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21/07/2015 | FRANCE | N°14VE02708

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 3ème chambre, 21 juillet 2015, 14VE02708


Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code de commerce ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- la loi n° 2004-803 du 9 août 2004 ;

- le décret n° 2004-1354 du 10 décembre 2004 ;

- le décret n° 2005-278 du 24 mars 2005 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Huon, premier conseiller,

- les conclusions de M. Coudert rapporteur pub

lic,

- et les observations de Me Marnat, avocat de la société GDF SUEZ.

1. Considérant que recours n° 14VE02708 formé par le MIN...

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code de commerce ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- la loi n° 2004-803 du 9 août 2004 ;

- le décret n° 2004-1354 du 10 décembre 2004 ;

- le décret n° 2005-278 du 24 mars 2005 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Huon, premier conseiller,

- les conclusions de M. Coudert rapporteur public,

- et les observations de Me Marnat, avocat de la société GDF SUEZ.

1. Considérant que recours n° 14VE02708 formé par le MINISTRE DES FINANCES ET DES COMPTES PUBLICS et la requête n° 14VE02722 présentée par la société GDF SUEZ sont dirigés contre le même jugement ; qu'il y a lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt ;

2. Considérant que la société GDF SUEZ, qui exploite une activité de distribution d'énergie, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité de ses exercices 2006, 2007 et 2008 ; qu'à l'issue de ce contrôle et aux termes de propositions de rectifications des 17 décembre 2010 et 2 août 2011, l'administration a notamment, d'une part, rejeté la déduction d'une provision comptabilisée en 2007 par l'entreprise au titre des rentes futures pour accidents du travail et maladies professionnelles (AT/MP) et, d'autre part, remis en cause l'application des dispositions de l'article 219-I a quinquies à la plus-value constatée en 2008 par la société à l'occasion de la vente des titres qu'elle détenait dans la société espagnole Gas Natural ; que le MINISTRE DES FINANCES ET DES COMPTES PUBLICS fait appel du jugement du 10 juillet 2014 du Tribunal administratif de Montreuil en tant que, par ce jugement, le tribunal a déchargé la société

GDF SUEZ des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution sociale, ainsi que des pénalités correspondantes, auxquelles elle a été assujettie au titre de son exercice 2007 à raison du premier des deux chefs de rectification précités ; que la société GDF SUEZ relève appel de ce même jugement en tant qu'il a rejeté sa demande relative au second de ces chefs, ladite demande devant être regardée comme tendant à la rectification de son résultat déficitaire de l'exercice 2008 ;

Sur l'appel du ministre :

3. Considérant que la provision litigieuse a été constituée par la société GDF SUEZ à la suite de la réforme, opérée par la loi n° 2004-803 du 9 août 2004, du financement des prestations bénéficiant aux salariés de la branche des industries électriques et gazières (IEG) en vue de faire face à la charge résultant, selon elle, de l'obligation légale qui lui incombe d'assurer le paiement des rentes d'AT/MP aux salariés ou anciens salariés de l'entreprise ; qu'elle a déterminé cette provision en se fondant sur le calcul actuariel par lequel, tous les ans, la Caisse nationale des industries électriques et gazières (CNIEG), créée par la loi précitée, évalue les engagements de la totalité des sociétés de la branche IEG en matière de rentes AT/MP puis affecte à chaque société une contribution qui est fonction de l'importance de sa masse salariale dans la masse salariale des entreprises de la branche ;

4. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 16 de la loi du 9 août 2004 susvisée: " I.- A compter du 1er janvier 2005, le fonctionnement du régime d'assurance vieillesse, invalidité, décès, accidents du travail et maladies professionnelles des industries électriques et gazières prévu par l'article 47 de la loi n° 46-628 du 8 avril 1946 sur la nationalisation de l'électricité et du gaz est assuré par la Caisse nationale des industries électriques et gazières. Elle est chargée de verser aux affiliés les prestations en espèces correspondantes, dans les conditions prévues au II, de recouvrer et de contrôler les cotisations, dans les conditions prévues au III, et de recouvrer et de contrôler la contribution tarifaire, dans les conditions prévues à l'article 18 de la présente loi (...) / La Caisse nationale des industries électriques et gazières est un organisme de sécurité sociale de droit privé, doté de la personnalité morale. Elle est chargée d'une mission de service public au profit des personnels salariés et retraités des industries électriques et gazières dont le statut est fixé par l'article 47 de la loi n° 46-628 du 8 avril 1946 précitée (...) / II.- Les personnels salariés et retraités des industries électriques et gazières sont, à compter du 1er janvier 2005, affiliés de plein droit, pour les risques mentionnés au présent article, à la Caisse nationale des industries électriques et gazières. La caisse leur verse les prestations en espèces correspondantes (...) " ; qu'aux termes de l'article 1er du décret du 10 décembre 2004 relatif à la Caisse nationale des industries électriques et gazières : " I. - La Caisse nationale des industries électriques et gazières a pour rôle : / 1° De procéder, pour l'ouverture des droits aux prestations en espèces au titre des risques vieillesse, invalidité, décès, accidents du travail et maladies professionnelles, à l'immatriculation et à la radiation de ses affiliés ; / 2° De recouvrer les recettes destinées au financement des prestations afférentes aux risques mentionnés ci-dessus, notamment les cotisations sociales, la contribution instituée par l'article 18 de la loi du 9 août 2004 susvisée, les cotisations ou contributions sociales recouvrées pour compte de tiers sur les prestations qu'elle sert aux ressortissants du régime ainsi que les recettes destinées à financer le service des prestations qu'elle sert en application du II du présent article ; / 3° D'assurer le service des prestations en espèces au titre des risques mentionnés au 1° du présent article ; / 4° D'exercer les missions relatives aux conventions financières passées avec la Caisse nationale d'assurance vieillesse des travailleurs salariés, l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale, les fédérations d'institutions de retraite complémentaire prévues par l'article 19 de la loi du

9 août 2004 susvisée ; elle assure notamment le versement à leurs bénéficiaires des contributions exceptionnelles, forfaitaires et libératoires ; / 5° D'assurer la gestion de la trésorerie relative, d'une part, aux risques mentionnés au 1° du présent article et, d'autre part, au service des prestations prévues par le II du présent article ; / 6° D'évaluer, chaque année, le montant des droits spécifiques du régime d'assurance vieillesse de la branche des industries électriques et gazières pour les périodes validées au 31 décembre 2004 ; / 7° De donner, chaque année, aux entreprises de la branche les informations dont elle dispose et qui sont nécessaires à l'évaluation de leurs engagements comptables ; / 8° De recueillir auprès des entreprises, chaque année, les informations concernant les mesures qu'elles ont prises pour assurer le financement des droits spécifiques constitués à compter du 1er janvier 2005 (...) " ; qu'aux termes de

l'article 1er du décret n° 2005-278 du 24 mars 2005 relatif aux ressources de la Caisse nationale des industries électriques et gazières : " I. - Les recettes de la Caisse nationale des industries électriques et gazières sont constituées par : (...) / 6° Le produit des cotisations dues par les employeurs au titre des risques invalidité, décès, accidents du travail et maladies professionnelles (...) " ; qu'aux termes de l'article 2 dudit décret : " I. - Les cotisations mentionnées aux (...) 6° (...) du I de l'article 1er du présent décret sont assises, par dérogation à l'assiette définie à l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale, sur les éléments de rémunération mentionnés au III de l'article 17 de la loi du 9 août 2004 susvisée, comprenant les rémunérations, salaires et traitements attribués à titre principal aux salariés, notamment la gratification de fin d'année et les majorations versées en application des articles 9 et 14 du statut national du personnel des industries électriques et gazières mentionné ci-dessus (...) " ; qu'aux termes de l'article 4 de ce même décret : " I. - Les taux des cotisations à la charge des employeurs mentionnées aux (...) 6° (...) du I de l'article 1er du présent décret sont déterminés par la caisse afin d'assurer un équilibre entre les charges et les produits au cours de chaque exercice : / 1° Le montant dû par chaque employeur est calculé sur la base d'un taux, fixé pour chaque exercice, et appliqué à la masse salariale au sens du I de l'article 2 du présent décret acquittée par l'employeur au titre des salariés relevant du statut national des industries électriques et gazières mentionné ci-dessus. Ce taux correspond au rapport entre le montant des charges du régime et celui de la masse salariale de l'ensemble des employeurs. Il intègre, le cas échéant, les prévisions d'évolution des charges au titre de l'exercice à venir, compte tenu, notamment, d'une modification des règles applicables ou de la démographie du régime ; / 2° En cas d'insuffisance de ressources, la caisse doit soit appeler une régularisation en cours d'exercice, soit augmenter les taux (...) " ;

5. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 212-1 du plan comptable général : " 1. Un passif est un élément du patrimoine ayant une valeur économique négative pour l'entité, c'est-à-dire une obligation de l'entité à l'égard d'un tiers dont il est probable ou certain qu'elle provoquera une sortie des ressources au bénéfice de ce tiers, sans contrepartie au moins équivalente attendue de celui-ci. (...) / 2. Cette obligation peut-être d'ordre légal, réglementaire ou contractuel. (...) / 3. Le tiers peut-être une personne physique ou morale, déterminable ou non. / 4. L'estimation du passif correspond au montant de la sortie de ressources que l'entité doit supporter pour éteindre son obligation envers le tiers. 5. La contrepartie éventuelle est constituée des avantages économiques que l'entité attend du tiers envers lequel elle a une obligation. " ; qu'aux termes de l'article 213 de ce plan : " Une provision pour risques et charges est un passif dont l'échéance ou le montant n'est pas fixé de façon précise. " ; qu'aux termes de l'article 39 du code général des impôts : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant, sous réserve des dispositions du 5, notamment : / (...) 5° Les provisions constituées en vue de faire face à des pertes ou charges nettement précisées et que des événements en cours rendent probables, à condition qu'elles aient été effectivement constatées dans les écritures de l'exercice (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions qu'une entreprise peut valablement porter en provisions et déduire des bénéfices imposables d'un exercice des sommes correspondant à des pertes ou charges qui ne seront supportées qu'ultérieurement par elle, à la condition que ces pertes ou charges soient nettement précisées quant à leur nature et susceptibles d'être évaluées avec une approximation suffisante, qu'elles apparaissent comme probables eu égard aux circonstances constatées à la date de clôture de l'exercice et qu'elles se rattachent aux opérations de toute nature déjà effectuées, à cette date, par l'entreprise ; que lorsque la nature des charges ou leurs caractéristiques interdisent de procéder autrement, elles peuvent faire l'objet d'une évaluation selon une méthode statistique à la condition que cette évaluation soit faite de manière précise et suffisamment détaillée et qu'elle prenne en compte notamment la probabilité de réalisation du risque lié à l'éloignement dans le temps ;

6. Considérant, en premier lieu, que, contrairement à ce que soutient le ministre, il ressort clairement des dispositions législatives et réglementaires citées au point 4., que la création de la CNIEG, organisme de sécurité sociale de droit privé doté de la personnalité morale, auxquels sont obligatoirement affiliés les personnels des industries électriques et gazières, n'a eu ni pour objet ni pour effet de transférer à cet organisme la responsabilité du financement des rentes AT/MP dues à ces personnels, lequel incombe à chaque employeur en vertu de son obligation de sécurité, mais de lui confier le soin d'évaluer et de collecter les sommes dues par chaque entreprise à ce titre, de leur fournir les éléments d'information nécessaires à l'évaluation de leurs engagements comptables et de servir les prestations à leurs bénéficiaires ; qu'à cet égard, il est d'ailleurs constant que la CNIEG ne dispose pas des capitaux de couverture nécessaires pour garantir les engagements correspondant au risque AT/MP généré par les employeurs concernés, lesquels, en vue de garantir l'équilibre du régime, sont tenus, en sus de leur cotisation initiale, non libératoire, de verser une cotisation supplémentaire en cas d'insuffisance de ressources constatée au titre d'un exercice ; qu'ainsi, alors que la CNIEG agit non pas comme un assureur du risque AT/MP, pour lequel elle ne constitue d'ailleurs elle-même aucune provision, mais comme un simple gestionnaire dont l'interposition est sans incidence sur l'obligation pesant sur chaque employeur envers ses salariés à l'égard desquels le risque s'est réalisé, les contributions versées à la Caisse ne peuvent être regardées que comme une modalité de financement de cette obligation, tant pour les rentes acquises avant la mise en place de la CNIEG que pour celles acquises postérieurement ; que peu importe à cet égard, la circonstance qu'en conséquence du mécanisme de péréquation prévu par le décret précité du 24 mars 2005, la contribution versée par chaque entreprise ne corresponde pas aux rentes versées à ses propres salariés mais repose sur un ratio de la masse salariale de chaque entreprise par rapport à la masse salariale de la branche dans son ensemble, étant, du reste, relevé qu'un tel ratio, représentatif du poids relatif de chaque société en termes d'effectif salarié, n'est pas étranger à l'objet et à la finalité du dispositif en cause ;

