La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

19/05/2016 | FRANCE | N°15NC00933

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre - formation à 3, 19 mai 2016, 15NC00933


Vu le code de justice administrative,

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Grenke Location a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de condamner le collège "Les nénuphars" (Bréval, Yvelines) à lui payer la somme de 88 528,20 euros au titre du contrat de location conclu le 11 mai 2011 augmentée des intérêts au taux légal à compter du 15 mai 2012 et de la capitalisation des intérêts.

Par un jugement n° 1203998 du 26 mars 2015, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté la demande.

Procédur

e devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés le 15 mai 2015 et le 22 avril 201...

Vu le code de justice administrative,

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Grenke Location a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de condamner le collège "Les nénuphars" (Bréval, Yvelines) à lui payer la somme de 88 528,20 euros au titre du contrat de location conclu le 11 mai 2011 augmentée des intérêts au taux légal à compter du 15 mai 2012 et de la capitalisation des intérêts.

Par un jugement n° 1203998 du 26 mars 2015, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés le 15 mai 2015 et le 22 avril 2016, la société Grenke Location, représentée par MeB..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 12003998 du 26 mars 2015 du tribunal administratif de Strasbourg ;

2°) de condamner le collège "Les nénuphars" à lui verser la somme de 88 528,20 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter du 21 mai 2012 et de la capitalisation des intérêts ;

3°) d'ordonner au collège "Les nénuphars" de lui restituer, à ses frais et risques, le matériel objet du contrat 100-3585 ;

4°) de mettre à la charge du collège "Les nénuphars" une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de condamner la commune aux entiers dépens des deux instances.

Elle soutient que :

- c'est à tort que le tribunal administratif a remis en cause l'engagement contractuel entre le collège et la société Grenke Location, alors qu'il est constant que le contrat a été signé par le principal du collège qui ne conteste pas son engagement contractuel, alors que les matériels ont bien été livrés au collège ;

- elle a rempli ses obligations et a régulièrement procédé à la résiliation anticipée ;

- elle justifie des montants dus ;

- si la cour devait prononcer la nullité du contrat, elle serait en droit de solliciter l'indemnisation de son préjudice découlant des dépenses exposées pour l'exécution du contrat et de la perte du bénéfice escompté.

Par des mémoires enregistrés les 11 et 17 décembre 2015 et le 2 février 2016, le collège "Les nénuphars" représenté par Me C...conclut :

- à titre principal au rejet de la requête ;

- à titre subsidiaire, à ce que la cour constate la nullité du contrat, le cas échéant, le caractère irrégulier de la résiliation du contrat, le caractère illicite de l'article 11 des clauses générales du contrat, eu égard au caractère manifestement disproportionné de l'indemnité de résiliation, en minore le montant ;

- en toutes hypothèses à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la société Grenke Location au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- à titre principal, que la requête est irrecevable et que les moyens ne sont pas fondés ;

- à titre subsidiaire, le contrat est sans objet et sans cause, il est affecté de vices du consentement, les stipulations de l'article 10 sont illicites, la résiliation n'a pas été précédée d'une mise en demeure régulière, la clause de l'article 11 des clauses générales du contrat est illicite, la société Grenke n'a droit à aucune réparation et sa demande de restitution est infondée.

Par un mémoire enregistré le 5 février 2016, la société Grenke Location, représentée par Me B...maintient ses conclusions et subsidiairement demande à la cour, sur le fondement extracontractuel, la condamnation du collège "Les nénuphars" à lui verser la somme de 116 613,03 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter de l'arrêt à intervenir et de la capitalisation des intérêts.

Elle soutient que si la cour devait prononcer la nullité du contrat, elle serait en droit de solliciter l'indemnisation de son préjudice découlant des dépenses exposées pour l'exécution du contrat et de la perte du bénéfice escompté.

Par un mémoire enregistré le 12 avril 2016, le collège "Les nénuphars" représenté par Me C...conclut au rejet de la requête.

Vu :

- les autres pièces du dossier.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Stefanski, président,

- les conclusions de M. Favret, rapporteur public,

- et les observations de Me A...pour le collège " Les nénuphars ".

