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31/05/2017 | FRANCE | N°15PA00836

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 31 mai 2017, 15PA00836


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La Fédération CGT " Santé et Action sociale " a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 21 décembre 2012 par lequel le ministre des affaires sociales et de la santé a agréé la " convention collective du 31 octobre 1951 (75015 Paris), recommandation patronale du 4 septembre 2012 ".

Par un jugement n° 1302482/3-3 du 23 décembre 2014, le Tribunal administratif de Paris a, d'une part, admis l'intervention de la Fédération des personnels des services publics et de santé FO

et de l'Union nationale des syndicats FO de la santé privée et, d'autre part, rejet...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La Fédération CGT " Santé et Action sociale " a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 21 décembre 2012 par lequel le ministre des affaires sociales et de la santé a agréé la " convention collective du 31 octobre 1951 (75015 Paris), recommandation patronale du 4 septembre 2012 ".

Par un jugement n° 1302482/3-3 du 23 décembre 2014, le Tribunal administratif de Paris a, d'une part, admis l'intervention de la Fédération des personnels des services publics et de santé FO et de l'Union nationale des syndicats FO de la santé privée et, d'autre part, rejeté la demande de la Fédération CGT " Santé et Action sociale ".

Procédure devant la Cour :

Par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et deux autres mémoires, enregistrés respectivement les 23 février et 25 mars 2015, 1er avril 2016 et 22 mars 2017, la Fédération CGT " Santé et Action sociale ", représentée par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1302482/3-3 du 23 décembre 2014 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 21 décembre 2012 du ministre des affaires sociales et de la santé ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué a été rendu en méconnaissance des dispositions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative ;

- une recommandation patronale ne peut faire l'objet d'un agrément sur le fondement de l'article L. 314-6 du code de l'action sociale, lequel ne concerne que les conventions collectives de travail, conventions d'entreprise ou d'établissement et accords de retraite ;

- l'arrêté attaqué méconnaît les dispositions de l'article L. 2231-9 du code du travail dès lors que l'agrément donne effet aux stipulations de l'accord de substitution signé le 12 novembre 2012 frappé d'opposition majoritaire et la réintroduction dans l'ordre juridique d'un accord réputé non écrit constitue un détournement de la loi ;

- l'arrêté attaqué méconnaît le droit à valeur constitutionnelle des salariés à la négociation collective de leurs conditions de travail.

Par un mémoire en défense, enregistré le 19 mai 2015, le ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes conclut au rejet de la requête et soutient qu'aucun des moyens invoqués par la Fédération CGT " Santé et Action sociale " n'est fondé.

Par un mémoire de production enregistré le 12 avril 2016, la Fédération CGT " Santé et Action sociale " a produit la recommandation patronale qui avait été demandée en vue de compléter l'instruction.

Par un mémoire, enregistré le 8 décembre 2016, la Fédération des établissements hospitaliers et d'aide à la personne, représentée par MeB..., a présenté des observations.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'action sociale et des familles,

- le code du travail,

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Bonneau-Mathelot,

- les conclusions de M. Sorin, rapporteur public,

- et les observations de MeA..., substituant la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de la Fédération CGT " Santé et Action sociale ".

Considérant ce qui suit :

1. Le 1er septembre 2011, la Fédération des établissements hospitaliers et d'aide à la personne (FEHAP) a dénoncé partiellement la convention collective nationale du 31 octobre 1951, dont elle était la seule signataire pour la partie employeur. Le champ de cette dénonciation allant, pour des raisons d'indivisibilité, au-delà des points qu'elle souhaitait renégocier, la FEHAP a proposé un avenant à la négociation collective qui, d'une part, restaurait les dispositions conventionnelles qui n'avaient été dénoncées qu'en raison de leur dépendance avec les articles qu'elle souhaitait voir évoluer et, d'autre part, prévoyait une révision d'un certain nombre de points de la convention collective. Cet avenant n'ayant pas recueilli l'accord des organisations syndicales parties à la négociation, la FEHAP a, par une décision du 4 septembre 2012, adopté une recommandation patronale reprenant le contenu de cet avenant. Le 10 septembre 2012, la FEHAP a transmis à la direction générale de la cohésion sociale une demande d'agrément de la recommandation patronale ainsi adoptée, sur le fondement des articles L. 314-6 et R. 314-197 à R. 314-200 du code de l'action sociale et des familles. La recommandation a été soumise à l'examen de la commission nationale d'agrément, qui a émis, le 21 décembre 2012, un avis favorable. Parallèlement, les négociations se poursuivirent et permirent la conclusion, le 12 novembre 2012, d'un accord de substitution signé par la CFDT et la CGC mais réputé non écrit à la suite de l'opposition conjointe des syndicats CGT, CFTC et FO, majoritaires. Par un arrêté du 21 décembre 2012, le ministre des affaires sociales et de la santé a agréé la recommandation de la FEHAP du 4 septembre 2012. Par un jugement du 23 décembre 2014, dont la fédération CGT " Santé et Action sociale " relève appel, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