7. Considérant, en deuxième lieu, que l'administration fait valoir que les provisions litigieuses auraient été constituées en méconnaissance des normes comptables applicables dès lors que les cotisations versées à la CNIEG sont des charges normales de l'exercice au cours duquel elles sont devenues exigibles à raison de la fourniture effective d'un travail au cours de cet exercice ce qui ferait obstacle à la comptabilisation d'une provision au titre de cotisations d'exercices ultérieurs ; que, toutefois, il résulte de ce qui vient d'être dit qu'alors même que les cotisations versées annuellement par la société GDF SUEZ à la CNIEG sont assises sur les rémunérations versées au cours de ladite année à ses salariés, elles visent à la libérer de son obligation, d'ordre légal, née au cours du ou des exercices antérieurs du fait de la survenance d'accidents du travail ou de maladies professionnelles, de garantir le financement des droits acquis par les salariés concernés ; que cette obligation constitue ainsi un élément de passif existant à la clôture de l'exercice en litige mais dont l'échéance et le montant ne peuvent être fixés de manière certaine, de sorte que la provision correspondante a été comptabilisée en conformité avec les prescriptions des articles 212-1 et 212-3 du plan comptable général ; qu'à cet égard, l'administration ne saurait utilement se prévaloir d'un avis de la compagnie nationale des commissaires aux comptes publié en décembre 2012 qui, outre qu'il n'a pas de force obligatoire et qu'il est relatif aux cotisations du régime général de sécurité sociale, est postérieur aux exercices en cause dans la présente espèce ;

8. Considérant, enfin, ainsi qu'il vient d'être dit, que le versement des salaires durant un exercice donné, dont le montant n'est que l'une des composantes permettant de liquider les cotisations, ne constitue pas le fait générateur de l'obligation de l'entreprise de contribuer au service des rentes en faveur des personnels en situation d'AT/MP laquelle, trouvant sa source dans la réalisation du risque, se rapporte donc aux opérations précédemment réalisées par l'entreprise en employant ces personnels ; qu'ainsi, la probabilité de la charge - dont il est constant qu'elle est elle-même déductible - correspondant à cette obligation résulte de circonstances constatées à la date de clôture de l'exercice et se rattache aux opérations de toute nature déjà effectuées, à cette date, par l'entreprise ; que, par ailleurs, alors que n'est pas contestée la pertinence du calcul actuariel établi annuellement par la CNIEG afin de déterminer le montant total des engagements de l'ensemble des sociétés de la banche IEG, l'administration ne saurait sérieusement soutenir que les provisions litigieuses n'auraient pas été évaluées avec une approximation suffisante au motif que la contribution de la requérante ne dépendrait que du rapport de sa masse salariale sur la masse salariale totale de la branche, dès lors que ce mode de calcul, en lui-même très précis, est imposé par les dispositions législatives et réglementaires applicables au régime AT/MP des IEG ; que, de même, si le ministre soutient, de manière générale, que la provision constituée par la société " ne peut tenir compte de la variation de la masse salariale susceptible de fluctuer au cours de la période de paiement des cotisations ", cette simple éventualité, qui ne se réfère à aucun évènement en cours, ne fait pas obstacle à ce que la provision litigieuse soit tenue pour justifiée à la date à laquelle elle a été constituée dès lors que la société l'a calculée en prenant en compte, comme elle y était tenue, l'étendue de ses obligations d'après la situation de fait et de droit existant à la date de clôture de l'exercice ; que, par suite, c'est par une exacte application des dispositions du 5° du 1. de l'article 39 du code général des impôts que le tribunal administratif a estimé que ladite provision était déductible des résultats de l'exercice 2007 de la société GDF SUEZ ;

9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le MINISTRE DES FINANCES ET DES COMPTES PUBLICS n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a déchargé la société GDF SUEZ des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contributions sociales, ainsi que des intérêts de retard y afférents, auxquelles elle a été assujettie au titre de son exercice 2007 à raison de la remise en cause des provisions pour rentes futures d'accidents du travail et de maladies professionnelles ;

Sur l'appel de la société GDF SUEZ :

10. Considérant que le service vérificateur a relevé que, le 21 juillet 2008, la SA SUEZ a cédé à sa filiale belge Genfina Scrl sa participation dans la société espagnole Gas Natural acquise en 2004, soit 0,4 % du capital de cette société, au prix de 65 419 460 euros, dégageant une plus-value de 30 092 430 euros que la société a placée sous le régime du a quinquies du I de l'article 219 du code général des impôts ; qu'après avoir relevé que la société GDF SUEZ, venant aux droits de la SA SUEZ à la suite de la fusion des sociétés GDF et SUEZ le

