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03/05/2018 | FRANCE | N°15PA00456

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 5ème chambre, 03 mai 2018, 15PA00456


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée Consus France a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été notifiés au titre des années 2008 et 2009, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1310609 du 28 novembre 2014, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés r

espectivement les 30 janvier 2015 et 22 mai 2015, et des mémoires enregistrés les 11 octobre 2016, ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée Consus France a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été notifiés au titre des années 2008 et 2009, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1310609 du 28 novembre 2014, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés respectivement les 30 janvier 2015 et 22 mai 2015, et des mémoires enregistrés les 11 octobre 2016, 2 novembre 2016, 22 février 2018 et 14 mars 2018, la société Consus France, représentée par Me Pons, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1310609 du 28 novembre 2014 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été notifiés au titre des années 2008 et 2009, ainsi que des pénalités correspondantes.

Elle soutient que :

- la procédure d'imposition est irrégulière dès lors qu'elle n'a pas bénéficié d'un débat oral et contradictoire avec le vérificateur ;

- les rappels de taxe en litige sont dépourvus de fondement légal, dès lors que les articles 256 et 271, II du code général des impôts, appliqués par le service, ne permettent pas à l'administration de remettre en cause le droit à déduction de la taxe grevant la facture émise par un fournisseur en présence d'une fraude ; les articles 272 et 283-4 du code n'étaient pas applicables ; les directives 77/388/CEE du Conseil du 17 mai 1977 et 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 et la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne ne pouvaient fonder les redressements en litige ; l'interprétation constructive à laquelle s'est livrée l'administration conduit à subordonner le bénéfice du droit à déduction de la taxe à une condition, l'absence de fraude, qui n'est pas prévue par le code ; elle est incompatible avec les articles 272-3 et 283-4 du code général des impôts dès lors que le législateur n'a pas donné de portée rétroactive ou interprétative à ces dispositions, qui ne sont notamment pas applicables aux prestations de service ; elle méconnaît les droits protégés par l'article premier du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la remise en cause du droit à déduction de la taxe en raison de la participation à un circuit de fraude constitue une sanction dès lors qu'elle vise à réprimer le comportement fautif du redevable et à empêcher toute réitération des agissements frauduleux ; cette sanction méconnait le droit au procès équitable et la présomption d'innocence prévus aux paragraphes 1 et 2 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le principe d'application immédiate de la loi pénale plus douce, de non rétroactivité des lois répressives et du non cumul des sanctions fiscales et pénales ; de ce fait, le montant des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge doit être corrigé du montant des sommes auxquelles les sociétés Fistrade Energy, Ecofree et Expression ont été condamnées par le jugement du Tribunal correctionnel de Paris en date du 7 juillet 2016, à verser à l'Etat à titre de réparation dès lors que les rappels de taxe et les condamnations indemnitaires reposent sur les mêmes faits ;

- l'administration n'établit pas la réalité et le montant de la fraude à la taxe sur la valeur ajoutée dont elle se prévaut ;

- l'administration n'apporte pas la preuve qui lui incombe qu'elle savait ou qu'elle ne pouvait ignorer qu'elle participait à un circuit de fraude à la taxe sur la valeur ajoutée ; elle a effectué les diligences nécessaires pour s'assurer de la fiabilité de ses fournisseurs ; il ne peut lui être reproché de ne pas avoir détecté les agissements frauduleux de ses fournisseurs alors que l'administration fiscale, qui disposait de davantage d'informations et pouvait effectuer des contrôles supplémentaires avant de délivrer les attestations demandées, n'a pas décelé les manquements de ces sociétés à leurs obligations déclaratives ; si la faute qui lui est reprochée est une négligence ou un défaut de contrôle de ses clients et fournisseurs, il convient alors de constater que d'autres acteurs du marché ainsi que des autorités qui ont été en charge de poursuivre les fraudeurs sont coupables des même négligences qu'elle ; par un arrêt en date du 28 juin 2017, la Cour d'appel de Paris a infirmé le jugement du Tribunal correctionnel de Paris après avoir jugé que la société avait sollicité un certain nombre de documents auprès de plusieurs sociétés défaillantes et qu'elle ne pouvait être regardée comme complice de ces sociétés, ni comme ayant eu l'intention de participer à la fraude ; cet arrêt, qui est définitif, s'impose au juge administratif ;

- elle est fondée à se prévaloir des énonciations des points 29, 30, 32 et 33 de l'instruction référencée 3 A-7-07 du 30 novembre 2007 ;

- elle ne peut être tenue d'acquitter des rappels de taxe qui ont été recouvrés auprès des sociétés défaillantes et de leurs dirigeants ;

