Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A...I..., M. L...B..., Mme H...D...et M. F...D...ont demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler pour excès de pouvoir les neuf arrêtés du 23 avril 2012 par lesquels le préfet de la région Picardie a accordé des permis de construire pour les éoliennes E 01 puis E 03 à E 10 à la société Ferme éolienne du Saint-Quentinois sur le territoire de la commune de Régny.
Par un jugement n° 1202933 du 12 novembre 2014, le tribunal administratif d'Amiens a annulé le permis de construire l'éolienne E 04 et rejeté le surplus des conclusions des demandeurs.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 27 janvier 2015, et des mémoires, enregistrés les 18 janvier et 19 mars 2016, M. A...I..., M. L...B..., Mme H...D...et M. F...D..., représentés par Me E...C..., demandent à la Cour :
1°) d'annuler le jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de leurs conclusions d'excès de pouvoir ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir les huit permis de construire les éoliennes E 01, E 03, E 05 à E 10 du 23 avril 2012 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat et de la société Ferme éolienne du Saint-Quentinois la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- les premiers juges, en se prononçant sur le moyen tiré de la violation du XI de l'article 90 de la loi du 12 juillet 2010, ont insuffisamment motivé leur décision ;
- en l'absence d'une nécessité de coordination régionale, le préfet de région ne pouvait évoquer les demandes et statuer à la place du préfet du département ;
- le pétitionnaire ne disposant plus d'un titre l'habilitant à construire l'éolienne E 06, le permis a été obtenu par fraude ;
- l'étude d'impact présente des insuffisances en ce qui concerne volet acoustique, le volet naturaliste et chiroptérique ;
- en application du XI à l'article 90 de la loi du 12 juillet 2010, les communes et établissements publics de coopération intercommunale limitrophes de la commune de Régny auraient nécessairement dû être consultées ;
- il n'y a pas lieu en l'espèce de faire application du nouvel article R. 423-56-1 du code de l'urbanisme qui est superfétatoire et entaché d'illégalité en ce qu'il restreint le champ d'application de la loi ;
- l'avis de l'autorité environnementale est irrégulier dès lors que cette autorité se confond avec le préfet de région qui a délivré les permis ;
- l'avis de la commission départementale de la consommation des espaces agricoles n'a pas été recueilli en méconnaissance du 2° de l'article L. 111-1-2 du code de l'urbanisme ;
- compte tenu de son impact sur certaines populations d'oiseaux et de chauves-souris et l'effet cumulé avec celui de parcs voisins, le projet méconnaît l'article R. 111-15 du code de l'urbanisme ;
- le projet a été décidé en méconnaissance de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme.
Par un mémoire en défense et d'appel incident, enregistré le 1er avril 2015, et deux autres mémoires, enregistrés les 16 février et 5 avril 2016, la société Ferme éolienne du Saint-Quentinois représenté par le cabinet Volta conclut :
1°) au rejet de la requête ;
2°) à l'annulation du jugement du tribunal administratif d'Amiens en tant qu'il a annulé le permis de construire l'éolienne E 04 ;
3°) à la mise à la charge solidaire des requérants de la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les moyens de la requête ne sont pas fondés ;
- c'est à tort que le tribunal a annulé le permis de construire l'éolienne E 04, dès lors que l'absence de consultation de la commune d'Homblières, qui est réputée avoir donné un avis favorable, n'a pas en tout état de cause exercé d'influence sur la décision, ni privé la commune d'une garantie.
Par un mémoire en défense, enregistré le 18 janvier 2016, le ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
La clôture d'instruction a été fixée au 20 avril 2016.
Vu :
- le code de l'environnement ;
- le code de l'urbanisme ;
- la loi n° 2005-1319 du 26 octobre 2005 ;
- la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 ;
- la loi n° 2010-874 du 27 juillet 2010 ;
- le décret n° 2004-374 du 29 avril 2004 ;
- le décret n° 2012-41 du 12 janvier 2012 ;
- l'arrêté ministériel du 26 août 2011 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Christian Bernier, président-assesseur,
- les conclusions de M. Jean-Michel Riou, rapporteur public,
- et les observations de Me E...C...représentant M. I...et autres, et de Me J...G..., représentant la société Ferme éolienne du Saint-Quentinois.
