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17/03/2017 | FRANCE | N°15NT01069

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 17 mars 2017, 15NT01069


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D...C...a demandé au tribunal administratif de Caen de condamner l'Etat à réparer les préjudices résultant pour lui de la perte de ses affaires et de documents nécessaires à la révision de son procès lors de son transfert du centre pénitentiaire de Réau au centre pénitentiaire de Caen.

Par un jugement n° 1301636 du 13 novembre 2014, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 1er avril 2015, M.C..., représ

enté par MeA..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 13 novembre 2014 du tribunal ad...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D...C...a demandé au tribunal administratif de Caen de condamner l'Etat à réparer les préjudices résultant pour lui de la perte de ses affaires et de documents nécessaires à la révision de son procès lors de son transfert du centre pénitentiaire de Réau au centre pénitentiaire de Caen.

Par un jugement n° 1301636 du 13 novembre 2014, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 1er avril 2015, M.C..., représenté par MeA..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 13 novembre 2014 du tribunal administratif de Caen ;

2°) de condamner l'État à lui verser la somme de 117,60 euros en remboursement de ses effets perdus et la somme de 20 millions d'euros au titre de l'indemnisation de son préjudice moral ;

3°) d'enjoindre à l'État d'entreprendre les mesures d'investigations nécessaires pour retrouver les documents officiels dont il déplore la disparition ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros à verser à son conseil, en application de l'article L.761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de la renonciation de celui-ci à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

Il soutient que :

- la perte de ses affaires personnelles résulte d'une faute de l'administration qui en est le dépositaire et à qui il revient d'assurer la protection des biens des détenus, notamment lors des transferts entre établissements pénitentiaires ;

- il appartenait à l'administration pénitentiaire d'établir un inventaire de ses affaires, ce qu'elle a omis de faire, et c'est à elle que revient la charge de prouver qu'aucune affaire personnelle du détenu n'a été perdue ;

- il démontre que trois statuettes ne lui ont pas été restituées, de sorte qu'il est permis de supposer qu'il en est de même pour le reste de ses affaires ;

- le quantum de son préjudice matériel s'établit à 117,60 euros ;

- la perte de divers documents lui a fait perdre une chance d'obtenir la révision de son procès et lui a causé un préjudice moral qu'il évalue à 20 millions d'euros.

Par un mémoire en défense enregistré le 12 mai 2016, le garde des sceaux, ministre de la justice conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu'aucun des moyens développés par M. C...n'est fondé.

Par ordonnance du 12 mai 2016 la clôture d'instruction initialement fixée au 19 mai 2016 a été reportée au 31 mai 2016 à 12 heures.

M. C...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 2 février 2015.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de procédure pénale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Lemoine,

- et les conclusions de M. Giraud, rapporteur public.

1. Considérant que M. C...relève appel du jugement du 13 novembre 2014 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'État à l'indemniser des préjudices matériel et moral résultant pour lui de la perte d'effets personnels et de documents au cours de son transfèrement du centre de détention de Réau vers le centre de détention de Caen le 16 avril 2012 ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article D. 340 alinéa 2 du code de procédure pénale : " Lorsque la sortie de prison a lieu par transfèrement, les objets appartenant aux détenus sont déposés contre reçu entre les mains de l'agent de transfèrement s'ils ne sont pas trop lourds ou volumineux ; sinon ils sont expédiés à la nouvelle destination du détenu aux frais de ce dernier ou sont remis à un tiers désigné par lui, après accord du chef d'établissement (...) " ; que la responsabilité de l'administration pénitentiaire peut être engagée du fait de la perte des objets appartenant aux détenus dont elle assume le transfert à l'occasion du transfèrement de ces derniers ;

3. Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment de l'état contradictoire réalisé avec l'escorte du service des transfèrements, que l'intéressé est arrivé au centre pénitentiaire sud-francilien le 13 avril 2012 avec treize cartons et trois statuettes et qu'il a quitté cet établissement le 16 avril 2012 à destination du centre pénitentiaire de Caen avec un nombre identique de cartons ; que l'intéressé soutient cependant qu'une faute a été commise par l'administration pénitentiaire du fait à la fois de l'absence d'inventaire contradictoire de ses effets et de ce que certains des objets lui appartenant ne lui ont pas été restitués lors de son arrivée à Caen ; qu'il résulte des dispositions du code de procédure pénale applicables que seuls les effets conservés par l'administration pénitentiaire en dépôt jusqu'à la libération du détenu doivent faire l'objet d'un inventaire ; que le moyen tiré d'une faute de l'administration résultant de l'absence d'inventaire ne peut, par suite, qu'être écarté ; qu'en revanche, et alors que M. C...a dressé une liste précise des objets qu'il détenait au moment de son transfèrement et qui ne lui ont pas été restitués à son arrivée, l'administration n'établit par aucun moyen qu'elle aurait respecté l'obligation qui lui incombait d'assurer la surveillance des effets du détenu lors de son transfert ; que sa responsabilité doit être engagée pour ce motif ; que M. C...est donc fondé à obtenir le remboursement des effets réellement perdus ;

4. Considérant qu'il résulte de l'instruction que M.C..., à qui il incombe de prouver la réalité et l'ampleur du préjudice subi, n'établit la perte que d'une paire de tongs, deux thermoplongeurs, un prolongateur et un étendoir acquis par le biais de la cantine de la maison d'arrêt de Fleury-Mérogis pour un montant total de 17,60 euros, qui correspond au préjudice matériel indemnisable entre ses mains ; que s'il soutient que la perte de divers documents, notamment ses avis d'impositions 2005-2010, un certificat d'éducation, un rapport d'expertise psychiatrique, diverses décisions juridictionnelles et des éléments relatifs à sa situation juridique, l'empêcherait d'obtenir la révision du procès du 13 mai 2009 au cours duquel la cour d'assises l'a condamné à 13 ans de réclusion criminelle, il n'établit ni la réalité de cette perte, ni qu'elle serait le fait de l'administration pénitentiaire, ni qu'il n'aurait pu obtenir la copie de ces divers documents, ni que l'impossibilité de réviser son procès trouverait son origine dans l'absence de ces documents ; que, par suite, faute d'établir la réalité de la faute de l'administration ou un lien de causalité direct et certain entre la perte qu'il allègue et un quelconque dommage, M. C...n'est pas fondé à obtenir l'indemnisation du préjudice moral qu'il soutient avoir subi à ce titre ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. C...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté l'intégralité de sa demande ; qu'il n'y a lieu de faire droit à cette demande que dans la mesure visée au point 4 ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

6. Considérant que M. C...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ; qu'ainsi son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ; que, dans les circonstances de l'espèce et sous réserve que Me A...renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive versée par l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat le paiement à celui-ci d'une somme de 800 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1301636 du tribunal administratif de Caen du 13 novembre 2014 est annulé.

Article 2 : L'État est condamné à verser à M. C...la somme de 17,60 euros.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la demande présentée devant le tribunal administratif de Caen par M. C...est rejeté.

Article 4 : L'Etat versera la somme de 800 euros à MeA..., sous réserve qu'il renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. D...C...et au garde des sceaux, ministre de la justice.

Délibéré après l'audience du 2 mars 2017 à laquelle siégeaient :

- Mme Perrot, président de chambre,

- M. Coiffet, président-assesseur,

- M. Lemoine, premier conseiller.

Lu en audience publique le 17 mars 2017.

Le rapporteur,

F. Lemoine

Le président,

I. Perrot

Le greffier,

M. B...

La République mande et ordonne au Garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 15NT01069


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 15NT01069
Date de la décision : 17/03/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-091 Responsabilité de la puissance publique. Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. Services pénitentiaires.


Composition du Tribunal
Président : Mme PERROT
Rapporteur ?: M. François LEMOINE
Rapporteur public ?: M. GIRAUD
Avocat(s) : BAIKOFF

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2017-03-17;15nt01069 ?
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