- l'intérêt de retard prévu à l'article 1727 du code général des impôts ne peut être calculé que sur une dette d'impôt et non sur un redressement qui constitue une sanction ;

- l'administration ne pouvait lui infliger les pénalités pour manquement délibéré dès lors que les rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge ne sont pas fondés ; elles ne sont pas justifiées ; elles sont disproportionnées ;

- elle a méconnu la présomption d'innocence dès lors qu'il n'a pas établi qu'elle connaissait l'existence de la fraude pratiquée par ses fournisseurs ainsi que le principe de spécialité et de nécessité des peines ;

- elle a méconnu l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen dès lors qu'elle l'a sanctionnée pour un manquement à son devoir de diligence alors que de nombreux acteurs sur le marché, y compris les autorités de marché et l'administration fiscale peuvent se voir reprocher les mêmes manquements ;

- elle est fondée à se prévaloir des énonciations de l'instruction référencée BOI 13 N-1-07.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 25 septembre 2015, 26 octobre 2016, 14 novembre 2016 et 13 mars 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

Par des mémoires distincts, enregistrés les 24 avril et 1er août 2017, la société Consus France a demandé à la Cour de transmettre au Conseil d'Etat, en application de l'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, la question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions du I de l'article 256 et des I et II de l'article 271 du code général des impôts.

Par un mémoire enregistré le 3 juillet 2017, le ministre de l'action et des comptes publics a demandé à la Cour de ne pas transmettre au Conseil d'Etat cette question prioritaire de constitutionnalité.

Par une ordonnance n° 15PA00456 du 6 novembre 2017, le président de la 5ème chambre de la Cour administrative d'appel de Paris a décidé, par application des dispositions de l'article 23-2 de l'ordonnance du 7 novembre 1958, de transmettre au Conseil d'Etat cette question prioritaire de constitutionnalité.

Par une décision n° 415512 du 26 janvier 2018, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a décidé qu'il n'y avait pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par la société Consus France.

Un mémoire, enregistré le 4 avril 2018, postérieurement à la clôture de l'instruction, a été présenté par le ministre de l'action et des comptes publics.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et ses premier et septième protocoles additionnels ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le pacte international relatif aux droits civils et politiques ;

- la directive 77/388/CEE du Conseil du 17 mai 1977 ;

- la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Poupineau,

- les conclusions de M. Lemaire, rapporteur public,

- et les observations de Me Pons, avocat de la société Consus France.

Une note en délibéré, enregistrée le 5 avril 2018, a été présentée pour la société Consus France.

1. Considérant que la société Consus France, qui a pour activité " l'achat, la vente, la négociation, l'échange, l'importation ou l'exportation de tous produits, sous-produits ou déchets industriels et principalement des échanges de droits d'émission de gaz à effet de serre, la formation de tous professionnels ou autres concernant ces produits, le consulting et le courtage portant sur ces activités ", a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er août 2006 au 30 septembre 2009, à l'issue de laquelle le service a remis en cause, sur le fondement des dispositions combinées des articles 256 et 271 du code général des impôts, son droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée figurant sur les factures émises par seize fournisseurs portant sur l'acquisition de quotas d'émissions de gaz à effet de serre et lui a notifié des rappels de taxe sur la valeur ajoutée d'un montant total de 811 268 502 euros, majorés des intérêts de retard et de la pénalité de 40 % pour manquement délibéré, au titre de la période allant du 1er mai 2008 au 30 juin 2009 ; que la société Consus France fait appel du jugement en date du 28 novembre 2014, par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions et pénalités ;

Sur les rappels de taxe sur la valeur ajoutée :

En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :

2. Considérant que, dans le cas où la vérification de la comptabilité d'une entreprise a été effectuée, soit, comme il est de règle, dans ses propres locaux, soit, si son dirigeant ou représentant l'a expressément demandé, dans les locaux du comptable dans lesquels sont déposés les documents comptables, c'est au contribuable qui allègue que les opérations de vérification ont été conduites sans qu'il ait eu la possibilité d'avoir un débat oral et contradictoire avec le vérificateur de justifier que ce dernier se serait refusé à un tel débat ;

