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06/05/2016 | FRANCE | N°15VE03354

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 5ème chambre, 06 mai 2016, 15VE03354


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société TOP AUTO ECOLE et M. B...A...ont demandé au Tribunal administratif de Montreuil de condamner l'Etat à les indemniser au titre du préjudice qu'ils estiment avoir subi du fait de l'illégalité de l'arrêté du 17 septembre 2009 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a prononcé la suspension pendant trois mois de l'agrément autorisant M. A... à exploiter un établissement d'enseignement de la conduite des véhicules à moteur et de la sécurité routière.

Par un jugement n° 1105279

du 25 mai 2012, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté cette demande.

Par un a...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société TOP AUTO ECOLE et M. B...A...ont demandé au Tribunal administratif de Montreuil de condamner l'Etat à les indemniser au titre du préjudice qu'ils estiment avoir subi du fait de l'illégalité de l'arrêté du 17 septembre 2009 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a prononcé la suspension pendant trois mois de l'agrément autorisant M. A... à exploiter un établissement d'enseignement de la conduite des véhicules à moteur et de la sécurité routière.

Par un jugement n° 1105279 du 25 mai 2012, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté cette demande.

Par un arrêt n° 12VE02707 du 30 décembre 2013, la Cour administrative d'appel de Versailles a, à la demande de la société TOP AUTO ECOLE et de M. A..., d'une part, annulé, ce jugement, d'autre part, condamné l'État à verser la somme de 118 335,50 euros à cette société et la somme de 5 000 euros à M.A..., augmentées des intérêts aux taux légal à compter du 6 avril 2011, en réparation des préjudices subis du fait de l'illégalité de l'arrêté du 17 septembre 2009.

Par une décision n° 376213 du 22 octobre 2015, le Conseil d'État a, à la demande du ministre de l'intérieur, annulé cet arrêt et renvoyé l'affaire devant la Cour.

Procédure devant la Cour :

Par un mémoire, enregistré le 4 janvier 2016, la société TOP AUTO ECOLE et M. A..., représentés par Me Swennen, avocat, demandent à la Cour :

1° d'annuler le jugement n° 1105279 du 25 mai 2012 du Tribunal administratif de Montreuil ;

2° de condamner l'Etat à verser la somme de 118 335,50 euros à cette société et la somme de 5 000 euros à M.A..., augmentées des intérêts aux taux légal à compter du 6 avril 2011, en réparation des préjudices subis du fait de l'illégalité de l'arrêté du

17 septembre 2009 ;

3° de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

4° de condamner l'Etat aux entiers dépens ;

5° d'ordonner l'exécution provisoire de l'arrêt à intervenir.

Ils soutiennent que :

- la responsabilité de l'Etat doit être engagée du fait de l'illégalité de l'arrêté du 17 septembre 2009 portant suspension durant trois mois de l'agrément de M.A... ; en effet, par un jugement n° 0911514 du 3 décembre 2010 devenu définitif, le Tribunal administratif de Montreuil a considéré que cette mesure de suspension n'était pas justifiée ; ainsi, les dommages dont ils demandent réparation ne découlent pas directement et exclusivement de la situation irrégulière dans laquelle ils se seraient eux-mêmes placées, mais trouvent leur cause dans cette illégalité fautive ; en outre, il n'est pas établi que la société exposante ait employé un enseignant qui n'aurait pas été titulaire de l'autorisation d'enseigner prévue par la réglementation en vigueur, fait que M.A..., en sa qualité de gérant de la société, a toujours contesté et qui ne saurait justifier une mesure de retrait de l'agrément dont il bénéficiait ; enfin, une telle mesure de retrait se saurait constituer une mesure d'effet équivalent à une mesure de suspension de l'agrément durant trois mois ;

- pour l'évaluation des préjudices, il y a lieu de se référer aux motifs de l'arrêt de la Cour de céans en date du 30 décembre 2013 ; ainsi, le préjudice économique subi par la société exposante doit être évalué à la somme de 104 081 euros ; son préjudice lié au remboursement des droits d'inscription d'une série d'élèves doit être estimé à 4 254,50 euros ; le préjudice lié à l'atteinte à l'image de la société doit être évalué à 10 000 euros ; par ailleurs, le préjudice personnel subi par M.A..., gérant de la société, et lié à l'atteinte portée à son image s'élève à 5 000 euros ; enfin, ces sommes doivent être augmentées des intérêts au taux légal à compter du 6 avril 2011.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la route ;

- l'arrêté du 8 janvier 2001 relatif à l'exploitation des établissements d'enseignement, à titre onéreux, de la conduite des véhicules à moteur et de la sécurité routière ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. d'Haëm,

- les conclusions de Mme Mégret, rapporteur public,

- et les observations de Me Swennen, pour la société TOP AUTO ECOLE et M. A....

