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05/10/2017 | FRANCE | N°15PA04711

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 05 octobre 2017, 15PA04711


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... A...a demandé au Tribunal administratif de la Polynésie française d'annuler la décision en date du 10 octobre 2014 par laquelle l'inspecteur du travail a autorisé la société Banque de Tahiti à le licencier pour motif disciplinaire.

Par un jugement n° 1500012 du 15 septembre 2015, le Tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 22 décembre 2015, M. A..., représenté par Me E..., demande

la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1500012 du 15 septembre 2015 du Tribunal administratif de...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... A...a demandé au Tribunal administratif de la Polynésie française d'annuler la décision en date du 10 octobre 2014 par laquelle l'inspecteur du travail a autorisé la société Banque de Tahiti à le licencier pour motif disciplinaire.

Par un jugement n° 1500012 du 15 septembre 2015, le Tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 22 décembre 2015, M. A..., représenté par Me E..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1500012 du 15 septembre 2015 du Tribunal administratif de la Polynésie française ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision de l'inspecteur du travail du 10 octobre 2014 ;

3°) d'enjoindre à la société Banque de Tahiti de le réintégrer dans son emploi sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard à compter de l'arrêt à intervenir en application de l'article L. 911-1 du code de justice administrative ;

4°) de condamner la société Banque de Tahiti à lui verser le montant des rémunérations qu'il aurait dû percevoir depuis la notification de son licenciement jusqu'à sa réintégration ;

5°) de mettre à la charge de la société Banque de Tahiti la somme de 3 600 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision contestée ne mentionne ni la date à laquelle il a été désigné délégué syndical ni son mandat de membre élu du comité d'entreprise ; qu'à cet égard, d'une part, la décision doit mentionner les mandats anciennement détenus par le salarié et, d'autre part, aucun texte applicable ne prévoit la perte du mandat de membre du comité d'entreprise en cas de changement de catégorie professionnelle ;

- la décision contestée n'est pas motivée, dès lors qu'elle se contente de reprendre les motifs énoncés par l'employeur dans sa demande d'autorisation de licenciement et qu'elle ne précise pas les éléments permettant de regarder les faits reprochés comme matériellement établis ;

- les faits, datant de 2010 à 2012, qui lui ont été reprochés le 5 août 2014 étaient prescrits en application de l'article Lp. 1323-1 du code du travail de la Polynésie française, dès lors que son employeur avait connaissance de ces faits au moins depuis le 30 avril 2014 et que l'enquête interne n'a pas permis de mener des investigations supplémentaires ;

- les faits qui motivent la décision contestée sont antérieurs à une précédente sanction disciplinaire et ne pouvaient donc plus être sanctionnés ;

- les faits qui lui sont reprochés ne sont pas de nature à justifier son licenciement, dès lors qu'ils sont imprécis et ne sont pas étayés par la production de pièces, que certains reproches concernent des dossiers qu'il n'avait pas constitués et qu'il ne gérait pas personnellement, qu'il ne peut être tenu pour responsable des opérations anormales justifiées par la signature des clients ou n'ayant fait l'objet d'aucune contestation et, enfin, que de nombreux faits reprochés ne présentent pas de caractère fautif et qu'en tout état de cause il n'a pas commis de faute grave justifiant son licenciement.

Par un mémoire en défense, enregistré le 29 février 2016, la Polynésie française, représentée par Me C..., conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 25 août 2016, la société Banque de Tahiti, représentée par Me B..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de M. A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.

Les parties ont été informées, par application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur des moyens relevés d'office tirés, d'une part, de l'irrecevabilité des conclusions de M. A... tendant à ce qu'il soit enjoint à la société Banque de Tahiti de le réintégrer dans son emploi sous astreinte, dès lors que les dispositions des articles L. 911-1 et L. 911-3 du code de justice administrative n'autorisent pas le juge administratif à adresser des injonctions ou à prononcer des astreintes à l'encontre de personnes privées autres que celles chargées de la gestion d'un service public et, d'autre part, de l'incompétence de la juridiction administrative pour statuer sur les conclusions de M. A... tendant à la condamnation de la société Banque de Tahiti à lui verser le montant des rémunérations qu'il aurait dû percevoir depuis la notification de son licenciement jusqu'à sa réintégration.

