La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

10/07/2017 | FRANCE | N°15NT03191

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 10 juillet 2017, 15NT03191


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E...B...a demandé au tribunal administratif de Rennes de condamner le centre hospitalier de Pontivy Centre Bretagne à lui verser la somme de 100 832,84 euros en réparation des préjudices résultant de la modification de ses conditions de travail, de retenues sur traitement illégales et des agissements de harcèlement moral dont il aurait été victime dans l'exercice de ses fonctions.

Par un jugement n° 1202465 du 4 décembre 2014, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Pro

cédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 19 octobre 2015...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E...B...a demandé au tribunal administratif de Rennes de condamner le centre hospitalier de Pontivy Centre Bretagne à lui verser la somme de 100 832,84 euros en réparation des préjudices résultant de la modification de ses conditions de travail, de retenues sur traitement illégales et des agissements de harcèlement moral dont il aurait été victime dans l'exercice de ses fonctions.

Par un jugement n° 1202465 du 4 décembre 2014, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 19 octobre 2015 et 30 janvier 2017 M. B..., représenté par MeD..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 4 décembre 2014 du tribunal administratif de Rennes ;

2°) de condamner le centre hospitalier Centre Bretagne à lui verser la somme de 100 832,84 euros, assortie des intérêts et de leur capitalisation ;

3°) de mettre à la charge de l'établissement hospitalier le versement à son conseil, sous réserve que celui-ci renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, d'une somme de 4 000 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le jugement est entaché d'irrégularité car il ne comporte aucune signature, en méconnaissance des dispositions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative ;

- le jugement est irrégulier car il est entaché d'erreurs de fait et de droit ; c'est à tort que les juges ont estimé qu'il avait demandé à exercer à temps réduit après le 1er juin 2011 et que le centre hospitalier était en situation de compétence liée ; c'est à tort qu'ils ont estimé que le moyen tiré du défaut de motivation de la décision du 1er septembre 2011 était inopérant ; c'est à tort qu'ils ont énoncé que le harcèlement moral n'était pas caractérisé ;

- la décision du 1er septembre 2011 par laquelle le directeur du centre hospitalier Centre Bretagne l'a autorisé à travailler à temps réduit n'est pas suffisamment motivée et est entachée d'illégalité dès lors qu'il n'a jamais demandé à exercer dans ces conditions ;

- il apporte la preuve, par un faisceau d'indices graves et concordants, qu'il a subi un harcèlement moral ;

- au surplus, il s'en remet à ses écritures de première instance.

Par des mémoires en défense enregistrés les 27 janvier 2016 et 7 février 2017 le centre hospitalier Centre Bretagne, représenté par Me Poignard, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 4 000 euros soit mise à la charge de M. B...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :

- la requête de M. B...est irrecevable car entachée de forclusion et dénuée de la motivation prescrite par les dispositions de l'article R. 411-1 du code de justice administrative ;

- les moyens invoqués par M. B...ne sont pas fondés.

Les parties ont été informées par une lettre du 4 janvier 2017 que l'affaire était susceptible, à compter du 9 février 2017, de faire l'objet d'une clôture d'instruction à effet immédiat en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative.

La clôture de l'instruction a été fixée au 2 mars 2017 par une ordonnance du même jour en application des dispositions de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.

M. B...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 20 août 2015.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Lemoine,

- les conclusions de M. Giraud, rapporteur public,

- les observations de M. B...et de MeA..., substituant Me Poignard, avocat du centre hospitalier de Pontivy Centre Bretagne.

1. Considérant que M.B..., recruté en 2002 au centre hospitalier de Pontivy Centre Bretagne, a été nommé par arrêté du 1er juillet 2004 praticien hospitalier à temps plein dans le même établissement ; que, le 7 juillet 2011, il a été victime d'un accident de trajet donnant lieu à plusieurs arrêts de maladie du 7 juillet 2011 au 12 septembre 2011 puis du 26 septembre 2011 au 18 décembre 2011 ; que, par une décision du 1er septembre 2011, il a été autorisé à travailler à temps réduit ; que, par des décisions des 7 novembre et 10 novembre 2011, le directeur du centre hospitalier a modifié son affectation ; que M.B..., déclarant s'opposer aux changements de son " contrat de travail ", n'est pas revenu travailler après le 18 décembre 2011 ; que le requérant a présenté le 17 février 2012 une réclamation préalable auprès du centre hospitalier Centre Bretagne, qui l'a implicitement rejetée ; que, par un jugement du 4 décembre 2014, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'établissement hospitalier à lui verser la somme de 100 832, 84 euros en réparation des préjudices subis du fait des modifications de ses conditions de travail, des retenues sur salaires pratiquées et des agissements de harcèlement moral dont il estime avoir fait l'objet ; que M. B...fait appel de ce jugement ;

Sur la régularité du jugement :

2. Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que la minute du jugement attaqué a été, conformément aux prescriptions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative, signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience ; que, par suite, le moyen tiré de ce que ce jugement serait entaché d'irrégularité au regard de ces dispositions ne peut qu'être écarté ;

3. Considérant, en second lieu, que, dans l'hypothèse où les premiers juges auraient commis, comme le soutient le requérant, des erreurs de droit ou de fait susceptibles d'affecter la validité de la motivation du jugement dont le contrôle est opéré par l'effet dévolutif de l'appel, ces erreurs relèvent du fond du litige et restent, en tout état de cause, sans incidence sur la régularité du jugement ;

Sur les conclusions indemnitaires de M.B... :

En ce qui concerne la légalité de la décision du 1er septembre 2011 :

