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15/10/2015 | FRANCE | N°15PA02792,15PA02881

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 15 octobre 2015, 15PA02792,15PA02881


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La Fédération Force ouvrière des employés et cadres et la Fédération des syndicats du personnel de la banque et de l'assurance CGT et autres ont demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler la décision du 2 janvier 2015 par laquelle le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi d'Ile-de-France a, d'une part, validé l'accord collectif majoritaire partiel portant sur le projet de licenciement économique collectif donnant lieu à la mise en o

euvre du plan de sauvegarde de l'emploi de la société Crédit Lyonnais, et,...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La Fédération Force ouvrière des employés et cadres et la Fédération des syndicats du personnel de la banque et de l'assurance CGT et autres ont demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler la décision du 2 janvier 2015 par laquelle le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi d'Ile-de-France a, d'une part, validé l'accord collectif majoritaire partiel portant sur le projet de licenciement économique collectif donnant lieu à la mise en oeuvre du plan de sauvegarde de l'emploi de la société Crédit Lyonnais, et, d'autre part, homologué le document unilatéral portant sur le même projet de licenciement collectif.

Par un jugement n° 1501476, 1501477 du 22 mai 2015 le Tribunal administratif de Melun a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la Cour :

I - Par une requête enregistrée sous le n° 15PA02792, le 16 juillet 2015, et un mémoire en réplique enregistré le 30 septembre 2015, la Fédération Force ouvrière des employés et cadres, représentée par Me Tourniquet, avocat, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1501476, 1501477 du 22 mai 2015 du Tribunal administratif de Melun ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision du directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi d'Île-de-France en date du 2 janvier 2015 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision homologuant le document unilatéral est insuffisamment motivée ;

- les institutions représentatives du personnel ont été irrégulièrement consultées ;

- le périmètre retenu dans le document unilatéral ne concorde pas avec l'accord collectif ;

- les critères d'ordre des licenciements ne sont pas définis ;

- le nombre des modifications des contrats de travail a été délibérément sous estimé ;

- l'accord collectif a exclu de son bénéfice des salariés qui pourraient y prétendre, en

adoptant une définition extensive et contraire à la loi de la notion de mobilité professionnelle sans modification du contrat de travail.

Par un mémoire en défense, enregistré le 31 juillet 2015, le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social conclut au rejet de la requête.

Le ministre soutient que les moyens soulevés par la Fédération requérante ne sont pas fondés.

Par un mémoire, enregistré le 28 août 2015, la société Crédit Lyonnais (LCL), représentée par Mes Uettwiller et Lepron, demande à la Cour :

1°) de confirmer le jugement du Tribunal administratif de Melun du 22 mai 2015 et de rejeter la requête de la Fédération Force ouvrière des employés et cadres ;

2°) de mettre à la charge de la Fédération la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La société soutient que les moyens soulevés par la Fédération requérante ne sont pas fondés.

II - Par une requête enregistrée sous le n° 15PA02881 le 22 juillet 2015, et un mémoire en réplique enregistré le 1er octobre 2015, la Fédération des syndicats du personnel de la banque et de l'assurance CGT, M. A...E...et M. D...B..., représentés par Me Krivine, avocat, demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1501476, 1501477 du 22 mai 2015 du Tribunal administratif de Melun ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision du directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi d'Île-de-France en date du 2 janvier 2015 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- la décision attaquée est insuffisamment motivée ;

- la procédure de consultation des institutions représentatives du personnel est irrégulière en raison d'informations manquantes ;

- le périmètre du plan aurait dû inclure l'ensemble des directions de LCL et l'égalité de traitements des salariés n'est pas respectée ;

- le nombre des licenciements envisagés n'est pas clairement fixé et repose sur une distinction entre les modifications des contrats de travail ou un simple changement des conditions de travail non conforme aux stipulations conventionnelles ;

- les règles relatives aux critères d'ordre des licenciements et aux catégories professionnelles n'ont pas été respectées ;

- le calendrier prévisionnel des licenciements est flou ;

- l'obligation de reclassement n'a pas été respectée ;

- les conclusions présentées par M. E...et M. B...sont recevables.

