Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C... B...a demandé au Tribunal administratif de Melun de condamner l'Assistance publique - hôpitaux de Paris à lui payer la somme de 27 000 euros en réparation des préjudices subis à la suite de sa prise en charge au centre hospitalier universitaire du Kremlin-Bicêtre.
Par un jugement n° 1303626 du 15 mai 2015, le Tribunal administratif de Melun a condamné l'Assistance publique - hôpitaux de Paris à verser à Mme B...la somme de 3 700 euros en réparation des préjudices qu'elle a subis, a mis à la charge définitive de l'Assistance publique - hôpitaux de Paris les frais d'expertise taxés et liquidés à la somme de 1 000 euros et a rejeté le surplus des conclusions de MmeB....
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 18 juin 2015, et un mémoire en réplique enregistré le 8 juin 2016, Mme B..., représentée par Me A..., demande à la Cour :
1°) de réformer le jugement n° 1303626 du 15 mai 2015 du Tribunal administratif de Melun en tant que, par ce jugement, celui-ci n'a pas fait droit à l'intégralité de ses conclusions indemnitaires ;
2°) de condamner l'Assistance publique - hôpitaux de Paris à lui payer la somme de 27 000 euros en réparation des préjudices subis à la suite de sa prise en charge au centre hospitalier universitaire du Kremlin-Bicêtre ;
3°) de mettre à la charge de l'Assistance publique - hôpitaux de Paris les dépens, comprenant les frais d'expertise ;
4°) de mettre à la charge de l'Assistance publique - hôpitaux de Paris le versement de la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- en l'opérant en hâte, sans prolonger les investigations cliniques qui auraient permis de mettre en évidence l'inutilité de l'opération, le service public hospitalier a commis une faute de nature à engager sa responsabilité ;
- en l'opérant en hâte, sans l'informer des risques encourus et des conséquences de l'opération, le service public hospitalier a commis une faute de nature à engager sa responsabilité ;
- le tribunal administratif n'a pas alloué des indemnités dans les proportions nécessaires pour que le préjudice subi puisse être regardé comme intégralement réparé. Elle a subi un préjudice économique, contrairement à ce qu'a indiqué l'expert médical. Son déficit fonctionnel doit être indemnisé à hauteur de 15 000 euros. Les souffrances endurées, évaluées par l'expert médical à 2,5 sur une échelle de 7, doivent être indemnisées à hauteur de 6 000 euros. Le préjudice esthétique, évalué par l'expert médical à 1,5 sur une échelle de 7, doit être indemnisé à hauteur de 6 000 euros.
Par un mémoire en défense et en appel incident, enregistré le 7 septembre 2015, l'Assistance publique - hôpitaux de Paris, représentée par Me Tsoudéros, conclut à titre principal, par la voie de l'appel incident, à l'annulation du jugement attaqué et au rejet de la demande de Mme B... ; à cette fin, elle soutient que c'est à tort que le jugement attaqué a retenu un défaut d'information à l'origine d'une perte de chance de se soustraire au risque qui s'est réalisé dès lors qu'en l'espèce les suites opératoires ont été simples et favorables et que les préjudices évoqués par l'expert ne correspondent qu'aux conséquences normales de l'intervention, et non à un quelconque risque opératoire qui se serait réalisé. De plus, comme l'a relevé l'expert, rien ne permet d'affirmer que la patiente n'ait pas été informée oralement de la position chirurgicale, à savoir la nécessité d'une laparotomie exploratrice, alors que la patiente a successivement fait l'objet d'un examen clinique par un chirurgien viscéral et d'une consultation anesthésique. Enfin, et en tout état de cause, c'est à tort que les premiers juges l'ont condamnée, sur le fondement d'un défaut d'information, à réparer l'intégralité des préjudices, alors qu'il ne s'agirait que d'une perte de chance de se soustraire au risque qui se serait réalisé, entachant ainsi le jugement d'une erreur de droit ;
- l'Assistance publique - hôpitaux de Paris conclut à titre subsidiaire à l'annulation du jugement attaqué et à ce que les indemnités allouées par les premiers juges soient ramenées à de plus justes proportions ; elle soutient à cette fin que la requérante n'exerçait aucune activité professionnelle à la date de l'intervention litigieuse, de sorte que l'incapacité temporaire partielle qu'elle a présentée n'a été à l'origine d'aucune perte de gains ; dès lors que la requérante ne présente aucune incapacité permanente partielle imputable à l'intervention, elle n'est pas fondée à solliciter l'indemnisation d'une perte de gains futurs ; la demande de la requérante tendant à ce que l'indemnisation des souffrances physiques qu'elle a endurées soit portée à 6 000 euros doit être écartée, l'évaluation des premiers juges n'étant pas inférieure au référentiel d'indemnisation de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales ; la demande de la requérante tendant à ce que l'indemnisation du préjudice esthétique soit portée à 6 000 euros doit également être écartée ;
- enfin, l'Assistance publique - hôpitaux de Paris conclut en tout état de cause au rejet de la requête ; elle soutient à cette fin que c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé " que le geste de prudence que constitue la laparotomie exploratrice qui a été réalisée ne peut être critiqué ". Elle demande à ce que le versement de la somme de 2 000 euros soit mis à la charge de Mme B... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de la sécurité sociale ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Luben,
- les conclusions de M. Sorin, rapporteur public,
- et les observations de Me Tsouderos, avocat de l'Assistance publique - hôpitaux de Paris.
