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09/06/2015 | FRANCE | N°14VE03224

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 1ère chambre, 09 juin 2015, 14VE03224


Vu la requête, enregistrée le 21 novembre 2014, présentée pour la SA FAURECIA, dont le siège social est 2 rue Hennape à Nanterre (92735), par C/m/s/ bureau Francis Lefebvre, avocat ;

La SA FAURECIA demande à la Cour :

1° d'annuler le jugement n°1308038 du 22 septembre 2014 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande de restitution des crédits d'impôts d'origine étrangère dont elle disposait au titre des exercices clos en 2009 et 2010 ;

2° d'annuler partiellement la décision du 11 juin 2013 par laquelle le délégué charge de la di

rection des grandes entreprises a rejeté sa réclamation tendant au remboursement de ...

Vu la requête, enregistrée le 21 novembre 2014, présentée pour la SA FAURECIA, dont le siège social est 2 rue Hennape à Nanterre (92735), par C/m/s/ bureau Francis Lefebvre, avocat ;

La SA FAURECIA demande à la Cour :

1° d'annuler le jugement n°1308038 du 22 septembre 2014 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande de restitution des crédits d'impôts d'origine étrangère dont elle disposait au titre des exercices clos en 2009 et 2010 ;

2° d'annuler partiellement la décision du 11 juin 2013 par laquelle le délégué charge de la direction des grandes entreprises a rejeté sa réclamation tendant au remboursement de crédits d'impôts d'origine étrangère relatifs aux exercices 2009 et 2010 ;

3° d'enjoindre à l'administration fiscale de procéder au remboursement partiel de ces impositions soit 8 993 470 euros pour les deux exercices ;

4° de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

-l'article 220 du code général des impôts invoqué par le services pour rejeter la réclamation est inapplicable au cas de l'espèce ; cet article ne concerne en effet littéralement que les revenus de capitaux mobiliers visés aux articles 108 à 119 du code général des impôts, les intérêts de bons de caisse de l'article 1678 bis ainsi que les revenus de valeurs mobilières de source étrangère à l'exclusion de tout autre source de revenus de source étrangère ; or les crédits d'impôts en litige concernent les intérêts de créances et les redevances ;

-pour les revenus en cause, le droit au crédit d'impôt résulte exclusivement de l'application de conventions fiscales internationales, issues de modèles OCDE, pour les quinze pays concernés avec lesquels de telles conventions ont été conclues ; la seule limité posée est celle du plafonnement du crédit d'impôt au montant de l'impôt français correspondant aux revenus ouvrant droit au crédit ; il n'y a pas lieu de s'en rapporter à l'impôt dont est redevable la société mère mais à l'impôt théorique payé en France ainsi que cela ressort de la notice explicative de l'imprimé 2066 qui explique comment calculer le plafond ;

-il est faux de prétendre que les sociétés du groupe Faurecia n'ont pas été imposées en France sur les intérêts et redevances qui ont fait l'objet d'une retenue à la source à l'étranger puisque les revenus perçus ont réduit les déficits reportables du groupe et cette réduction équivaut nécessairement à une imposition ;

-s'il n'est pas imputable le crédit d'impôt doit être restitué en numéraire ; c'est notamment le cas des profits de construction qui doivent être restitués lorsqu'ils ne sont pas imputables ;

-le droit au crédit d'impôt est garanti par l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; les créances fiscales entrent dans le champ de cet article ; en refusant de les rembourser, l'administration fiscale porte atteinte à son droit à ces biens ;

...............................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble le premier protocole additionnel à cette convention ;

Vu la convention fiscale conclue entre la France et le Maroc du 29 mai 1970 modifiée par l'avenant du 18 août 1989 ;

Vu la convention fiscale conclue entre la France et le Portugal du 14 janvier 1971 ;

Vu la convention fiscale conclue entre la France et le Brésil le 10 septembre 1971 ;

Vu la convention fiscale conclue entre la France et la Tunisie le 28 mai 1973 ;

Vu la convention fiscale conclue entre la France et la Roumanie du 27 septembre 1974 ;

Vu la convention fiscale conclue entre la France et la Thaïlande du 27 décembre 1974 ;

Vu la convention fiscale conclue entre la France et le Canada du 2 mai 1975 modifiée par les avenants du 16 janvier 1987 et du 30 novembre 1995 ;

Vu la convention fiscale conclue entre la France et la Pologne du 20 juin 1975 ;

Vu la convention fiscale conclue entre la France et la Corée du 19 juin 1979 modifiée par l'avenant du 9 avril 1991 ;

Vu la convention fiscale conclue entre la France et la Chine du 30 mai 1984 ;

Vu la convention fiscale conclue entre la France et la Turquie du 18 février 1987 ;

Vu la convention fiscale conclue entre la France et le Mexique du 7 novembre 1991 ;

Vu la convention fiscale conclue entre la France et l'Inde du 29 septembre 1992 ;