Par un mémoire, en défense, enregistré le 7 août 2015, le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social conclut au rejet de la requête.

Le ministre soutient que les moyens soulevés par la Fédération requérante ne sont pas fondés.

Par un mémoire, enregistré le 28 août 2015, la société Crédit Lyonnais (LCL), représentée par Mes Uettwiller et Lepron, avocats, demande à la Cour :

1°) de confirmer le jugement du Tribunal administratif de Melun du 22 mai 2015 et de rejeter la requête présentée par la Fédération des syndicats du personnel de la banque et de l'assurance CGT et M. E...et M. B...;

2°) de mettre à la charge de la Fédération la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La société soutient que :

- les conclusions de la requête en tant qu'elles sont présentées par M. E...et M. B... sont irrecevables ;

- les moyens soulevés par la Fédération requérante ne sont pas fondés.

Un mémoire, enregistré le 2 octobre 2015, soit postérieurement à la date de clôture de l'instruction par application de l'article R. 613-2 du code de justice administrative, a été produit par le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Lapouzade,

- les conclusions de M. Sorin, rapporteur public,

- et les observations de Me Tourniquet, avocat, pour la Fédération force ouvrière des employés et cadres, Me Krivine, avocat, pour la Fédération des syndicats du personnel de la banque et de l'assurance CGT et MM. E...etB..., M.C..., dûment mandaté, pour le ministre chargé du travail, et Me Uettwiller, avocat, pour la société Crédit Lyonnais.

1. Les requêtes n° 15PA02792 et n° 15PA02881 sont dirigées contre le même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour qu'il y soit statué par un seul arrêt.

2. Pour faire face aux nouvelles contraintes économiques pesant sur le secteur bancaire, résultant notamment du développement des banques en ligne, et sauvegarder sa compétitivité, la société Crédit Lyonnais (LCL) a défini une stratégie globale à horizon 2018, le plan " Centricité Clients 2018 ". Ce plan comprend un projet d'évolution du service Banque des Entreprises et de la Gestion de Fortune (BEGF), de la Banque des institutionnels (BDI) et des Centres de Relations Clients à Distance (CRC), ainsi que des projets d'évolution de la Direction des Services Banque et assurance (DSBa) et des Réseaux Retail hors CRC (réseau d'agences), ces deux derniers projets emportant des restructurations et des compressions des effectifs, impliquant des mobilités fonctionnelles et/ou géographiques, sans cependant aucun licenciement pour motif économique lié à des suppressions d'emploi, grâce à un nombre de départs en retraite pendant la durée du plan supérieur aux réductions d'effectifs prévues. En conséquence, seuls les projets DSBa et RR hors CRC ont fait l'objet d'une saisine du comité central d'entreprise et des comités d'entreprise au titre de l'article L. 1233-28 du code du travail relatif au projet de licenciement collectif pour motif économique, qui font l'objet d'un " livre I " sur la réduction des effectifs au sein de la DSBa sur la période 2014-2015, et au sein des réseaux Retail hors CRC sur la période 2014-2018. Un " livre II " porte sur les mesures d'accompagnement social de ces réductions d'effectifs. La jonction de ces deux procédures a été formalisée par un accord collectif majoritaire de méthode conclu le 12 septembre 2014, sur le fondement des dispositions de l'article L. 1233-30 du code du travail, prévoyant une date de clôture du processus de consultation des instances représentatives du personnel au 21 novembre 2014. Le 17 décembre 2014, la société Crédit Lyonnais a transmis au directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) d'Île-de-France une demande, d'une part, de validation de l'accord majoritaire signé le 21 novembre 2014 (" livre II ") par les deux syndicats majoritaires, la CFDT et le syndicat national des banques (SNB), et, d'autre part, d'homologation du document unilatéral (" livre I ") portant mesures d'accompagnement. Ces deux documents ont fait l'objet respectivement d'une validation et d'une homologation par une décision du DIRECCTE d'Île-de-France du 2 janvier 2015.