1. Considérant que M. I...et autres ont demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler pour excès de pouvoir les neuf arrêtés du 23 avril 2012 par lesquels le préfet de la région Picardie a accordé des permis de construire pour les éoliennes E 01 puis E 03 à E 10 à la société Ferme éolienne du Saint-Quentinois sur le territoire de la commune de Régny ; que, par un jugement du 12 novembre 2014, le tribunal administratif d'Amiens a annulé le permis de construire l'éolienne E 04 et rejeté le surplus des conclusions des demandeurs ; que M. I...et autres relèvent appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté leur demande tendant à l'annulation des huit autres permis de construire ; que, par un appel incident, la société Ferme éolienne du Saint-Quentinois demande l'annulation du même jugement en tant qu'il a, par son article 1er, annulé le permis de construire relatif à l'éolienne E 04 ;
Sur l'appel principal :
En ce qui concerne la régularité du jugement :
2. Considérant que, pour répondre au moyen soulevé par les requérants tiré de ce que les communes limitrophes de la commune de Régny n'avaient pas été consultées sur le projet d'implantation des éoliennes en méconnaissance du XI de l'article 90 de la loi du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l'environnement, le tribunal administratif d'Amiens a cité les dispositions dont il faisait application et en a déduit qu'il en résultait que l'autorité administrative était seulement tenue, à compter de l'entrée en vigueur de l'article R. 423-56-1 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction issue du décret du 12 janvier 2012, de consulter les communes et les établissements publics de coopération intercommunale limitrophes de l'unité foncière d'implantation du projet et non l'ensemble des communes et établissements publics limitrophes de la commune d'implantation ; que, par suite et contrairement à ce qui est soutenu, il a suffisamment motivé son jugement sur ce point ;
En ce qui concerne la légalité des permis de construire les éoliennes E 01, E 03, E 05 à E 10 :
S'agissant de l'incompétence du préfet de région :
3. Considérant qu'aux termes du dernier alinéa du I de l'article 2 du décret du 29 avril 2004 relatif aux pouvoirs des préfets, à l'organisation des services de l'Etat dans les régions et départements : " Le préfet de région peut également évoquer, par arrêté, et pour une durée limitée, tout ou partie d'une compétence à des fins de coordination régionale. Dans ce cas, il prend les décisions correspondantes en lieu et place des préfets de département " ;
4. Considérant que, par un arrêté du 26 juillet 2010, le préfet de la région Picardie a choisi de mettre en oeuvre le droit d'évocation que lui confèrent les dispositions citées au point précédent, pour statuer sur les demandes de permis de construire relatives à des projets éoliens, dans l'attente de l'approbation du schéma régional éolien, et ce, afin de ne pas compromettre le respect des objectifs régionaux fixés par le gouvernement et d'assurer à l'échelle des trois départements composant la région Picardie tant l'harmonisation de l'instruction des dossiers de demande que la cohérence des décisions accordant ou refusant les permis de construire portant sur les aérogénérateurs ; qu'à la date du permis attaqué, le schéma régional du climat, de l'air et de l'énergie n'avait pas encore été mis en place ; que si ce schéma, intervenu par la suite, a fait l'objet d'une annulation contentieuse par un arrêt nos 15DA00170,15DA00079 de la cour administrative d'appel de Douai du 16 juin 2016, cette circonstance est en tout état de cause sans influence sur la légalité de l'arrêté préfectoral du 26 juillet 2010 qui a pour base légale l'article 2 du décret précité du 29 avril 2004 ; qu'est également dépourvu d'incidence sur la légalité de cet arrêté, le fait que le comité de pilotage et le comité technique en charge de l'élaboration de ce schéma n'avaient pas encore été mis en place à la date à laquelle le préfet a décidé de faire usage de son pouvoir d'évocation ; que, dans ces conditions, le moyen tiré de l'incompétence du préfet de la région Picardie doit être écarté ;
S'agissant de l'absence de consultation des communes limitrophes :