Vu la convention fiscale conclue entre la France et les Etats-Unis du 31 août 1994 modifiée par l'avenant du 8 décembre 2004 et par l'avenant du 13 janvier 2009 ;

Vu la convention fiscale conclue entre la France et l'Espagne du 10 octobre 1995 ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 27 mai 2015 :

- le rapport de Mme Belle, premier conseiller,

- et les conclusions de Mme Rudeaux, rapporteur public,

1. Considérant qu'au cours des exercices clos en 2009 et 2010, certaines des filiales du groupe dont la SA FAURECIA est la mère ont acquitté des impôts à l'étranger sous forme de retenue à la source sur des intérêts de créances et redevances de source étrangère ; qu'en raison de sa situation déficitaire à l'issue des exercices clos les 31 décembre 2009 et 2010, la SA FAURECIA n'a pu bénéficier, en contrepartie de ces impositions, de crédits d'impôt prévus par les conventions fiscales conclues entre la France et les Etats où ces filiales étaient implantées ; que la SA FAURECIA demande, par la présente requête, l'annulation du jugement n°1308038 du 22 septembre 2014 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande de remboursement des sommes acquittées à l'étranger pour les deux années 2009 et 2010, soit le montant total de 8 993 470 euros ;

Sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la réclamation contentieuse :

Sur la régularité de la procédure :

2. Considérant que si la SA FAURECIA soutient que c'est à tort que sa réclamation a été rejetée sur le fondement de l'article 220 du code général des impôts qui était inapplicable en l'espèce, elle avait elle-même, toutefois, invoqué cet article dans sa réclamation ; qu'en tout état de cause à supposer, que cette motivation soit irrégulière ou mal fondée, la circonstance que le rejet de sa réclamation serait mal motivé est sans influence tant sur la régularité de la procédure que sur le bien-fondé de l'imposition ;

Sur la loi fiscale :

3. Considérant qu'aux termes de l'article 223 A du code général des impôts, dans sa rédaction alors en vigueur : " Une société peut se constituer seule redevable de l'impôt sur les sociétés dû sur l'ensemble des résultats du groupe formé par elle-même et les sociétés dont elle détient 95 % au moins du capital, de manière continue au cours de l'exercice, directement ou indirectement par l'intermédiaire de sociétés (...). Chaque société du groupe et tenue solidairement au paiement de l'impôt sur les sociétés (...) " ; qu'aux termes de l'article 223 O de ce code : " 1. La société mère est substituée aux sociétés du groupe pour l'imputation sur le montant de l'impôt sur les sociétés dont elle est redevable au titre de chaque exercice : a) Des crédits d'impôt attachés aux produits reçus par une société du groupe et qui n'ont pas ouvert droit à l'application du régime des sociétés mères visé aux articles 145 et 216 (...) " ;

4. Considérant qu'il résulte des dispositions précitées de l'article 223 O du code général des impôt, que la SA FAURECIA est seule en droit, en sa qualité de société mère du groupe fiscal intégré redevable de l'impôt sur les sociétés du groupe, de se substituer aux sociétés du groupe pour la détermination du crédit d'impôt qu'elles lui ont transmis qui est imputable sur l'impôt sur les sociétés, sans que la situation déficitaire du groupe puisse mettre fin à cette substitution ; qu'ainsi, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que le régime d'intégration défini par les dispositions précitées est sans influence sur ces modalités au motif que les crédits d'impôt resteraient déterminés au niveau de chaque filiale et peuvent être remboursés à ce niveau ;

5. Considérant qu'il ne résulte d'aucune disposition législative ou réglementaire française que les crédits d'impôts résultant de retenues à la source acquittées à l'étranger par des sociétés qui y sont implantées et qui sont pris en compte dans le résultat déficitaire de la société tête de groupe puissent donner lieu à remboursement par le Trésor public en France, ni être regardés comme un acompte d'impôt sur les sociétés remboursable, à défaut de pouvoir s'imputer sur cet impôt ;

6. Considérant, toutefois, qu'il y a lieu d'examiner si les stipulations conventionnelles applicables permettent un remboursement des crédits d'impôts prévus par ces conventions, qui n'ont pu être imputés par la société requérante pour les exercices clos les 31 décembre 2009 et 2010 ;

Sur les stipulations conventionnelles des accords fiscaux bilatéraux passés entre la France et le Brésil, le Canada, la Chine, la Corée, l'Espagne, les Etats-Unis, l'Inde, le Maroc, le Mexique, la Pologne, le Portugal, la Roumanie, la Thaïlande, la Tunisie et la Turquie :