Une note en délibéré présentée par le collège "Les nénuphars" a été enregistrée le 29 avril 2016.

Considérant ce qui suit :

1. Le 12 mai 2011, le principal du collège "Les nénuphars" a conclu avec M. D..., alors représentant de la société Copy Conform, un contrat stipulant que la société livrerait au collège un standard téléphonique et deux copieurs de marque Xérox, destinés à être vendus à la société Grenke Location afin que celle-ci puisse les donner en location au collège pour une durée de 21 trimestres moyennant un loyer trimestriel de 4 300 euros HT, soit 5 142,80 euros TTC.

2. Toutefois, le collège a cessé d'acquitter les loyers à compter du 1er octobre 2011. La société Grenke Location a alors procédé à la résiliation anticipée du contrat par lettre recommandée du 16 mai 2012 et a réclamé le versement de l'indemnité de résiliation prévue par le contrat. Elle a ensuite saisi le tribunal administratif de Strasbourg d'une demande tendant à la condamnation du collège "Les nénuphars" à lui verser une somme en principal de 88 528,20 euros.

3. La société Grenke Location interjette appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande pour irrecevabilité au motif qu'il ne résultait pas de l'instruction que le contrat avait été effectivement signé entre elle et le collège.

I - Sur la recevabilité de l'appel :

4. Le moyen tiré de ce que la société Grenke Location n'a pas joint à son appel le jugement attaqué, contrairement aux exigences de l'article R. 412-1 du code de justice administrative, manque en fait et doit être écarté.

II - Sur la régularité du jugement attaqué :

5. Il résulte de l'instruction et notamment de la copie non agrandie du contrat, produite pour la première fois en appel, que la première page du contrat comportait en en-tête la mention de la société Grenke Location et que le bas de la page portait une case destinée à l'accord du bailleur, soit la société Grenke Location. Ainsi, le contrat litigieux avait bien été conclu au nom de la société Grenke Location, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif. Le jugement attaqué, qui a déclaré la demande de la société Grenke Location irrecevable, doit donc être annulé.

6. En conséquence de cette annulation, il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande que la société Grenke Location avait présentée devant le tribunal administratif de Strasbourg.

III - Sur le bien-fondé de la demande de la société Grenke Location :

1) Sur les conclusions présentées sur le fondement contractuel :

7. En premier lieu, il résulte de l'examen du contrat conclu le 12 mai 2011 par le collège que celui-ci comportait en réalité une convention par laquelle la société Copy Conform s'engageait à livrer des biens au collège et à les vendre à la société Grenke Location, adossée à une seconde convention de location financière du matériel nécessaire à l'exécution du premier contrat, liant le collège à la société Grenke Location. Il résulte de ces éléments, notamment de la simultanéité des dates de conclusion des contrats et de l'intervention d'un seul agent pour les deux sociétés, que les parties avaient entendu rendre leurs engagements indivisibles dans le cadre de cet ensemble de deux contrats. (Cour de cassation (chambre mixte) 17 mai 2013 n° 11-2297 et 11-22768).

8. Il résulte de l'instruction et de l'ensemble des pièces produites en appel par le collège "Les nénuphars", que le collège avait souscrit le 28 septembre 2009 et le 28 octobre 2010, avec d'autres sociétés, deux contrats analogues de location portant sur les mêmes photocopieurs que ceux mentionnés dans le contrat conclu avec la société Grenke Location, identifiés, comme dans le contrat signé avec la société Grenke Location, par leurs marques, références et numéros de série. Ces copieurs étaient alors pris en location, pour des loyers trimestriels respectifs de 3 656,36 euros TTC et 2 408,34 euros TTC.

