La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

15/06/2016 | FRANCE | N°15PA00096

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 15 juin 2016, 15PA00096


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par un jugement n° 1311406/1-2 du 21 novembre 2014, le Tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de la société Lofta tendant à la décharge, en droits, intérêts et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de la cotisation minimale de taxe professionnelle auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2006, 2007 et 2008.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 10 janvier et 16 juin 2015, la soci

été Lofta, représentée par MeB..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du Tribunal ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par un jugement n° 1311406/1-2 du 21 novembre 2014, le Tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de la société Lofta tendant à la décharge, en droits, intérêts et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de la cotisation minimale de taxe professionnelle auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2006, 2007 et 2008.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 10 janvier et 16 juin 2015, la société Lofta, représentée par MeB..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du Tribunal administratif de Paris du 21 novembre 2014 ;

2°) de prononcer la décharge en droits et pénalités des impositions contestées ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat les dépens ainsi que le versement d'une somme de 3000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle doit être regardée comme s'étant fait connaitre d'un centre de formalité des entreprises ;

- il appartenait donc au service de lui adresser une mise en demeure avant de mettre en oeuvre la procédure de taxation d'office ;

- l'avis de mise en recouvrement ne faisait pas référence au courrier du 16 février 2010 qui substituait aux pénalités pour découverte d'une activité occulte les pénalités pour manquement délibéré ;

- les pénalités pour manquement délibéré n'ont pas été motivées ;

- les pénalités pour manquement délibéré ne sont pas applicables aux droits résultant de la déclaration tardive en application du 2 de l'article 1729 du code général des impôts et de la doctrine administrative 13 N-1-07 du 19 février 2007 ;

- le tribunal n'a pas statué sur ce moyen ;

- le manquement délibéré n'est pas établi ;

- la majoration de 10% applicable n'a pas été motivée ;

Par un mémoire en défense, enregistré le 22 avril 2015, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- les moyens soulevés par la société Lofta ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 8 juin 2015, la clôture d'instruction a été fixée au 8 juillet 2015.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention fiscale franco-luxembourgeoise du 1er avril 1958 modifiée ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Magnard,

- et les conclusions de M. Egloff, rapporteur public.

1. Considérant que la société de droit luxembourgeois Lofta, dont le siège est situé dans le Grand-Duché du Luxembourg, et qui a pour objet social l'acquisition, la vente, la détention et la location d'immeubles, a, le 10 juillet 2006, effectué une déclaration d'inscription auprès de la direction des résidents à l'étranger et des services généraux de la direction générale des impôts, en application de l'article 286 du code général des impôts ; qu'à la suite d'opérations de visite et de saisie, autorisées par une ordonnance du juge des libertés et de la détention et effectuées

le 7 avril 2009 par la direction nationale des enquêtes fiscales, le service a estimé que la société Lofta disposait d'un établissement stable en France, situé dans les locaux de la SARL Boro, sise 52 bis avenue d'Iéna à Paris ; qu'à la suite de ces opérations, la société Lofta a, le 28 mai 2009, déposé ses déclarations de résultats pour son établissement stable en France en ce qui concerne les exercices clos en 2006, 2007 et 2008 ; qu'elle a ensuite fait l'objet d'une vérification de comptabilité au titre de ces mêmes exercices, à la suite de laquelle lui ont été assignés, en ce qui concerne les exercices 2007 et 2008, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et, en ce qui concerne l'année 2007, un rappel de cotisation minimale de taxe professionnelle, assortis d'intérêts de retard et de majorations ; qu'elle fait appel du jugement du

21 novembre 2014 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande en décharge de ces impositions ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant que les premiers juges n'ont pas répondu au moyen qui leur était soumis, et qui n'était pas inopérant, tiré de ce que les pénalités pour manquement délibéré mises à la charge de la société Lofta ne pouvaient, en application du 2 de l'article 1769 A du code général des impôts, être calculées sur la base des résultats déclarés tardivement par l'intéressée ; que le jugement attaqué est par suite irrégulier ; qu'il y a lieu d'en prononcer l'annulation et de statuer, par la voie de l'évocation, sur les conclusions présentées par la société Lofta devant le Tribunal administratif de Paris ;

Sur le principe de l'imposition en France :

3. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l 'article 209 du code général des impôts : " I. Sous réserve des dispositions de la présente section, les bénéfices passibles de l'impôt sur les sociétés sont déterminés (...) en tenant compte uniquement des bénéfices réalisés dans les entreprises exploitées en France ainsi que de ceux dont l'imposition est attribuée à la France par une convention internationale relative aux doubles impositions (...) " ;

4. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 2 de la convention fiscale franco-luxembourgeoise du 1er avril 1958 modifiée : " 1 - Le terme établissement stable désigne une installation fixe d'affaires dans laquelle l'entreprise exerce tout ou partie de son activité. 2 - Au nombre des établissements stables figurent notamment : a) les sièges de direction ; b) les succursales ; c) les bureaux (...) 3. On ne considérera pas qu'il y a "établissement stable" si : a) il est fait usage de simples installations de stockage ; b) un stock de marchandises est maintenu dans le pays, en entrepôt ou non, sans autre objet que de faciliter la livraison (sauf si l'alinéa 4 b du paragraphe 4 s'applique) ; c) un lieu d'affaires est maintenu dans le pays sans autre objet que d'acheter des biens ou des marchandises ou de réunir des informations ; d) un lieu d'affaires est maintenu dans le pays aux seules fins d'exposition, de publicité, de fourniture d'informations ou de recherches scientifiques ayant pour l'entreprise un caractère préparatoire ou auxiliaire. 4) Un représentant ou un employé agissant dans un des territoires pour le compte d'une entreprise de l 'autre territoire, autre qu'une personne visée à l' alinéa 6 ci-après, n'est considéré comme "établissement stable " dans le premier territoire que s'il : a) dispose de pouvoirs généraux qu'il exerce habituellement lui permettant de négocier et de conclure des contrats au nom de l'entreprise, à moins que son activité soit limitée à l'achat de matériel et de marchandises, ou b) détient habituellement dans le premier territoire un stock de matériels ou de marchandises appartenant à l'entreprise en vue d'effectuer régulièrement des livraisons pour le compte de cette dernière.(...)." ; que selon le 1 de l'article 4 de la même convention : " Les revenus des entreprises industrielles, minières, commerciales ou financières ne sont imposables que dans l'Etat sur le territoire duquel se trouve un établissement stable " ;

5. Considérant que pour contester avoir disposé en France, au cours des années d'imposition en cause, d'un établissement stable au sens de ces stipulations, la société Lofta soutient que son dirigeant unique, M.A..., était domicilié... ; qu'elle soutient également que l'immeuble dans lequel elle aurait, selon l'administration, établi le siège de cet établissement stable, a fait l'objet d'un permis de construire délivré le 4 novembre 2005, que les travaux en résultant ont, par leur consistance, fait obstacle à ce que les bureaux en question eussent pu servir de siège pour un établissement stable, et que le chantier a été achevé le 30 juin 2008 ;

6. Considérant, cependant, que l'administration s'est fondée sur les documents saisis dans le cadre de la procédure de visite et de saisie régie par l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales pour estimer que la société Lofta disposait d'un établissement stable en France, au 52 bis avenue d'Iéna à Paris, siège de la SARL Boro, dont la moitié des parts sociales est détenue par M. E...A..., lequel est par ailleurs détenteur de 80 % des parts sociales de la société Lofta, et l'autre moitié par l'EURL Sipa 2, dont les parts sociales sont elles-mêmes entièrement détenues par M. E... A... ; que la société requérante ne conteste sérieusement ni l'existence ni la teneur de ces documents, cités par l'administration dans la proposition de rectification du 30 novembre 2009 ;

