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07/06/2016 | FRANCE | N°15VE02124

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 3ème chambre, 07 juin 2016, 15VE02124


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le CALIFORNIA PUBLIC EMPLOYEES' RETIREMENT SYSTEM (CALPERS) a demandé au Tribunal administratif de Montreuil de prononcer la restitution des retenues à la source prélevées à hauteur de 2 519 256,74 euros sur les dividendes de source française qu'il a perçus au cours des années 2006 à 2009.

Par un jugement n° 1310455 du 7 avril 2015, le Tribunal administratif de Montreuil, faisant partiellement droit à sa demande, a décidé de la restitution des retenues à la source prélevées au titre de l'ann

e 2009, pour un montant de 288 866,08 euros, a fait droit à hauteur de 1 000 euros à...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le CALIFORNIA PUBLIC EMPLOYEES' RETIREMENT SYSTEM (CALPERS) a demandé au Tribunal administratif de Montreuil de prononcer la restitution des retenues à la source prélevées à hauteur de 2 519 256,74 euros sur les dividendes de source française qu'il a perçus au cours des années 2006 à 2009.

Par un jugement n° 1310455 du 7 avril 2015, le Tribunal administratif de Montreuil, faisant partiellement droit à sa demande, a décidé de la restitution des retenues à la source prélevées au titre de l'année 2009, pour un montant de 288 866,08 euros, a fait droit à hauteur de 1 000 euros à ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, et a rejeté le surplus des conclusions de la requête.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire en réplique enregistrés les 3 juillet 2015 et

16 février 2016, le CALIFORNIA PUBLIC EMPLOYEES' RETIREMENT SYSTEM, représenté par Mes A... et Rozant, avocats, demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de ses conclusions, qui tendaient à la restitution des retenues à la source prélevées sur les dividendes de source française, au titre des années 2006, 2007 et 2008 ;

2° d'ordonner la restitution des montants correspondant à ces retenues à la source prélevées sur les dividendes de source française, à savoir 770 315,63 euros au titre de l'année 2006, 516 939,24 euros au titre de l'année 2007 et 943 135,79 euros au titre de l'année 2008 ;

3° de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la discussion se bornera à la seule question de procédure puisque sur le fond, l'administration convient avec le Tribunal administratif que les retenues à la source doivent lui être restituées dès lors que sa gestion est désintéressée, qu'il est géré et administré à titre bénévole par des personnes n'ayant aucun intérêt direct ou indirect dans les résultats de l'exploitation et, enfin, qu'il n'entretient pas de relations privilégiées avec des entreprises ; il a ainsi rapporté la preuve qu'il est comparable à un organisme à but non lucratif français qui aurait été exonéré d'impôt à raison des dividendes de source française ;

- sa réclamation au titre des années 2006, 2007 et 2008 était recevable puisqu'elle a été introduite avant la date du 31 décembre 2011 qui correspond à l'expiration du délai nouveau ouvert par la décision Société Stichting Unilever Pensioenfonds Progress rendue par le Conseil d'Etat le 13 février 2009 sous le n° 298108, conformément à l'article L. 190 du livre des procédures fiscales et au c) de l'article R. 196-1 du même livre, dans leur rédaction applicable aux décisions de justice intervenues avant le 1er janvier 2013 ; les premiers juges ont considéré à tort que la décision Stichting Unilever n'aurait pas constaté, ou révélé, la non-conformité du 2 de l'article 119 bis du code général des impôts au principe de libre circulation des capitaux ;

- or, la décision Stichting Unilever, où les requérants demandaient au Conseil d'Etat, saisi en excès de pouvoir, d'annuler les refus d'abrogation de deux instructions des 28 février et 28 avril 2005, révèle la non-conformité de la loi française avec le droit communautaire ; l'article 119 bis 2 du code général des impôts, en ce qu'il prévoit l'application d'une retenue à la source aux versements de dividendes de sociétés françaises à des fonds de pension néerlandais, est par cet arrêt jugé contraire au droit de l'Union européenne en raison de l'exonération totale d'impôt dont bénéficiaient les organismes français similaires à raison des mêmes distributions ; le Conseil d'Etat a fait droit à la requête car ces instructions faisaient une application directe de l'article 119 bis 2 du code général des impôts, et ainsi réitéraient un texte de loi incompatible avec le droit communautaire ; d'ailleurs, cette décision, qui mentionne les organismes " tels que les fonds de pension néerlandais ", atteste de la portée générale de ce principe qui va bien au-delà du simple cas des fonds néerlandais et qui pourrait s'appliquer à d'autres organismes dès lors qu'ils seraient assimilables à des fonds de pension ;