7. Considérant que la SA FAURECIA demande le bénéfice des stipulations des conventions conclues entre la France et différents pays qui ont pour objet d'éviter la double imposition des revenus de sociétés, soit en l'espèce d'intérêts et redevances acquittés à l'étranger, soit pour le Brésil, l'article 22 de la convention fiscale du 10 septembre 1971, pour le Canada, l'article 23 de la convention fiscale du 2 mai 1975 modifiée, pour la Chine, l'article 22 de la convention fiscale du 30 mai 1984, pour la Corée, l'article 23 de la convention fiscale du 19 juin 1979 modifiée, pour l'Espagne, l'article 24 de la convention fiscale du 10 octobre 1995, pour les Etats-Unis, l'article 24 de la convention fiscale du 31 août 1994 dans sa rédaction en vigueur, pour l'Inde, l'article 25 de la convention fiscale du 29 septembre 1992, pour le Mexique, l'article 21 de la convention fiscale du 7 novembre 1991, pour la Pologne l'article 23 de la convention fiscale du 20 juin 1975, pour le Portugal, l'article 24 de la convention fiscale du 14 janvier 1971, pour la Roumanie, l'article 24 de la convention fiscale du 27 septembre 1974, pour la Thaïlande l'article 25 de la convention fiscale du 27 décembre 1974 ; que ces différentes stipulations prévoient, pour faire obstacle à la double imposition de revenus imposés à titre de retenues à la source à l'étranger, l'imputation de crédits d'impôts qui résultent de ces retenues à la source sur l'impôt français ; qu'aucune des stipulations de ces conventions ne prévoit cependant le remboursement au profit de la société tête de groupe en France des crédits d'impôts correspondant à ceux acquittés par ses filiales à l'étranger lorsque la société mère implantée en France est déficitaire ; qu'en outre, la société requérante ne peut se prévaloir utilement des stipulations de l'article 25 de la convention fiscale du 29 mai 1970 modifiée conclue entre la France et le Maroc, de l'article 29 de la convention fiscale du 28 mai 1973 conclue entre la France et la Tunisie, et de l'article 23 de la convention fiscale du 18 février 1987 conclue entre la France et la Turquie, qui ne prévoient aucun mécanisme de crédit d'impôt ; que, dès lors, la SA FAURECIA n'est pas fondée à se prévaloir de l'ensemble de ces stipulations pour obtenir ce remboursement ;

8. Considérant enfin que la SA FAURECIA ne peut utilement invoquer le silence gardé par ces conventions fiscales bilatérales sur la question du remboursement de crédits d'impôts dès lors que lesdites conventions ne peuvent être interprétées que littéralement, leur silence sur ce point ne pouvant fonder en droit la demande de restitution ;

Sur les stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :

9. Considérant qu'aux termes de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes " ;

10. Considérant que la SA FAURECIA a seulement constaté, pour la majorité de ces conventions, des crédits d'impôts imputables, en cas d'exercice excédentaire, sur l'impôt acquitté en France ; que les exercices clos en 2009 et 2010 de la société tête de groupe étant déficitaires, elle ne disposait d'aucun crédit d'impôt imputable, ni d'aucune créance sur le Trésor pour lesdits exercices ; que, dès lors, la requérante ne dispose, en application de ces conventions fiscales, d'aucun crédit d'impôt dont elle serait fondée à demander le remboursement ; qu'elle ne peut donc se prévaloir d'aucune créance pouvant être regardée comme constituant un bien au sens des stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Sur la doctrine :

11. Considérant que la SA FAURECIA ne peut se prévaloir de la notice imprimée n°2066-SD de la nomenclature administrative jointe aux déclarations d'impôts, faisant état de retenues à la source acquittées à l'étranger qu'elle a reçue pour déposer ses déclarations, ne s'agissant pas, en l'espèce, d'une doctrine opposable aux services fiscaux et qui, en tout état de cause, ne prévoit que l'imputation de crédits d'impôts sur un exercice excédentaire et non le remboursement qu'elle demande des sommes acquittées à l'étranger ; que si elle invoque en outre le bénéfice de la doctrine référencée BOI-INT-DG-20-20-100-20141226 n°43, selon laquelle " le crédit d'impôt sera limité au montant de l'impôt français calculé à raison des mêmes revenus " ces éléments de doctrine ne sont pas davantage invocables au soutien du remboursement qu'elle demande ;

12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SA FAURECIA n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande ; que ses conclusions à fin d'injonction, ensemble ses conclusions tendant au versement du montant des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ne peuvent qu'être rejetées, par voie de conséquence ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de la SA FAURECIA est rejetée.

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N°14VE03224 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 14VE03224
Date de la décision : 09/06/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Généralités - Textes fiscaux.

Contributions et taxes - Généralités - Textes fiscaux - Conventions internationales.

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières - Bénéfices industriels et commerciaux - Détermination du bénéfice net - Déduction des impôts et pénalités.


Composition du Tribunal
Président : M. BARBILLON
Rapporteur ?: Mme Laurence BELLE VANDERCRUYSSEN
Rapporteur public ?: Mme RUDEAUX
Avocat(s) : CMS BUREAU FRANCIS LEFEBVRE

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2015-06-09;14ve03224 ?
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