Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Les Cars Rouges a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 6 décembre 2013 par laquelle la directrice de l'exploitation du Syndicat des transports d'Ile-de-France a refusé d'examiner sa demande de modification de l'autorisation accordée à la ligne touristique n° 211-211-001 qu'elle exploite à Paris.
Par un jugement n° 1404777/2-1 du 29 septembre 2015, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête sommaire enregistrée le 30 novembre 2015 et des mémoires enregistrés les 8 janvier 2016, 10 août 2016 et 17 novembre 2016, la société Les Cars Rouges, représentée par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Paris n° 1404777/2-1 du
29 septembre 2015 ;
2°) d'annuler la décision susmentionnée de la directrice de l'exploitation du Syndicat des transports d'Ile-de-France du 6 décembre 2013, ainsi que le rejet du recours gracieux dirigé contre celle-ci ;
3°) d'enjoindre au Syndicat des transports d'Ile-de-France de réexaminer sa demande de modification de l'autorisation accordée à sa ligne n° 211-211-001 ;
4°) de mettre à la charge du Syndicat des transports d'Ile-de-France le versement d'une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'organisation des services réguliers de transports de personnes en Ile-de-France créés, comme la société Les Cars Rouges, avant le 3 décembre 2009 est soumise, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, à un régime juridique transitoire et non aux articles
L. 1221-3 et L. 1221-4 du code des transports ;
- son activité relève des dispositions du décret n° 49-1473 du 14 novembre 1949 demeurées en vigueur en Ile-de-France et ne résulte pas d'une délégation de service public mais de son inscription au plan de transport ;
- les premiers juges ont ajouté aux textes une condition relative à l'utilisation principale que font les voyageurs du service, qui n'existe pas, son activité de transport régulier de personnes suffisant à la placer sous le régime du décret du 14 novembre 1949 et dès lors sous la compétence du Syndicat des transports d'Ile-de-France ;
- le Syndicat des transports d'Ile-de-France est compétent, en application des dispositions énoncées par les articles R. 1241-15, R. 1241-16 et R. 1241-17 du code des transports, à l'égard de l'ensemble des transports publics de personnes offerts à la place circulant sur le territoire d'Ile-de-France, sur un itinéraire et selon un horaire fixés et publiés à l'avance, sans distinction relative à des catégories particulières de voyageurs telles que les touristes ;
- le service qu'elle offre permettant aux voyageurs de se déplacer d'un point à un autre, n'a pas la qualité d'un service occasionnel au sens du décret n° 85-891 du 16 août 1985 ;
- le Syndicat des transports d'Ile-de-France a exercé ses compétences à son égard depuis la création de la ligne n° 211-001 en 1990 en autorisant la création de celle-ci, et en intervenant dans la fixation de ses tarifs en 2001 et 2008 ;
- les missions dévolues au Syndicat des transports d'Ile-de-France ont été étendues par la loi du 17 août 2015 ;
- le règlement (CE) n° 1370/2007 du 23 octobre 2007 n'a pas pour effet de soustraire son activité à la compétence du Syndicat des transports d'Ile-de-France.
Par deux mémoires en défense, enregistrés les 7 avril et 20 octobre 2016, le Syndicat des transports d'Ile-de-France, représenté par MeB..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 4 000 euros soit mise à la charge de la société Les Cars Rouges sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement n'est pas fondé sur des textes qui ne seraient pas applicables ;
- la société requérante ne gérant pas un service régulier de transport de personnes, mais un service occasionnel au sens de l'article 32 du décret du 16 août 1985, les dispositions de l'article L. 1241-6 du code des transports ne lui sont pas applicables ;
- les transports à vocation touristique obéissent désormais à un régime juridique spécifique distinct de celui des transports réguliers de personnes ;
- l'activité de la société requérante n'est soumise à aucune contrainte en matière de tarifs, d'horaires ou de continuité de service public en cas de grève, et ne perçoit pas de participation financière de la part du Syndicat des transports d'Ile-de-France ;
- le principe de spécialité interdit au Syndicat des transports d'Ile-de-France d'exercer sa compétence à l'égard des transports à vocation touristique ;
- le Syndicat des transports d'Ile-de-France n'est pas intervenu dans la fixation des tarifs de la ligne en cause.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le règlement (CE) n° 1370/2007 du 23 octobre 2007 relatif aux services publics de transport de voyageurs par chemin de fer et par route ;
- le code des transports ;
- l'ordonnance no 59-151 du 7 janvier 1959 relative à l'organisation des transports de voyageurs en Ile-de-France modifiée ;
- la loi n° 2007-1224 du 21 août 2007 relative au dialogue social et à la continuité du service public dans les transports routiers modifiée ;
- le décret n° 59-157 du 7 janvier 1959 relatif à l'organisation des transports de voyageurs en Ile-de-France modifié ;
- le décret n° 85-891 du 16 août 1985 relatif aux transports urbains de personnes et aux transports routiers non urbains de personnes modifié ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Hamon,
- les conclusions de Mme Oriol, rapporteur public,
- les observations de MeC..., pour la société Les Cars Rouges ;
- et les observations de MeA..., pour le Syndicat des transports d'Ile-de-France.