5. Considérant qu'aux termes du XI de l'article 90 de la loi du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l'environnement : " Hors des zones de développement de l'éolien définies par le préfet, pour les projets éoliens dont les caractéristiques les soumettent à des autorisations d'urbanisme, les communes et établissements de coopération intercommunale limitrophes du périmètre de ces projets sont consultés pour avis dans le cadre de la procédure d'instruction de la demande d'urbanisme concernée " ; qu'aux termes de l'article R. 423-56-1 du code de l'urbanisme : " Dans le cas d'un projet éolien soumis à permis de construire et situé en dehors d'une zone de développement de l'éolien définie par le préfet, l'autorité compétente recueille, conformément aux dispositions prévues au XI de l'article 90 de la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l'environnement, l'avis des communes et des établissements publics de coopération intercommunale compétents en matière de plan local d'urbanisme ou d'autorisations d'urbanisme limitrophes de l'unité foncière d'implantation du projet " ;
6. Considérant que les collectivités territoriales, et notamment les communes, visées par les dispositions législatives adoptées en 2010 complétées par celles réglementaires de l'article R. 423-56-1 du code de l'urbanisme, citées au point précédent, ne sont pas l'ensemble de celles limitrophes de la commune d'implantation du projet éolien mais seulement celles limitrophes du périmètre du projet lui-même ;
7. Considérant qu'il est constant que les unités foncières d'implantation des éoliennes en litige ne jouxtent pas une commune ou un établissement de coopération intercommunale limitrophe du territoire de la commune de Régny ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du XI de l'article 90 de la loi du 12 juillet 2010 doit être écarté ;
S'agissant de l'absence de consultation de la commission départementale des espaces agricoles :
8. Considérant qu'aux termes de l'article L. 111-1-2 du code de l'urbanisme, dont le 2° est issu du III de l'article 51 de la loi du 27 juillet 2010 de modernisation de l'agriculture et de la pêche : " En l'absence de plan local d'urbanisme ou de carte communale opposable aux tiers, ou de tout document d'urbanisme en tenant lieu, seules sont autorisées, en dehors des parties actuellement urbanisées de la commune : / (...) / 2° Les constructions et installations nécessaires (...) à la mise en valeur des ressources naturelles et à la réalisation d'opérations d'intérêt national. / Les projets de constructions, aménagements installations et travaux ayant pour conséquence une réduction des surfaces situées dans les espaces autres qu'urbanisés et sur lesquelles est exercée une activité agricole ou qui sont à vocation agricole doivent être préalablement soumis pour avis par le représentant de l'Etat dans le département à la commission départementale de la consommation des espaces agricoles prévue à l'article L. 112-1-1 du code rural et de la pêche maritime. (...) ; / 3° Les constructions et installations incompatibles avec le voisinage des zones habitées et l'extension mesurée des constructions et installations existantes (...) " ; que l'article L. 112-1-1 du code rural et de la pêche maritime, issu de la même la loi, qui crée dans chaque département, une commission départementale de la consommation des espaces agricoles et fixe sa composition, prévoit notamment qu'elle peut être consultée sur toute question relative à la régression des surfaces agricoles et sur les moyens de contribuer à la limitation de la consommation de l'espace agricole ; qu'aux termes du IV de l'article 51 de la loi du 27 juillet 2010 : " Le III entre en vigueur à une date et dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat et au plus tard six mois après la publication de la présente loi " ; que selon le V de l'article 51 : " L'obligation de consultation préalable de la commission mentionnée à l'article L. 112-1 du code rural et de la pêche maritime ne s'applique pas : / (...) / 4° Aux demandes portant sur des projets de constructions, aménagements et installations déposés avant la même date " ;
9. Considérant que la demande portant sur les permis de construire en litige a été déposée le 24 septembre 2010, soit avant l'entrée en vigueur du III de l'article 51 de la loi du 27 juillet 2010, intervenue, en l'absence de date fixée par décret en Conseil d'Etat, le 28 janvier 2011 ; que, dès lors et en tout état de cause, la commission départementale de la consommation des espaces agricoles n'avait pas à être saisie du projet ;
S'agissant de la consultation de l'autorité environnementale :