3. Considérant qu'il résulte de l'instruction que les opérations de vérification de comptabilité de la société Consus France se sont déroulées dans les locaux du cabinet comptable de la contribuable, conformément à la demande de son gérant ; qu'il appartient, dès lors, à cette dernière d'établir qu'elle a été privée de la possibilité d'avoir un débat oral et contradictoire avec le vérificateur ; qu'il résulte de l'instruction, et, en particulier des mentions de la proposition de rectification du 3 octobre 2011, adressée à la société, que le vérificateur a organisé douze entretiens, au cours desquels ont été évoquées les conditions d'activité de la société Consus France ainsi que ses relations avec ses fournisseurs ; que le service a sollicité la communication de différents documents, dont les dossiers des clients et des fournisseurs, des pièces comptables, ainsi que des pièces justificatives telles que les factures d'achat des fournisseurs et des copies des contrats ; qu'il a, à cet égard, relevé dans la proposition de rectification " qu'à aucun moment de la vérification de comptabilité, la société ne lui avait présenté le résultat des démarches et diligences qu'elle aurait effectuées pour justifier le choix de ses fournisseurs " ; que cette mention n'implique pas que le vérificateur se serait, ainsi que le soutient la requérante, soustrait à toute discussion sur ce point ; qu'il n'était pas tenu de donner au gérant de la société, avant l'envoi de la proposition de rectification, une information sur les rappels d'impôt qu'il envisageait de mettre à sa charge ; qu'enfin, la circonstance alléguée que la réunion de synthèse, au cours de laquelle les chefs de rectification ont été présentés à la contribuable, était conduite par un autre vérificateur que celui ayant dirigé les onze entretiens précédents, est sans incidence sur la réalité du débat oral et contradictoire et, par suite, sur la régularité de la vérification de comptabilité ; que le moyen tiré du caractère irrégulier de cette vérification et de la procédure d'imposition doit, dès lors, être écarté ;

En ce qui concerne le bien-fondé des rappels de taxe sur la valeur ajoutée :

4. Considérant qu'aux termes du I de l'article 256 du code général des impôts, dans sa rédaction issue de l'article 1er de la loi du 17 juillet 1992 portant mise en oeuvre par la République française de la directive du Conseil des communautés européennes (C. E. E.) n° 91-680 complétant le système commun de la taxe sur la valeur ajoutée et modifiant, en vue de la suppression des contrôles aux frontières, la directive (C. E. E.) n° 77-388 et la directive (C. E. E.) n° 92-12 relative au régime général, à la détention, à la circulation et au contrôle des produits soumis à accise : " Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel " ; qu'aux termes des I et II de l'article 271 du même code, dans leur rédaction issue de l'article 17 de la loi du 30 décembre 2002 de finances rectificative pour 2002 : " I. 1. La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération. / (...) II. 1. Dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de leurs opérations imposables, et à la condition que ces opérations ouvrent droit à déduction, la taxe dont les redevables peuvent opérer la déduction est, selon le cas : / a) Celle qui figure sur les factures établies conformément aux dispositions de l'article 289 et si la taxe pouvait légalement figurer sur lesdites factures (...) " ;

5. Considérant que, selon une jurisprudence constante de la Cour de justice de l'Union européenne, rappelée notamment par son arrêt du 18 décembre 2014, Staatssecretaris van Financiën c/ Schoenimport " Italmoda " Mariano Previti vof et Turbu.com BV, Turbu.com Mobile Phone's BV (C-131/13, 163/13 et 164/13), il résulte des dispositions de l'article 17 de la sixième directive 77/388/CEE du 17 mai 1977, reprises en substance à l'article 168 de la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006, que le bénéfice du droit à déduction de taxe sur la valeur ajoutée doit être refusé à un assujetti lorsqu'il est établi, au vu d'éléments objectifs, que celui-ci savait ou aurait dû savoir que, par l'opération invoquée pour fonder ce droit, il participait à une fraude à la taxe sur la valeur ajoutée commise dans le cadre d'une chaîne de livraisons ou de prestations ;

6. Considérant que les règles inconditionnelles et précises rappelées au point précédent, inhérentes au système de taxe sur la valeur ajoutée, s'appliquent en droit interne sur le fondement des dispositions du I et du a) du 1 du II de l'article 271 du code général des impôts citées au point 4, prises pour assurer la transposition de l'article 17 de la sixième directive ; que de même, les dispositions du I de l'article 256 du code général des impôts ont été prises pour la transposition de l'article 2 de cette même directive ; que, par suite, les moyens tirés d'une part, de ce que les rappels de taxe en litige, qui procèdent de la remise en cause par le service, sur le fondement des dispositions combinées du I de l'article 256 et de celles du I et du a) du 1 du II de l'article 271 du code général des impôts, du droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée de la société Consus France au motif que celle-ci savait ou ne pouvait ignorer que, par les transactions qu'elle réalisait, elle participait à une fraude à la taxe sur la valeur ajoutée, commise par seize fournisseurs défaillants, sont dépourvus de base légale, d'autre part, de ce que les dispositions de la sixième directive 77/388/CEE du 17 mai 1977, reprises par la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006 ainsi que la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne ne peuvent fonder ces rappels et, enfin, de ce que les dispositions précitées, telles qu'interprétées par l'administration fiscale, conduisent à subordonner le droit à déduction de la taxe à une condition qui n'est pas prévue par la loi, ne peuvent qu'être écartés ;