3. Aux termes de l'article L. 1233-3 du code du travail : " Constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques (...) ". Aux termes de l'article L. 1233-25 de ce même code : " Lorsqu'au moins dix salariés ont refusé la modification d'un élément essentiel de leur contrat de travail, proposée par leur employeur pour l'un des motifs économiques énoncés à l'article L. 1233-3 et que leur licenciement est envisagé, celui-ci est soumis aux dispositions applicables en cas de licenciement collectif pour motif économique ". Aux termes de l'article L. 1233-61 de ce code : " Dans les entreprises d'au moins cinquante salariés, lorsque le projet de licenciement concerne au moins dix salariés dans une même période de trente jours, l'employeur établit et met en oeuvre un plan de sauvegarde de l'emploi pour éviter les licenciements ou en limiter le nombre. (...) ". Les articles L. 1233-24-1 et L. 1233-24-4 du code prévoient que le contenu de ce plan de sauvegarde de l'emploi peut être déterminé par un accord collectif d'entreprise et qu'à défaut d'accord, il est fixé par un document élaboré unilatéralement par l'employeur.

4. Ces dispositions qui imposent l'édiction d'un plan de licenciement collectif lorsqu'au moins dix salariés ont refusé la modification de leur contrat de travail sur une période de trente jours n'ont pas pour effet d'interdire à l'employeur d'élaborer un tel plan dès le moment où il envisage de proposer à plus de dix salariés, comme en l'espèce, la modification d'un élément essentiel de leur contrat de travail pour un des motifs économiques énumérés à l'article L. 1233-3.

En ce qui concerne la légalité externe :

5. Aux termes de l'article L. 1233-57-4 du code du travail : " L'autorité administrative notifie à l'employeur la décision de validation dans un délai de quinze jours (...) et la décision d'homologation dans un délai de vingt et un jours (...). / Elle la notifie, dans les mêmes délais, au comité d'entreprise et, si elle porte sur un accord collectif, aux organisations syndicales représentatives signataires. La décision prise par l'autorité administrative est motivée ".

6. Si ces dispositions impliquent que la décision qui valide un accord collectif portant plan de sauvegarde de l'emploi, ou la décision qui homologue un document fixant le contenu d'un tel plan, doivent énoncer les éléments de droit et de fait qui en constituent le fondement, de sorte que les personnes auxquelles ces décisions sont notifiées puissent à leur seule lecture en connaître les motifs, elles n'impliquent ni que l'administration prenne explicitement parti sur le respect de chacune des règles dont il lui appartient d'assurer le contrôle en application des dispositions des articles L. 1233-57-2 et L. 1233-57-3 du même code, ni qu'elle retrace dans la motivation de sa décision les étapes de la procédure préalable à son édiction.

7. En premier lieu, l'absence de visa de l'article L. 1233-31 du code du travail par la décision attaquée, lequel prévoit que l'employeur adresse aux représentants du personnel avec la convocation à la première réunion tous renseignements utiles sur le projet de licenciement collectif, n'est pas de nature à entacher d'insuffisance de motivation la décision attaquée dès lors, en tout état de cause, qu'il ressort des termes mêmes de cette décision, qui comporte par ailleurs la mention des textes dont elle fait application, que l'administration s'est assurée de la régularité de la procédure d'information du comité central d'entreprise et des différents comités d'entreprise.