10. Considérant que les dispositions de l'article 6 paragraphe 1 de la directive 85/337/CEE du Conseil du 27 juin 1985 concernant l'évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l'environnement, dans sa rédaction issue de la directive 97/11/CE du Conseil du 3 mars 1997, dont le délai de transposition a expiré le 14 mars 1999, prévoient que : " Les États membres prennent les mesures nécessaires pour que les autorités susceptibles d'être concernées par le projet, en raison de leurs responsabilités spécifiques en matière d'environnement, aient la possibilité de donner leur avis sur les informations fournies par le maître d'ouvrage et sur la demande d'autorisation. À cet effet, les États membres désignent les autorités à consulter, d'une manière générale ou cas par cas. Celles-ci reçoivent les informations recueillies en vertu de l'article 5. Les modalités de cette consultation sont fixées par les États membres " ; qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article L.122-1 du code de l'environnement dans sa rédaction issue de la loi n°2005-1319 du 26 octobre 2005 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de l'environnement qui transpose cette directive, seule applicable aux demandes de permis de construire présentées, ce qui est le cas en l'espèce, avant le 1er juin 2012 : " Les études préalables à la réalisation d'aménagements ou d'ouvrages qui, par l'importance de leurs dimensions ou leurs incidences sur le milieu naturel, peuvent porter atteinte à ce dernier, doivent comporter une étude d'impact permettant d'en apprécier les conséquences. Cette étude d'impact est transmise pour avis à l'autorité administrative de l'Etat compétente en matière d'environnement par l'autorité chargée d'autoriser ou d'approuver ces aménagements ou ces ouvrages " ; que l'article R. 122-6 du code de l'environnement, introduit par le décret n° 2011-2019 du 29 décembre 2011, applicables aux seuls demandes déposées à compter du 1er juin 2012, qui fait du préfet de région l'autorité environnementale pour ce type de projet, n'était pas applicable à la décision attaquée ;
11. Considérant, d'une part, que si tout justiciable peut se prévaloir, à l'appui d'un recours dirigé contre un acte administratif non réglementaire, des dispositions précises et inconditionnelles d'une directive, lorsque l'Etat n'a pas pris, dans les délais impartis par celle-ci, les mesures de transposition nécessaires, les dispositions communautaires invoquées en l'espèce sont, en raison de leur imprécision, dépourvues d'effet direct ;
12. Considérant, d'autre part et pour le surplus, que ces dispositions, telles qu'interprétées par la Cour de justice de l'Union européenne, notamment dans son arrêt rendu le 20 octobre 2011 dans l'affaire C-474/10, ne font pas obstacle à ce qu'une même autorité délivre un permis de construire et soit chargée de la consultation en matière environnementale et n'imposent pas, en particulier, qu'une autre autorité de consultation au sens de cette disposition soit créée ou désignée, pour autant que, au sein de l'autorité normalement chargée de procéder à la consultation en matière environnementale et désignée comme telle, une séparation fonctionnelle soit organisée de manière à ce qu'une entité administrative, interne à celle-ci, dispose d'une autonomie réelle, impliquant notamment qu'elle soit pourvue de moyens administratifs et humains qui lui sont propres, et soit ainsi en mesure de remplir les missions confiées aux autorités de consultation par ces dispositions ; qu'en l'espèce, l'avis du préfet de région Picardie, autorité environnementale a été préparé par la direction régionale de l'environnement de l'aménagement et du logement de Picardie, service disposant d'une autonomie réelle, pourvue de moyens administratifs et humains qui lui sont propres et qui lui permettent de remplir les missions confiées au préfet de région par ces dispositions ; que cette direction n'est pas chargée de l'instruction des permis de construire litigieux dont il ressort des pièces du dossier qu'elle a été assurée par la direction départementale des territoires du département de l'Aisne ; qu'aucune disposition de la directive n'interdit que l'autorité environnementale soit, dans certains cas, l'autorité compétente pour délivrer ou refuser un permis de construire un aérogénérateur ; que le moyen tiré de l'irrégularité de l'avis de l'autorité environnementale doit être écarté ;
S'agissant de l'irrégularité du dossier de demande de permis de construire :
13. Considérant qu'aux termes de l'article R. 423-1 du code de l'urbanisme : " Les demandes de permis de construire, (...) sont adressées par pli recommandé avec demande d'avis de réception ou déposées à la mairie de la commune dans laquelle les travaux sont envisagés : / a) Soit par le ou les propriétaires du ou des terrains, leur mandataire ou par une ou plusieurs personnes attestant être autorisées par eux à exécuter les travaux ; / (...) " ; qu'en vertu du dernier alinéa de l'article R. 431-5 du même code, la demande de permis de construire comporte " l'attestation du ou des demandeurs qu'ils remplissent les conditions définies à l'article R. 423-1 pour déposer une demande de permis " ;
14. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que les demandes de permis de construire doivent seulement comporter l'attestation du pétitionnaire qu'il remplit les conditions définies à l'article R. 423-1 cité ci-dessus ; que les autorisations d'utilisation du sol, qui ont pour seul objet de s'assurer de la conformité des travaux qu'elles autorisent avec la législation et la réglementation d'urbanisme, étant accordées sous réserve du droit des tiers, il n'appartient pas à l'autorité compétente de vérifier, dans le cadre de l'instruction d'une demande de permis, la validité de l'attestation établie par le demandeur ; qu'ainsi, sous réserve de la fraude, le pétitionnaire qui fournit l'attestation prévue à l'article R. 423-1 du code doit être regardé comme ayant qualité pour présenter sa demande ; que les tiers ne sauraient utilement invoquer, pour contester une décision accordant une telle autorisation au vu de l'attestation requise, la circonstance que l'administration n'en aurait pas vérifié l'exactitude ; que, toutefois, lorsque l'autorité saisie d'une telle demande de permis de construire vient à disposer au moment où elle statue, sans avoir à procéder à une mesure d'instruction lui permettant de les recueillir, d'informations de nature à établir son caractère frauduleux ou faisant apparaître, sans que cela puisse donner lieu à une contestation sérieuse, que le pétitionnaire ne dispose, contrairement à ce qu'implique l'article R. 423-1 du code de l'urbanisme, d'aucun droit à la déposer, il lui revient dans ce cas seulement de refuser la demande de permis pour ce motif ;
15. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier qu'au 24 septembre 2010, date de dépôt de la demande des permis de construire, Mme S. avait conclu avec la société Ferme éolienne du Saint-Quentinois une convention de mise à disposition de sa parcelle afin d'y mener des études et obtenir les autorisations portant sur l'installation d'une des éoliennes en litige, assortie d'une promesse de bail ; que cette convention conclue le 25 septembre 2007 pour une durée de cinq ans expirait le 25 septembre 2012 ; qu'ainsi donc, tant à la date du dépôt de la demande qu'à la date à laquelle le préfet a statué, la société Ferme éolienne du Saint-Quentinois disposait d'un titre l'habilitant à déposer une demande de permis ; que si Mme S. avait fait connaître au commissaire enquêteur, lors de l'enquête publique, son intention de ne pas conclure de bail avec la société pétitionnaire et si elle n'était pas disposée à prolonger par avenant la convention initiale, ces circonstances ne suffisaient pas à remettre en question l'autorisation du propriétaire dont la société pouvait toujours valablement se prévaloir auprès de l'administration ; que, par suite, en l'absence de fraude révélée à l'administration dans les conditions rappelées au point précédent, il n'appartenait pas au préfet de Picardie de remettre en question l'attestation de la société pétitionnaire pour une des éoliennes pour lesquelles elle sollicitait un permis de construire ;
S'agissant du moyen tiré de l'insuffisance de l'étude d'impact :
16. Considérant que les inexactitudes, omissions ou insuffisances d'une étude d'impact ne sont susceptibles de vicier la procédure, et donc d'entraîner l'illégalité de la décision prise au vu de cette étude, que si elles ont pu avoir pour effet de nuire à l'information complète de la population ou si elles ont été de nature à exercer une influence sur la décision de l'autorité administrative ;
17. Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article R. 122-3 du code de l'environnement, alors en vigueur : " I. - Le contenu de l'étude d'impact doit être en relation avec l'importance des travaux et aménagements projetés et avec leurs incidences prévisibles sur l'environnement. / II. - L'étude d'impact présente successivement : / 1° Une analyse de l'état initial du site et de son environnement, portant notamment sur les richesses naturelles et les espaces naturels agricoles, forestiers, maritimes ou de loisirs, affectés par les aménagements ou ouvrages ; / 2° Une analyse des effets directs et indirects, temporaires et permanents du projet sur l'environnement, et en particulier sur la faune et la flore, les sites et paysages, le sol, l'eau, l'air, le climat, les milieux naturels