9. Il ressort également des documents produits par le collège et notamment du bon de commande du 12 mai 2011, qu'en mai 2011, M. D...représentant de la société Copy Conform avait proposé au principal du collège de reprendre ces locations dans un seul contrat avec un loyer inférieur en laissant supposer qu'il pourrait faire les démarches pour obtenir la résiliation des anciens contrats. Celle-ci ne pouvant être immédiate, M. D...avait mentionné sur le bon de commande, la remise à venir d'un chèque de 25 000 euros établi par la société Copy Conform, pour "participation de la société Copy Conform au solde des contrats Xerox" en précisant pour le nouveau contrat proposé au collège la "possibilité d'évolution après 9 trimestres pour le solde définitif des contrats sur 21 trimestres (Xeroloc et GE capital) dans le cadre du nouveau contrat souscrit. Il ressort notament de ce document, comme le soutient le collège, que le chèque de 25 000 euros avait pour objet de compenser provisoirement la nécessité pour le collège de continuer à verser les loyers aux premiers bailleurs, tout en s'acquittant de ceux résultant du nouveau bail conclu avec la société Grenke Location. Les contrats avec les anciens bailleurs n'ayant pas fait l'objet d'une résiliation et les deux catégories de contrats se poursuivant, le collège a cessé ses paiements à la société Grenke Location à compter du 1er octobre 2011.

10. En deuxième lieu, lorsque les parties soumettent au juge un litige relatif à l'exécution du contrat qui les lie, il incombe en principe à celui-ci, eu égard à l'exigence de loyauté des relations contractuelles, de faire application du contrat. Toutefois, dans le cas seulement où il constate une irrégularité invoquée par une partie ou relevée d'office par lui, tenant au caractère illicite du contenu du contrat ou à un vice d'une particulière gravité relatif notamment aux conditions dans lesquelles les parties ont donné leur consentement, il doit écarter le contrat et ne peut régler le litige sur le terrain contractuel. (CE 28 décembre 2009 n° 304802).

11. Il résulte des faits relatés ci-dessus aux points 8 et 9 que le contrat conclu par le principal du collège "Les nénuphars" avec la société Grenke Location portant sur la location de deux photocopieurs qui étaient déjà donnés en location au collège par d'autres sociétés, le collège s'est trouvé dans la situation d'acquitter deux fois des loyers pour les mêmes copieurs, le chèque de 25 000 euros ne suffisant pas à couvrir le montant des loyers des contrats initiaux jusqu'à leur terme. Le contrat conclu avec la société Grenke Location se trouve ainsi dépourvu de cause. L'illicéité de son contenu en résultant est de nature à conduire à écarter les clauses du contrat, nonobstant la circonstance qu'il couvre également un standard, dont rien n'indique d'ailleurs qu'il a été livré au collège, dès lors que le loyer dû à la société Grenke est globalisé.

12. Dans, ces conditions, la société Grenke Location ne peut invoquer les clauses du contrat pour demander la condamnation du collège "Les nénuphars" à lui verser les indemnités prévues par le contrat en cas de résiliation anticipée.

2) Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'enrichissement sans cause et de la responsabilité extracontractuelle :

13. La société Grenke Location fait valoir à titre subsidiaire qu'elle est fondée à demander le remboursement des dépenses qui ont été utiles au collège, ainsi que le paiement des sommes exposées pour l'exécution du contrat et les gains dont elle a été privée en raison de la faute commise par le principal, qui en signant le bon de livraison ne correspondant pas à une véritable livraison, l'a conduite à verser à la société Copy Conform le prix d'achat de copieurs que la société, qui n'en étant pas propriétaire, n'était pas en droit de lui vendre.

14. Lorsque le juge, saisi d'un litige engagé sur le terrain de la responsabilité contractuelle, est conduit à constater, le cas échéant d'office, la nullité du contrat, les cocontractants peuvent poursuivre le litige qui les oppose en invoquant, y compris pour la première fois en appel, des moyens tirés de l'enrichissement sans cause que l'application du contrat frappé de nullité a apporté à l'un d'eux ou de la faute consistant, pour l'un d'eux, à avoir passé un contrat nul, bien que ces moyens, qui ne sont pas d'ordre public, reposent sur des causes juridiques nouvelles. (CE 20 octobre 2000 n° 196553).

15. Le cocontractant de l'administration dont le contrat est entaché de nullité est fondé à réclamer, en tout état de cause, le remboursement de celles de ses dépenses qui ont été utiles à la collectivité envers laquelle il s'était engagé. Dans le cas où la nullité du contrat résulte d'une faute de l'administration, il peut, en outre, prétendre à la réparation du dommage imputable à cette faute et le cas échéant, demander à ce titre, le paiement du bénéfice dont il a été privé par la nullité du contrat si toutefois le remboursement à l'entreprise de ses dépenses utiles ne lui assure pas une rémunération supérieure à celle que l'exécution du contrat lui aurait procurée.

