La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

11/01/2016 | FRANCE | N°15MA02488

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 5ème chambre - formation à 3, 11 janvier 2016, 15MA02488


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'entreprise agricole à responsabilité limitée (EARL) Clos Canarelli a demandé au tribunal administratif de Bastia d'annuler les décisions du 29 juillet 2010 par lesquelles le préfet de la Corse-du-Sud a retiré les refus de permis de construire opposés le 23 mars 2010 à la société en nom collectif MSO Figari et à la société par actions simplifiée Figari Sole, et a délivré à chacune de ces sociétés un permis de construire une centrale de production d'électricité photovoltaïque sur le territoir

e de la commune de Figari.

Par un jugement n° 1000989, 1000990 du 30 juin 2011, le t...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'entreprise agricole à responsabilité limitée (EARL) Clos Canarelli a demandé au tribunal administratif de Bastia d'annuler les décisions du 29 juillet 2010 par lesquelles le préfet de la Corse-du-Sud a retiré les refus de permis de construire opposés le 23 mars 2010 à la société en nom collectif MSO Figari et à la société par actions simplifiée Figari Sole, et a délivré à chacune de ces sociétés un permis de construire une centrale de production d'électricité photovoltaïque sur le territoire de la commune de Figari.

Par un jugement n° 1000989, 1000990 du 30 juin 2011, le tribunal administratif de Bastia a rejeté ses demandes.

Par un arrêt nos 11MA03414, 11MA03415 du 31 octobre 2013, la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté les appels formés par l'EARL Clos Canarelli contre le jugement du tribunal administratif de Bastia du 30 juin 2011.

Par une décision n° 374399 du 5 juin 2015, le Conseil d'Etat a, sur pourvoi de l'EARL Clos Canarelli, annulé l'arrêt susmentionné et renvoyé l'affaire devant la Cour.

Procédure devant la Cour :

I- Par une requête, initialement enregistrée au greffe de la Cour le 24 août 2011 sous le n° 11MA03414 et, après renvoi par le Conseil d'Etat, sous le n° 15MA02488, l'EARL Clos Canarelli représentée par Me A...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement susvisé n° 1000989, 1000990 du 30 juin 2011 du tribunal administratif de Bastia ;

2°) d'annuler la décision du 29 juillet 2010 par laquelle le préfet de la Corse-du-Sud a retiré le refus de permis de construire du 23 mars 2010 et délivré à la SNC MSO Figari un permis de construire une centrale de production d'électricité photovoltaïque au sol aux lieux-dits Campo et Sual-Vecchio dans la commune de Figari ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement contesté ne mentionne pas la note en délibéré qu'elle a produite le 30 juin 2011 en violation de l'article R. 741-2 du code de justice administrative ;

- la fin de non-recevoir opposée par le préfet et tirée de son défaut d'intérêt à agir doit être écartée dès lors qu'elle exploite des parcelles limitrophes du terrain d'assiette du projet ;

- le dossier de permis de construire qu'elle a obtenu après saisine de la commission d'accès aux documents administratifs est incomplet ;

- la décision du 29 juillet 2010 est insuffisamment motivée ;

- le permis de construire est entaché d'erreur de droit ou d'erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article R. 111-15 du code de l'urbanisme, les prescriptions dont il est assorti n'étant pas susceptibles de pallier les conséquences dommageables du projet pour l'environnement et notamment la destruction de certaines espèces ;

- le principe de précaution imposait en tout état de cause de ne pas autoriser la construction d'une centrale de production d'électricité photovoltaïque au sol ;

- l'administration a commis une erreur de fait ou une erreur manifeste d'appréciation en autorisant le projet sur des parcelles à important potentiel oléicole, nonobstant l'avis défavorable de l'institut national de l'origine et de la qualité ;

- l'étude d'impact tronquée était de nature à induire en erreur le service instructeur sur le potentiel oléicole du terrain d'assiette ;

- le préfet ne peut se prévaloir utilement au contentieux de la circulaire ministérielle du 18 décembre 2009 dépourvue de valeur réglementaire, ni de l'avis favorable de la chambre d'agriculture de la Corse-du-Sud qui comporte une réserve de gestion pastorale du site peu probable eu égard à la nature du projet ;

- la collectivité territoriale de Corse a émis un avis réservé sur ce projet le 11 février 2010.

