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25/01/2017 | FRANCE | N°15NT03885

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 25 janvier 2017, 15NT03885


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La commune de Banneville-sur-Ajon, aux droits de laquelle vient désormais la commune nouvelle de Malherbe-sur-Ajon, a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Caen de condamner solidairement M. E...et MmeH..., d'une part, et M.F..., d'autre part, sur le fondement de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, à lui verser une provision de 39 581,41 euros en réparation des désordres affectant les revêtements et les enrobés de la voirie devant l'école et la mairie.

Par une

ordonnance n° 1501815 du 3 décembre 2015, le juge des référés du tribunal admi...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La commune de Banneville-sur-Ajon, aux droits de laquelle vient désormais la commune nouvelle de Malherbe-sur-Ajon, a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Caen de condamner solidairement M. E...et MmeH..., d'une part, et M.F..., d'autre part, sur le fondement de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, à lui verser une provision de 39 581,41 euros en réparation des désordres affectant les revêtements et les enrobés de la voirie devant l'école et la mairie.

Par une ordonnance n° 1501815 du 3 décembre 2015, le juge des référés du tribunal administratif de Caen a, en premier lieu, condamné M. E...et MmeH..., d'une part, et M.F..., d'autre part, à verser à la commune de Banneville-sur-Ajon une provision de 39 581 euros TTC, et en second lieu, condamné M. F...à garantir M. E...et Mme H...à hauteur de 65% des condamnations prononcées à leur encontre.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 18 décembre 2015, M.F..., représenté par MeB..., demande à la cour :

1°) d'annuler cette ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Caen du 3 décembre 2015 ;

2°) de rejeter la demande présentée par la commune de Banneville-sur-Ajon devant le juge des référés du tribunal administratif de Caen ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Banneville-sur-Ajon la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la créance dont se prévaut la commune est, dans son principe, sérieusement contestable, dés lors que les désordres en cause étaient apparents au moment de la réception et qu'ils ne rendent pas l'ouvrage impropre à sa destination ;

- la somme accordée à titre de provision ne correspond pas aux travaux pour lesquels une indemnisation a été demandée, de sorte que la créance dont se prévaut la commune est également, dans son montant sérieusement contestable.

Par trois mémoires en défense, enregistrés les 1er mars 2016, 2 mars 2016 et 28 juillet 2016, la commune de Malherbe-sur-Ajon conclut au rejet de la requête et demande, en premier lieu, que M. F...soit condamné à lui verser à titre de provision la somme supplémentaire de 1 307,70 euros TTC, et en second lieu, que la somme de 2 500 euros soit mise à la charge respective de M.F..., d'une part, et de M. E...et MmeH..., d'autre part, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- sa créance n'était pas sérieusement contestable dés lors qu'il s'agit bien de désordres de nature décennale, qui n'étaient pas apparents à la réception et qu'aucune part de responsabilité ne peut lui être imputée ;

- le montant de la créance n'est pas non plus sérieusement contestable et il convient d'ajouter une provision de 1 307,70 euros, à mettre à la charge du seul M.F... ;

- la condamnation in solidum de M. E...et de Mme H...est définitive car ils n'ont pas relevé appel de l'ordonnance du juge des référés provision dans le délai d'appel ; leur mémoire est donc irrecevable ;

- leur demande est également irrecevable du fait de l'irrecevabilité de la demande de M.F..., le juge d'appel du référé provision n'étant pas un juge de l'annulation.

Par un mémoire, enregistré le 12 juillet 2016, M. E...et Mme H...concluent, à titre principal, aux mêmes fins que M. F...en ce qu'il demande l'annulation de l'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Caen du 3 décembre 2015 les condamnant à verser à la commune de Malherbe-sur-Ajon une provision de 39 581,41 euros TTC, et à titre subsidiaire à ce que M. F...soit condamné à les garantir de toutes condamnations prononcées à leur encontre ; ils demandent également que la somme de 2 500 euros soit mise à la charge de la partie perdante sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- la créance dont se prévaut la commune est sérieusement contestable dés lors que les désordres en cause n'ont pas de caractère décennal et que la commune a une part de responsabilité dans la survenance des désordres ;

- son montant est également sérieusement contestable car le devis retenu par l'expert concerne la réparation des voiries du parking et du préau, qu'il emporte une amélioration de l'ouvrage, qu'il traite une surface du parking plus importante que les travaux initiaux et que la nécessité d'un maître d'oeuvre n'est pas démontrée.

Par une ordonnance du 12 octobre 2016 prise en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative, la clôture de l'instruction a été fixée au 3 novembre 2016 à 12h00.