8. En deuxième lieu, s'il est fait grief à la décision attaquée de ne pas être motivée, d'une part, sur l'appréciation portée par l'administration quant aux refus de trois comités d'hygiène et de sécurité des conditions de travail, sur les 80 comités consultés, d'émettre un avis parce que ces comités ont estimé que leur information était insuffisante, notamment au regard de l'impact du projet en termes de prévention des risques professionnels, et, d'autre part, quant au refus du comité central d'entreprise Île-de-France de rendre un avis faute de disposer de l'ensemble des réponses de la société Crédit Lyonnais aux injonctions du DIRECCTE, il ressort des termes de la décision attaquée, laquelle mentionne expressément les refus des comités d'hygiène et de sécurité, que le DIRRECCTE s'est livré au contrôle de la régularité de la procédure de consultation. Ainsi, les requérantes ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que les premiers juges, lesquels ont suffisamment motivé leur jugement sur ce point, ont écarté ce moyen.

9. En troisième lieu, la décision attaquée ne saurait, en tout état de cause, être regardée comme insuffisamment motivée du fait qu'elle n'a pas visé un courrier en date du 24 décembre 2014 que lui avait adressé la fédération CGT du Crédit Lyonnais, dès lors qu'ainsi que l'a jugé le Tribunal administratif de Melun, ce courrier, postérieur au dépôt des demandes de validation et auquel, en conséquence, l'administration n'était pas tenue, en vertu de l'article L. 1233-57-5 du code du travail, de donner une suite, se bornait à exprimer le point de vue du syndicat quant à l'insuffisance de l'information qui lui avait été fournie.

10. En quatrième lieu, la décision attaquée mentionne que " les informations complétant l'accord collectif majoritaire par la voie d'un document unilatéral sont complètes et précises et, compte tenu de la nature du projet de licenciement collectif pour motif économique projeté par l'entreprise, sont conformes aux articles L. 1233-24-2 et L. 1233-24-4 du CT ". Ainsi, l'administration a suffisamment motivé sa décision au regard des textes et principes sus énoncés et le moyen tiré de ce que la décision homologuant le document unilatéral porterait exclusivement sur les modalités d'information et de consultation des institutions représentatives du personnel et ne se prononcerait pas sur le contenu du document unilatéral établi par l'employeur ne peut qu'être écarté.

En ce qui concerne la légalité interne :

11. Aux termes de l'article L. 1233-57-2 du code du travail : : " L'autorité administrative valide l'accord collectif mentionné à l'article L. 1233-24-1 dès lors qu'elle s'est assurée de : / 1° Sa conformité aux articles L. 1233-24-1 à L. 1233-24-3 ; / 2° La régularité de la procédure d'information et de consultation du comité d'entreprise et, le cas échéant, du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail et de l'instance de coordination mentionnée à l'article L. 4616-1 ; / 3° La présence dans le plan de sauvegarde de l'emploi des mesures prévues aux articles L. 1233-61 et L. 1233-63. " et aux termes de l'article L. 1233-57-3 du même code : " En l'absence d'accord collectif ou en cas d'accord ne portant pas sur l'ensemble des points mentionnés aux 1° à 5° de l'article L. 1233-24-2, l'autorité administrative homologue le document élaboré par l'employeur mentionné à l'article L. 1233-24-4, après avoir vérifié la conformité de son contenu aux dispositions législatives et aux stipulations conventionnelles relatives aux éléments mentionnés aux 1° à 5° de l'article L. 1233-24-2, la régularité de la procédure d'information et de consultation du comité d'entreprise et, le cas échéant, du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail et de l'instance de coordination mentionnée à l'article L. 4616-1, et le respect par le plan de sauvegarde de l'emploi des articles L. 1233-61 à L. 1233-63 en fonction des critères suivants : / 1° Les moyens dont disposent l'entreprise, l'unité économique et sociale et le groupe ; / 2° Les mesures d'accompagnement prévues au regard de l'importance du projet de licenciement ; / 3° Les efforts de formation et d'adaptation tels que mentionnés aux articles L. 1233-4 et L. 6321-1. (...) ".