La société Banque de Tahiti a présenté des observations sur les moyens relevés d'office par la Cour le 16 septembre 2017. Elle soutient que les moyens relevés d'office par la Cour sont bien fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail de la Polynésie française,

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Bernard,

- et les conclusions de M. Sorin, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... a été recruté le 24 octobre 1983 par la société Banque de Tahiti en qualité d'agent comptable. Après avoir exercé les fonctions de caissier, il a été nommé responsable de l'agence de Papara en février 2003. En septembre 2012, il a été désigné comme délégué syndical et, en avril 2013, il a été élu membre titulaire du comité d'entreprise par le collège des cadres. Une première sanction disciplinaire a été prise à son encontre le 13 janvier 2014, à la suite de laquelle il a été rétrogradé au poste de conseiller de clientèle des particuliers. La société Banque de Tahiti l'a convoqué à un entretien préalable à un licenciement par courrier du 5 août 2014, puis a sollicité de l'inspecteur du travail l'autorisation de le licencier pour motif disciplinaire. Cette autorisation a été accordée par une décision du 10 octobre 2014. Par la présente requête, M. A... demande l'annulation du jugement du 15 septembre 2015 par lequel le Tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision de l'inspecteur du travail.

Sur la légalité de la décision contestée :

2. En vertu des dispositions du code du travail de la Polynésie française, le licenciement des salariés légalement investis de fonctions représentatives, qui bénéficient d'une protection exceptionnelle dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail. Lorsque leur licenciement est envisagé, celui-ci ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou avec leur appartenance syndicale. Dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail saisi et, le cas échéant, au chef du service de l'inspection du travail de la Polynésie française, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier le licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi. En outre, pour refuser l'autorisation sollicitée, l'autorité administrative a la faculté de retenir des motifs d'intérêt général relevant de son pouvoir d'appréciation de l'opportunité, sous réserve qu'une atteinte excessive ne soit pas portée à l'un ou l'autre des intérêts en présence.

3. D'une part, pour opérer les contrôles auxquels elle est tenue de procéder lorsqu'elle statue sur une demande d'autorisation de licenciement, l'autorité administrative doit prendre en compte chacune des fonctions représentatives du salarié. Lorsque l'administration a eu connaissance de chacun des mandats détenus par l'intéressé, la circonstance que la demande d'autorisation de licenciement ou la décision autorisant le licenciement ne fasse pas mention de l'un de ces mandats ne suffit pas, à elle seule, à établir que l'administration n'a pas, comme elle le doit, exercé son contrôle en tenant compte de chacun des mandats détenus par le salarié protégé.

4. D'autre part, aux termes de l'article Lp. 2432-1 du code du travail de la Polynésie française : " Le comité d'entreprise comprend l'employeur et une représentation du personnel élue (...) ". Aux termes de l'article Lp. 2432-5 du même code : " Les représentants du personnel [au comité d'entreprise] sont élus, d'une part, par le collège des ouvriers et des employés, d'autre part, par le collège des ingénieurs, chefs de service, techniciens, agents de maîtrise et assimilés, sur des listes établies par les organisations syndicales représentatives pour chaque catégorie de personnel ". Aux termes du premier alinéa de l'article Lp. 2432-7 du même code : " Les représentants du personnel au comité d'entreprise sont élus pour une durée de deux ans ". Aux termes de l'article Lp. 2432-8 du même code : " En dehors de l'échéance normale du mandat, les fonctions de membre élu du comité d'entreprise prennent fin par : 1. le décès ; / 2. la démission ; / 3. la résiliation du contrat de travail ; / 4. la perte des conditions requises pour l'éligibilité. / 5. le changement d'établissement lorsque le représentant du personnel au comité d'entreprise a été élu au niveau de celui-ci ". Enfin, aux termes de l'article Lp. 2432-9 du même code : " Tout membre élu peut être révoqué en cours de mandat, sur proposition de l'organisation syndicale qui l'a présenté, approuvée au scrutin secret par la majorité absolue des électeurs du collège électoral auquel il appartient ".

5. Il est constant que M. A... a été élu, par le collège des cadres, membre titulaire du comité d'entreprise de la société Banque de Tahiti le 19 avril 2013. En vertu du premier alinéa de l'article Lp. 2432-7 cité au point précédent, son mandat arrivait normalement à échéance le 18 avril 2015.