et les équilibres biologiques, sur la protection des biens et du patrimoine culturel et, le cas échéant, sur la commodité du voisinage (bruits, vibrations, odeurs, émissions lumineuses) ou sur l'hygiène, la santé, la sécurité et la salubrité publique ; / 3° Les raisons pour lesquelles, notamment du point de vue des préoccupations d'environnement, parmi les partis envisagés qui font l'objet d'une description, le projet présenté a été retenu ; / 4° Les mesures envisagées par le maître de l'ouvrage ou le pétitionnaire pour supprimer, réduire et, si possible, compenser les conséquences dommageables du projet sur l'environnement et la santé, ainsi que l'estimation des dépenses correspondantes ; / 5° Une analyse des méthodes utilisées pour évaluer les effets du projet sur l'environnement mentionnant les difficultés éventuelles de nature technique ou scientifique rencontrées pour établir cette évaluation (...) " ;
A propos de l'étude acoustique :
18. Considérant que l'étude d'impact intègre une étude acoustique de quarante-huit pages qui comporte une analyse complète des émergences sonores dont les requérants ne contestent pas le sérieux et qui conclut à l'existence d'un risque acoustique du champ éolien jugé probable à très probable, en terme de dépassement d'émergence globale et spectrale ; que si l'auteur de l'étude relève qu'en l'absence de données spectrales propres à l'éolienne V112 de chez Vestas alors disponible, il a choisi d'utiliser la signature spectrale des éoliennes V90, plus bruyantes, et s'il a renvoyé l'affinement des données à une mise à jour, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'imprécision ou la marge d'erreur susceptible d'en résulter, serait, en l'espèce, d'une gravité suffisante pour avoir nui à l'information complète du public ou avoir été de nature à exercer une influence sur la décision du préfet ; qu'en outre et en tout état de cause, les mesures d'émergence spectrale prévues par les articles R. 1334-32 et R. 1334-34 du code de la santé publique n'étaient pas, à la date de la décision attaquée, exigées par le code de l'environnement pour répondre aux exigences de l'étude d'impact ;
A propos de l'étude écologique :
19. Considérant que s'il est loisible au juge administratif, afin d'étayer son appréciation, de prendre en compte les recommandations figurant dans les documents, tels que des guides méthodologiques, élaborés par l'administration à destination des publics concernés, ces recommandations, qui sont par elles-mêmes dépourvues de toute portée normative, ne sauraient dicter son raisonnement ; que le moyen tiré de ce que les préconisations du guide de l'étude d'impact pour l'environnement des projets éoliens mis au point par le ministère de l'écologie dans ses versions 2005 et 2010 et les recommandations de la société française d'études pour la protection des mammifères n'auraient pas été intégralement respectées, ne saurait, dès lors, prospérer ;
20. Considérant que l'étude d'impact comporte une étude écologique de cent six pages qui traite des aspects relatifs à la flore et la faune et notamment ceux concernant les oiseaux et les chauves-souris ; que, s'agissant, d'une part, des oiseaux, l'étude conclut que la zone d'étude, considérée de manière stricte, n'héberge aucune espèce avienne d'intérêt patrimonial, ce qui lui confère un intérêt ornithologique faible ; qu'elle conclut, en revanche, que l'intérêt ornithologique s'élève à un niveau très fort si l'on prend en considération les abords de la zone d'étude avec la reproduction du tadorne de belon, du busard Saint-Martin et de l'oedicnème criard, et que la conservation de ces espèces au niveau local constitue un enjeu dans le cadre de ce projet ; que les critiques formulées par les requérants concernant la méthodologie de l'observation de l'avifaune, et notamment les périodes retenues, ne permettent pas de mettre en cause ces conclusions qui mettent en évidence les problèmes posés par l'installation de nouvelles éoliennes pour certaines espèces ; qu'il ne ressort pas, par ailleurs, des pièces du dossier que le potentiel migratoire du plateau de Régny aurait été sous-estimé ; que, s'agissant, d'autre part, des chauves-souris, l'étude relève que l'intérêt de la zone d'étude pour les chiroptères est relativement élevé en période estivale, qu'il est relativement faible en période de migration et de transit, la vallée de l'Oise, assez proche présentant un caractère plus attractif pour ces animaux, et qu'il est faible en période d'hibernation ; que les critiques de la méthodologie par les requérants ne mettent pas en cause ces conclusions ;