S'agissant de la régularité de la procédure d'information et de consultation des institutions représentatives du personnel :

12. Aux termes de l'article L. 1233-30 du code du travail : " Dans les entreprises ou établissements employant habituellement au moins cinquante salariés, l'employeur réunit ou consulte le comité d'entreprise sur : 1° L'opération et ses modalités d'application, conformément à l'article L. 2323-15 ; 2° Le projet de licenciement collectif : le nombre des suppressions d'emploi, les catégories professionnelles concernées, les critères d'ordre et le calendrier prévisionnel des licenciements, les mesures sociales d'accompagnement prévues par le plan de sauvegarde de l'emploi(...) ". Aux termes de l'article L. 1233-31 du même code : " L'employeur adresse aux représentants du personnel, avec la convocation à la première réunion, tous renseignements utiles sur le projet de licenciement collectif. Il indique : 1° La ou les raisons économiques, financières ou techniques du projet de licenciement ; 2° Le nombre des licenciements envisagés ; 3° Les catégories professionnelles concernées et les critères proposées pour l'ordre des licenciements ; 4° Le nombre de salariés, permanents ou non, employés dans l'établissement ; 5° Le calendrier prévisionnel des licenciements ; 6° Les mesures économiques envisagées ". Aux termes de l'article L. 2323-15 de ce code : " Le comité d'entreprise est saisi en temps utile des projets de restructuration et de compression des affectifs. Il émet un avis sur l'opération projetée et ses modalités d'application dans les conditions et délais prévus à l'article L. 1233-30, lorsqu'elle est soumise à l'obligation d'établir un plan de sauvegarde de l'emploi. Cet avis est transmis à l'autorité administrative ".

13. En premier lieu, les requérants reprennent en appel les moyens qu'ils avaient invoqués en première instance et tirés de l'insuffisance d'information sur le périmètre de réorganisation et du plan de sauvegarde et de l'absence d'indication du nombre des licenciements. Il y a lieu par adoption des motifs retenus par les premiers juges (considérants 12 et 13 du jugement du Tribunal administratif de Melun) d'écarter ces moyens.

14. En second lieu, les fédérations requérantes contestent qu'il ait été donné une suite satisfaisante aux injonctions figurant dans les courriers du DIRECCTE des 1er octobre 2014, 15 octobre 2014 et 18 novembre 2014, faisant suite à des lettres d'observations des syndicats.

15. Toutefois, il ressort des pièces du dossier qu'à la suite du courrier du 1er octobre 2014, la société Crédit Lyonnais a exposé dans une lettre du 15 octobre 2014, que cette société comptant environ 1903 agences, dont 231 sur le périmètre du comité d'entreprise IdF Sud, les informations sollicitées n'étaient pas exploitables en raison de leur volume, l'agence n'ayant pas été pour cette raison le niveau de référence choisi dans le dialogue social, que l'information relative au prévisionnel cible 2018 n'existe pas et son élaboration demanderait un travail énorme et totalement aléatoire compte tenu de l'impossibilité d'anticiper aussi finement la répartition des effectifs dans l'entreprise, en revanche ces éléments ont fait l'objet d'une communication au niveau des 51 directions régionales, que s'agissant de la liste de fermeture des agences (hors fermeture pour transfert) elle sera communiquée pour 2015, aucune décision définitive n'ayant été prise pour les années 2016 à 2018, la société Crédit Lyonnais ayant par ailleurs pris l'engagement de transmettre aux représentants du personnel les éléments prévisionnels dans l'année N pour l'année N + 1 jusqu'à l'échéance en 2018 du projet d'évolution des Réseaux Retail hors CRC.