1. Considérant que la société Les Cars Rouges exploite à Paris, depuis 1990, un service d'autobus à vocation touristique comportant, notamment, une ligne n° 211-211-01 dont l'exploitation a été autorisée par une décision du préfet de la région d'Ile-de-France du
3 juillet 1990, prise en sa qualité de président du conseil d'administration du Syndicat des transports parisiens, devenu le Syndicat des transports d'Ile-de-France (STIF) ; que, par un courrier du 19 novembre 2013, ladite société a demandé au STIF de modifier l'autorisation qu'il lui avait accordée pour cette ligne en vue, notamment, de permettre la création de deux points d'arrêt supplémentaires ; que, par un courrier du 6 décembre 2013, la directrice de l'exploitation du STIF lui a indiqué que ses " lignes touristiques " ne relevant pas de la compétence du STIF, sa demande avait été transmise à la ville de Paris, gestionnaire de la voirie ; que la société " Les Cars Rouges " relève appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision, ainsi que de la décision implicite de rejet du recours gracieux formé contre celle-ci le 23 décembre 2013, et à ce qu'il soit enjoint au Syndicat des transports d'Ile-de-France de réexaminer sa demande ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 1241-1 du code des transports : " Le Syndicat des transports d'Ile-de-France est l'autorité organisatrice des services de transports publics réguliers de personnes dans la région Ile-de-France, y compris des services de transports publics réguliers de personnes fluviaux, sous réserve des pouvoirs dévolus à l'Etat en matière de police de la navigation " ; qu'aux termes de l'article L. 1241-2 du même code :
" I.- En tant qu'autorité organisatrice des services de transports publics réguliers de personnes, le Syndicat des transports d'Ile-de-France a, notamment, pour mission de : 1° Fixer les relations à desservir ; / 2° Désigner les exploitants ; / 3° Définir les modalités techniques d'exécution ainsi que les conditions générales d'exploitation et de financement des services ; / 4° Veiller à la cohérence des programmes d'investissement (...) ; / 5° Arrêter la politique tarifaire de manière à obtenir l'utilisation la meilleure, sur le plan économique et social, du système de transports correspondant ; / 6° Concourir aux actions de prévention de la délinquance et de sécurisation des personnels et des usagers ; / 7° Favoriser le transport des personnes à mobilité réduite (...) " ; qu'aux termes de l'article L 1241-3 du même code : " Sur des périmètres ou pour des services définis d'un commun accord, le Syndicat des transports d'Ile-de-France peut déléguer tout ou partie des attributions mentionnées à l'article L. 1241-2, à l'exception de la politique tarifaire, à des collectivités territoriales ou à leurs groupements... " ; qu'aux termes des dispositions de l'article 1er du décret n° 59-157 du 7 janvier 1959 susvisé relatif à l'organisation des transports de voyageurs en Ile-de-France, reprises à compter du 28 mai 2014 par l'article R. 1241-15 du code des transports, les services de transports publics réguliers de personnes relevant de la compétence du Syndicat des transports d'Ile-de-France " sont des services offerts à la place dont les itinéraires, les points d'arrêt, les fréquences, les horaires et les tarifs sont fixés et publiés à l'avance. (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 1241-16 du code des transports : " Le syndicat élabore et tient à jour un plan régional de transport, préparé par une commission technique constituée dans les conditions prévues à l'article R. 1241-8, qui définit les services de transports publics de personnes réguliers et à la demande, les services de transport scolaire et les services de transport public fluvial régulier de personnes qu'il organise en application des articles
L. 1241-1 et L. 1241-2. / Le syndicat inscrit chacun de ces services au plan régional de transport en précisant sa consistance. Les décisions de modification ou de suppression des services inscrits au plan suivent le même régime. Le syndicat peut déléguer l'inscription au plan régional de transport aux autorités mentionnées à l'article R. 1241-38. Celles-ci mettent à jour le plan régional de transport conformément aux dispositions de l'article R. 1241-39. / Le syndicat s'assure de la cohérence et veille à la coordination de l'ensemble des services inscrits au plan régional de transport. " ;