I - Sur l'exception de non-lieu à statuer :

2. La circonstance, invoquée par le ministre chargé des affaires sociales et de la santé, qu'un nouvel accord, applicable en lieu et place de la recommandation patronale, a été agréé par un arrêté du 15 mai 2014 n'est pas de nature à priver le présent litige de son objet dès lors qu'il n'est pas contesté que l'arrêté du 21 décembre 2012 a produit des effets et que la recommandation est, en certains de ses points, toujours applicable, ainsi que l'indique la fédération appelante. Par suite, à supposer que le ministre ait entendu ainsi soulever une exception de non-lieu à statuer, celle-ci ne peut qu'être écartée.

II - Sur la régularité du jugement attaqué :

3. Contrairement à ce que fait valoir la fédération requérante, la minute du jugement attaqué comporte les signatures du président de la formation de jugement, du rapporteur et du greffier d'audience, conformément aux dispositions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions doit être écarté.

III - Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

4. D'une part, aux termes de l'article L. 314-6 du code de l'action sociale et des familles : " Les conventions collectives de travail, conventions d'entreprise ou d'établissement et accords de retraite applicables aux salariés des établissements et services sociaux et médico-sociaux à but non lucratif dont les dépenses de fonctionnement sont, en vertu de dispositions législatives ou réglementaires, supportées, en tout ou partie, directement ou indirectement, soit par des personnes morales de droit public, soit par des organismes de sécurité sociale, ne prennent effet qu'après agrément donné par le ministre compétent après avis d'une commission où sont représentés des élus locaux et dans des conditions fixées par voie réglementaire. Ces conventions ou accords s'imposent aux autorités compétentes en matière de tarification, à l'exception des conventions collectives de travail et conventions d'entreprise ou d'établissement applicables au personnel des établissements assurant l'hébergement des personnes âgées et ayant signé un contrat pluriannuel mentionné à l'article L. 313-11 ou une convention pluriannuelle mentionnée à l'article L. 313-12. / [...] ". Aux termes de l'article R. 314-197 du même code : " Sous réserve des dispositions de l'article R. 314-200, l'agrément mentionné à l'article L. 314-6 du code de l'action sociale et des familles est donné par le ministre chargé de l'action sociale. / [...] ".

5. D'autre part, aux termes de l'article L. 2231-9 du code du travail : " les conventions et accords frappés d'opposition majoritaire ainsi que ceux qui n'ont pas obtenu l'approbation de la majorité des salariés, en application des dispositions du chapitre II, sont réputés non écrits ". Aux termes de l'article L. 2261-10 du même code : " Lorsque la dénonciation émane de la totalité des signataires employeurs ou des signataires salariés, la convention ou l'accord continue de produire effet jusqu'à l'entrée en vigueur de la convention ou de l'accord qui lui est substitué ou, à défaut, pendant une durée d'un an à compter de l'expiration du délai de préavis, sauf clause prévoyant une durée déterminée supérieure. / Une nouvelle négociation s'engage, à la demande d'une des parties intéressées, dans les trois mois qui suivent la date de la dénonciation. / [...] ".

