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23/02/2016 | FRANCE | N°15PA01020

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3 ème chambre, 23 février 2016, 15PA01020


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...C...a demandé au Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie d'annuler la décision en date du 9 janvier 2014 par laquelle l'inspecteur du travail a autorisé son licenciement ;

Par un jugement du 11 décembre 2014, le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a fait droit à sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 5 mars 2015, la société Manutrans, représentée par la Selarl Milliard-Million demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugem

ent n°1400083 du 11 décembre 2014 du Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie ;

2°) de mettre à l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...C...a demandé au Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie d'annuler la décision en date du 9 janvier 2014 par laquelle l'inspecteur du travail a autorisé son licenciement ;

Par un jugement du 11 décembre 2014, le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a fait droit à sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 5 mars 2015, la société Manutrans, représentée par la Selarl Milliard-Million demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n°1400083 du 11 décembre 2014 du Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie ;

2°) de mettre à la charge de M. C...le versement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision de l'inspection du travail est motivée en fait et en droit ;

- contrairement à ce qu'a retenu le tribunal, M. C...n'a pas fait l'objet d'un licenciement verbal comme en attestent la convocation du salarié à un entretien préalable et la procédure engagée auprès de l'inspection du travail, avant l'engagement par le salarié de poursuites devant le Tribunal du travail ;

- si M. C...n'a pu accéder à son lieu de travail, c'est qu'il faisait l'objet d'une mise à pied conservatoire et donc, d'une suspension de son contrat de travail ;

- le salarié n'a pas fait état d'un licenciement verbal lors de l'enquête contradictoire ;

- c'est sans commettre d'erreur de droit que l'inspecteur du travail a considéré que le contrat de travail n'était pas rompu et que l'autorisation de licenciement était requise ;

- M. C...ne conteste pas avoir fait preuve d'insubordination en refusant de participer à une réunion de travail hors la présence de son collègue de travail ;

- les menaces de licenciement et de mise à pied alléguées par le salarié ne sont pas établies par la production de la seule attestation de son collègue ;

- à aucun moment, M. C...n'a contesté ses absences injustifiées durant les trois années précédant la procédure de licenciement.

Vu les mémoires en défense, enregistrés le 27 juillet 2015, le 23 octobre 2015 et le

27 janvier 2016, présentés pour M. C... par la SELARL Deswarte qui conclut à la confirmation du jugement attaqué, au rejet de la requête et à la condamnation de la société Manutrans et de la Nouvelle-Calédonie à lui verser la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

M. C... soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Vu le mémoire enregistré le 8 décembre 2015, présenté pour la Nouvelle-Calédonie par la SELARL DetS Legal qui s'associe aux conclusions de la requête de le société Manutrans, conclut au rejet des conclusions de M. C...et à la condamnation de ce dernier à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La Nouvelle-Calédonie soutient que les moyens de M. C... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail de Nouvelle-Calédonie ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Julliard,

- les conclusions de M. Roussel, rapporteur public,

- et les observations de MeB..., pour la Nouvelle-Calédonie.

1. Considérant que M.C..., qui a été recruté le 27 janvier 2003 par la société Manutrans, a adressé le 30 octobre 2013 un courrier à son employeur, lui demandant l'organisation des élections des délégués du personnel ; que par un courrier reçu le 27 novembre 2013, la société Manutrans a demandé à l'inspecteur du travail l'autorisation de le licencier pour faute, autorisation accordée par une décision en date du 9 janvier 2014 ; que la société Manutrans relève appel du jugement du 11 décembre 2014 par lequel le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a annulé la décision précitée de l'inspecteur du travail ;

Sur la légalité de la décision de l'inspecteur du travail du 9 janvier 2014 :