3. Considérant qu'il résulte de ces dispositions combinées que le STIF, et non la ville de Paris, à laquelle il n'a pas délégué cette compétence, est seul habilité à définir les conditions d'exploitation des lignes de transports publics réguliers de personnes sur le territoire de la région Ile-de-France ; que si le règlement (CE) n° 1370/2007 du 23 octobre 2007 relatif aux services publics de transport de voyageurs par chemin de fer et par route et la loi du 21 août 2007 relative au dialogue social et à la continuité du service public dans les transports routiers excluent de leur champ d'application les transports à vocation touristique, ceci n'a pas pour effet de faire obstacle à cette compétence du STIF en ce qui concerne les services de transports publics réguliers de personnes ayant par ailleurs une telle vocation touristique ; qu'en outre, l'article 32 du décret n° 85-891 du 16 août 1985 relatif aux transports urbains de personnes, invoqué par le STIF, n'est pas applicable en l'espèce dès lors qu'il vise le transport de groupes constitués à l'initiative d'un donneur d'ordre ou du transporteur lui-même ;
4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, et qu'il n'est d'ailleurs pas contesté, que la ligne d'autobus n° 211-211-01 exploitée par la société Les Cars Rouges propose à tout voyageur, se présentant seul ou en groupe, un service de transport urbain à la place desservant plusieurs sites touristiques de la ville de Paris et permettant aux voyageurs de descendre et de monter librement à n'importe lequel des arrêts de cette ligne ; qu'il est constant que l'itinéraire de ce service, les arrêts desservis, la fréquence de desserte, les horaires et les tarifs sont fixés et publiés à l'avance ; que la circonstance que le STIF n'ait pas imposé les horaires de cette ligne, qu'il a toutefois autorisés, et qu'il n'ait pas participé à son financement, ainsi que le fait que cette ligne a une vocation essentiellement touristique, ne suffisent pas à lui ôter le caractère de service de transport public régulier de personnes, dès lors qu'elle remplit l'ensemble des conditions posées par les dispositions précitées ;
5. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède qu'en refusant de statuer sur la demande d'autorisation de modification de la ligne 211-211-01 que lui présentait la société requérante, le STIF a méconnu l'étendue de sa compétence et a donc entaché les décisions contestées d'une erreur de droit ; que, par suite, la société les Cars Rouges est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté ses demandes d'annulation ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
6. Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-2 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé " ;
7. Considérant que le présent arrêt implique nécessairement que le STIF statue à nouveau sur la demande présentée par la société Les Cars Rouges tendant à la modification de l'autorisation accordée à la ligne n° 211-211-001 qu'elle exploite à Paris ; que, dès lors, il y a lieu d'enjoindre au STIF, en application de l'article L. 911-2 du code de justice administrative, de réexaminer cette demande, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt ;
Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
8. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la société Les Cars Rouges, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que le STIF demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge du STIF une somme de 1 500 euros à verser à la société Les Cars Rouges sur le fondement des mêmes dispositions ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Paris n° 1404777/2-1 du 29 septembre 2015, la décision de la directrice de l'exploitation du Syndicat des transports d'Ile-de-France du 6 décembre 2013 refusant d'examiner la demande de modification de l'autorisation accordée à la ligne touristique n° 211-211-001 exploitée par la société Les Cars Rouges à Paris et le rejet du recours gracieux formé contre cette décision sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au Syndicat des transports d'Ile-de-France de réexaminer la demande de la société Les Cars Rouges, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : Le Syndicat des transports d'Ile-de-France versera à la société Les Cars Rouges une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions du Syndicat des transports d'Ile-de-France présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société Les Cars Rouges et au Syndicat des transports d'Ile-de-France.
Délibéré après l'audience du 29 novembre 2016, à laquelle siégeaient :
- M. Even, président de chambre,
- Mme Hamon, président assesseur,
- M. Dellevedove, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 19 décembre 2016.
Le rapporteur,
P. HAMONLe président,
B. EVEN
Le greffier,
I. BEDRLa République mande et ordonne au ministre chargé des transports en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 15PA04318