Par un mémoire en défense enregistré le 16 août 2013, complété par un mémoire enregistré le 27 septembre 2013, la société en nom collectif (SNC) MSO Figari a conclu au rejet de la requête.

Elle soutient que :

- la requête est irrecevable, la qualité pour agir du représentant de l'EARL Clos Canarelli n'étant pas établie ;

- la note et les pièces produites par télécopie datée du 23 juin 2011 à 9h34 au tribunal administratif ne constituent pas une note en délibéré devant être visée, et n'ont pas fait l'objet d'une authentification avant la date de lecture ;

- les documents transmis le 30 juin 2011, jour de lecture du jugement, n'avaient pas à être pris en compte par le tribunal en tout état de cause ;

- les premiers juges ont retenu à bon droit l'absence d'intérêt à agir de l'EARL, celle-ci ne démontrant pas qu'elle serait propriétaire ou locataire des parcelles voisines du projet ni qu'elle exploiterait ces terrains dans un but agricole, et n'établissant pas qu'elle remplirait en tant qu'entreprise les critères d'intérêt à agir contre le permis de construire en fonction de considérations urbanistiques et non purement économiques ;

- le dossier de permis de construire est complet ;

- la décision en litige, qui n'est pas une décision défavorable au sens de la loi du 11 juillet 1979, vise en tout état de cause suffisamment les textes appliqués et précise et justifie les prescriptions dont elle est assortie ;

- le moyen tiré des conséquences dommageables du projet pour l'environnement n'est assorti d'aucune précision permettant d'en apprécier le bien-fondé ;

- le principe de précaution énoncé par l'article R. 111-5 du code de l'urbanisme n'implique pas un refus du permis de construire, mais l'imposition le cas échéant de prescriptions, ce qui a été fait en l'espèce de manière suffisante pour pallier les conséquences dommageables possibles pour l'environnement ;

- les courriers de l'institut national de l'origine et de la qualité et de la chambre d'agriculture postérieurs à la décision en litige ne constituent pas des avis dont le préfet aurait dû tenir compte ;

- l'intérêt agricole du site n'est pas démontré, et l'étude d'impact et les avis rendus par l'assemblée de Corse et la chambre d'agriculture renseignaient suffisamment le service instructeur sur cet aspect ;

- le caractère incompatible du parc photovoltaïque, qui présente un caractère réversible, avec la zone agricole n'est pas démontré ;

- les terrains concernés sont des friches agricoles non exploitées et vont également être utilisées comme pacage pour un élevage ovin.

Par un mémoire en défense enregistré le 21 août 2013, le ministre de l'égalité des territoires et du logement a conclu au rejet de la requête.

Il soutient que :

- le tribunal administratif a relevé à juste titre l'absence d'intérêt pour agir de l'EARL Clos Canarelli, dès lors que les sites de Chera et Campo sont distants d'environ 1 130 mètres des parcelles que celle-ci exploite et que les installations prévues ont une hauteur de 3,70 mètres et en seront séparées par une importante végétation ; s'agissant du site de Sual Vecchio la situation des parcelles pour lesquelles la société a produit une convention de bail ne lui confère pas d'intérêt à agir compte-tenu de la configuration des lieux et de la végétation séparant ces parcelles du terrain d'assiette ;

- les décisions en litige sont motivées et respectent l'article R. 424-5 du code de l'urbanisme ;

- l'autorisation du projet n'est entachée d'aucune erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article R. 111-15 du code de l'urbanisme, alors qu'il n'est pas précisé en quoi il porterait atteinte à l'environnement et que les prescriptions assortissant les permis de construire imposent la mise en oeuvre des mesures compensatoires prévues par l'étude d'impact et le complément d'analyse paysagère, ainsi que le respect de la charte du 5 mai 2010 définissant les mesures de protection de la tortue d'Hermann ;

- le moyen tiré de la violation du principe de précaution n'est pas assorti de précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé, alors que des mesures suffisantes ont été prévues pour prévenir les risques et nuisances éventuels ;

- l'exception d'illégalité de la carte communale de Figari doit être écartée à défaut pour la requérante d'apporter des éléments prouvant le bien-fondé de ses allégations ;

- l'étude d'impact fournit les informations nécessaires sur le potentiel agricole des parcelles d'assiette du projet ;

- le projet n'affectera pas l'activité agricole, le site de Sual Vecchio comportant une ancienne vigne en friche, les sites de Chera et Campo n'accueillant aucune activité agricole notable, et l'occupation d'un total de 13 hectares ne pouvant compromettre l'activité pastorale compte-tenu de l'espace restant sur le territoire de la commune.