16. S'agissant du courrier du 15 octobre 2014, il y a été répondu par la société Crédit Lyonnais par un courrier du 29 octobre 2014 aux termes duquel toutes les informations demandées concernant les données par direction régionale, le nombre des postes qui feront l'objet de modifications du contrat de travail ou des modalités d'exécution de ce contrat, et la confirmation qu'aucune suppression d'effectifs n'était prévue au sein des services BDI et BGEF figuraient dans les documents déjà remis aux représentants du personnel. La circonstance que cette réponse soit postérieure à la dernière réunion du comité central d'entreprise, laquelle s'est tenue le 23 octobre 2014, n'a ainsi pas privé les représentants du personnel des informations nécessaires à un examen utile du projet soumis à consultation.

17. Quant au courrier du 18 novembre 2014 du DIRECCTE, qui était déjà postérieur à la dernière réunion du comité central d'entreprise, la société Crédit Lyonnais y a répondu par un courrier du 25 novembre 2014 qui donne des informations concernant les adjoints de fonctionnement et la répartition des différents postes dans les différentes catégories professionnelles, éléments qui étaient en substance connus des représentants du personnel.

18. Au terme de la procédure d'information et de consultation, il n'est pas établi que des informations qui auraient été nécessaires pour que les institutions représentatives soient à même d'émettre un avis éclairé leur auraient fait défaut. Si les requérants se livrent à une critique méticuleuse de la procédure d'information suivie, ils ne font pas état de la nature précise des informations qui leur auraient fait défaut, ni a fortiori n'établissent en quoi ces informations leur auraient été nécessaires pour être à même d'émettre un avis éclairé.

19. Aux termes de l'article L. 4612-8 du code du travail : " Le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail est consulté avant toute décision d'aménagement important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail et, notamment, avant toute transformation importante des postes de travail découlant de la modification de l'outillage, d'un changement de produit ou de l'organisation du travail, avant toute modification des cadences et des normes de productivité liées ou non à la rémunération du travail " et de l'article L. 4614-9 du même code : " Le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail reçoit de l'employeur les informations qui lui sont nécessaires pour l'exercice de ses missions, ainsi que les moyens nécessaires à la préparation et à l'organisation des réunions et aux déplacements imposés par les enquêtes ou inspections. (...) ".

20. S'agissant de l'information et de la consultation relatives aux risques psycho-sociaux, la société Crédit Lyonnais a été destinataire d'un courrier du DIRECCTE daté du 7 novembre 2014 faisant état de ce que les informations transmises relatives à la prévention des risques professionnels générés par le projet d'organisation, notamment pour les salariés les " plus fragiles et vulnérables aux évolutions " étaient insuffisantes. A la suite d'une injonction du 1er octobre 2014, une mission avait été confiée par le Crédit Lyonnais à un cabinet, à la suite de laquelle une annexe 5 a été ajoutée au Livre I soumis à consultation du comité central d'entreprise le 23 octobre 2014, laquelle prévoit des études sur les risques psychosociaux. Par un courrier du 19 novembre 2014, la société Crédit Lyonnais a fait savoir qu'à l'issue de ces études, leurs résultats seraient présentés aux comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) en décembre 2014 et qu'un plan d'action sera élaboré qui sera également soumis pour avis à ces comités en janvier 2015. Ce courrier rappelait qu'un accompagnement individualisé par un cabinet spécialisé a été prévu et présenté au comité central d'entreprise dès sa réunion du 9 octobre 2014, pour les collaborateurs ayant besoin d'un tel accompagnement, qui prévoit des entretiens individuels et confidentiels, un bilan de compétences pour établir un projet professionnel, et qu'en outre, la mise en place de commissions régionales sur les conditions de travail figure dans le chapitre introductif du Livre I réuni. Ainsi, à l'issue du processus, lequel s'est achevé le 6 novembre 2014, si toutes les modalités des mesures que s'engageait à mettre en oeuvre la société Crédit Lyonnais n'étaient pas entièrement définies, les instances représentatives du personnel, en particulier les CHSCT et leur instance de coordination, dont il n'est pas contesté qu'ils ont eu communication des informations dont s'agit, disposaient, notamment à partir de la remise de l'annexe 5 au Livre I, des informations suffisantes pour se prononcer utilement sur la mise en oeuvre des mesures de la prévention des risques professionnels.