Un mémoire, présenté pour M.E..., a été enregistré le 28 décembre 2016.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Rimeu,

- les conclusions de M. Bréchot, rapporteur public,

- et les observations de Me Lanzarone, avocat de la commune de Malherbe-sur-Ajon, et celles de Me Nautou, avocat de M.E....

1. Considérant qu'en 2006 la commune de Banneville-sur-Ajon, aux droits de laquelle vient désormais la commune nouvelle de Malherbe-sur-Ajon, a confié à M.E..., Mme H...et M.D..., travaillant au sein du cabinet d'architecture " Sens et Architecture ", la maîtrise d'oeuvre des travaux de reconstruction de son école et de sa mairie ; que, par un marché signé le 28 août 2007, les travaux relatifs aux lots n° 1 " terrassement " et n° 2 " VRD " ont été attribués à M.F... ; que le 30 septembre 2008, les travaux du lot n° 1 ont été réceptionnés sans réserve et ceux du lot n° 2 ont été réceptionnés avec deux réserves tenant à la mise en place d'une clôture et au nettoyage du chantier ; qu'en avril 2009, des désordres sont apparus sur le revêtement de la voirie devant l'école et la mairie, ainsi que sur l'enrobé sous le préau à l'arrière du bâtiment de l'école ; que l'expertise ordonnée par le tribunal administratif de Caen le 9 novembre 2010 puis étendue le 15 mars 2011, a été déposée au greffe du tribunal le 22 août 2012 ; que par une ordonnance du 3 décembre 2015, le juge des référés du tribunal administratif de Caen a condamné M. E...et MmeH..., d'une part, et M.F..., d'autre part, à verser à la commune de Banneville-sur-Ajon une provision de 39 581,41 euros TTC et a condamné M. F...à garantir M. E...et Mme H...à hauteur de 65% des sommes mises à leur charge par l'ordonnance ; que M. F...relève appel de cette ordonnance ; que la commune de Malherbe-sur-Ajon demande, par la voie de l'appel incident, la condamnation de M. F...à lui verser la somme supplémentaire de 1 307,70 euros TTC ; que M. E...et MmeH..., à titre principal, concluent à l'annulation de l'ordonnance du 3 décembre 2015, et à titre subsidiaire à la condamnation de M. F...à les garantir des condamnations prononcées à leur encontre ;

Sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non recevoir soulevées par la commune de Malherbe-sur-Ajon :

2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 541-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. Il peut, même d'office, subordonner le versement de la provision à la constitution d'une garantie. " ; qu'il résulte de ces dispositions que, pour regarder une obligation comme non sérieusement contestable, il appartient au juge des référés de s'assurer que les éléments qui lui sont soumis par les parties sont de nature à en établir l'existence avec un degré suffisant de certitude ; que, dans ce cas, le montant de la provision que peut allouer le juge des référés n'a d'autre limite que celle résultant du caractère non sérieusement contestable de l'obligation dont les parties font état ; que, dans l'hypothèse où l'évaluation du montant de la provision résultant de cette obligation est incertaine, le juge des référés ne doit allouer de provision, le cas échéant assortie d'une garantie, que pour la fraction de ce montant qui lui parait revêtir un caractère de certitude suffisant ;

En ce qui concerne le principe de la responsabilité décennale des constructeurs :

3. Considérant que les constructeurs sont responsables de plein droit pendant dix ans des désordres qui, apparus postérieurement à la réception, leur sont imputables, même partiellement, et qui compromettent la solidité de l'ouvrage à la construction duquel ils ont participé, ou le rendent impropre à sa destination, sauf s'ils prouvent que les désordres proviennent d'une cause étrangère à leur intervention ou que ces désordres étaient apparents à la réception ;

4. Considérant, d'une part, qu'il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise, que la voirie devant l'école et la mairie est très dégradée par la présence de plusieurs ornières importantes et que l'enrobé sous le préau derrière l'école s'affaisse au point de rendre dangereux son accès ; que, par suite, ces désordres sont de nature à rendre l'ouvrage impropre à sa destination ; que, d'autre part, si le procès verbal de réception provisoire mentionnait des réserves liées à des défauts affectant les enrobés, il résulte de l'instruction que ces défauts étaient ponctuels ; qu'en outre, à supposer même que les lézardes apparaissant sur l'enrobé du chemin entre l'école et la mairie ne soient que le prémisse des désordres plus importants apparus ensuite, le maître d'ouvrage ne pouvait pas, à partir de ces seules lézardes, avoir connaissance des désordres importants apparus ensuite sur la voirie et sous le préau ; que par suite, les désordres dont la réparation est demandée ne peuvent être regardés comme apparents au moment de la réception ; qu'ainsi, ces désordres entrent dans le champ d'application de la responsabilité décennale des constructeurs ;