Considérant ce qui suit :
En ce qui concerne la responsabilité pour faute :
1. Aux termes de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique :
" I. - Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute (...) ". Mme B...soutient que la responsabilité pour faute de l'Assistance publique - hôpitaux de Paris est engagée en ce qu'elle a fait l'objet d'une laparotomie qui s'est révélée inutile parce qu'elle a été opérée en hâte, sans que des investigations cliniques qui auraient permis de mettre en évidence l'inutilité de l'opération aient été effectuées.
2. Il résulte cependant de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que, d'une part, Mme B...qui a ressenti des douleurs mictionnelles dans la matinée du 8 juin 2009, puis des douleurs épigastriques le soir, a été orientée par un service de médecine d'urgence vers le services des urgences du centre hospitalier universitaire du Kremlin Bicêtre où elle a été admise à 2 heures 31 pour une suspicion de polynéphrite. Un premier examen clinique y a été pratiqué à 2 heures 53 ; ont ensuite été pratiqués en urgence une hémoculture, un ECBU, une numération de la formule sanguine (à 3 heures 51), une radiographie de l'abdomen sans préparation (à 4 heures 02), une radiographie thoraco-pulmonaire, un électrocardiogramme (à 8 heures 38), un scanner abdomino-pelvien (à 6 heures 22) et une échographie pelvienne endo-vaginale (à 12 heures 10). Les imageries (scanner abdomino-pelvien et échographie pelvienne endo-vaginale) ont été relues par deux radiologues, puis par l'un de ces radiologues et un chirurgien viscéral ; ce dernier, après avoir examiné la patiente, craignant une souffrance caecale à type de torsion (volvulus) susceptible d'entraîner une ischémie, une ulcération de la paroi et une invasion bactérienne intra-péritonéale et/ou une occlusion, a posé l'indication opératoire d'une laparotomie exploratrice avec le chirurgien qui a ensuite pratiqué cette opération (de 18 heures 50 à 20 heures 50), comme il ressort du compte-rendu opératoire. La circonstance que cet examen clinique spécialisé par le chirurgien viscéral n'ait pas été formalisé par écrit et/ou ne se soit pas retrouvé dans le dossier médical de la patiente ne saurait, de surcroît dans un contexte de relative urgence, faire douter de sa réalité. Il suit de là que l'ensemble des examens médicaux utiles ont été pratiqués en urgence préalablement à l'intervention chirurgicale. L'expert médical, dans son rapport, relève ainsi qu'aucun élément permettant de déterminer une faute, un manquement ou une négligence commise au service des urgences du centre hospitalier universitaire du Kremlin Bicêtre ne peut être relevé dans le dossier médical, que l'interrogatoire, l'examen clinique initial, les examens complémentaires tout à fait appropriés, les examens systématiques et la demande d'avis spécialisé, effectués sans retard, n'appellent aucun commentaire ni critique, et qu'il en est de même pour les soins et la surveillance d'anesthésie per et post-opératoire, ainsi que pour l'acte opératoire en soi, comme pour ce qui concerne les soins, le suivi et la surveillance au retour du bloc opératoire de Mme B...jusqu'à sa sortie de l'hôpital le 15 juin 2009.
3. D'autre part, il ne saurait être inféré de la circonstance que la laparotomie exploratrice réalisée le 9 juin 2009 n'ait rien révélé (elle est ainsi qualifiée de laparotomie " blanche " dans le compte-rendu opératoire) - hormis une petite bride adhérentielle à la base de la boucle du colon sigmoïdien qui, en se développant, était susceptible de provoquer un syndrome occlusif à une distance indéterminable dans le temps, et qui a été sectionnée - que cette intervention chirurgicale aurait été inutile. En effet, comme il a été dit, MmeB..., avant cette intervention, présentait des symptômes assez complexes à analyser qui pouvaient témoigner aussi bien d'une infection vésico-urinaire faisant suspecter une pyélonéphrite débutante qu'une pathologie abdominale aigüe, au vu, sur le scanner abdomino-pelvien, de l'aspect de souffrance visible du caecum qui avait quitté son site anatomique habituel, prolabé dans le petit bassin, évoquant un volvulus, donc susceptible de menacer son étanchéité par ulcération de la paroi et d'entrainer une invasion bactérienne ou un syndrome occlusif. Par suite, il était licite d'envisager un traitement chirurgical, qui constituait un geste de prudence.