7. Considérant que ne peut davantage être accueilli, dès lors que les rappels de taxe ont pour fondement les dispositions du I de l'article 256 et du I et du a) du 1 du II de l'article 271 du code général des impôts, qui permettent à l'administration de refuser à un assujetti le bénéfice du droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé les factures de prestations de service émises par ses fournisseurs, le moyen tiré de ce que ces rappels seraient fondés sur les dispositions du 3 de l'article 272 du code général des impôts, dans sa rédaction issue de l'article 91 de la loi n°2015-1786 du 29 décembre 2015, auquel l'administration aurait ainsi illégalement conféré une portée rétroactive, ou sur les dispositions du 4 de l'article 283 du même code, relatives aux livraisons de biens ou aux prestations de service fictives ;

8. Considérant qu'aux termes de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour (...) assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes " ; qu'il résulte des termes mêmes de cet article que le droit au respect de ses biens reconnu à toute personne physique ou morale ne porte pas atteinte au droit de chaque Etat partie au protocole additionnel précité de mettre en oeuvre les lois qu'il juge nécessaires pour assurer le paiement des impôts ; qu'ainsi, la circonstance que l'administration a remis en cause le droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée dont la société Consus France prétendait disposer ne porte pas, par elle-même, atteinte au respect de ses biens, au sens de l'article 1er de ce protocole ;

9. Considérant que la société Consus France soutient que la remise en cause de son droit à déduction de la taxe grevant les factures de ses fournisseurs motif pris de sa participation à un circuit de fraude à la taxe sur la valeur ajoutée, constitue une sanction, qui, dès lors qu'elle a été prononcée en méconnaissance du droit à un procès équitable et du principe de présomption d'innocence garantis respectivement par les stipulations des paragraphes 1 et 2 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et des principes d'application immédiate de la loi pénale plus douce, de non rétroactivité de la loi répressive plus sévère et de non cumul des sanctions fiscales et pénales, présente un caractère irrégulier ; que, toutefois, la reprise de la taxe indûment déduite ne tend pas à sanctionner l'assujetti ayant, par les opérations qu'il a réalisées, participé à un circuit de fraude à la taxe sur la valeur ajoutée dont il n'est pas à l'origine ; que, par suite, elle ne saurait être regardée comme présentant le caractère d'une sanction ; que la société requérante ne peut, dès lors, utilement se prévaloir des principes d'application immédiate de la loi pénale plus douce et de non rétroactivité de la loi répressive plus sévère ; que, par ailleurs, les conclusions tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée en litige ne constituant ni une contestation sur des droits et obligations de caractère civil, ni une accusation en matière pénale au sens de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, elle ne peut, en tout état de cause, utilement invoquer la méconnaissance de ces stipulations ;

10. Considérant que l'autorité de la chose jugée appartenant aux décisions des juges répressifs devenues définitives qui s'impose aux juridictions administratives s'attache à la constatation matérielle des faits mentionnés dans le jugement et qui sont le support nécessaire du dispositif ; que la même autorité ne saurait, en revanche, s'attacher aux motifs d'un jugement de relaxe tirés de ce que les faits reprochés ne sont pas établis ou de ce qu'un doute subsiste sur leur réalité ; que par suite, en présence d'un jugement définitif de relaxe rendu par le juge répressif, il appartient au juge de l'impôt, avant de porter lui-même une appréciation sur la matérialité et la qualification des faits au regard de la loi fiscale, de rechercher si cette relaxe était ou non fondée sur des constatations de fait qui s'imposent à lui ;

11. Considérant que, par un jugement du 7 juillet 2016, le Tribunal de grande instance de Paris statuant en matière correctionnelle, a déclaré le gérant de la société Consus France coupable des faits d'escroquerie réalisés en bande organisée et de blanchiment aggravé et a condamné l'intéressé à une peine d'emprisonnement de sept ans et au paiement d'une amende d'un montant d'un million d'euros ; que, toutefois, par un arrêt du 28 juin 2017, devenu définitif, la Cour d'appel de Paris a infirmé ce jugement et prononcé la relaxe du gérant de la société Consus France au motif que les infractions reprochées n'étaient pas caractérisées dans leurs éléments constitutifs ; que ce faisant, la Cour d'appel de Paris n'a pas procédé dans son arrêt à des constatations de faits revêtues de l'autorité de la chose jugée de nature à lier le juge de l'impôt ; qu'ainsi, l'intervention de cette décision ne fait pas obstacle à ce que la Cour porte elle-même une appréciation sur la matérialité et la qualification des faits au regard de la loi fiscale ;