21. Considérant qu'il résulte des deux points précédents que le moyen tiré des insuffisances ou omissions de l'étude d'impact ainsi que ses annexes, doit être écarté ;
S'agissant de la méconnaissance de l'article R. 111-15 du code de l'urbanisme :
22. Considérant qu'aux termes de l'article R. 111-15 du code de l'urbanisme : " Le permis (...) doit respecter les préoccupations d'environnement définies aux articles L. 110-1 et L. 110-2 du code de l'environnement. Le projet peut n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si, par son importance, sa situation ou sa destination, il est de nature à avoir des conséquences dommageables pour l'environnement " ;
23. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment de l'étude d'impact, qui est d'ailleurs suffisamment précise sur les enjeux environnementaux, que, d'une part, si le projet est susceptible d'avoir des conséquences dommageables pour l'avifaune, celles-ci peuvent être considérées comme globalement acceptables et qu'elles peuvent même être atténuées par certaines mesures de précaution, et pour autant que la multiplication des parcs éoliens ne crée pas à l'avenir un effet de barrière ; que, d'autre part, sans que le risque de collision puisse être tout à fait exclu, les effets négatifs pour les chiroptères ne sont pas particulièrement importants, et qu'ils pourront être réduits si une haie voisine des aérogénérateurs était déplacée ; que, par suite, au vu de ces conclusions, le préfet de la région Picardie, en accordant les permis de construire en litige, n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste dans l'appréciation de l'impact environnemental du projet au regard de l'article R. 111-15 du code de l'urbanisme ;
S'agissant de la méconnaissance de l'article R.111-21 du code de l'urbanisme :
24. Considérant qu'aux termes de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales " ;
25. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que, si les constructions projetées portent atteinte aux paysages naturels avoisinants, l'autorité administrative compétente peut refuser de délivrer le permis de construire sollicité ou l'assortir de prescriptions spéciales ; que, pour rechercher l'existence d'une atteinte à un paysage naturel de nature à fonder le refus de permis de construire ou les prescriptions spéciales accompagnant la délivrance de ce permis, il lui appartient d'apprécier, dans un premier temps, la qualité du site naturel sur lequel la construction est projetée et d'évaluer, dans un second temps, l'impact que, compte tenu de sa nature et de ses effets, cette construction pourrait avoir sur le site ;
26. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le site d'implantation des éoliennes s'insère dans une zone agricole du plateau picard composée de champs ouverts, et qui comporte également de légères ondulations du relief et quelques boisements ; que si ce paysage naturel homogène n'est pas dépourvu de tout intérêt, il comporte déjà un certain nombre de fermes éoliennes ; qu'il ne ressort pas des documents photographiques que les éoliennes projetées porteraient, quant à leur nombre ou à leurs dispositions et compte tenu des parcs existants, gravement atteinte au caractère ou à l'intérêt d'un site particulier ni qu'il entrerait en covisibilité avec un monument remarquable ; que la circonstance que toutes les éoliennes dont la construction était initialement envisagée pourraient ne pas être édifiées en définitive, n'est pas, en tout état de cause, de nature à modifier l'appréciation à porter quant aux atteintes au paysage ; que s'il ressort des pièces du dossier que le parc éolien contesté sera en covisibilité avec le parc de Mérières Sissy Chatillon sur environ un quart de l'horizon, la distance d'environ 5 kilomètres en réduit l'impact visuel ; que la covisibilité avec les autres parcs, distants d'au moins 10 kilomètres est réduite, voire minime ; qu'ainsi, compte tenu de la distance qui le sépare des parcs existants et de la configuration des lieux, il n'est pas établi que l'implantation du nouveau parc serait susceptible de provoquer un effet de saturation visuelle ; que, par suite, le préfet de la région Picardie, en accordant les permis de construire en litige, n'a pas entaché ses décisions d'une erreur manifeste dans l'appréciation de l'impact paysager du projet au regard de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme ;
27. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif d'Amiens a rejeté le surplus de leurs conclusions d'excès de pouvoir ;
Sur l'appel incident de la société Ferme éolienne du Saint-Quentinois :