- la jurisprudence du Conseil d'Etat Duvignères, du 18 décembre 2002, donne la possibilité, à l'occasion d'un recours pour excès de pouvoir, de contester non seulement la conformité à la loi des interprétations qui en sont faites, mais aussi la conformité même de la loi que ces instructions se bornent à réitérer, par rapport aux normes supérieures ; la procédure du recours en excès de pouvoir ne fait donc plus en elle-même obstacle à ce qu'une décision juridictionnelle, se prononçant sur un tel recours, révèle la non-conformité d'un texte législatif à une règle de droit supérieure ; concernant la modification de l'article 119 bis du code général des impôts : l'article 34 de la loi de finances rectificative pour 2009, année au cours de laquelle la décision Stichting Unilever est intervenue, fait suite à cette décision en modifiant l'article 206 du code général des impôts (champ d'imposition), l'article 219 bis du code général des impôts (taux d'imposition) et l'article 187 du code général des impôts (taux de la retenue à la source) qui renvoie à l'article 119 bis du code général des impôts en prévoyant un taux de retenue à la source de 15 % " pour des dividendes qui bénéficient à des organismes qui ont leur siège dans un Etat membre (...) ou dans un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ayant conclu avec la France une convention d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l'évasion fiscale et qui seraient imposés dans des conditions prévues au 5 de l'article 206 s'ils avaient leur siège en France " ;

- la décision du Conseil d'Etat du 14 février 2001, Ministre c/ SA Champagne Beaumet, n° 202967, juge que la décision Alitalia de 1989 qui annule un texte réglementaire dans le cadre d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre le refus du Premier ministre de l'abroger, est un évènement au sens de l'article R. 196-1 c) du livre des procédures fiscales ; ainsi la décision révélant la non-conformité d'une loi à une norme supérieure constitue bien un tel évènement, et la circonstance que cette décision ait été prise dans le cadre d'un recours pour excès de pouvoir, ne fait pas obstacle à l'application combinée des articles L. 190 et R. 196 du livre des procédures fiscales.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le traité instituant la Communauté européenne ;

- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

- la convention fiscale signée le 31 août 1994 entre la France et les Etats-Unis ;

- l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne Santander Asset Management SGIIC SA et autres, 10 mai 2012, C-338/11 à 347/11 ;

- les décisions du Conseil d'Etat :

- Stichting Unilever Pensioenfonds Progress et autres, 13 février 2009, n° 298108, A ;

- Société Rallye, 30 décembre 2013, n° 350100, A ;

- Ministre chargé du budget c/ M. et MmeC..., 29 avril 2015, n° 368808 ;

- Ministre du budget c/ SAS Autogrill Aéroports, 31 juillet 2015, n° 368979 ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Moulin-Zys,

- les conclusions de M. Coudert, rapporteur public,

- et les observations de MeB..., substituant Me A...pour le fonds CALIFORNIA PUBLIC EMPLOYEES' RETIREMENT SYSTEM.

1. Considérant que le fonds CALIFORNIA PUBLIC EMPLOYEES' RETIREMENT SYSTEM, fonds de pension de droit américain dont le siège social est situé à Sacramento

(Etats-Unis), a été, en application des dispositions combinées du 2 de l'article 119 bis et de l'article 187 du code général des impôts ainsi que de la convention fiscale franco-américaine, soumis, au titre des années 2006 à 2009, à la retenue à la source sur les dividendes perçus de sociétés françaises, au taux de 15 % ; qu'il relève régulièrement appel du jugement rendu le

7 avril 2015 par le Tribunal administratif de Montreuil, en tant qu'il a rejeté le surplus de ses conclusions, tendant à la restitution des retenues à la source prélevées sur les dividendes de source française au titre des années 2006, 2007 et 2008 ;

2. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article R. 196-1 du livre des procédures fiscales : " Pour être recevables, les réclamations relatives aux impôts autres que les impôts directs locaux et les taxes annexes à ces impôts doivent être présentées à l'administration au plus tard le 31 décembre de la deuxième année suivant celle, selon le cas : (...) b) du versement de l'impôt contesté lorsque cet impôt n'a pas donné lieu à l'établissement d'un rôle ou à la notification d'un avis de mise en recouvrement ; c) de la réalisation de l'événement qui motive la réclamation " ;

3. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 190 du livre précité, dans sa rédaction en vigueur à la date du versement des retenues à la source litigieuses : " Sont instruites et jugées selon les règles du présent chapitre toutes actions tendant à la décharge ou à la réduction d'une imposition ou à l'exercice de droits à déduction, fondées sur la non-conformité de la règle de droit dont il a été fait application à une règle de droit supérieure. / Lorsque cette non-conformité a été révélée par une décision juridictionnelle, l'action en restitution des sommes versées ou en paiement des droits à déduction non exercés ou l'action en réparation du préjudice subi ne peut porter que sur la période postérieure au 1er janvier de la troisième année précédant celle où la décision ou l'avis révélant la non-conformité est intervenu (...) / Pour l'application du quatrième alinéa, sont considérés comme des décisions juridictionnelles ou des avis rendus au contentieux les décisions du Conseil d'Etat (...) se prononçant sur un recours en annulation, sur une action en manquement ou sur une question préjudicielle. " ;

4. Considérant que, s'agissant des décisions et avis rendus au contentieux, notamment, par le Conseil d'Etat, seuls ceux qui révèlent directement l'incompatibilité avec une règle de droit supérieure de la règle de droit dont il a été fait application pour fonder l'imposition en litige sont de nature à constituer le point de départ du délai dans lequel sont recevables les réclamations motivées par la réalisation d'un événement au sens du c) de l'article R. 196-1 du livre des procédures fiscales ainsi que de la période sur laquelle l'action en restitution peut s'exercer en application de l'article L. 190 du même livre ; qu'une décision ou un avis qui se borne à retenir une interprétation des dispositions du droit de l'Union ou du droit national dont il a été fait application pour fonder l'imposition contestée différente de celle jusqu'alors formellement admise par l'administration dans ses instructions ne peut constituer le point de départ de ce délai et de cette période, dès lors que l'imposition ne saurait être fondée sur l'interprétation de la loi fiscale que l'administration exprime dans ses instructions ; que, par suite, la décision rendue par le Conseil d'Etat le 13 février 2009 dans l'affaire " Société Stichting Unilever Pensioenfonds Progress et autres " ne saurait constituer la réalisation d'un évènement pour l'application des dispositions précitées, dès lors que celle-ci n'a fait que révéler la non-conformité d'une instruction, au demeurant applicable aux seuls fonds de pension néerlandais, à une règle de droit supérieure ; que, dès lors, en application des dispositions précitées du b) de l'article R. 196-1 du livre des procédures fiscales, le délai de réclamation, s'agissant des retenues à la source litigieuses versées au titre des années 2006, 2007 et 2008, expirait au 31 décembre respectivement des années 2008, 2009 et 2010 ; que par suite, la réclamation du fonds requérant a été tardivement introduite le 30 décembre 2011 ; qu'ainsi, les conclusions du fonds CALIFORNIA PUBLIC EMPLOYEES' RETIREMENT SYSTEM tendant à la restitution des retenues à la source versées au titre des années 2006, 2007 et 2008 sont irrecevables ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le fonds CALIFORNIA PUBLIC EMPLOYEES' RETIREMENT SYSTEM n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 7 avril 2015, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du fonds CALIFORNIA PUBLIC EMPLOYEES' RETIREMENT SYSTEM est rejetée.

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N°15VE02124 4


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 15VE02124
Date de la décision : 07/06/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-01-02-06-01 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Règles générales. Impôt sur le revenu. Cotisations d`IR mises à la charge de personnes morales ou de tiers. Retenues à la source.


Composition du Tribunal
Président : M. BERGERET
Rapporteur ?: Mme Marie-Cécile MOULIN-ZYS
Rapporteur public ?: M. COUDERT
Avocat(s) : CMS BUREAU FRANCIS LEFEBVRE

Origine de la décision
Date de l'import : 15/06/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2016-06-07;15ve02124 ?
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