6. Il ressort des pièces du dossier que la FEHAP a, dans le cadre des dispositions précitées de l'article L. 2261-10 du code du travail, proposé à la négociation collective un avenant qui n'a pas recueilli l'accord des organisations syndicales. Dans ces conditions, la FEHAP a adopté, le 4 septembre 2012, une recommandation patronale. La CFDT et la CGC ont conclu avec la FEHAP, le 12 novembre 2012, un accord de substitution, lequel sera réputé non écrit en raison de l'opposition de la CGT, CFTC et FO, organisations syndicales majoritaires. Le 21 décembre 2012, le ministre des affaires sociales et de la santé a agréé la recommandation patronale du 4 septembre 2012 sur le fondement des dispositions de l'article L. 314-6 du code de l'action sociale et des familles.

7. Une recommandation patronale est une déclaration unilatérale par laquelle un groupement ou un syndicat d'employeurs reconnaît certains droits au profit des salariés, notamment en matière de rémunération, pour mettre un terme à un conflit ou consacrer un usage, et qui, lorsqu'elle est formulée en des termes clairs et précis, présente un caractère impératif et s'impose ainsi à tous les adhérents du groupement ou syndicat. Toutefois, une recommandation patronale, ne saurait avoir pour objet ou pour effet, notamment du fait de l'étendue et de l'exhaustivité de son contenu, de se substituer à un accord collectif, lequel a seul vocation à déterminer les conditions collectives de travail.

8. D'une part, il ressort de l'examen du contenu de la recommandation patronale prise par la FEHAP que celui-ci reprend partiellement, après l'avoir substantiellement amendé, le contenu de la convention collective nationale du 31 octobre 1951. D'autre part, il ressort de l'examen de l'accord de substitution du 12 novembre 2012, frappé d'opposition par les organisations syndicales majoritaires CGT, CTFC et FO et ainsi réputé non écrit, que cet accord de substitution s'est, à l'exception de quelques modifications portant sur des éléments composant la rémunération, les modalités de calcul de l'ancienneté ou la rupture du contrat de travail, pour l'essentiel approprié le texte de la recommandation patronale correspondant à l'avenant initialement et infructueusement soumis à la négociation collective. Ces circonstances faisaient obstacle, compte tenu de la nature et de l'objet d'une recommandation patronale, qui ne peut avoir pour objet ou pour effet de se substituer à un accord collectif obtenu par la voie de la négociation, à ce que le ministre des affaires sociales et de la santé agrée, sur le fondement de l'article L. 314-6 du code de l'action sociale et des familles, la recommandation patronale en cause sans méconnaître les dispositions de l'article L. 2231-9 du code du travail.

9. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que la Fédération CGT " Santé et Action sociale " est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Il y a lieu, par voie de conséquence, d'annuler l'arrêté du 21 décembre 2012.

IV - Sur les frais liés à l'instance :

10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros à la Fédération CGT " Santé et Action sociale " au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1302482/3-3 du 23 décembre 2014 du Tribunal administratif de Paris ainsi que l'arrêté du 21 décembre 2012 du ministre des affaires sociales et de la santé sont annulés.

Article 2 : L'Etat versera à la Fédération CGT " Santé et Action sociale " la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la Fédération CGT " Santé et Action sociale ", à la ministre des solidarités et de la santé et à la Fédération des établissements hospitaliers et d'aide à la personne (FEHAP).

Copie en sera adressée à la Fédération des personnels des services publics et de santé FO et à l'Union nationale des syndicats FO de la santé privée.

Délibéré après l'audience du 27 mars 2017 à laquelle siégeaient :

- M. Lapouzade, président de chambre,

- Mme Bonneau-Mathelot, premier conseiller,

- Mme Bernard, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 31 mai 2017.

Le rapporteur,

S. BONNEAU-MATHELOTLe président,

J. LAPOUZADELe greffier,

A. CLEMENTLa République mande et ordonne à la ministre des solidarités et de la santé en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 15PA00836


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 15PA00836
Date de la décision : 31/05/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

66-02-03 Travail et emploi. Conventions collectives. Agrément de certaines conventions collectives.


Composition du Tribunal
Président : M. LAPOUZADE
Rapporteur ?: Mme Sonia BONNEAU-MATHELOT
Rapporteur public ?: M. SORIN
Avocat(s) : SCP LYON-CAEN-THIRIEZ

Origine de la décision
Date de l'import : 15/08/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2017-05-31;15pa00836 ?
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