Par un mémoire enregistré le 21 août 2013, complété par la production de pièces enregistrées le 23 août 2013, l'EARL Clos Canarelli conclut aux mêmes fins que sa requête par les mêmes moyens.

Elle soutient en outre que :

- le tribunal administratif n'a pas pris en compte sa note en délibéré présentée le 23 juin 2011 ;

- le permis de construire litigieux méconnaît l'article L. 146-4 I du code de l'urbanisme.

II- Par une requête, initialement enregistrée au greffe de la Cour le 24 août 2011 sous le n° 11MA03415, et après renvoi par le Conseil d'Etat sous le n° 15MA02488, l'EARL Clos Canarelli, représentée par MeA..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement susvisé n° 1000989, 1000990 du 30 juin 2011 du tribunal administratif de Bastia ;

2°) d'annuler la décision du 29 juillet 2010 par laquelle le préfet de la Corse-du-Sud a retiré le refus de permis de construire du 23 mars 2010 et délivré à la SAS Figari Sole un permis de construire une centrale de production d'électricité photovoltaïque au sol aux lieux-dits Chera et Sual-Vecchio dans la commune de Figari ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement contesté ne mentionne pas la note en délibéré qu'elle a produite le 30 juin 2011 en violation de l'article R. 741-2 du code de justice administrative ;

- la fin de non-recevoir opposée par le préfet et tirée de son défaut d'intérêt à agir doit être écartée dès lors qu'elle exploite des parcelles limitrophes du terrain d'assiette du projet ;

- la décision du 29 juillet 2010 est insuffisamment motivée ;

- le permis de construire est entaché d'erreur de droit ou d'erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article R. 111-15 du code de l'urbanisme, les prescriptions dont il est assorti n'étant pas susceptibles de pallier les conséquences dommageable du projet pour l'environnement et notamment la destruction de certaines espèces ;

- le principe de précaution imposait en tout état de cause de ne pas autoriser la construction d'une centrale de production d'électricité photovoltaïque au sol ;

- l'administration a commis une erreur de fait ou une erreur manifeste d'appréciation en autorisant le projet sur des parcelles à important potentiel oléicole, nonobstant l'avis défavorable de l'institut national de l'origine et de la qualité ;

- l'étude d'impact tronquée était de nature à induire en erreur le service instructeur sur le potentiel oléicole du terrain d'assiette ;

- le préfet ne peut se prévaloir utilement au contentieux de la circulaire ministérielle du 18 décembre 2009 dépourvue de valeur réglementaire, ni de l'avis favorable de la chambre d'agriculture de la Corse-du-Sud du 26 janvier 2010 qui comporte une réserve de gestion pastorale du site peu probable eu égard à la nature du projet ;

- la collectivité territoriale de Corse a émis un avis réservé sur ce projet le 11 février 2010.

Par un mémoire en défense enregistré le 21 août 2013, le ministre de l'égalité des territoires et du logement a conclu au rejet de la requête.

Il soutient que :

- le tribunal administratif a relevé à juste titre l'absence d'intérêt pour agir de l'EARL Clos Canarelli, dès lors que les sites de Chera et Campo sont distants d'environ 1 130 mètres des parcelles que celle-ci exploite et que les installations prévues ont une hauteur de 3,70 mètres et en seront séparées par une importante végétation ; s'agissant du site de Sual Vecchio la situation des parcelles pour lesquelles la société a produit une convention de bail ne lui confère pas d'intérêt à agir compte-tenu de la configuration des lieux et de la végétation séparant ces parcelles du terrain d'assiette ;

- les décisions en litige sont motivées et respectent l'article R. 424-5 du code de l'urbanisme ;

- l'autorisation du projet n'est entachée d'aucune erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article R. 111-15 du code de l'urbanisme, alors qu'il n'est pas précisé en quoi il porterait atteinte à l'environnement et que les prescriptions assortissant les permis de construire imposent la mise en oeuvre des mesures compensatoires prévues par l'étude d'impact et le complément d'analyse paysagère, ainsi que le respect de la charte du 5 mai 2010 définissant les mesures de protection de la tortue d'Hermann ;