16. D'une part, la société Grenke Location évalue son préjudice à la somme de 85 693,40 euros qu'elle soutient avoir versée à la société Copy conform au titre de l'acquisition des biens objets du contrat qui, selon elle doivent être regardés comme ayant été utiles au collège.

17. Toutefois, il résulte de l'instruction que cette dépense n'a pas été utile au collège, celui-ci n'ayant pas eu la disposition des biens mentionnés dans le contrat, qui ne lui ont pas été livrés.

18. D'autre part, la société Grenke Location soutient que le collège a commis des fautes qui l'ont conduite à exposer en pure perte la somme déjà mentionnée de 85 693,40 euros au titre de l'acquisition des biens mentionnés par le contrat et qu'elle a été privée des recettes qu'aurait versées le collège si le contrat avait été exécuté jusqu'à son terme, soit un montant de 139 469,19 euros TTC correspondant à "un gain et bénéfice escompté" de 21 084,33 euros TTC, soit 17 629,03 euros HT. Elle fait valoir qu'au total, elle peut prétendre au maximum à un montant de 116 613,03 euros qu'elle sollicite, correspondant aux loyers de 139 469 euros TTC qu'elle aurait dû percevoir si le contrat avait été poursuivi jusqu'à son terme, sous déduction de la taxe sur la valeur ajoutée non applicable à une indemnité.

19. Par ces allégations, non assorties de justifications, tant au regard du montant des bénéfices attendus de l'opération que des modalités de calcul de la somme sollicitée de 116 613,03 euros, la société n'établit pas le montant de la rémunération, correspondant aux seuls bénéfices et non aux recettes, dont elle a été privée. Les seules circonstances que la société Grenke Location a exposé des dépenses en vain et qu'elle a été privée de recettes qui correspondraient à des bénéfices et gains non justifiés, ne suffisent pas à démontrer l'étendue du préjudice subi par elle. Dès lors, sa demande ne peut être accueillie sans qu'il y ait lieu de rechercher la part de responsabilité du collège à avoir signé le contrat proposé.

IV - Sur les conclusions à fin de restitution des biens objets du contrat :

20. Il ne résulte pas de l'instruction que ces biens ont été livrés au collège "Les nénuphars". En conséquence, les conclusions à fin de restitution de ces biens par le collège à la société Grenke Location ne peuvent en tout état de cause qu'être rejetées.

21. Il résulte de tout ce qui précède que la société Grenke Location n'est pas fondée à demander la condamnation du collège "Les nénuphars" à lui verser les sommes qu'elle sollicite, ni à lui restituer les biens mentionnés par le contrat en litige. En conséquence, les conclusions de la société tendant au versement d'intérêts et à leur capitalisation ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

22. Il n'y a pas lieu de mettre à la charge du collège "Les nénuphars", qui n'est pas dans l'espèce la partie perdante, la somme réclamée par la société Grenke Location au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Grenke Location une somme à verser au collège "Les nénuphars" au titre des mêmes frais.

Par ces motifs,

DECIDE :

Article 1er : Le jugement attaqué du 26 mars 2015 du tribunal administratif de Strasbourg est annulé.

Article 2 : La demande de la société Grenke Location et le surplus des conclusions de sa requête sont rejetés.

Article 3 : Les conclusions du collège "Les nénuphars" tendant à l'application de l'article L. 761-1 sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Grenke Location et au collège "Les nénuphars".

''

''

''

''

3

N° 15NC00933


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15NC00933
Date de la décision : 19/05/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-04-02 Marchés et contrats administratifs. Fin des contrats. Résiliation.


Composition du Tribunal
Président : Mme MONCHAMBERT
Rapporteur ?: Mme Colette STEFANSKI
Rapporteur public ?: M. FAVRET
Avocat(s) : SOCIETE D'AVOCATS GRANRUT

Origine de la décision
Date de l'import : 02/08/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2016-05-19;15nc00933 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award