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14/12/2017 | FRANCE | N°16NC01750

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre - formation à 3, 14 décembre 2017, 16NC01750


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'EARL du Coteau a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler la décision du 5 janvier 2015 par laquelle le préfet des Ardennes a annulé les aides qui lui avaient été accordées par l'Etat et par le FEOGA le 25 novembre 2005 et de condamner l'Etat à lui verser la somme de 14 338,80 euros tant pour son compte personnel que pour le compte du Fonds européen d'orientation et de garantie agricole.

Par un jugement n° 1500371 du 29 juin 2016, le tribunal administratif a rejeté la

demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 5 août 201...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'EARL du Coteau a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler la décision du 5 janvier 2015 par laquelle le préfet des Ardennes a annulé les aides qui lui avaient été accordées par l'Etat et par le FEOGA le 25 novembre 2005 et de condamner l'Etat à lui verser la somme de 14 338,80 euros tant pour son compte personnel que pour le compte du Fonds européen d'orientation et de garantie agricole.

Par un jugement n° 1500371 du 29 juin 2016, le tribunal administratif a rejeté la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 5 août 2016, l'EARL du Coteau, représentée par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne ;

2°) d'annuler la décision contestée du 5 janvier 2015 ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 14 338,80 euros ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros à lui verser au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- c'est à tort que le tribunal administratif lui a opposé la prescription quadriennale, dès lors que la collectivité débitrice l'avait laissée dans un état d'incertitude tel qu'elle pouvait légitimement croire que sa créance serait sauvegardée et que le délai de prescription ne courait pas avant la décision du préfet du 5 janvier 2015 ;

- l'engagement de respecter les conditions minimales requises en matière notamment d'environnement ne concernait que l'investissement financé par la subvention ;

- le préfet ne produit pas de compte rendu de visite ce qui ne permet pas à la cour d'apprécier le non-respect des engagements invoqués concernant les travaux subventionnés ;

- il est démontré par un constat d'huissier que les engagements pris dans la demande de subvention ont été respectés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 7 avril 2017, le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- le règlement (CE) n° 1257/1999 et l'article 3 de l'arrêté du 3 janvier 2005 prévoient que l'aide aux investissements est limitée aux exploitations agricoles qui remplissent les conditions minimales requises en matière d'environnement que l'EARL du Coteau s'était engagée à respecter dans sa demande d'aide ; dès lors que l'EARL ne remplissait pas cette condition, elle ne pouvait prétendre au versement de l'aide ;

- à supposer illégale la décision du préfet des Ardennes, la société n'ignorait pas l'existence de sa créance et peut se voir à bon A...opposer la prescription quadriennale.

Les parties ont été informées en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de ce que la prescription quadriennale de la loi du 31 décembre 1968 n'était pas opposable à la part des aides accordées à la l'EARL du Coteau et mises à la charge du FEOGA.

Le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt a produit le 25 octobre 2017 un mémoire en réponse au moyen d'ordre public soulevé par la cour en faisant valoir que la part de l'aide à la charge du FEOGA est payée par l'Etat français qui en obtient ensuite le remboursement et que la loi du 31 décembre 1968 est opposable à l'ensemble de l'aide perçue par l'EARL du Coteau.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le règlement (CE) n° n° 1257/1999 ;

- la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 modifiée ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Stefanski, président,

- les conclusions de M. Favret, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Le 15 novembre 2005, l'EARL du Coteau a demandé une subvention dans le cadre d'un plan de modernisation des bâtiments d'élevage. Par arrêté du 30 novembre 2005, le préfet des Ardennes lui a accordé une aide d'un montant de 14 338,80 euros sous diverses conditions dont la conformité des travaux réalisés par rapport aux travaux prévus et le respect de conditions environnementales. Par arrêté du 5 janvier 2015, le préfet des Ardennes a annulé les aides accordées à l'EARL du Coteau par la décision du 30 novembre 2005 au motif qu'une visite sur place effectuée le 22 décembre 2014 avait permis de constater définitivement que l'exploitation ne respectait pas les normes relatives à la gestion des effluents et n'avait donc pas respecté ses engagements. L'EARL du Coteau interjette appel du jugement du 29 juin 2015 par laquelle le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 5 janvier 2015 et à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 14 338,80 euros tant pour son compte personnel que pour le compte du FEOGA.

2. Pour rejeter la demande de l'EARL du Coteau, les premiers juges ont opposé la prescription quadriennale, au motif que la créance dont se prévalait la société avait pour fait générateur l'arrêté du 30 novembre 2005 lui octroyant la subvention, que le délai de prescription avait commencé à courir le 1er janvier 2006, avait été interrompu le 8 novembre 2007 par la demande de paiement de l'aide faite par l'EARL et qu'un nouveau délai avait commencé à courir le 1er janvier 2008 jusqu'au 31 décembre 2011. Le tribunal a estimé qu'en l'absence de toute autre action ultérieure de la part de la société, l'arrêté contesté du 5 janvier 2015 n'avait pas fait renaître la créance litigieuse, et qu'ainsi à la date de saisine du tribunal administratif par l'EARL du Coteau contre la décision du 5 janvier 2015, la créance était prescrite.

