LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur les pourvois formés par :
- M. John X...,
contre l'arrêt de la cour d'appel de NÎMES, chambre correctionnelle, en date du 9 avril 2015, qui, pour outrage à magistrat, l'a condamné à un an d'emprisonnement, a ordonné la révocation de sursis et a prononcé sur les intérêts civils ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 9 février 2016 où étaient présents : M. Guérin, président, M. Talabardon, conseiller rapporteur, MM. Straehli, Finidori, Monfort, Mme Durin-Karsenty, MM. Larmanjat, Ricard, Parlos, Bonnal, conseillers de la chambre, M. Ascensi, conseiller référendaire ;
Avocat général : M. Cordier ;
Greffier de chambre : Mme Guichard ;
Sur le rapport de M. le conseiller référendaire TALABARDON et les conclusions de M. le premier avocat général CORDIER ;
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Sur la recevabilité du pourvoi formé le 15 avril 2015 ;
Attendu que le demandeur, ayant épuisé, par l'exercice qu'il en avait fait le 13 avril 2015, le droit de se pourvoir contre l'arrêt attaqué, était irrecevable à se pourvoir à nouveau contre la même décision ; que seul est recevable le pourvoi formé le 13 avril 2015 ;
Vu le mémoire personnel et les observations complémentaires produits ;
Sur les deuxième et quatrième moyens de cassation réunis, pris de la violation des dispositions de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse et de l'article 434-24 du code pénal ;
Vu les articles 434-24 du code pénal, 31 et 33 de la loi du 29 juillet 1881 ;
Attendu qu'il résulte de l'ensemble de ces textes que les expressions diffamatoires ou injurieuses proférées publiquement par l'un des moyens énoncés à l'article 23 de la loi susvisée sur la liberté de la presse, contre un magistrat de l'ordre administratif ou judiciaire à raison de ses fonctions ou à l'occasion de leur exercice, sans être directement adressées à l'intéressé, n'entrent pas dans les prévisions de l'article 434-24 du code pénal incriminant l'outrage à magistrat, et ne peuvent être poursuivies et réprimées que sur le fondement des articles 31 et 33 de ladite loi ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué, du jugement qu'il confirme partiellement et des pièces de procédure que M. X... a été poursuivi devant le tribunal correctionnel, des chefs de dénonciation calomnieuse et outrage à magistrat, en raison de la diffusion, sur un site internet et par voie d'affichage sur la voie publique, d'un texte accusant un magistrat de viol d'enfant à l'occasion de l'exercice de ses fonctions et traitant l'intéressé de " pédo-criminelle " et de " juge sorcière " ; que les juges du premier degré l'ont déclaré coupable des faits ; que le prévenu et le ministère public ont relevé appel de la décision ;
Attendu que, pour confirmer le jugement sur les poursuites du chef d'outrage, après relaxe du prévenu du chef de dénonciation calomnieuse, l'arrêt énonce que les propos incriminés constituent un outrage de nature à porter atteinte à la dignité ou au respect dû à la fonction du magistrat concerné ; que les juges ajoutent que toute expression injurieuse ou diffamatoire, lorsqu'elle s'adresse à un magistrat de l'ordre administratif ou judiciaire dans l'exercice de ses fonctions ou à l'occasion de cet exercice, est qualifiée d'outrage par l'article 434-24 du code pénal, même lorsqu'elle a été proférée publiquement ;
Mais attendu qu'en se déterminant ainsi, alors qu'il résulte de ses propres constatations que les propos incriminés n'avaient pas été adressés au magistrat visé, mais diffusés auprès du public selon l'un des moyens énoncés à l'article 23 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, la cour d'appel a méconnu les textes précités et le principe ci-dessus énoncé ;
D'où il suit que la cassation est encourue ; que, n'impliquant pas qu'il soit à nouveau statué sur le fond, elle aura lieu sans renvoi, ainsi que le permet l'article L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire ;
Par ces motifs, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de cassation proposés :
CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Nîmes, en date du 9 avril 2015, en ses dispositions relatives à la déclaration de culpabilité du chef d'outrage, aux peines et aux intérêts civils, toute autre disposition étant expressément maintenue ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Nîmes et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le premier mars deux mille seize ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.