S'agissant du contenu du document unilatéral validé et de l'accord homologué :

Sur les moyens relatifs à la définition du périmètre du plan de sauvegarde de l'emploi :

21. En premier lieu, si l'accord collectif portant plan de sauvegarde pour l'emploi prévoit dans son article I-1 que " les mesures relatives à l'accompagnement géographique et fonctionnel " s'appliqueront aux projets d'évolution de la BEGF, de la BDI et des CRC dans le cadre de Centricité clients 2018, alors que, comme il a été dit, les secteurs BEGF, BDI et les CRC, faute d'être touchés par des réductions d'effectifs, ne sont pas concernés par la réorganisation qui fait l'objet du document unilatéral, aucune disposition notamment d'ordre législatif, n'interdit que l'application de mesures figurant dans un plan de sauvegarde de l'emploi excède le périmètre de ce plan.

22. En second lieu, les requérants soutiennent que le périmètre d'application du plan de sauvegarde pour l'emploi aurait dû concerner l'ensemble des secteurs de la société Crédit Lyonnais, et, selon la Fédération des syndicats du personnel de la banque et de l'assurance CGT, exclure des secteurs du périmètre du plan de sauvegarde de l'emploi " revient à priver les salariés de ces entités de bénéficier des mesures de départs volontaires à la retraite " et porte ainsi atteinte à l'égalité entre les salariés d'une même entreprise. Cependant, d'une part, dès lors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que des réductions d'effectifs concernent des secteurs autres que la DSBa et le réseau Retail hors CRC, et, d'autre part, que les mesures prévues par le plan de sauvegarde de l'emploi ont pour objet d'éviter le licenciement des salariés des secteurs amenés à subir des réductions d'effectifs, ces mesures peuvent, ainsi que l'a jugé le Tribunal administratif, ne concerner que les seuls salariés de ces secteurs.

Sur les moyens tirés de l'absence de définition des critères d'ordre de licenciement et du non respect des règles relatives à la définition des catégories professionnelles :

23. Il ressort des pièces du dossier que dans les cas où une fermeture de site est prévue, tous les salariés appartenant à ce site se verront proposer une modification d'un élément essentiel de leur contrat de travail. S'agissant de la DSBa, les salariés auxquels pourraient être proposées des modifications de leur contrat de travail par l'employeur, soit en lui proposant le choix d'une nouvelle affectation par nomination ou d'une mobilité géographique dans un autre site, des critères objectifs ont été prévus tenant compte du handicap, des charges de famille, de l'âge et, en dernier lieu, de l'ancienneté dans l'entreprise. S'agissant des réseaux Retail hors CRC, les directeurs d'agences supprimées se verront, selon les cas, proposer de devenir directeurs d'agence adjoints ou responsables d'agences. Dans une telle hypothèse, la définition de critères d'ordre de licenciement, qui ne peuvent concerner que le licenciement des salariés, et non le choix des agences qui seront supprimées, ne trouve pas à s'appliquer. En conséquence, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 1233-30 du code du travail faute que soient fixés des critères d'ordre des licenciements doit être écarté. Pour les mêmes motifs, ne pourra qu'être écarté le moyen, lequel a été examiné par les premiers juges (considérant 24 du jugement du Tribunal administratif), tiré de l'absence de définition des catégories professionnelles, au sein desquelles s'appliquent les critères d'ordre des licenciements.

Sur les moyens tirés de ce que le nombre des licenciements n'est pas clairement fixé et de la sous estimation délibérée du nombre des modifications de contrats de travail :

24. Les requérants reprennent en appel les moyens qu'ils avaient invoqués en première instance et tirés de ce que le nombre des licenciements n'est pas clairement fixé et de la sous estimation délibérée du nombre des modifications de contrats de travail. Il y a lieu par adoption des motifs retenus par les premiers juges (considérants 26 et 27 du jugement du Tribunal administratif de Melun) d'écarter ces moyens.