28. Considérant que, pour annuler, à la demande de M. I...et autres le permis de construire l'éolienne E4, le tribunal administratif d'Amiens, par le jugement attaqué, s'est fondé par la méconnaissance par le préfet de l'obligation prévue par les dispositions, citées au point 5, du XI de l'article 90 de la loi du 12 juillet 2010 consistant à consulter la commune d'Homblières limitrophe de l'unité foncière qui supporte cet aérogénérateur ; qu'en application de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, il appartient à la cour de se prononcer sur ce seul motif d'annulation qui est contesté devant elle ;
29. Considérant que si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie ; que l'application de ce principe n'est pas exclue en cas d'omission d'une procédure obligatoire, à condition qu'une telle omission n'ait pas pour effet d'affecter la compétence de l'auteur de l'acte ;
30. Considérant qu'il est constant que l'avis de la commune d'Homblières, limitrophe de l'unité foncière qui supporte l'éolienne E 04 n'a pas été sollicité en méconnaissance des dispositions précitées du XI de l'article 90 de la loi du 12 juillet 2010 et de l'article R. 423-56-1 du code de l'urbanisme ; que, toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier que les autorités de cette commune qui ne pouvaient ignorer l'existence de ce projet ayant donné lieu à un débat local et qui avait été soumis à enquête publique, avaient des raisons de s'opposer à l'installation de cette éolienne et qu'elles auraient émis un avis défavorable si elles avaient été saisies en application des dispositions précitées et que, par suite, l'absence de consultation a été de nature à exercer une influence sur le sens du permis de construire délivré par le préfet de Picardie ; qu'en outre, cet avis ne constitue pas une garantie dont la seule méconnaissance entraînerait l'annulation de l'autorisation d'urbanisme ; qu'enfin, la consultation de communes limitrophes d'une unité foncière d'emprise d'une éolienne n'étant pas un élément de la participation du public, les requérants ne sauraient davantage faire valoir qu'ils ont été privés d'une garantie ; que la société Ferme éolienne du saint Quentinois est donc fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif d'Amiens, pour annuler le permis de construire autorisant l'éolienne E 04, s'est fondé sur la violation des dispositions citées au point 5 ;
31. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif, d'examiner les autres moyens soulevés par M. I...et autres à l'encontre de cette décision ;
32. Considérant que le permis autorisant la construction de l'éolienne E 04 étant contesté par les mêmes moyens que ceux soulevés à l'encontre des autres permis afférents aux autres aérogénérateurs dont l'examen a été mené dans le cadre de l'appel principal, ceux-ci doivent être écartés par les mêmes motifs que ceux retenus aux points 3 à 26 ;
Sur les conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
33. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat et de la Ferme éolienne du Saint-Quentinois, qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes ; qu'il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. I... et autres une somme globale de 1 500 euros à verser à la société Ferme éolienne du Saint-Quentinois sur le même fondement ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. I...et autres est rejetée.
Article 2 : L'article 1er du jugement du tribunal administratif d'Amiens du 12 novembre 2014 est annulé.
Article 3 : M.I..., M.B..., Mme D...et M. D...verseront à la société Ferme éolienne du Saint-Quentinois une somme globale de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...I..., à M. L...B..., à Mme H...D..., à M. F...D..., à la ministre du logement et de l'habitat durable et à la société Ferme éolienne du Saint-Quentinois.
Copie en sera transmise pour information au préfet de la région Hauts de France et au préfet de l'Aisne.
Délibéré après l'audience publique du 14 octobre 2016 à laquelle siégeaient :
- M. Olivier Yeznikian, président de chambre,
- M. Christian Bernier, président-assesseur,
- Mme Amélie Fort-Besnard, premier conseiller.
Lu en audience publique le 10 novembre 2016.
Le président-rapporteur,
Signé : C. BERNIER Le premier vice-président de la cour,
Président de chambre,
Signé : O. YEZNIKIAN
Le greffier,
Signé : C. SIRE
La République mande et ordonne à la ministre du logement et de l'habitat durable en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
Le greffier en chef,
Par délégation,
Le greffier,
Christine Sire
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N°15DA00141