7. Considérant qu'il résulte ainsi de l'instruction que de nombreuses lettres émanant d'établissements bancaires et adressées à la société Lofta mentionnent l'adresse du 52 bis avenue d'Iéna à Paris ; qu'il en va de même de lettres adressées à la société requérante par un office notarial et par des intermédiaires immobiliers mandatés ; qu'il résulte également de l'instruction que le nom de Mme D...C..., salariée de la SARL Boro, au sein de laquelle elle exerce les fonctions de secrétaire comptable, figure sur de nombreuses lettres et documents établis dans le cadre des relations commerciales réalisées au profit de la société Lofta, et que, sur l'un de ces documents, celle-ci est expressément qualifiée de gestionnaire de la société ; qu'il résulte des documents saisis par l'administration que le système de télécopie de la SARL Boro a été utilisé pour l'exercice de l'activité de marchand de biens de la société Lofta ; que de nombreux éléments relatifs à la création, à l'organisation et au fonctionnement de la société Lofta, tels notamment l'extrait du registre du commerce et des sociétés de Luxembourg, le rapport du conseil d'administration à l'assemblée générale des actionnaires, une résolution du conseil d'administration, et des procurations signées par M. et Mme A...au profit de tiers aux fins de les représenter, ont été saisis dans les locaux de la SARL Boro ; que les très nombreux documents saisis au sein de la SARL Boro et relatifs à la gestion administrative, financière et comptable de la société requérante, tels notamment des relevés de compte, des rapports d'émission de demandes de virement bancaire, les grands livres et les balances de comptes généraux, établissent que cette gestion était réalisée à partir des locaux sis 52 bis avenue d'Iéna à Paris ;

8. Considérant, par ailleurs, que l'adresse de la société Lofta au Luxembourg ne s'avère être qu'une adresse de domiciliation, dès lors qu'il est constant que cette société a, à l'occasion du dépôt de sa déclaration d'inscription visée à l'article 286 du code général des impôts, indiqué être domiciliée... ; qu'enfin, les pièces produites par la société Lofta en vue de démontrer que des travaux étaient en cours de réalisation au sein de l'immeuble sis 52 bis avenue d'Iéna à Paris ne suffisent aucunement à établir que la consistance de ces travaux faisait obstacle à ce que les bureaux en question pussent recevoir le siège d'une entreprise, alors au demeurant qu'il n'est pas allégué que la SARL Boro aurait dû, en raison de ces travaux, transférer provisoirement son siège hors de ses bureaux sis 52 bis avenue d'Iéna à Paris ;

9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société requérante doit être regardée comme disposant en France, de façon permanente, d'une installation fixe d'affaires, comportant le personnel et les moyens matériels nécessaires à son fonctionnement, caractérisant un établissement stable au sens des stipulations précitées de l'article 2 de la convention fiscale franco-luxembourgeoise, et au travers de laquelle elle exerçait ses activités de marchand de biens ; qu'en application des dispositions précitées de l'article 209 du code général des impôts et des stipulations de ladite convention, la société Lofta était dès lors imposable en France à raison des activités réalisées à partir de cet établissement ; que le service était, par suite, fondé à lui demander de satisfaire aux obligations déclaratives instituées par le code général des impôts ;

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

10. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 66 du livre des procédures fiscales : " Sont taxés d'office : (...) 2° à l'impôt sur les sociétés, les personnes morales passibles de cet impôt qui n'ont pas déposé dans le délai légal leur déclaration, sous réserve de la procédure de régularisation prévue à l'article L. 68 (...) " ; que selon l' article L. 68 du même livre, dans sa rédaction applicable en l'espèce : " La procédure de taxation d'office prévue aux 2° et 5° de l'article L. 66 n'est applicable que si le contribuable n'a pas régularisé sa situation dans les trente jours de la notification d'une mise en demeure. / Toutefois, il n'y a pas lieu de procéder à cette mise en demeure : (...) / 3° Si le contribuable ne s'est pas fait connaître d'un centre de formalités des entreprises ou du greffe du tribunal de commerce (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions que, si elles autorisent l'administration à imposer selon la procédure de taxation d'office les bénéfices industriels ou commerciaux qu'un contribuable a omis de déclarer sans adresser à ce contribuable une mise en demeure de régulariser sa situation préalablement à la notification des rectifications dans les cas qu'elles énumèrent limitativement, elles ne la dispensent pas d'envoyer une telle mise en demeure au contribuable qui s'est fait connaître d'un centre de formalités des entreprises ou du greffe du tribunal de commerce ou d'un organisme consulaire antérieurement à la proposition de rectification dès lors que sa déclaration d'activité, quand bien même elle comporterait des erreurs ou des omissions, notamment en ce qui concerne la date à laquelle l'activité a débuté, mentionne l'adresse à laquelle le contribuable peut être joint et l'activité industrielle, commerciale ou artisanale qui motive l'inscription ;

