant la tenue de l'audience, le sens de ces conclusions sur l'affaire qui les concerne " ; que la communication du sens des conclusions du rapporteur public dans les conditions prévues par ces dispositions a pour objet de mettre les parties en mesure d'apprécier l'opportunité d'assister à l'audience publique, d'y présenter des observations orales à l'appui de leur argumentation écrite et, le cas échéant, de produire une note en délibéré après l'audience publique ; qu'en conséquence, les parties ou leurs mandataires doivent être mis en mesure de connaître, dans un délai raisonnable avant l'audience, l'ensemble des éléments du dispositif de la décision que le rapporteur public compte proposer à la formation de jugement d'adopter, à l'exception de la réponse aux conclusions qui revêtent un caractère accessoire, notamment celles qui sont relatives à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que cette exigence s'impose à peine d'irrégularité de la décision rendue sur les conclusions du rapporteur public ;

3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, notamment de la copie de la fiche de l'application informatique " Sagace " de suivi de l'instruction éditée par l'association requérante, et qu'il n'est pas contesté que, le 27 novembre 2015, soit cinq jours avant l'audience, figurait, dans cette application informatique, une discordance entre les contenus de la rubrique " sens synthétique des conclusions ", qui portait la mention " rejet au fond ", et la rubrique " sens des conclusions et moyens ou causes retenus ", qui mentionnait le rejet pour " défaut de qualité pour agir ", soit par conséquent un rejet pour irrecevabilité ; que, toutefois, les deux informations permettaient de savoir que le rapporteur public allait conclure au rejet de la requête et de connaître avec précision le motif justifiant la solution proposée ; que, par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'avocat de l'association requérante, informé du sens des conclusions dès le 27 novembre 2015, aurait pris l'attache du greffe pour relever cette discordance et demander une rectification ; que si cet avocat a fait état de cette discordance lors de l'audience publique, il n'a pas été pour autant privé de la possibilité de faire valoir ses observations sur le motif d'irrecevabilité retenu par le rapporteur public ; qu'il n'a pas en outre produit de note en délibéré, alors qu'il était à même de le faire ; qu'ainsi, dans les circonstances de l'espèce, la discordance entre les contenus de la rubrique " sens synthétique des conclusions ", et la rubrique " sens des conclusions et moyens ou causes retenus " n'entache pas d'irrégularité le jugement attaqué ; que, dès lors, l'APSOLACE n'est pas fondée à soutenir que le jugement du 15 décembre 2015 a été pris en méconnaissance des dispositions précitées ;

4. Considérant, en deuxième lieu, que contrairement à ce que soutient l'association requérante, l'irrecevabilité tirée du défaut de capacité à agir de l'association, laquelle ne pouvait s'entendre que du défaut de capacité de la personne représentant l'association dans l 'instance, a été expressément invoquée en défense par la SARL Ferme éolienne d'Octeville-l'Avenel dans un mémoire enregistré au greffe du tribunal le 21 avril 2015 et communiqué à l'association de préservation du site d'Octeville-l'Avenel et des communes environnantes le 5 mai 2015 ; qu'ainsi, en rejetant comme irrecevable la demande de l'APSOLACE en raison du défaut de capacité à agir du président de cette association, le tribunal n'a pas soulevé d'office un moyen ;

5. Considérant, en dernier lieu, qu'en l'absence, dans les statuts d'une association ou d'un syndicat, de stipulation réservant expressément à un autre organe la capacité de décider de former une action devant le juge administratif, celle-ci est régulièrement engagée par l'organe tenant des mêmes statuts le pouvoir de représenter cette association ou ce syndicat en justice ;

6. Considérant que les statuts de l'APSOLACE prévoient, en leur article 11 que "le conseil d'administration donne pouvoir au président d'agir au nom de l'association dans ses rapports avec la justice. Il dispose de la capacité d'ester en justice au nom de 1'association. Il est mandaté pour mettre en oeuvre tous les recours devant toutes les juridictions administratives (...) nécessaires à la poursuite des buts de l'association" ; qu'il ressort de cet article que le président de l'association ne dispose de la capacité pour agir en justice au nom de l'association qu'après y avoir été autorisé par le conseil d'administration ;

7. Considérant que pour justifier de sa capacité à agir, l'association s'est bornée à produire au greffe en pièce n° 21 une délibération de son conseil d'administration réuni le 2 mai 2013, qui a donné à M. E...le pouvoir d'ester en justice au nom de l'association dans le recours contre l'arrêté préfectoral du 28 septembre 2012 portant approbation et mise en révision du schéma régional éolien (SRE) de la région Basse-Normandie ; qu'il ne ressort ni des termes de cette délibération, ni d'aucune autre pièce du dossier qu'un mandat aurait été donné par le conseil d'administration à son président pour former un recours contentieux contre le permis de construire contesté du 11 septembre 2014 autorisant la construction du parc éolien d'Octeville l'Avenel ; que la production par l'association, en appel, d'une délibération du conseil d'administration du 2 décembre 2015, autorisant son président à former un recours en annulation contre le permis contesté, n'est de nature, alors même que cette délibération est antérieure au jugement attaqué, ni à régulariser la demande de première instance , laquelle était par suite irrecevable, ni à entacher d'irrégularité le jugement attaqué ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le jugement attaqué n'est pas entaché des irrégularités alléguées et que l'APSOLACE n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par ce jugement, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande ;

Sur les frais liés au litige :

9. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société Ferme éolienne d'Octeville-l'Avenel, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que l'APSOLACE demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de l'APSOLACE une somme de 1500 euros au titre des frais exposés par la société Ferme éolienne d'Octeville-l'Avenel et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de l'association de préservation du site d'Octeville-l'Avenel et des communes environnantes est rejetée.

Article 2 : L'association de préservation du site d'Octeville-l'Avenel et des communes environnantes versera à la société Ferme éolienne d'Octeville-l'Avenel une somme de 1500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'association de préservation du site d'Octeville-l'Avenel et des communes environnantes, au ministre de la cohésion des territoires et à la société ferme éolienne d'Octeville-l'Avenel.

Une copie en sera adressée au préfet de la Manche.

Délibéré après l'audience du 13 février 2018, à laquelle siégeaient :

- M. Pérez, président,

- M. Degommier, président assesseur,

- M.A...'hirondel, premier conseiller,

Lu en audience publique le 5 mars 2018.

Le rapporteur,

S. DEGOMMIERLe président,

A. PEREZLe greffier,

S. BOYERE

La République mande et ordonne au ministre de la cohésion des territoires en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 16NT00514


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 16NT00514
Date de la décision : 05/03/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. PEREZ
Rapporteur ?: M. Sébastien DEGOMMIER
Rapporteur public ?: M. DERLANGE
Avocat(s) : MONAMY

Origine de la décision
Date de l'import : 13/03/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2018-03-05;16nt00514 ?
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