Une note en délibéré, présentée pour la société TOP AUTO ECOLE, a été enregistrée le 14 avril 2016.

1. Considérant que, par un arrêté du 17 septembre 2009, le préfet de la Seine-Saint-Denis a suspendu pour une durée de trois mois, sur le fondement de l'article L. 213-5 du code de la route, l'agrément précédemment délivré à M.A..., gérant de la société TOP AUTO ECOLE, au motif que plusieurs anomalies avaient été constatées dans cet établissement, dont la présence d'un employé dispensant des cours de conduite pour véhicules poids-lourds sans être titulaire de l'autorisation d'enseigner prévue par la réglementation en vigueur ; qu'à la demande de la société et de M.A..., le Tribunal administratif de Montreuil a, par un jugement n° 0911514 du 3 décembre 2010 devenu définitif, annulé cet arrêté au motif qu'en se fondant, pour prononcer la suspension de l'agrément autorisant M. A... à exploiter un établissement d'enseignement de la conduite des véhicules à moteur et de la sécurité routière, sur des faits ne relevant pas de l'un des cas de suspension limitativement prévus par l'article L. 213-5 du code de la route, le préfet avait entaché son arrêté d'une erreur de droit ; que la société TOP AUTO ECOLE et M. A...ont recherché la responsabilité de l'État en vue d'obtenir l'indemnisation des préjudices qu'ils estiment avoir subi du fait de l'illégalité de l'arrêté du 17 septembre 2009 ; qu'ils relèvent appel du jugement n° 1105279 du 25 mai 2012 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté leur demande indemnitaire et demandent à la Cour, dans le dernier état de leurs écritures, de condamner l'Etat à verser la somme de 118 335,50 euros à la société TOP AUTO et la somme de 5 000 euros à M.A..., augmentées des intérêts aux taux légal à compter du 6 avril 2011, en réparation des préjudices subis du fait de l'illégalité de l'arrêté du 17 septembre 2009 ;

Sur la responsabilité :

2. Considérant qu'en principe, toute illégalité commise par l'administration constitue une faute de nature à engager sa responsabilité, pour autant qu'il en soit résulté un préjudice direct et certain ; que l'intervention d'une décision illégale ne saurait toutefois ouvrir droit à réparation notamment si les dommages ne trouvent pas leur cause dans cette illégalité, mais découlent directement et exclusivement de la situation irrégulière dans laquelle la victime s'est elle-même placée, indépendamment des faits commis par la puissance publique, et à laquelle l'administration aurait pu légalement mettre fin à tout moment ou si une décision d'effet équivalent aurait dû légalement être prise ;

3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 213-5 du code de la route, dans sa rédaction alors en vigueur : " Dans l'hypothèse où les conditions prévues aux articles L. 213-3 et L. 213-4 cessent d'être remplies ou en cas de cessation définitive d'activité de l'établissement, il est mis fin aux agréments prévus à l'article L. 213-1. / En cas d'urgence justifiée par des faits passibles d'une des condamnations visées à l'article L. 213-1, l'autorité administrative, après avoir mis l'intéressé en mesure de présenter ses observations et recueilli l'avis de commission mentionnée à l'article L. 213-1, peut suspendre, pour une durée maximale de six mois, l'agrément délivré en application de l'article L. 213-1. / Lorsque sont établis des procès-verbaux d'infractions correspondant à des faits mentionnés à l'alinéa précédent commises par des bénéficiaires d'autorisations délivrées en application de l'article L. 213-1, copie en est transmise par le procureur de la République à l'autorité administrative. / La mesure de suspension provisoire cesse de plein droit dès que l'autorité judiciaire s'est prononcée. / Après que l'intéressé a été mis en mesure de présenter ses observations, une mesure de suspension provisoire pour une durée n'excédant pas six mois peut également être prononcée par l'autorité administrative, en cas de refus de se soumettre au contrôle prévu à l'article L. 213-4, de non-respect du programme de formation défini par l'autorité administrative ou pour méconnaissance de l'article L. 213-2. " ; qu'aux termes de l'article R. 213-2 du même code : " Les agréments prévus à l'article L. 213-1 sont délivrés aux personnes remplissant les conditions suivantes : / (...) 6° Justifier de la qualification des personnels enseignants : / - pour les établissements d'enseignement de la conduite, les enseignants doivent être titulaires de l'autorisation d'enseigner mentionnée à l'article