11. Considérant qu'il est constant que la société Lofta, qui, ainsi qu'il a été indiqué, a exercé en France, où elle disposait d'un établissement stable, une activité de marchand de biens, n'a, dans les délais légaux, déposé aucune déclaration à l'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 2006, 2007 et 2008 ; que la société Lofta soutient que le service ne pouvait régulièrement mettre en oeuvre la procédure de taxation d'office prévue au 2° de

l'article L. 66 du livre des procédures fiscales sans l'avoir au préalable mise en demeure de régulariser sa situation dès lors qu'elle s'était fait connaitre en France auprès d'un centre de formalités des entreprises ; qu'à cet égard, elle se prévaut d'une déclaration d'inscription qu'elle a adressée, le 10 juillet 2006, à la direction des résidents à l'étrangers et des services généraux et des déclarations de taxe sur la valeur ajoutée effectuées au titre de l'activité de marchand de biens exercée en France; que ces déclarations ne permettaient pas d'identifier l'existence d'un établissement stable en France ; qu'ainsi, et alors même qu'elle aurait communiqué à l'administration une adresse à laquelle elle pouvait être jointe en France, la société Lofta ne peut être regardée comme ayant, antérieurement à la proposition de rectification du 30 novembre 2009, fait connaitre à un centre de formalité des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce l'activité commerciale qu'elle exerçait en France via son établissement stable ; qu'elle ne peut utilement se prévaloir à cet égard de ce qu'elle aurait respecté les dispositions de l'article 23 D de l'annexe IV au code général des impôts selon lequel les sociétés qui, sans avoir leur siège social en France, y exercent une activité les rendant passibles de l'impôt sur les sociétés doivent indiquer à l'administration les nom, prénoms et adresse de leur représentant en France ; que, dans ces conditions, l'administration n'avait pas à lui adresser une mise en demeure préalablement à la mise en oeuvre de la procédure de taxation d'office ; que le moyen tiré de ce qu'il ne pouvait être recouru à cette procédure doit par suite être écarté ;

12. Considérant, en second lieu, que la société Lofta ne saurait en tout état de cause invoquer à l'appui de sa contestation de la procédure de taxation d'office suivie par le service ni une doctrine figurant dans l'instruction administrative du 30 octobre 1997 publiée au bulletin officiel des impôts sous la référence 13 L-4-97 et relative au délai de reprise en cas d'activité professionnelle non déclarée au centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce, ni une doctrine figurant dans l'instruction administrative du 24 mars 2000 publiée au bulletin officiel des impôts sous la référence 13 N-3-00 et relative aux pénalités pour activités occultes, qui ne comportent aucune interprétation relative aux dispositions précitées du livre des procédures fiscales ;

Sur les majorations :

En ce qui concerne la procédure d'établissement desdites majorations :

13. Considérant qu'aux termes de l'article L. 80 D du livre des procédures fiscales : " Les décisions mettant à la charge des contribuables des sanctions fiscales sont motivées au sens de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public, quand un document ou une décision adressés au plus tard lors de la notification du titre exécutoire ou de son extrait en a porté la motivation à la connaissance du contribuable. Les sanctions fiscales ne peuvent être prononcées avant l'expiration d'un délai de trente jours à compter de la notification du document par lequel l'administration a fait connaître au contribuable ou redevable concerné la sanction qu'elle se propose d'appliquer, les motifs de celle-ci et la possibilité dont dispose l'intéressé de présenter dans ce délai ses observation " ; qu'aux termes de l'article 3 de la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public, la motivation doit " comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision " ; qu'en vertu de ces dispositions, l'administration doit indiquer au contrevenant, préalablement au prononcé de la sanction, les motifs de droit et de fait qui justifient son application, son assiette et son taux, en fonction des circonstances propres à chaque espèce, afin de permettre à l'intéressé de présenter des observations ;

14. Considérant qu'il résulte de l'instruction que les majorations litigieuses pour manquement délibéré ont été prononcées le 16 février 2010, à la suite de l'entrevue avec l'interlocuteur de la DIRCOFI Ile-de-France, en lieu et place des majorations pour découverte d'activité occulte initialement envisagées dans la proposition de rectification du