5. Considérant qu'il résulte de l'instruction que les désordres litigieux ont pour origine des défauts de conception et de suivi de chantier, imputables au maitre d'oeuvre, et des défauts d'exécution imputable à M. F...chargé des travaux des lots n° 1 et 2 ; qu'en revanche, il ne résulte de l'instruction ni que ces désordres, apparus six mois après la réception des travaux, seraient imputables à un défaut d'entretien du maître d'ouvrage, ni que ce dernier serait responsable, par ses exigences budgétaires, du choix d'un " revêtement bicouche " pour poids lourds, inadapté au stationnement et à la circulation fréquente d'un bus de ramassage scolaire ; que, dans ces conditions, la commune est fondée à rechercher la responsabilité décennale de la maîtrise d'oeuvre et de la personne chargée de l'exécution des travaux pour la totalité des désordres litigieux ;

En ce qui concerne le montant de la provision :

6. Considérant, d'une part, qu'il ne résulte pas de l'instruction que l'enrobé sous le préau derrière l'école, qui présente un important affaissement, était exclu des travaux confiés à M. F...par le marché signé le 28 août 2007 ; que, d'autre part, il résulte de ce marché que les revêtements à réaliser concernaient 540 m2 de " bicouche voirie légère " et 430 m2 de " bicouche voirie lourde ", de sorte que M. F...n'est pas fondé à soutenir que les 660 m2 concernés par les travaux de reprise excéderaient les travaux initiaux ; qu'enfin, la circonstance que seule une entreprise était chargée des travaux de reprise, de sorte qu'aucune coordination entre différents corps d'état n'était nécessaire, n'est pas suffisante pour établir que ces travaux ne nécessitaient pas, pour la définition des besoins, la réalisation des plans, le suivi de leur exécution et leur réception notamment, l'intervention d'un maître d'oeuvre ; que, dans ces conditions, la somme de 39 581,41 euros TTC, correspondant aux travaux de reprises retenus par l'expert, augmentés de 10% pour les frais de maîtrise d'oeuvre, n'apparaît pas sérieusement contestable ;

7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. F...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de Caen l'a condamné, avec M. E...et MmeH..., à verser à la commune de Banneville-sur-Ajon une provision de 39 541,41 euros TTC ;

Sur les conclusions présentées à titre subsidiaire par M. E...et Mme H...

8. Considérant que si M. E...et Mme H...demandent à être garantis par M. F...de l'ensemble des condamnations prononcées à leur encontre, ils ne font valoir aucun argument de nature à établir que le partage de responsabilité retenu par l'ordonnance litigieuse, non contesté par l'appel principal de M.E..., serait sérieusement contestable ; que, par suite, les conclusions de M. E...et Mme H...tendant à être garantis par M. F...au-delà du pourcentage de 65% retenu par l'ordonnance litigieuse ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur les conclusions d'appel incident de la commune de Malherbe-sur-Ajon :

9. Considérant que si la commune de Malherbe-sur-Ajon demande que M. F...soit condamné à lui verser une somme supplémentaire de 1 307,70 euros TTC pour la réparation de désordres affectant le trottoir devant la mairie, ces conclusions, qui ne concernent pas les mêmes désordres que ceux ayant donné lieu à la saisine du juge des référés du tribunal administratif de Caen, sont nouvelles en appel et par suite, irrecevables ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative:

10. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que la commune de Malherbe-sur-Ajon, qui n'est pas la partie perdante, verse à M. F...une somme au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

11. Considérant, en revanche, qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. F...la somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par la commune de Malherbe-sur-Ajon et non compris dans les dépens ;

12. Considérant que dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par M. E...et MmeH..., contre la partie perdante, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. F...est rejetée.

Article 2 : M. F...versera à la commune de Malherbe-sur-Ajon la somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la commune de Malherbe-sur-Ajon et les conclusions présentées par M. E...et Mme H...sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...F..., à M. G...E..., à MmeH..., à M. D...et à la commune de Malherbe-sur-Ajon.

Délibéré après l'audience du 10 janvier 2017, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- Mme Loirat, président assesseur,

- Mme Rimeu, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 25 janvier 2017.

Le rapporteur,

S. RIMEU

Le président,

L. LAINÉ

Le greffier,

M. C...

La République mande et ordonne au préfet du Calvados en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 15NT03885


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 15NT03885
Date de la décision : 25/01/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: Mme Sophie RIMEU
Rapporteur public ?: M. BRECHOT
Avocat(s) : LANZARONE

Origine de la décision
Date de l'import : 07/02/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2017-01-25;15nt03885 ?
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