25. Si les requérants ont également entendu soutenir que la minoration alléguée du nombre des modifications de contrats de travail, et en conséquence, du nombre des licenciements aurait été de nature à entacher d'irrégularité la procédure d'information et de consultation des institutions représentatives, leur moyen ne pourra qu'être écarté dès lors que ces organismes étaient, en tout état de cause, pleinement informés de la définition retenue par l'employeur de la modification du contrat de travail pour l'application du plan de sauvegarde de l'emploi.

Sur le moyen tiré de l'absence de définition d'un calendrier des licenciements :

26. Compte tenu de la nature évolutive du processus engagé, de l'incertitude sur l'existence ou non de licenciements, lesquels dépendront en dernier lieu de l'acceptation ou du refus par les salariés concernés des modifications des contrats de travail qui leur seront proposés, le calendrier établi et présenté aux représentants du personnel, qui fait état de ce qu'à l'expiration d'une période de volontariat à la mobilité qui court à compter du mois de janvier 2015, des modifications de contrats seront proposées à partir du mois de février 2015, est suffisamment précis pour répondre aux exigences des articles précités et les premiers juges, lesquels n'avaient pas à reprendre l'ensemble de l'argumentaire des requérants, ont suffisamment répondu à ce moyen dans le considérant 13 du jugement attaqué.

27. Si les requérants ont également entendu faire état de l'insuffisance des informations relatives au calendrier prévisionnel à l'encontre de la régularité de la procédure d'information des institutions représentatives du personnel, ce moyen ne pourra qu'être écarté pour les mêmes motifs que ceux retenus au point 26.

Sur le non respect de l'obligation de reclassement :

28. Les requérants reprennent en appel le moyen invoqué en première instance et tiré du non respect de l'obligation de reclassement. Il y a lieu par adoption des motifs retenus par les premiers juges (considérant 30 du jugement du Tribunal administratif de Melun) d'écarter ce moyen.

29. Il résulte de ce qui précède que les requêtes doivent, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non recevoir opposée par la société Crédit Lyonnais et tirée de l'irrecevabilité des conclusions présentées par MM. E...etB..., être rejetées.

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

30. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante à l'instance, les sommes demandées par les requérants. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la Fédération Force ouvrière des employés et cadres et de la Fédération des syndicats du personnel de la banque et de l'assurance CGT le versement, pour chacune de ces fédérations, de la somme de 2 000 euros à la société Crédit Lyonnais.

DÉCIDE :

Article 1er : Les requêtes n° 15PA02792 et n° 15PA02881 sont rejetées.

Article 2 : La Fédération Force ouvrière des employés et cadres et la Fédération des syndicats du personnel de la banque et de l'assurance CGT verseront, chacune d'elles, la somme de 2 000 euros à la société Crédit Lyonnais, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la Fédération Force ouvrière des employés et cadres, à la Fédération des syndicats du personnel de la banque et de l'assurance CGT, à M. A...E..., à M. D...B..., à la société Crédit Lyonnais et au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social .

Délibéré après l'audience du 5 octobre 2015, à laquelle siégeaient :

- M. Lapouzade, président de chambre,

- M. Luben, président assesseur,

- Mme Bonneau-Mathelot, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 15 octobre 2015.

Le président rapporteur,

J. LAPOUZADEL'assesseur le plus ancien,

I. LUBEN

Le greffier,

Y. HERBERLa République mande et ordonne au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N°S 15PA02792, 15PA02881


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 15PA02792,15PA02881
Date de la décision : 15/10/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07 Travail et emploi. Licenciements.


Composition du Tribunal
Président : M. LAPOUZADE
Rapporteur ?: M. Jacques LAPOUZADE
Rapporteur public ?: M. SORIN
Avocat(s) : SCP UGGC ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 29/10/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2015-10-15;15pa02792.15pa02881 ?
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