30 novembre 2009 ; que, contrairement à ce que soutient le ministre, les motifs de fait justifiant l'application des majorations pour manquement délibéré ne sauraient être regardés comme identiques à ceux, contenus dans la proposition de rectification susmentionnée, qui fondaient le prononcé des majorations pour découverte d'une activité occulte et qui n'indiquent aucunement que l'absence de déclaration de l'activité exercée en France par l'établissement de la société Lofta procédait d'une volonté délibérée de sa part d'éluder un impôt qu'elle savait dû ; que d'ailleurs, le document en date du 16 février 2010 admettait que le montage adopté par la société Lofta lui avait été proposé comme une simple optimisation fiscale, et que l'intéressée n'avait pas appréhendé " toutes les conséquences fiscales inhérentes à la création d'une société luxembourgeoise détenant un bien immobilier en France " ; qu'il suit de là, et en l'absence de tout autre document de motivation des pénalités, que le caractère délibéré du manquement commis par la société Lofta ne saurait être regardé comme ayant été régulièrement motivé, notamment dans la proposition de rectification ; que les pénalités sanctionnant ce manquement ont par suite été établies à la suite d'une procédure irrégulière ;

En ce qui concerne la substitution de base légale demandée par l'administration :

15. Considérant que l'administration, dans ses écritures produites le 7 janvier 2014, demande au juge de l'impôt de procéder, dans la limite des pénalités maintenues à la charge de la société Lofta, à l'application aux suppléments d'impôt sur les sociétés litigieux et à la cotisation minimale de taxe professionnelle afférente à l'année 2007, de la majoration de 80 % du 1 de l'article 1728 du même code en cas de découverte d'une activité occulte au lieu de la majoration de 40 % de l'article 1728 du code général des impôts ;

16. Considérant que si l'administration est en droit, à tout moment de la procédure contentieuse, de justifier d'une pénalité en en modifiant le fondement juridique, c'est à la double condition que la substitution de base légale ainsi opérée ne prive le contribuable d'aucune des garanties de procédure prévues par la loi et que l'administration invoque, au soutien de la demande de substitution de base légale, des faits qu'elle avait retenus pour motiver la pénalité initialement appliquée ; qu'il résulte des termes mêmes de la proposition de rectification du 30 novembre 2009 que le service, qui avait à ce stade assujetti la société Lofta aux pénalités pour découverte d'une activité occulte, avait régulièrement motivé lesdites pénalités ; qu'en outre, il résulte de ce qui a été dit tant aux points 5 à 8 qu'au point 11 du présent arrêt que la société Lofta n'a pas déclaré l'existence en France d'un établissement stable au travers duquel elle a exercé l'activité de marchand de biens, son abstention ne pouvant être regardée comme procédant d'une simple erreur de sa part ; que par suite , il y a lieu pour la Cour, statuant par la voie de l'évocation, d'accéder à la demande de substitution de base légale dont elle est saisie et qui est fondée, la société ne pouvant utilement se prévaloir, eu égard à sa date, sur le fondement des dispositions des articles L. 80 A et L. 80 B du livre des procédures fiscales, de la prise de position qui serait contenue dans le courrier du 16 février 2010 qui lui a été adressé à la suite de la rencontre avec l'interlocuteur ;

17. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Lofta n'est pas fondée à demander la décharge, en droits, intérêts et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2007 et 2008 et du rappel de cotisation minimale de taxe professionnelle mis à sa charge au titre de l'année 2007 ; que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'État, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de la somme que la société requérante demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1311406/1-2 du 21 novembre 2014 du Tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 2 : Le surplus de la demande de la société Lofta devant le Tribunal administratif de Paris et des conclusions de sa requête devant la Cour est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Lofta et au ministre des finances et des comptes publics.

Copie en sera adressée au chef des services fiscaux chargé de la direction de contrôle fiscal d'Ile-de-France Ouest.

Délibéré après l'audience du 1er juin 2016, à laquelle siégeaient :

- Mme Appèche, président,

- M. Magnard, premier conseiller,

- M. Legeai, premier conseiller,

Lu en audience publique le15 juin 2016.

Le rapporteur,

F. MAGNARDLe président assesseur,

En application de l'article R. 222-26 du code

de justice administrative

S. APPECHE

Le greffier,

S. DALL'AVA

La République mande et ordonne au ministre des finances et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 15PA00096


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 15PA00096
Date de la décision : 15/06/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme APPECHE
Rapporteur ?: M. Franck MAGNARD
Rapporteur public ?: M. EGLOFF
Avocat(s) : CABINET RICHARD

Origine de la décision
Date de l'import : 14/03/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2016-06-15;15pa00096 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award