- le moyen tiré de la violation du principe de précaution n'est pas assorti de précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé, alors que des mesures suffisantes ont été prévues pour prévenir les risques et nuisances éventuels ;

- l'exception d'illégalité de la carte communale de Figari doit être écartée à défaut pour la requérante d'apporter des éléments prouvant le bien-fondé de ses allégations ;

- l'étude d'impact fournit les informations nécessaires sur le potentiel agricole des parcelles d'assiette du projet ;

- le projet n'affectera pas l'activité agricole, le site de Sual Vecchio comportant une ancienne vigne en friche, les sites de Chera et Campo n'accueillant aucune activité agricole notable, et l'occupation d'un total de 13 hectares ne pouvant compromettre l'activité pastorale compte-tenu de l'espace restant sur le territoire de la commune.

Par un mémoire enregistré le 21 août 2013, l'EARL Clos Canarelli a conclu aux mêmes fins que sa requête par les mêmes moyens.

Elle soutient en outre que :

- le tribunal administratif n'a pas pris en compte sa note en délibéré présentée le 23 juin 2011 ;

- le permis de construire litigieux méconnaît l'article L. 146-4 I du code de l'urbanisme.

Par un courrier du 23 juin 2015, les parties ont été invitées à produire leurs observations après renvoi de l'affaire à la Cour par le Conseil d'Etat.

Par un mémoire enregistré le 15 juillet 2015, le ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité a conclu aux mêmes fins que ses précédents mémoires dans les instances n° 11MA03414 et n° 11MA03415 en renvoyant aux moyens qu'il y a invoqués.

Par des mémoires enregistrés les 23 juillet et 29 juillet 2015, l'EARL Clos Canarelli a produit de nouvelles pièces au soutien de ses requêtes.

Par un mémoire enregistré le 25 octobre 2015, la société en nom collectif MSO Figari a conclu au rejet de la requête de l'EARL Clos Canarelli, à la confirmation du jugement du tribunal administratif de Bastia, et à ce que lui soit allouée une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient en outre que l'EARL Clos Canarelli, immatriculée le 29 mai 2000, ne pouvait être partie au bail rural conclu le 31 décembre 1999, et ne présentait donc pas d'intérêt légitime à agir au moment de l'affichage des demandes de permis en application de l'article L. 600-1-3 du code de l'urbanisme.

Un courrier du 24 septembre 2015 adressé aux parties en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, les a informées de la période à laquelle il est envisagé d'appeler l'affaire à l'audience et a indiqué la date à partir de laquelle l'instruction pourra être close dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R. 613-1 et le dernier alinéa de l'article R. 613-2.

Un mémoire présenté pour l'EARL Clos Canarelli a été enregistré le 23 novembre 2015 après clôture de l'instruction.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code rural et de la pêche maritime ;

- le code de l'urbanisme ;

- la loi n°79-587 du 11 juillet 1979 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience par un avis d'audience adressé le 12 novembre 2015 portant clôture d'instruction immédiate en application des dispositions de l'article R. 613-2 du code de justice administrative.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Hameline,

- les conclusions de M. Thielé, rapporteur public,

- les observations de Me A...représentant l'EARL Clos Canarelli, et celles de Me B... représentant la SNC MSO Figari.

Une note en délibéré présentée par l'EARL Clos Canarelli a été enregistrée le 16 décembre 2015.