6. Il ressort des termes précités de l'article Lp. 2432-8 que les fonctions de membre élu du comité d'entreprise ne peuvent prendre fin, en dehors de l'échéance normale du mandat, qu'en raison de l'intervention de l'un des événements qu'ils mentionnent. Le changement de catégorie professionnelle ne figure pas sur cette liste limitative. Par suite, contrairement à ce que font valoir en défense la Polynésie française et la société Banque de Tahiti, le changement de catégorie professionnelle de M. A... à la suite de sa rétrogradation en janvier 2014 n'a pu avoir pour effet de lui faire perdre son mandat de membre élu du comité d'entreprise. Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier, et il n'est pas soutenu, que l'un des événements prévus par l'article Lp. 2432-8 précité serait intervenu ou que M. A... aurait été révoqué en cours de mandat dans les conditions prévues à l'article Lp. 2432-9 précité antérieurement à la date d'envoi par son employeur de la convocation à l'entretien préalable au licenciement. M. A... était donc toujours titulaire de son mandat de membre élu du comité d'entreprise à cette date.

7. Or, il ressort des pièces du dossier que ni la demande d'autorisation de licenciement ni la décision autorisant le licenciement ne font mention du mandat de M. A... de membre élu du comité d'entreprise. En outre, si l'inspecteur du travail a été informé par M. A... de l'existence de ce mandat, il ressort toutefois des écritures présentées en défense par la Polynésie française que l'inspecteur du travail a considéré que ce mandat avait pris fin depuis plus de six mois en raison du changement de catégorie professionnelle de l'intéressé. Il est ainsi établi que l'administration n'a pas, comme elle le devait, exercé son contrôle en tenant compte du mandat de membre élu du comité d'entreprise détenu par M. A.... Le requérant est par suite fondé à demander l'annulation de la décision de l'inspecteur du travail pour ce motif.

8. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision de l'inspecteur du travail du 10 octobre 2014 autorisant son licenciement.

Sur les conclusions indemnitaires :

9. M. A... demande la condamnation de la société Banque de Tahiti à lui verser le montant des rémunérations qu'il aurait dû percevoir depuis la notification de son licenciement jusqu'à sa réintégration. Il n'appartient pas à la juridiction administrative de connaître des conclusions indemnitaires d'un salarié dirigées contre son employeur, personne privée. Par suite, lesdites conclusions doivent être rejetées comme portées devant une juridiction incompétente.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

10. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution " et aux termes de l'article L. 911-3 du même code : " Saisie de conclusions en ce sens, la juridiction peut assortir, dans la même décision, l'injonction prescrite en application des articles L. 911-1 et L. 911-2 d'une astreinte qu'elle prononce dans les conditions prévues au présent livre et dont elle fixe la date d'effet ".

11. Les dispositions précitées des articles L. 911-1 et L. 911-3 du code de justice administrative n'autorisent pas le juge administratif à adresser des injonctions ou à prononcer des astreintes à l'encontre de personnes privées autres que celles chargées de la gestion d'un service public. Par suite, les conclusions de M. A... tendant, sur le fondement de ces dispositions, à ce qu'il soit enjoint à la société Banque de Tahiti de le réintégrer dans son emploi sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard à compter de l'arrêt à intervenir ne peuvent qu'être rejetées comme irrecevables.

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de M. A..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que la société Banque de Tahiti demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Par ailleurs, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Banque de Tahiti le versement de la somme que M. A... demande sur le fondement des mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1500012 du 15 septembre 2015 du Tribunal administratif de la Polynésie française et la décision en date du 10 octobre 2014 par laquelle l'inspecteur du travail a autorisé la société Banque de Tahiti à licencier M. A... sont annulés.

Article 2 : Les conclusions indemnitaires de M. A... sont rejetées comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête et les conclusions de la société Banque de Tahiti présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A..., à la société Banque de Tahiti et à la Polynésie française.

Délibéré après l'audience du 21 septembre 2017, à laquelle siégeaient :

- M. Lapouzade, président de chambre,

- M. Luben, président assesseur,

- Mme Bernard, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 5 octobre 2017.

Le rapporteur,

A. BERNARDLe président,

J. LAPOUZADE

Le greffier,

Y. HERBERLa République mande et ordonne au Haut-commissaire de la République en Polynésie française en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

4

N° 15PA04711


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 15PA04711
Date de la décision : 05/10/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAPOUZADE
Rapporteur ?: Mme Aurélie BERNARD
Rapporteur public ?: M. SORIN
Avocat(s) : GAULTIER-FEUILLET

Origine de la décision
Date de l'import : 10/10/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2017-10-05;15pa04711 ?
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