L. 212-1 pour assurer les prestations d'enseignement théorique et pratique (...). " ; qu'enfin, en vertu de l'article 12 de l'arrêté du 8 janvier 2001 susvisé, " le préfet doit retirer l'agrément d'exploiter un établissement : / 1° Lorsqu'une des conditions mises à la délivrance de l'agrément cesse d'être remplie (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions qu'il appartient à l'autorité compétente de mettre fin aux agréments prévus à l'article L. 213-1 du code de la route lorsque leur titulaire cesse de remplir les conditions exigées ;

4. Considérant que l'illégalité de l'arrêté du 17 septembre 2009, portant suspension pendant trois mois de l'agrément autorisant M. A... à exploiter un établissement d'enseignement de la conduite des véhicules à moteur et de la sécurité routière, constitue, en principe, une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat ; que, toutefois, il résulte de l'instruction que, parmi les irrégularités relevées lors du contrôle effectué le 9 juin 2009 par la commission départementale de la sécurité routière dans l'établissement géré par M.A..., figurait l'emploi d'une personne dispensant des cours de conduite pour véhicules poids-lourds sans être titulaire de l'autorisation d'enseigner prévue par la réglementation en vigueur ; que si la société TOP AUTO ECOLE et M. A...contestent la matérialité des faits ainsi reprochés, ils n'apportent aucun élément de nature à remettre en cause la véracité des déclarations de l'une des secrétaires de l'établissement, attestant lors de ce contrôle d'un tel emploi, ni, d'ailleurs, les propres déclarations faites par M. A... lors de son audition, le 27 juillet 2009, par la commission départementale de la sécurité routière devant laquelle il a reconnu employer une personne dispensant des cours de conduite, sans être titulaire de l'autorisation d'enseigner prévue par l'article L. 212-1 du code de la route ; que, sur ce dernier point, si les requérants font valoir que M. A... a toujours contesté avoir fait de telles déclarations, ils ne fournissent aucun élément, en particulier aucun témoignage ou attestation, de nature à remettre en cause le constat effectué, lors de son contrôle, par la commission départementale de la sécurité routière ; qu'en outre, compte tenu d'une telle méconnaissance de la condition requise par les dispositions précitées du 6° de l'article R. 213-2 du même code pour bénéficier de l'agrément prévu par l'article L. 213-1, il appartenait à l'autorité préfectorale, ainsi qu'il a été dit au point 3, de mettre fin à l'agrément précédemment délivré à M.A..., gérant de la société TOP AUTO ECOLE ; qu'enfin, une telle décision de retrait, qui aurait dû légalement être prise par le préfet de la Seine-Saint-Denis, aurait eu pour effet d'interdire à M. A...d'exploiter cet établissement d'enseignement pour la durée de trois mois de la décision de suspension de cet agrément prise le 17 septembre 2009, soit un effet équivalent à cette dernière mesure censurée pour erreur de droit par le jugement du Tribunal administratif de Montreuil en date du 3 décembre 2010 ; que, dans ces conditions, la faute commise par l'administration en prenant cette mesure illégale ne peut être regardée comme étant à l'origine des préjudices résultant pour la société requérante et M. A...de la fermeture de l'établissement entre le 18 septembre 2009 et le 18 décembre 2009 ;

5. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société TOP AUTO ECOLE et M. A... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté leur demande ;

Sur les dépens :

6. Considérant qu'aucun dépens n'a été exposé au cours de l'instance d'appel ; que les conclusions présentées à ce titre par la société TOP AUTO ECOLE et M. A... ne peuvent donc qu'être rejetées ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

7. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que la société TOP AUTO ECOLE et M. A... demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;

Sur les conclusions tendant à ce que soit ordonnée l'exécution provisoire de l'arrêt :

8. Considérant qu'aux termes de l'article L. 11 du code de justice administrative : " Les jugements sont exécutoires " ; qu'ainsi, il n'y a, en tout état de cause, pas lieu de faire droit aux conclusions tendant à ce que la Cour de céans ordonne l'exécution immédiate du présent arrêt ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société TOP AUTO ECOLE et de M. A... est rejetée.

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N° 15VE03354


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 15VE03354
Date de la décision : 06/05/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

60-01-04-02 Responsabilité de la puissance publique. Faits susceptibles ou non d'ouvrir une action en responsabilité. Responsabilité et illégalité. Illégalité n'engageant pas la responsabilité de la puissance publique.


Composition du Tribunal
Président : M. LE GARS
Rapporteur ?: M. Rudolph D'HAËM
Rapporteur public ?: Mme MEGRET
Avocat(s) : SWENNEN

Origine de la décision
Date de l'import : 16/06/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2016-05-06;15ve03354 ?
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