Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Sud Est Automobiles a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été assignés, en droits et en pénalités, au titre de la période du 1er janvier 2010 au 30 novembre 2012.
Par un jugement n° 1410809/2-3 du 2 avril 2015, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 26 mai et 1er octobre 2015, la société Sud Est Automobiles, représentée par MeA..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement n° 1410809/2-3 du 2 avril 2015 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été assignés, en droits et en pénalités, au titre de la période du 1er janvier 2010 au
30 novembre 2012 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à leur verser en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les premiers juges n'ont pas répondu au moyen tiré de ce que, en servant l'imprimé 1993 CDI, l'administration a procédé à une première vérification de l'opération d'importation et de ce qu'il y a, dès lors, eu double vérification ;
- la mention figurant sur les imprimés visés par l'administration, de ce que l'appréciation faite par le contribuable au regard de la taxe sur la valeur ajoutée peut être remise en cause ne saurait lui être opposée dès lors que l'administration a elle-même rempli ces documents ;
- la loi fiscale est inintelligible pour un professionnel de l'automobile ;
- le service ne pouvait refuser la saisine de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires s'agissant d'une question de qualification juridique des faits et non une question de droit ;
- l'administration doit être regardée comme lui ayant délivré un rescrit ;
- le service a commis une irrégularité en procédant à une double vérification des mêmes opérations.
Par deux mémoires en défense enregistrés les 5 août 2015 et 29 octobre 2015, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la société Sud Est Automobiles ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la directive 77/388/CEE du Conseil du 17 mai 1977, modifiée par la directive 94/5/CE du Conseil du 14 février 1994 ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Legeai,
- et les conclusions de M. Egloff, rapporteur public.
1. Considérant que la société Sud Est Automobiles, qui exerce une activité de réparateur automobile et d'intermédiaire de commerce dans le domaine du négoce intracommunautaire de véhicules d'occasion, relève régulièrement appel du jugement n° 1410809/2-3 du 2 avril 2015 du Tribunal administratif de Paris rejetant sa demande de décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été assignés, en droits et en pénalités, au titre de la période du 1er janvier 2010 au 30 novembre 2012, selon la procédure de rectification contradictoire de l'article L. 55 du livre des procédures fiscales, pour un montant de 419 779 euros de droits et 51 651 euros de pénalités ;
Sur la régularité du jugement :
2. Considérant qu'il ressort du dossier que la société Sud Est Automobiles n'a pas invoqué, dans ses écritures de premières instance, un moyen tiré de ce que, en servant l'imprimé 1993 VT CDI, l'administration avait procédé à une première vérification de l'opération d'importation et de ce qu'elle avait, dès lors, fait l'objet d'une double vérification ; que, par suite, elle n'est pas fondée à soutenir que le jugement attaqué est irrégulier faute pour les premiers juge d'avoir répondu à un tel moyen ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 59 A du livre des procédures fiscales : " I.-La commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires intervient lorsque le désaccord porte : 1° Sur le montant du résultat industriel et commercial, non commercial, agricole ou du chiffre d'affaires, déterminé selon un mode réel d'imposition (...) II.-Dans les domaines mentionnés au I, la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires peut, sans trancher une question de droit, se prononcer sur les faits susceptibles d'être pris en compte pour l'examen de cette question de droit. (...) " ;
4. Considérant que la société Sud Est Automobiles soutient que le service aurait dû saisir la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires et fait valoir que sa demande portait sur la qualification juridique des faits et non sur une question de droit ; que, toutefois, dès lors que le désaccord opposant l'appelante à l'administration était relatif à son éligibilité au régime d'imposition sur la marge et non au montant de son chiffre d'affaires, ce désaccord n'entrait pas dans le champ de compétence de la commission au sens du I. de l'article L. 59 A précité du livre des procédures fiscales ; que, par suite, et alors même que l'examen de cette question pouvait nécessiter l'appréciation de situations de fait, au sens du II du même article, la commission n'était pas compétente pour en connaître ; qu'il suit de là que l'appelante n'est pas fondée à soutenir qu'en refusant de faire droit à sa demande de saisine de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, l'administration l'a irrégulièrement privée d'une garantie procédurale ;
5. Considérant que la simple délivrance, par l'administration, sur le fondement d'un contrôle en la forme des documents présentés, d'un visa sur le certificat " 1993 VT CDI ", ne constitue en rien une vérification de comptabilité ; que, par suite, la société Sud Est Automobiles est manifestement infondée à soutenir qu'elle a fait l'objet d'une double vérification ;
6. Considérant que, si la société Sud Est Automobiles soutient que la réponse aux observations du contribuable n'est pas motivée, ce moyen doit être écarté, l'administration ayant répondu de manière explicite le 13 juin 2013 aux observations formulées par l'appelante le 17 mai 2013 en réponse à la proposition de rectification en date du
26 avril 2013, en indiquant notamment que l'appelante avait en sa possession les factures d'origine des véhicules revendus en France, ne mentionnant pas la taxe dans le prix final, et qu'ainsi était applicable le régime de taxe sur le prix de vente total ;
Sur le bien-fondé des impositions en litige :
En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :
7. Considérant qu'aux termes du I de l'article 256 bis du code général des impôts :