4. Il résulte de ce qui précède que Mme B...n'est pas fondée à soutenir qu'une faute de diagnostic aurait été commise préalablement à l'intervention chirurgicale du 9 juin 2009.
En ce qui concerne le défaut d'information de MmeB... :
5. Aux termes de l'article L. 1111-2 du code de la santé publique : " Toute personne a le droit d'être informée sur son état de santé. Cette information porte sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu'ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus (...). Cette information est délivrée au cours d'un entretien individuel. " et aux termes de l'article L. 1111-4 du même code : " Toute personne prend, avec le professionnel de santé et compte tenu des informations et des préconisations qu'il lui fournit, les décisions concernant sa santé. / Le médecin doit respecter la volonté de la personne après l'avoir informée des conséquences de ses choix. (...) / Aucun acte médical ni aucun traitement ne peut être pratiqué sans le consentement libre et éclairé de la personne et ce consentement peut être retiré à tout moment. (...) ".
6. Lorsque l'acte médical envisagé, même accompli conformément aux règles de l'art, comporte des risques connus de décès ou d'invalidité, le patient doit en être informé dans des conditions qui permettent de recueillir son consentement éclairé. Si cette information n'est pas requise en cas d'urgence, d'impossibilité, de refus du patient d'être informé, la seule circonstance que les risques ne se réalisent qu'exceptionnellement ne dispense pas les praticiens de leur obligation. Un manquement des médecins à leur obligation d'information engage la responsabilité de l'hôpital dans la mesure où il a privé le patient d'une chance de se soustraire au risque lié à l'intervention en refusant qu'elle soit pratiquée. C'est seulement dans le cas où l'intervention était impérieusement requise, en sorte que le patient ne disposait d'aucune possibilité raisonnable de refus, que les juges du fond peuvent nier l'existence d'une perte de chance.
7. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que la laparotomie exploratrice réalisée le 9 juin 2009 n'a laissé aucune séquelle, hormis une cicatrice, au demeurant indolore, dont Mme B...déclare souffrir tant d'un point de vue objectif du fait de son aspect inesthétique que d'un point de vue subjectif pour des raisons ethno-culturelles. Cette conséquence prévue de l'intervention chirurgicale ne pouvant être regardée comme un risque connu de décès ou d'invalidité, la circonstance, à la supposer établie, que Mme B...n'aurait pas été informée de ce que la laparotomie exploratrice réalisée le 9 juin 2009 allait lui laisser une cicatrice ne saurait engager la responsabilité de l'Assistance publique - hôpitaux de Paris sur le terrain du défaut d'information. Il s'ensuit que l'Assistance publique - hôpitaux de Paris est fondée à soutenir, par la voie de l'appel incident, que c'est à tort que les premiers juges ont estimé que sa responsabilité était engagée du fait du manquement fautif des médecins à leur obligation d'information " dans la mesure où il a privé Mme B...d'une chance de se soustraire au risque qui s'est réalisé ". Le jugement attaqué doit ainsi être annulé et la demande présentée par Mme B...devant le Tribunal administratif de Melun, ainsi que ses conclusions d'appel, doivent être rejetées.
Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
8. En vertu des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative la Cour ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge ; dès lors, les conclusions présentées à ce titre par Mme B...doivent être rejetées.
9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme B...le paiement à l'Assistance publique - hôpitaux de Paris de la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1303626 du 15 mai 2015 du Tribunal administratif de Melun est annulé.
Article 2 : La demande présentée par Mme B...devant le Tribunal administratif de Melun ainsi que ses conclusions présentées en appel sont rejetées.
Article 3 : Mme B...versera à l'Assistance publique - hôpitaux de Paris une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B...et à l'Assistance publique - hôpitaux de Paris.
Copie en sera adressée à la caisse primaire du Val-de-Marne.
Délibéré après l'audience du 20 juin 2016, à laquelle siégeaient :
- M. Lapouzade, président,
- M. Luben, président assesseur,
- Mme Bonneau-Mathelot, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 29 juillet 2016.
Le rapporteur,
I. LUBENLe président,
J. LAPOUZADE
Le greffier,
A. CLEMENTLa République mande et ordonne à la ministre des affaires sociales et de la santé concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 15PA02394