1. Considérant que, le 18 août 2009, la société en nom collectif (SNC) MSO Figari a déposé une demande de permis de construire en vue de la construction, sur le territoire de la commune de Figari, d'une centrale de production d'électricité photovoltaïque au sol sur des terrains cadastrés section H 110, 111 et 204, situés au lieu-dit Campo ainsi que sur des parcelles, cadastrées section B 523 à 525, situées au lieu-dit Sual-Vecchio, d'une puissance de 1 310 kW et 930 kW ; qu'à cette même date, la société par actions simplifiées (SAS) Figari Sole a également déposé une demande de permis de construire en vue de la réalisation d'une centrale de production d'électricité photovoltaïque au sol sur des terrains cadastrés section B 407 et 408, situés au lieu-dit Chera et sur des parcelles cadastrées section B 526 à 536 situées au lieu-dit Sual-Vecchio à Figari, d'une puissance de 850 kW et 1 399 kW ; qu'après avoir d'abord opposé un refus à ces demandes le 23 mars 2010, le préfet de la Corse-du-Sud a, sur recours gracieux formés par les deux sociétés pétitionnaires, procédé au retrait des refus susmentionnés et délivré les permis de construire sollicités en les assortissant de prescriptions, par deux arrêtés du 29 juillet 2010 ; que l'EARL Clos Canarelli a formé devant le tribunal administratif de Bastia deux demandes tendant à l'annulation des arrêtés préfectoraux du 29 juillet 2010, lesquelles ont été rejetées pour irrecevabilité par un même jugement en date du 30 juin 2011 ; que l'EARL Clos Canarelli a interjeté appel de ce jugement du tribunal administratif de Bastia par deux requêtes n° 11MA03414 et n°11MA03415 devant la Cour de céans, qui les a rejetées par arrêt du 31 octobre 2013 ; que, toutefois, le Conseil d'Etat saisi d'un pourvoi en cassation par l'EARL Clos Canarelli a, par décision du 5 juin 2015, annulé l'arrêt susmentionné du 31 octobre 2013 et renvoyé les affaires à la Cour pour qu'il y soit statué ;

Sur la jonction :

2. Considérant que la Cour se trouve ressaisie par la décision du Conseil d'Etat des requêtes susvisées de l'EARL Clos Canarelli tendant l'une et l'autre à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Bastia du 30 juin 2011 en tant qu'il statue respectivement sur les décisions du préfet de la Corse-du-Sud du 29 juillet 2010 prises à l'égard de la SNC MSO Figari et de la SAS Figari Sole ; que ces requêtes présentent à juger des questions semblables et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;

3. Sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par la SNC MSO Figari à la requête d'appel ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

4. Considérant qu'aux termes de l'article R. 741-2 du code de justice administrative : " La décision mentionne que l'audience a été publique, sauf s'il a été fait application des dispositions de l'article L. 731-1. Dans ce dernier cas, il est mentionné que l'audience a eu lieu ou s'est poursuivie hors la présence du public. / Elle contient le nom des parties, l'analyse des conclusions et mémoires ainsi que les visas des dispositions législatives ou réglementaires dont elle fait application. / Mention y est faite que le rapporteur et le rapporteur public et, s'il y a lieu, les parties, leurs mandataires ou défenseurs ainsi que toute personne entendue sur décision du président en vertu du deuxième alinéa de l'article R. 731-3 ont été entendus. / Mention est également faite de la production d'une note en délibéré. / La décision fait apparaître la date de l'audience et la date à laquelle elle a été prononcée. " ;

5. Considérant qu'il ressort de la minute du jugement contesté figurant au dossier soumis à la Cour que le tribunal administratif de Bastia y a visé, dans la partie comportant l'ensemble des visas, la note en délibéré produite par l'EARL Clos Canarelli le 23 juin 2011 dans les instances n° 1000989 et 1000990 ; que, par suite, le moyen invoqué par l'appelante et tiré de ce que sa note en délibéré n'aurait pas été mentionnée dans le jugement, en méconnaissance des dispositions précitées de l'article R. 741-2 du code de justice administrative, doit être écarté en toute hypothèse comme manquant en fait ;

Sur la recevabilité des demandes de première instance :

6. Considérant que le tribunal administratif de Bastia a rejeté comme irrecevables les demandes présentées par l'EARL Clos Canarelli dirigées contre les arrêtés du préfet de la Corse-du-Sud du 29 juillet 2010, au motif que l'entreprise, qui se prévalait de sa qualité d'exploitante agricole occupant des parcelles voisines des terrains d'assiette des projets de constructions contestés, ne justifiait pas d'un intérêt lui donnant qualité pour agir à l'encontre des décisions litigieuses portant retrait de refus de permis de construire et délivrance de permis de construire aux sociétés MSO Figari et Figari Sole, en l'absence de tout élément versé au dossier de nature à permettre d'apprécier la distance séparant les parcelles exploitées par l'entreprise des terrains d'assiette des projets en cause, ainsi que la configuration des lieux ;

7. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que l'EARL Clos Canarelli, qui a pour activité la production oléicole, est titulaire d'un bail rural initialement conclu le 31 décembre 1999 sur plusieurs parcelles situées sur le territoire de la commune de Figari ; qu'il ressort également des éléments soumis au juge d'appel, et notamment d'une expertise foncière réalisée à la demande de la requérante, que certaines de ces parcelles situées au lieu-dit Sual Vecchio, que l'EARL Clos Canarelli exploitait en vertu de ce bail à la date d'introduction de ses recours contentieux, sont contiguës ou distantes de quelques dizaines de mètres des terrains cadastrés B 524, B 529 et B 530, constituant une partie de l'assiette des projets de centrale photovoltaïque de la SNC MSO Figari et de la SAS Figari Sole autorisés par les décisions litigieuses ; que, toutefois, l'EARL Clos Canarelli, personne morale dont il est constant que l'activité à proximité du terrain d'assiette consiste exclusivement en l'exploitation d'oliviers sur des terrains dont elle n'est pas propriétaire, ne démontre ni même n'allègue que les caractéristiques des constructions autorisées, consistant en panneaux photovoltaïques, leurs supports et les locaux techniques annexes, seraient susceptibles d'affecter par elles-mêmes de quelque manière que ce soit les conditions de son exploitation, alors qu'elle se borne à faire valoir dans ses écritures tant devant les premiers juges qu'en appel, pour justifier son intérêt à agir, que les projets de centrales photovoltaïques litigieux sont prévus dans un " secteur de la commune " " dédié aux activités agricoles " et modifient par conséquent " la destination agricole de ce terrain d'assiette et de l'environnement " ; que la circonstance, à la supposer établie, que l'EARL Clos Canarelli ait eu par ailleurs l'intention d'acquérir elle-même à l'avenir la propriété de certaines des parcelles d'assiette des projets en litige ne faisant alors l'objet d'aucune exploitation agricole, ne saurait davantage la faire regarder comme formant ses recours contentieux contre les autorisations de construire délivrées le 29 juillet 2010 en raison de considérations d'urbanisme ; que, par suite, et ainsi que le relève à bon droit la SNC MSO Figari devant la Cour, la requérante n'invoque aucun intérêt à agir de nature à lui donner qualité pour déférer au juge de l'excès de pouvoir les décisions litigieuses du préfet de la Corse-du-Sud ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'EARL Clos Canarelli n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement contesté, le tribunal administratif de Bastia a rejeté comme irrecevables ses demandes tendant à l'annulation des arrêtés du préfet de la Corse-du-Sud du 29 juillet 2010 portant retrait de refus de permis de construire et délivrance de permis de construire à la SNC MSO Figari et à la SAS Figari Sole ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'est pas la partie perdante au présent litige, voit mis à sa charge une quelconque somme au titre des frais exposés par l'EARL Clos Canarelli ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de cette dernière une somme de 2 000 euros à verser à la SNC MSO Figari sur le fondement des mêmes dispositions ;

D É C I D E :

Article 1er : Les requêtes de l'EARL Clos Canarelli sont rejetées.

Article 2 : L'EARL Clos Canarelli versera à la SNC MSO Figari une somme de 2 000 (deux mille) euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions des parties à l'instance est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à l'entreprise agricole à responsabilité limitée Clos Canarelli, au ministre de l'égalité des territoires, du logement et de la ruralité, à la société par actions simplifiée MSO Figari et à la société en nom collectif Figari Sole.

Copie en sera adressée au préfet de la Corse-du-Sud.

Délibéré après l'audience du 14 décembre 2015, où siégeaient :

- M. Bocquet, président,

- M. Pocheron, président-assesseur,

- Mme Hameline, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 11 janvier 2016.

''

''

''

''

3

N° 15MA02488


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15MA02488
Date de la décision : 11/01/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Procédure - Introduction de l'instance - Intérêt pour agir - Absence d'intérêt.

Urbanisme et aménagement du territoire - Permis de construire.

Urbanisme et aménagement du territoire - Règles de procédure contentieuse spéciales - Introduction de l'instance - Intérêt à agir.


Composition du Tribunal
Président : M. BOCQUET
Rapporteur ?: Mme Marie-Laure HAMELINE
Rapporteur public ?: M. THIELE
Avocat(s) : PERES

Origine de la décision
Date de l'import : 30/01/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2016-01-11;15ma02488 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award