" 1 Sont également soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les acquisitions intracommunautaires de biens meubles corporels effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel ou par une personne morale non assujettie lorsque le vendeur est un assujetti agissant en tant que tel et qui ne bénéficie pas dans son Etat du régime particulier de franchise des petites entreprises (...) " ; qu'aux termes du I de l'article 297 A du même code : " 1° La base d'imposition des livraisons par un assujetti revendeur de biens d'occasion (... ) qui lui ont été livrés par un non redevable de la taxe sur la valeur ajoutée ou par une personne qui n'est pas autorisée à facturer la taxe sur la valeur ajoutée au titre de cette livraison est constituée de la différence entre le prix de vente et le prix d'achat (...) " ; qu'aux termes de l'article 297 E du même code : " Les assujettis qui appliquent les dispositions de l'article 297 A ne peuvent pas faire apparaître la taxe sur la valeur ajoutée sur leurs factures. " ;
8. Considérant qu'il résulte des dispositions combinées précitées des articles 256 bis, 297 A, et 297 E du code général des impôts qu'une entreprise française assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée a la qualité d'assujetti revendeur et peut appliquer le régime de taxation sur marge prévu par l'article 297 A du code général des impôts, lorsqu'elle revend un bien d'occasion acquis auprès d'un fournisseur, situé dans un autre État membre qui, en sa qualité d'assujetti revendeur, lui a délivré une facture conforme aux dispositions précitées de l'article 297 E du code général des impôts et dont le fournisseur a aussi cette qualité ou n'est pas assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée ; que, toutefois, l'administration peut remettre en cause l'application de ce régime lorsque l'entreprise française connaissait ou ne pouvait ignorer la circonstance que son fournisseur n'avait pas la qualité d'assujetti revendeur et n'était pas autorisé à appliquer lui-même le régime de taxation sur la marge prévu par l'article 26 bis de la directive du 17 mai 1977 ;
9. Considérant que, si la société Sud Est Automobiles se prévaut du défaut d'intelligibilité de la loi fiscale, soit en l'espèce des dispositions combinées précitées des articles 256 bis, 297 A, et 297 E du code général des impôts, elle n'assortit ce moyen d'aucune précision en se bornant à invoquer le visa apposé par des agents de l'administration, sur la base d'un simple contrôle en la forme des documents présentés, ou la circonstance qu'elle n'a pas fait l'objet de rectifications lors d'une vérification de comptabilité ayant porté sur des années antérieures ;
Sur l'interprétation administrative de la loi fiscale :
10. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L 80 A du livre des procédures fiscales : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration. (...) " ; qu'aux termes de l'article L 80 B du même livre : " La garantie prévue au premier alinéa de l'article L. 80 A est applicable : 1° Lorsque l'administration a formellement pris position sur l'appréciation d'une situation de fait au regard d'un texte fiscal ; elle se prononce dans un délai de trois mois lorsqu'elle est saisie d'une demande écrite, précise et complète par un redevable de bonne foi. (...) " ;
11. Considérant, qu'aux termes du I de l'article 242 terdecies de l'annexe II au code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux documents invoqués : " I. Toute personne qui acquiert un moyen de transport mentionné au 1 du III de l'article 298 sexies du code général des impôts, en provenance d'un autre Etat membre de la Communauté européenne, est tenue de demander auprès de l'administration fiscale dont elle relève le certificat fiscal prévu au V bis de l'article 298 sexies du code général des impôts. / Le certificat doit être obligatoirement présenté pour obtenir l'immatriculation ou la francisation d'un moyen de transport mentionné au premier alinéa et provenant d'un autre Etat membre de la Communauté européenne. (...). " ; qu'il résulte de ces dispositions que le visa apposé par l'administration fiscale sur le certificat " 1993 VT CDI " est délivré sur le fondement d'un contrôle en la forme des documents présentés, pour les seuls besoins de l'immatriculation ou de la francisation d'un moyen de transport introduit en France, mais n'a pas pour objet de prendre position sur le régime fiscal applicable au regard de la taxe sur la valeur ajoutée, ainsi d'ailleurs qu'en témoignent les mentions figurant sur ce certificat, lesquelles, contrairement à ce que soutient la société Sud Est Automobiles ne sont pas dénuées de portée ; que la délivrance de ce document ne peut être regardée, en l'absence de toute mention expresse en ce sens, comme ayant le caractère d'une prise de position formelle de l'administration sur le régime de taxe sur la valeur ajoutée applicable à la transaction ;
12. Considérant que la société Sud Est Automobiles, qui n'établit pas avoir formulé auprès de l'administration une demande de rescrit afin de valider sa pratique n'est pas fondée à se prévaloir du bénéfice d'un tel rescrit ; qu'en toute hypothèse, elle ne saurait utilement invoquer, dans le cas du présent litige, une prétendue faute commise par les agents des services fiscaux, résultant notamment de la rédaction des imprimés remis à l'importateur ;
13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Sud Est Automobiles n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ; que les conclusions de la requête tendant à l'annulation du jugement et à la décharge des impositions contestées doivent, par suite, être rejetées ; qu'il en va de même, par voie de conséquence, de celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, l'Etat n'ayant pas dans la présente instance la qualité de partie perdante ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société Sud Est Automobiles est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Sud Est Automobiles et au ministre des finances et des comptes publics. Copie en sera adressée à la direction spécialisée de contrôle fiscal d'Ile-de-France Est.
Délibéré après l'audience du 16 décembre 2015, à laquelle siégeaient :
Mme Brotons, président de chambre,
Mme Appèche, président assesseur,
M. Legeai, premier conseiller.
Lu en audience publique le 31 décembre 2015.
Le rapporteur,
A. LEGEAI Le président,
I. BROTONS Le greffier,
S. DALL'AVA
La République mande et ordonne au ministre des finances et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 15PA02081