12. Considérant, d'une part, qu'il résulte de l'instruction, et en particulier de la proposition de rectification du 3 octobre 2011 adressée à la société Consus France, dont les mentions, établies par un agent assermenté, font foi jusqu'à preuve contraire, que les sociétés Atheena Finanza, Atid Carbon, Centrale Energie ou Energie Centrale, Ecofree, Energie Groupe, Energy Distrib, Euro Trade Energy, Expression, Firstrade Energy, Lionsgate Limited, Mentek, Muller Assets Holdings, Realson International, Tallenko, Terbio et Touch Future, fournisseurs de la société Consus France durant la période de taxation en litige, n'ont soit pas déclaré ni reversé la taxe sur la valeur ajoutée collectée au titre, selon le cas, de l'année 2008, de l'année 2009 ou des deux années, soit ont souscrit des déclarations de chiffres d'affaires portant la mention " néant " ; que l'administration, en l'absence de preuve contraire que la société Consus France est seule susceptible de pouvoir apporter, doit être regardée comme établissant que ces sociétés, qui n'ont ni déclaré, ni payé la taxe qu'elles avaient facturée à la société Consus France pour l'acquisition de quotas d'émission de gaz à effet de serre, se sont livrées à une fraude à la taxe sur la valeur ajoutée ;

13. Considérant, d'autre part, que le service a constaté que la société Consus France, qui jusqu'au mois d'avril 2008, avait pour fournisseurs des sociétés polonaises, s'est, à compter de cette période, approvisionnée presqu'exclusivement auprès des seize sociétés mentionnées au point précédent, lesquelles représentaient 82 % du montant des achats réalisé en 2008 et 51 % de celui réalisé en 2009 ; que le chiffre d'affaires de la société Consus France a alors fortement progressé, puis s'est effondré à la suite de la publication, le 11 juin 2009, d'une instruction exonérant de la taxe sur la valeur ajoutée les opérations portant sur les quotas d'émission de gaz à effet de serre ; qu'il résulte également de l'instruction et notamment des extraits K bis produits par la société requérante, qui ne peut dès lors se prévaloir de son ignorance des éléments qui y figurent, que ses fournisseurs étaient établis auprès de sociétés de domiciliation ou n'avaient qu'une boite postale ; qu'en dépit du nombre et des montants des transactions réalisées, ils ne disposaient pas de local, ni de moyens matériels et humains d'exploitation ; que sept sociétés étaient de création récente, les autres ayant changé d'objet statutaire ou modifié leur activité, qui ne correspondait plus à leur objet social ; que la presque totalité n'a pas déposé ses comptes sociaux au greffe du tribunal de commerce compétent et que beaucoup encaissaient les règlements de la société Consus France sur des comptes bancaires qu'elles détenaient dans des pays étrangers qui n'étaient pas inscrits dans les registres des quotas carbone ; que l'administration relève également qu'elles ne jouissaient d'aucune expérience sur le marché des quotas d'émission et que les prix de vente qu'elles pratiquaient étaient inférieurs à ceux du marché, ce que la société Consus France, reconnue comme le spécialiste du négoce des quotas d'émission de gaz à effet de serre, ne pouvait ignorer ; qu'enfin, les sociétés Realson International Development Corporation, Energie groupe et Expression ont déclaré au service que leurs gérants n'avaient pas connaissance de leur activité réelle ou n'y exerçaient pas de fonction effective ;

14. Considérant que la société requérante ne remet pas sérieusement en cause les éléments de fait relevés par le service dans la proposition de rectification du 3 octobre 2011, dont les mentions font foi jusqu'à preuve contraire, pour démontrer que la société Consus France savait ou aurait dû savoir que ses fournisseurs étaient impliqués dans une fraude à la taxe sur la valeur ajoutée, en se bornant à soutenir de façon générale que ces faits ne sont pas établis ; que, par suite, c'est à bon droit que l'administration, qui s'est fondée sur l'ensemble de ces constatations, et non sur un élément en particulier, a considéré que la société Consus France disposait d'indices suffisants lui permettant de soupçonner l'existence d'une fraude commise par ses fournisseurs ; que la circonstance alléguée que les autorités de régulation du marché ainsi que l'administration fiscale n'aient décelé, révélé et sanctionné que tardivement les agissements frauduleux de certains opérateurs est sans incidence sur les obligations de la société Consus France, qui compte tenu des éléments ci-dessus rappelés, et également des spécificités de ce marché, ouvert à toute personne, aurait dû s'assurer de la fiabilité de ses fournisseurs ;