4. Considérant qu'aux termes des dispositions de l'alinéa 2 de l'article R. 6152-47 du code de la santé publique : " L'exercice de l'activité hebdomadaire réduite est également accordé de plein droit au praticien hospitalier pour donner des soins à son conjoint, à un enfant à charge ou à un ascendant, atteint d'un handicap nécessitant la présence d'une tierce personne ou victime d'un accident ou d'une maladie grave. Dans ce cas, le délai pour présenter la demande est ramené à un mois. " ;

5. Considérant que M. B...a effectué le 1er juin 2011 une première demande d'exercer une activité à temps réduit sur le fondement des dispositions de l'alinéa 2 de l'article

R. 6152-47 du code de la santé publique, en invoquant le handicap d'un de ses enfants ; qu'après avoir, à tort, opposé le 15 juin 2011 un refus à cette demande, alors que l'agent concerné remplissait les conditions pour obtenir de plein droit le bénéfice de cette mesure, le directeur du centre hospitalier du Centre Bretagne a procédé au retrait de son refus et autorisé le requérant à exercer son activité à temps réduit par une décision du 1er septembre 2011 ; que, pour contester la légalité de cette décision, M. B...soutient qu'elle n'est pas intervenue en réponse à une demande qu'il aurait formulée ; que, toutefois, il ressort des pièces du dossier que, dans ses deux courriers des 20 juillet 2011 et 2 septembre 2011 l'intéressé a réitéré cette demande ; qu'ainsi, et alors que le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision du 1er septembre 2011 est inopérant, le directeur du centre hospitalier Centre Bretagne, qui se trouvait dans une situation de compétence liée pour autoriser l'activité à temps réduit de son agent, n'a pas commis de faute de nature à engager la responsabilité de l'établissement en autorisant le requérant à exercer à temps réduit ;

6. Considérant, pour le surplus, que M. B...déclare reprendre en appel ses moyens de première instance tirés de ce que la décision du 1er septembre 2011 est entachée d'un vice de procédure et est entachée d'illégalité dès lors qu'elle lui interdit d'exercer une autre activité et prévoit les modalités d'organisation de son service hebdomadaire par cinq demi-journées ; que, ce faisant, il ne met pas la cour en mesure de se prononcer sur les erreurs que le tribunal administratif aurait pu commettre en écartant ces moyens ;

En ce qui concerne le harcèlement moral :

7. Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 dans sa rédaction issue de l'article 178 de la loi n° 2002-73 du 17 janvier 2002 de modernisation sociale : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel (...) " ; que, d'une part, il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement ; qu'il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile ; que, d'autre part, pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'agent auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral ;

8. Considérant que M. B...soutient que l'attitude de sa hiérarchie, les modifications de son " contrat de travail " ainsi que les demandes de versement d'un trop-perçu constituent un faisceau d'indices graves et concordants révèlant un harcèlement moral ; que, toutefois, il résulte de l'instruction que les différents courriers et courriels adressés par sa hiérarchie ne sont ni emprunts de caractère injurieux, ni même de " tonalité narquoise " selon les termes employés par le requérant ; qu'il apparaît que la diffusion d'un courrier confidentiel par le chef de service de l'intéressé, tout autant regrettable qu'elle soit, a eu lieu dans le seul but d'informer le service de l'absence de M. B...et non dans l'intention de lui nuire ; que le seul fait qu'un entretien avec sa hiérarchie, dont la violence verbale n'est pas démontrée, a eu lieu après une garde de nuit ne permet pas de le regarder comme constitutif d'un harcèlement moral ; qu'il résulte de ce qui a été dit précédemment que la réduction du temps de travail de M. B...n'est que la conséquence d'une demande formulée par l'intéressé ; qu'en outre, le changement d'affectation, alors même que le respect de la procédure n'est pas établi, ne résulte que d'une nécessité du service ; qu'enfin les retenues sur traitement sont justifiées par le versement d'un trop perçu et ne constituent pas une négation de la qualification d'accident de service de l'accident dont le requérant a été victime le 7 juillet 2011 ; que, par suite, les agissements mentionnés par le requérant ne sauraient être regardés comme constitutifs d'un harcèlement moral de nature à engager la responsabilité du centre hospitalier ;

En ce qui concerne les autres fautes imputées au centre hospitalier :

9. Considérant, à cet égard, que M. B...déclare reprendre en appel l'intégralité des moyens déjà présentés en première instance ; que, ce faisant, il ne met pas la cour en mesure de se prononcer sur les erreurs que le tribunal administratif aurait pu commettre en écartant ces moyens ;

10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non recevoir opposées en défense, que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

11. Considérant que les dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que soit mise à la charge du centre hospitalier Centre Bretagne, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme dont M. B..., bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, demande le versement au profit de son avocat au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. B...le versement à l'établissement hospitalier d'une somme au titre des mêmes frais ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.

Article 2 : Les conclusions du centre hospitalier Centre Bretagne tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. E...B...et au centre hospitalier Centre Bretagne.

Délibéré après l'audience du 22 juin 2017, à laquelle siégeaient :

- Mme Perrot, président de chambre,

- M. Coiffet, président-assesseur,

- M. Lemoine, premier conseiller.

Lu en audience publique le 10 juillet 2017.

Le rapporteur,

F. Lemoine Le président,

I. Perrot

Le greffier,

M. C...

La République mande et ordonne au ministre de la santé et des solidarités en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 15NT031912


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 15NT03191
Date de la décision : 10/07/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

66-03-04-06 Travail et emploi. Conditions de travail. Médecine du travail.


Composition du Tribunal
Président : Mme PERROT
Rapporteur ?: M. François LEMOINE
Rapporteur public ?: M. GIRAUD
Avocat(s) : BOUKHELOUA

Origine de la décision
Date de l'import : 20/07/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2017-07-10;15nt03191 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award