Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B...E...a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler la décision implicite par laquelle le directeur général de la Citadelle de Besançon a rejeté sa demande d'abrogation des dispositions du règlement intérieur de l'établissement portant interdiction de marcher pieds nus.
Par un jugement no 1401447 du 14 avril 2016, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires complémentaires, enregistrés les 9 juin 2016, 9 février et 6 avril 2017, M. B...E..., représenté par MeA..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement no 1401447 du 14 avril 2016 du tribunal administratif de Besançon ;
2°) d'annuler la décision implicite par laquelle le directeur général de la Citadelle de Besançon a rejeté sa demande d'abrogation des dispositions du règlement intérieur de l'établissement portant interdiction de marcher pieds nus ;
3°) d'enjoindre à la Ville de Besançon d'abroger la disposition contestée du règlement intérieur prohibant la marche pieds nus dans un délai de 15 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de condamner la Ville de Besançon à lui verser une somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
M. E...soutient que :
- il a intérêt à agir contre la décision contestée ;
- l'interdiction générale et absolue de marcher pieds nus édictée par le règlement intérieur de la Citadelle de Besançon porte une atteinte disproportionnée à la liberté de se vêtir, qui est une composante essentielle du droit au respect de la vie privée protégé par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l' article 9 du code civil, ainsi qu'aux libertés d'expression et de conscience, garanties par les articles 9 et 10 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- les motifs invoqués pour justifier cette interdiction, tenant à la sécurité et la salubrité des lieux ainsi qu'à la moralité publique, ne sont pas fondés.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 24 janvier et 20 mars 2017, la ville de Besançon, représentée par MeD..., conclut au rejet de la requête et à la condamnation de M. E...à lui verser une somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La Ville de Besançon soutient qu'aucun des moyens soulevés par M. E...n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la Constitution du 4 octobre 1958 ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de l'environnement ;
- l'arrêté du 25 mars 2004 fixant les règles générales de fonctionnement et les caractéristiques générales des installations des établissements zoologiques ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Rees, premier conseiller,
- les conclusions de M. Favret, rapporteur public,
- et les observations de Me C...pour M.E..., ainsi que celles de Me D... pour la commune de Besançon.
Considérant ce qui suit :
1. Par une décision du 15 janvier 2013, le directeur général de l'établissement public Citadelle-Patrimoine Mondial a arrêté le règlement intérieur du site de la Citadelle de Besançon, applicable à l'ensemble formé par la Citadelle, les musées, le jardin zoologique, l'aquarium, l'insectarium, le noctarium et tous les cheminements et installations ouverts à la circulation du public. Ce règlement comporte un article 4 fixant une liste d'interdictions, au nombre desquelles figure celle de marcher pieds nus. M. B... E..., adepte de cette pratique, s'est vu, à plusieurs reprises en 2013, sur le fondement de ces dispositions, refuser l'accès au site. Le 8 mai 2014, il a demandé à l'établissement public Citadelle-Patrimoine Mondial, alors en charge du site et auquel s'est depuis substituée la commune de Besançon, de procéder à leur abrogation en ce qui concerne l'interdiction de marcher pieds nus. Une décision implicite de rejet est née du silence gardé par l'administration sur cette demande.
2. M. E...relève appel du jugement du 14 avril 2016 par lequel le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.
Sur la légalité de la décision :
3. M. E...fait valoir que le directeur général de l'établissement public Citadelle-Patrimoine Mondial ne pouvait pas légalement refuser d'abroger les dispositions réglementaires litigieuses dès lors qu'elles sont illégales.
4. En effet, selon le requérant, aucun des motifs invoqués par la ville de Besançon pour justifier l'interdiction de marcher pieds nus édictée par le règlement intérieur de la Citadelle de Besançon n'est fondé. Il estime que cette interdiction porte une atteinte disproportionnée à sa liberté de se vêtir, composante de son droit au respect de la vie privée protégé par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 9 du code civil, ainsi qu'à ses libertés d'expression et de conscience, garanties par les articles 9 et 10 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors que son choix de marcher pieds nus exprime son adhésion à un courant de pensée.
5. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance / 2. Il ne peut y avoir d'ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
6. Aux termes de l'article 9 de la même convention : " 1. Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion ; ce droit implique la liberté de changer de religion ou de conviction, ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction individuellement ou collectivement, en public ou en privé, par le culte, l'enseignement, les pratiques et l'accomplissement des rites. / 2. La liberté de manifester sa religion ou ses convictions ne peut faire l'objet d'autres restrictions que celles qui, prévues par la loi, constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité publique, à la protection de l'ordre, de la santé ou de la morale publique, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
7. Aux termes de l'article 10 de la même convention : " 1. Toute personne a droit à la liberté d'expression. Ce droit comprend la liberté d'opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu'il puisse y avoir ingérence d'autorités publiques et sans considération de frontière. Le présent article n'empêche pas les Etats de soumettre les entreprises de radiodiffusion, de cinéma ou de télévision à un régime d'autorisations. / 2. L'exercice de ces libertés comportant des devoirs et des responsabilités peut être soumis à certaines formalités, conditions, restrictions ou sanctions prévues par la loi, qui constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à l'intégrité territoriale ou à la sûreté publique, à la défense de l'ordre et à la prévention du crime, à la protection de la santé ou de la morale, à la protection de la réputation ou des droits d'autrui, pour empêcher la divulgation d'informations confidentielles ou pour garantir l'autorité et l'impartialité du pouvoir judiciaire ".
En ce qui concerne les motifs de l'interdiction :
Sur le motif tiré de la sécurité des usagers du site :
8. Il est constant que le site de la Citadelle de Besançon est régulièrement en travaux depuis une vingtaine d'années et doit l'être encore pendant une dizaine d'autres. Si ces travaux ne concernent, à chaque fois, que des parties du site auxquelles l'accès est interdit au public en vertu de l'article 2 du règlement intérieur, ils impliquent la présence fréquente d'installations de chantier et la circulation, en dehors de ces parties, d'engins de chantier susceptibles de laisser sur leur passage des éléments pouvant blesser des personnes circulant sans protection plantaire.
9. Dès lors, cet impératif de sécurité publique et le souci d'assurer la sécurité des usagers du site est de nature à justifier, dans son principe, l'interdiction litigieuse.
Sur le motif tiré de la salubrité publique :
10. Le site de la Citadelle de Besançon comporte un jardin zoologique. Une partie des animaux qui y sont hébergés sont séparés du public par des cages ou des enclos, mais il est constant que d'autres animaux, considérés comme non dangereux, sont parfois laissés en liberté et circulent parmi les usagers dans tout le jardin. Cette possibilité est admise par l'arrêté du 25 mars 2004 fixant les règles générales de fonctionnement et les caractéristiques générales des installations des établissements zoologiques à caractère fixe et permanent, présentant au public des spécimens vivants de la faune locale ou étrangère.
11. M. E...soutient que cet arrêté, qui fixe par ailleurs des règles de fonctionnement strictes, n'interdit pas aux usagers de circuler pieds nus dans les lieux où sont hébergés ou circulent des animaux. Toutefois, ledit arrêté prévoit, au point 1 de son annexe 2, que " la circulation du public dans les lieux où sont hébergés ou circulent des animaux n'est possible que si les risques pour la sécurité et la santé des personnes sont prévenus par la mise en place d'installations et de conditions de fonctionnement adaptées ", laissant ainsi à chaque établissement le soin de déterminer ces conditions de fonctionnement. La circonstance que cet arrêté n'interdise pas expressément la marche pieds nus dans les lieux où circulent les animaux ne fait donc nullement obstacle à ce qu'une telle interdiction soit fixée par le règlement intérieur de l'établissement.
12. La nécessité de garantir la salubrité publique est en l'espèce de nature à justifier, dans son principe, une interdiction faite aux usagers de marcher pieds nus afin d'éviter la transmission de zoonoses.
Sur le motif tiré de la nécessité d'assurer la jouissance paisible des lieux :
13. Il appartient à l'exploitant d'un ouvrage public affecté à l'usage du public de prendre toute mesure permettant d'assurer un usage de cet ouvrage en conformité avec sa destination. A ce titre, il lui incombe notamment de veiller à ce que chaque visiteur adopte une attitude respectueuse tout à la fois des lieux et des autres visiteurs du site.
14. Si le souci de garantir à chaque utilisateur une jouissance paisible du site n'est pas, à lui seul, de nature à justifier une interdiction de marcher pieds nus dans les parties extérieures de la Citadelle, il est en revanche de nature à justifier, dans son principe, une telle interdiction dans les parties intérieures de la Citadelle, en particulier le Musée de la Résistance, eu égard à la charge historique et mémorielle qui s'attache à ce lieu et à son environnement.
En ce qui concerne la portée de l'interdiction :
15. L'interdiction litigieuse, dès lors qu'elle est limitée au périmètre du site de la Citadelle de Besançon et à la durée de la visite, ne porte pas à la liberté individuelle de choix de chaque usager de sa tenue vestimentaire, une atteinte disproportionnée au regard des buts qu'elle poursuit.
16. Il résulte de tout ce qui précède que M. E...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande. Ses conclusions à fin d'annulation ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ne peuvent, dès lors, qu'être rejetées.
17. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de M. E... une somme à verser à la commune de Bensaçon au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par ces motifs,
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. B...E...est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la commune de Besançon tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...E...et à la commune de Besançon.
2
N°16NC01123