15. Considérant que la société Consus France fait valoir que ses fournisseurs étaient soumis à de nombreux contrôles effectués par différentes autorités et, notamment, par la Caisse des dépôts et consignations, et qu'ils étaient nécessairement connus de l'administration fiscale ; que, toutefois, ces contrôles, qui ne portaient pas sur le respect par les opérateurs de leurs obligations de déclaration et de paiement de la taxe sur la valeur ajoutée, ne dispensaient pas la société de prendre les mesures pouvant raisonnablement être exigées d'elle pour s'assurer que ses opérations n'étaient pas impliquées dans une fraude fiscale ; qu'à cet égard, elle soutient avoir procédé, en recourant notamment aux services de la société VCSTS, à différentes vérifications au moment de la signature des contrats, qui l'ont conduite à écarter certaines entreprises ; qu'elle a, ainsi, sollicité et obtenu un extrait K bis au 26 janvier 2009 de la société Ecofree, un relevé d'identité bancaire, une copie du passeport et de la carte nationale d'identité du gérant de la société, une attestation d'assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée datée du 14 janvier 2009, une demande d'attestation du 29 décembre 2008, des certificats de validation du numéro de taxe sur la valeur ajoutée des 29 décembre 2008 et 16 mars 2009 et une attestation de l'administration fiscale du 5 mars 2009 ; que, toutefois, ainsi que le relève le ministre dans ses écritures, le relevé de situation fiscale produit par la société Consus France précise qu'au 31 décembre 2008, alors que celle-ci avait réalisé avec la société Ecofree des transactions s'élevant à un montant de 1 541 941,42 euros, il n'était " pas possible d'attester du dépôt de la liasse fiscale pour l'année 2008 et par conséquent du paiement de l'impôt sur les sociétés y afférent " et que " la CA12 2008 également ne (pouvait) être attestée " ; que l'attestation en date du 5 mars 2009 a été demandée et la base VIES consultée, une fois la plus grande partie des opérations d'achat effectuée ; que le document émis par cette base ainsi que l'extrait K bis, le relevé d'identité bancaire et les copies du passeport et de la carte nationale d'identité du gérant de la société Ecofree ne permettent pas d'apprécier si ce fournisseur était à jour de ses obligations déclaratives et de paiement au regard de la taxe sur la valeur ajoutée ; que le même constat peut être fait pour les sociétés Energie Groupe et Realson International, pour lesquelles la société requérante a versé aux débats des extraits K bis, un relevé d'identité bancaire, une copie du passeport et de la carte nationale d'identité du gérant de chacune des sociétés, ainsi que des certificats de validation du numéro de taxe sur la valeur ajoutée ; que les demandes d'attestation fiscale et les attestations de régularité fiscale qu'elle a également produites, ont été sollicitées et obtenues bien après le début des relations commerciales entre ces sociétés, alors que la société Consus France avait procédé à des achats de quotas pour des montants très importants ; que de la même façon, la société requérante ne peut utilement se prévaloir des attestations de situation fiscale des sociétés Muller Assets Holdings, Touch Future, Terbio, Lionsgate Limited et Euro Trade Energy, délivrées alors que la société requérante avait réalisé la totalité de ses achats ou la plus grande partie d'entre-eux ; que s'agissant de la société Mentek, les mentions du certificat de validation du numéro de taxe sur la valeur ajoutée du 18 mars 2009 versé au dossier par la société Consus France ne permettaient pas à cette dernière de vérifier que ce fournisseur avait satisfait à ses obligations de déclaration et de reversement de la taxe collectée ; qu'enfin, la société requérante n'a produit aucun justificatif des démarches qu'elle ou la société VCSTS auraient entreprises pour vérifier la situation des autres fournisseurs ; que, dans ces conditions, c'est à bon droit que l'administration a considéré que la société Consus France ne pouvait ignorer qu'elle participait à circuit de fraude à la taxe sur la valeur ajoutée et qu'elle lui a refusé le bénéfice du droit à la déduction de la taxe afférente aux factures délivrées par les sociétés Atheena Finanza, Atid Carbon, Centrale Energie ou Energie Centrale, Ecofree, Energie Groupe, Energy Distrib, Euro Trade Energy, Expression, Firstrade Energy, Lionsgate Limited, Mentek, Muller Assets Holdings, Realson International, Tallenko, Terbio et Touch Future ;