3. Il ressort clairement des pièces du dossier que l'arrêté du 5 janvier 2015 a eu pour objet et pour effet de retirer la décision du 30 novembre 2005 par laquelle l'administration avait accordé une subvention à l'EARL du Coteau au motif que la requérante n'avait pas respecté les conditions posées à l'octroi de l'aide. Cette décision ne saurait donc s'analyser comme une décision de refus de paiement d'une créance née dont se serait prévalue la requérante et à laquelle l'administration aurait pu, le cas échéant, opposer les règles de prescription quadriennale. Dans ces conditions, c'est à tort que le tribunal administratif s'est fondé sur un motif tiré de la prescription quadriennale, qui ne constituait pas le motif de la décision attaquée, pour rejeter la demande de l'EARL du Coteau alors même que la société requérante invoquait l'illégalité de la décision de retrait et demandait son annulation. L'autorité administrative n'a d'ailleurs pas demandé au tribunal de procéder à une substitution de motifs en substituant au motif du retrait un motif tiré de ce que la créance était prescrite. Un tel motif ne pouvait du reste servir légalement de fondement à la décision litigieuse de retrait de la subvention. Dès lors, l'EARL du Coteau est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal a rejeté sa demande et à demander l'annulation du jugement contesté.

4. Il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, de statuer sur les conclusions présentées par l'EARL du Coteau devant le tribunal administratif et d'examiner les autres moyens soulevés par l'EARL du Coteau devant la cour comme devant le tribunal administratif.

Sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de l'EARL du Coteau :

5. Aux termes de l'article 5 du règlement (CE) n° 1257/99 du conseil du 17 mai 1999 concernant le soutien au développement rural par le FEOGA qui comporte des dispositions relative aux parts de subvention à la charge du FEOGA comme des Etats membres : " L'aide aux investissements est limitée aux exploitations agricoles: (...) qui remplissent les conditions minimales requises dans les domaines de l'environnement, de l'hygiène et du bien-être des animaux (...) ". De même, l'article 3 de l'arrêté ministériel du 3 mai 2005 relatif à l'aide aux investissements pour les bâtiments d'élevage bovin, ovin et caprin prévoit que : " Le demandeur, doit satisfaire, à la date de décision d'octroi de la subvention, les conditions énumérées ci-après (...) 5° Remplir, dans le cadre de l'exploitation objet de l'aide, les conditions minimales requises dans le domaine de l'hygiène et du bien-être des animaux et de l'environnement mentionnées à l'article 5 du règlement (CE) no 1257/1999 du Conseil (...) ". Ces exigences étaient rappelées dans le formulaire de la demande d'aide présentée par l'EARL du Coteau, qui précisait que ces conditions devaient être remplies pendant un délai de cinq ans à compter de la notification de la subvention.

6. L'EARL du Coteau fait valoir qu'elle devait respecter ses engagements pendant un délai de cinq ans à compter de la notification de la subvention et que les faits invoqués à l'appui de la décision du 5 janvier 2015 lui refusant le versement de l'aide sont postérieurs à cette période. Il résulte de l'arrêté contesté que le préfet s'est fondé sur une visite sur place effectuée le 22 décembre 2014 mentionnant qu'elle constatait définitivement que l'exploitation ne respectait pas les normes relatives à la gestion des effluents.

7. S'il n'est pas contesté par la société requérante que des contrôles sur place ont eu lieu en 2007 et 2014, le ministre n'a, malgré les demandes de la cour, produit aucun document relatif aux conclusions de ces visites sur place, ni à d'autres contrôles qui auraient pu être effectués au cours de cette période dans l'exploitation de l'EARL du Coteau. Ainsi, il ne résulte pas de l'instruction que la société a méconnu ses engagements dans le délai de cinq ans prévu par le formulaire de demande d'aide et la décision d'attribution de la subvention. En se fondant essentiellement sur le contrôle sur place effectué en 2014 et en mentionnant que ce dernier " constate définitivement " que l'exploitation ne remplissait pas une des conditions requises, l'administration n'établit pas que la société n'avait pas respecté, dans les délais requis, les engagements pris en sollicitant l'aide.

8. Ainsi c'est à tort que le préfet a retiré la subvention accordée à l'EARL du Coteau pour ce motif. Dès lors qu'il n'est pas allégué que la même décision de retrait aurait pu être légalement prise sur le fondement d'autres motifs, l'EARL du Coteau est fondée à demander la condamnation de l'Etat à lui verser l'aide en litige d'un montant de 14 338, 80 euros. Il résulte de ce qui précède que l'EARL du Coteau est fondée à demander l'annulation du jugement attaqué.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Dans les circonstance de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat, une somme de 1 500 euros à verser à l'EARL du Coteau au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

Par ces motifs,

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 29 juin 2016 et la décision du 5 janvier 2015 du préfet des Ardennes sont annulés.

Article 2 :L'Etat est condamné à verser la somme de 14 338,80 euros (quatorze mille trois cents trente-huit euros quatre-vingts centimes) à l'EARL du Coteau.

Article 3 : L'Etat versera à l'EARL du Coteau une somme de 1 500 (mille cinq cents) euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à l'EARL du Coteau et au ministre de l'agriculture et de l'alimentation.

Copie en sera adressée au préfet des Ardennes.

2

N° 16NC01750


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16NC01750
Date de la décision : 14/12/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

03-03-06 Agriculture et forêts. Exploitations agricoles. Aides de l'Union européenne.


Composition du Tribunal
Président : M. MESLAY
Rapporteur ?: Mme Colette STEFANSKI
Rapporteur public ?: M. FAVRET
Avocat(s) : DROIT MICHEL

Origine de la décision
Date de l'import : 02/01/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2017-12-14;16nc01750 ?
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