2. Considérant qu'aux termes de l'article Lp. 351-1 du code du travail de la Nouvelle-Calédonie : " Ne peut intervenir qu'après autorisation de l'inspecteur du travail, le licenciement des salariés suivants : 1° délégué syndical, 2° délégué du personnel... En cas de faute grave, l'employeur a la faculté de prononcer la mise à pied immédiate de l'intéressé en attendant la décision définitive... " ; et qu'aux termes de l'article Lp. 352-3 dudit code : " Afin de faciliter la mise en place des institutions représentatives du personnel, la procédure d'autorisation de licenciement prévue par l'article Lp. 351-1 est également applicable au licenciement des salariés qui ont demandé à l'employeur d'organiser les élections des délégués du personnel ou du comité d'entreprise, pendant une durée de six mois qui court à compter de l'envoi de la lettre recommandée par laquelle le salarié a demandé qu'il soit procédé à des élections... " ;

3. Considérant qu'en vertu des dispositions du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des salariés qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle ; que, lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé ; que, dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail, et le cas échéant au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi ;

4. Considérant qu'il ressort du jugement du juge des référés du tribunal du travail de Nouméa, du 27 décembre 2013 confirmé par arrêt de la Cour d'appel de Nouméa du 19 juin 2014, dont les constatations sont revêtues de l'autorité de la chose jugée alors même qu'il fait l'objet d'un pourvoi en cassation, que M. C...a été licencié verbalement dès le 12 novembre 2013 ; qu'ainsi et comme l'a jugé à bon droit le tribunal administratif, à la date du 27 novembre 2013 à laquelle la société Manutrans a présenté sa demande d'autorisation de licenciement de

M.C..., les relations contractuelles les unissant étant rompues, l'inspecteur du travail était tenu, pour ce motif, de refuser l'autorisation de licenciement sollicitée ;

5. Considérant, au surplus, que le délai entre la demande d'organisation des élections des délégués du personnel le 30 octobre 2013 et l'engagement de la procédure de licenciement de M. C...le 12 novembre suivant, ne permet pas, ainsi que l'a fait l'inspecteur du travail, d'écarter tout lien entre cette demande et l'appartenance syndicale du salarié ; que M. C... soutient sans être contredit, qu'un autre salarié de l'entreprise ayant sollicité la tenue d'élections a été licencié le 5 mars 2014 ; qu'enfin, il ressort également des pièces du dossier que le président de la société Manutrans a été condamné par jugement du Tribunal correctionnel de Nouméa du 27 mars 2015, confirmé par arrêt de la Cour d'appel de Nouméa du 25 août 2015, pour avoir porté atteinte à la libre désignation des délégués du personnel ; que, par suite, M. C... est fondé à soutenir qu'il existe un lien entre sa demande d'organisation des élections des délégués du personnel et la procédure de licenciement engagée à son encontre et qui est, par suite, entachée de discrimination ;

6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Manutrans n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a annulé la décision du 9 janvier 2014 par laquelle l'inspecteur du travail a autorisé le licenciement de M. C... ;

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

7. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de M. C..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que la société Manutrans et la Nouvelle-Calédonie demandent au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de la société Manutrans une somme de 3 000 euros et de la Nouvelle Calédonie une somme de 1 000 euros, à verser à M. C... sur le fondement de ces mêmes dispositions ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Manutrans est rejetée.

Article 2 : La société Manutrans versera à M. C... une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La Nouvelle Calédonie versera à M. C... une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Manutrans, à la Nouvelle-Calédonie et à M. A... C....

Délibéré après l'audience du 4 février 2016, à laquelle siégeaient :

- M. Bouleau, premier vice-président,

- M. Polizzi, président assesseur,

- Mme Julliard, première conseillère,

Lu en audience publique, le 23 février 2016.

La rapporteure,

M. JULLIARDLe président,

M. BOULEAULe greffier,

E. MOULIN

La République mande et ordonne à la ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 10PA03855

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N° 15PA01020


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3 ème chambre
Numéro d'arrêt : 15PA01020
Date de la décision : 23/02/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. BOULEAU
Rapporteur ?: Mme Marianne JULLIARD
Rapporteur public ?: M. ROUSSEL
Avocat(s) : SELARL MILLIARD-MILLION

Origine de la décision
Date de l'import : 11/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2016-02-23;15pa01020 ?
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