16. Considérant qu'il ne résulte pas de l'instruction que l'administration fiscale aurait, ainsi que le soutient la requérante, recouvré pour partie la taxe sur la valeur ajoutée grevant les opérations d'acquisition de quotas d'émission de gaz à effet de serre en litige et que les seize fournisseurs de la société Consus France n'avaient pas reversée au Trésor Public ; que, par suite, le moyen tiré de ce que l'administration ne pouvait reprendre la totalité de la taxe que la société Consus France avait déduite à raison de ces opérations ne peut, en tout état de cause, qu'être écarté ;

17. Considérant, enfin, que la requérante n'est pas fondée à se prévaloir, sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, des énonciations des points 29, 30, 32 et 33 de l'instruction référencée 3 A-7-07 du 30 novembre 2007, qui ne comportent pas d'interprétation de la loi fiscale différente de celle dont il est fait application dans le présent arrêt ;

Sur l'intérêt de retard :

18. Considérant que, si la requérante fait valoir que l'intérêt de retard prévu à l'article 1727 du code général des impôts ne peut être appliqué à une sanction, il résulte de ce qui a été dit au point 9 que la reprise par le service de la taxe indûment déduite par la société Consus France à raison des opérations d'acquisition en litige ne constitue pas une sanction ;

Sur les pénalités :

19. Considérant qu'aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré ; (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 195 A du livre des procédures fiscales : " En cas de contestation des pénalités fiscales appliquées à un contribuable au titre des impôts directs, de la taxe sur la valeur ajoutée et des autres taxes sur le chiffre d'affaires, des droits d'enregistrement, de la taxe de publicité foncière et du droit de timbre, la preuve de la mauvaise foi et des manoeuvres frauduleuses incombe à l'administration " ;

20. Considérant, en premier lieu, que le service a infligé à la société Consus France la pénalité de 40 % pour manquement délibéré, prévue à l'article 1729 du code général des impôts ; qu'il résulte de ce qui a été dit plus haut que la société Consus France n'est pas fondée à demander la décharge de ces pénalités par voie de conséquence de la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés ; qu'en relevant que la société Consus France avait participé de façon consciente à un circuit de fraude à la taxe sur la valeur ajoutée en déduisant, pendant la période en litige, en toute connaissance de cause et de manière répétée la taxe sur la valeur ajoutée mentionnée sur les factures émises par des fournisseurs, qui n'avaient volontairement pas reversé au Trésor public la taxe sur la valeur ajoutée collectée à l'occasion des opérations correspondantes, l'administration établit le caractère délibéré des manquements reprochés à la société et, par suite, le bien-fondé des pénalités appliquées aux rappels de taxe contestés ;

21. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " (...) 2) Toute personne accusée d'une infraction est présumée innocente jusqu'à ce que sa culpabilité ait été légalement établie (...) " ;

22. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit plus haut que l'administration établit que la société Consus France ne pouvait ignorer qu'elle participait à un circuit de fraude à la taxe sur la valeur ajoutée commis par ses fournisseurs, et par suite, le caractère délibéré des manquements qui lui sont reprochés ; qu'à cet égard, la société requérante ne peut utilement se prévaloir, pour demander la décharge des pénalités contestées, de la connaissance qu'avait, en particulier, l'administration fiscale depuis l'année 2008 de l'existence du circuit de fraude à la taxe sur la valeur ajoutée pas plus que des négligences alléguées des autres acteurs du marché des quotas d'émission de gaz à effet de serre, qui auraient, selon elle, contribué au développement de cette fraude ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du principe de présomption d'innocence énoncé par les stipulations précitées du paragraphe 2 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des principes d'égalité devant la loi et de nécessité des peines, qui découlent respectivement de l'article 6 et de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, ne peut être accueilli ;

23. Considérant, en troisième lieu, que les dispositions de l'article 1729 du code général des impôts instituent une sanction financière dont la nature est directement liée à celle de l'infraction ; que la loi a elle-même assuré la modulation des peines en fonction de la gravité des comportements réprimés ; que le juge de l'impôt, après avoir exercé son plein contrôle sur les faits invoqués et la qualification retenue par l'administration, décide, dans chaque cas, selon les résultats de ce contrôle, soit de maintenir la majoration effectivement encourue au taux prévu par la loi, soit de ne laisser à la charge du contribuable que les intérêts de retard s'il estime que l'administration n'établit pas que ce dernier se serait rendu coupable de manquements délibérés ; qu'il peut ainsi proportionner les pénalités selon la gravité des agissements commis par le contribuable ; que le taux de 40 % n'est pas manifestement disproportionné ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations du §1 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ne peut être accueilli ;

24. Considérant, en quatrième lieu, que la société Consus France fait valoir que le cumul du montant des rappels de taxe sur la valeur ajoutée en litige, de l'intérêt de retard prévu à l'article 1728 du code général des impôts, des pénalités pour manquement délibéré qui lui ont été infligées sur le fondement de l'article 1729 du même code, des amendes prononcées à l'encontre de son dirigeant et de sa société mère, la société polonaise Consus Joint Stock Company, par un jugement du Tribunal correctionnel de Paris en date du 7 juillet 2016, s'élevant respectivement à un million et à 3 750 000 euros et des condamnations de plusieurs de ses fournisseurs à verser à l'Etat des dommages et intérêts, entraîne l'application d'une sanction d'un montant disproportionné au regard de la faute de négligence qui lui est reprochée, en méconnaissance du principe de proportionnalité des peines garanti par l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ;

25. Considérant que, lorsqu'une sanction fiscale est susceptible de se cumuler avec une sanction pénale, le principe de proportionnalité implique qu'en tout état de cause le montant global des sanctions éventuellement prononcées ne dépasse pas le montant le plus élevé de l'une des sanctions encourues ; que, toutefois, la reprise par le service de la taxe indûment déduite par la société Consus France ne constitue pas, ainsi qu'il a déjà été dit, une sanction fiscale ; que ne présentent pas davantage ce caractère, l'intérêt de retard prévu par les dispositions de l'article 1727 du code général des impôts, qui a pour seul objet de réparer le préjudice pécuniaire subi par le Trésor en cas de paiement tardif de l'impôt, et les condamnations au versement de dommages et intérêts prononcées par le Tribunal correctionnel de Paris dans son jugement du 7 juillet 2016 ; qu'enfin, les amendes précitées ont, en tout état de cause, été infligées au dirigeant de la société Consus France et à sa société mère et non à la société Consus France elle-même et ont été annulées par la Cour d'appel de Paris, dans son arrêt précité du 28 juin 2017 ; que la société requérante, qui ne s'est ainsi vue infliger aucune autre sanction que les pénalités pour manquement délibéré prévues à l'article 1729 du code général des impôts, dont le taux de 40% n'est manifestement pas disproportionné, n'est pas fondée à soutenir que l'administration a méconnu le principe de proportionnalité des peines garanti par l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ;

26. Considérant, en cinquième lieu, que, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point précédent, le moyen, soulevé par la société requérante, tiré de ce que le maintien des rappels de taxe sur la valeur ajoutée, de l'intérêt de retard et des pénalités en litige, ainsi que des amendes et des condamnations prononcées par le Tribunal correctionnel de Paris méconnaîtrait le principe, garanti par l'article 4 du protocole additionnel n° 7 à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'article 50 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et l'article 14-7 du pacte international relatif aux droits civils et politiques, selon lequel nul ne peut être poursuivi ou puni pénalement en raison d'une infraction pour laquelle il a déjà été acquitté ou condamné par un jugement définitif ne peut, en tout état de cause, qu'être écarté ;

27. Considérant, enfin, que la société Consus France n'est pas fondée à invoquer, sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, les énonciations de l'instruction référencée BOI 13 N-1-07, selon lesquelles " Dès lors qu'il procède de l'accomplissement conscient d'une infraction, le manquement délibéré est suffisamment établi chaque fois que le service est en mesure de démontrer que l'intéressé a nécessairement eu connaissance des faits ou des situations qui motivent les rehaussements. ", dès lors qu'elles ne comportent pas d'interprétation de la loi fiscale différente de celle dont il est fait application dans le présent arrêt ;

28. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Consus France n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Consus France est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à l'EURL Consus France et au ministre de l'action et des comptes publics.

Copie en sera adressée à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction nationale d'enquêtes fiscales (Deuxième division - Cellule juridique, pénale et contentieuse).

Délibéré après l'audience du 5 avril 2018, à laquelle siégeaient :

- M. Formery, président de chambre,

- Mme Poupineau, président assesseur,

- Mme Larsonnier, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 3 mai 2018.

Le rapporteur,

V. POUPINEAULe président,

S.-L. FORMERY

Le greffier,

N. ADOUANE

La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 15PA00456


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 15PA00456
Date de la décision : 03/05/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-06-02-08-04 Contributions et taxes. Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées. Taxe sur la valeur ajoutée. Liquidation de la taxe. Fraude.


Composition du Tribunal
Président : M. FORMERY
Rapporteur ?: Mme Valérie POUPINEAU
Rapporteur public ?: M. LEMAIRE
Avocat(s) : CABINET FIDAL DIRECTION INTERNATIONALE

Origine de la décision
Date de l'import : 08/05/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2018-05-03;15pa00456 ?
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