22 juillet 2008, détenait directement ou indirectement moins de 10 % du capital de la société Gas Natural et ne disposait d'aucun représentant dans les organes de direction de cette société, l'administration a considéré que les titres en cause ne pouvaient être regardés comme des titres de participation et que la plus-value réalisée, requalifiée en plus-value à court terme, devait être imposée à l'impôt sur les sociétés dans les conditions de droit commun conformément aux dispositions de l'article 38 du code général des impôts ; que l'administration a donc rapporté le montant de cette plus-value aux résultats de l'exercice clos par la société GDF SUEZ en 2008, après retraitement de la quote-part pour frais et charges initialement réintégrée, soit une rectification nette de 28 629 051 euros ;

11. Considérant qu'aux termes de l'article 38 du code général des impôts : " 1. Sous réserve des dispositions des articles 33 ter, 40 à 43 bis et 151 sexies, le bénéfice imposable est le bénéfice net, déterminé d'après les résultats d'ensemble des opérations de toute nature effectuées par les entreprises, y compris notamment les cessions d'éléments quelconques de l'actif, soit en cours, soit en fin d'exploitation (...) " ; qu'aux termes de l'article 39 duodecies de ce code :

" 1. Par dérogation aux dispositions de l'article 38, les plus-values provenant de la cession d'éléments de l'actif immobilisé sont soumises à des régimes distincts suivant qu'elles sont réalisées à court ou à long terme (...) " ; qu'aux termes de l'article 219 du même code, applicable à l'espèce : " I. (...) / a quinquies. Pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 2006, le montant net des plus-values à long terme afférentes à des titres de participation fait l'objet d'une imposition séparée au taux de 8 %. Ce taux est fixé à 0 % pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 2007 (...) / Pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 2007, une quote-part de frais et charges égale à 5 % du résultat net des plus-values de cession est prise en compte pour la détermination du résultat imposable. / Les titres de participation mentionnés au premier alinéa sont les titres de participation revêtant ce caractère sur le plan comptable (...) " ; que le plan comptable général de 1982, qui, sur ce point, n'a pas été contredit par le plan comptable général de 1999, précise que les titres de participation sont ceux dont la possession durable est estimée utile à l'activité de l'entreprise, notamment parce qu'elle permet d'exercer une influence sur la société émettrice des titres ou d'en assurer le contrôle ; qu'une telle utilité peut notamment être caractérisée si les conditions d'achat des titres en cause révèlent l'intention de l'acquéreur d'exercer une influence sur la société émettrice et lui donnent les moyens d'exercer une telle influence ; qu'en outre, sauf preuve contraire, sont présumés être des titres de participation les titres représentant au moins 10 % du capital d'une entreprise, ainsi que le prévoit aussi l'instruction 4 B-1-08 du 4 avril 2008 ;

12. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société Hisusa, filiale de Suez Environnement à 51 %, elle-même filiale à 100 % de la SA SUEZ, a acquis, respectivement en 2002 et 2007, 5 % et 1,35 % du capital de la société Gas Natural ; que la SA SUEZ a

elle-même acquis 0,4 % du capital de cette société en 2002 puis 4,55 % en 2007 ; que, par suite, à la date de cession des titres litigieux, la SA SUEZ détenait directement 4,95 % de la société cible, ce qui, du reste, n'est pas discuté ; que, par ailleurs, dès lors qu'elle contrôlait la société Hisusa au sens de l'article L. 233-3 du code de commerce, elle détenait indirectement, conformément à l'article L. 233-4 du même code, 6,35 % du capital de la société Gas Natural, ainsi d'ailleurs qu'il ressort du rapport financier de l'année 2007 établi par cette société ; qu'à cet égard, pour contester le taux de détention indirecte, le ministre ne peut utilement faire valoir que, dans le cadre des opérations de rapprochement entre les sociétés SUEZ et GDF, les titres de la société Suez Environnement ont été apportés à la société Suez Environnement Company dont la société GDF SUEZ ne détenait que 35 %, dès lors que ces opérations n'ont été réalisées que le

22 juillet 2008, de sorte que, nonobstant leur effet rétroactif, elles ne sauraient avoir d'incidence pour l'appréciation des conditions de réalisation, le 21 juillet 2008, de la cession litigieuse par la SA SUEZ, qui à cette date détenait donc directement 4,95 % et indirectement 6,35 %, soit au total 11,3 %, de la société cible ; qu'ainsi, dès lors qu'elle disposait de plus de 10 % du capital de la société Gas Natural, il incombe à l'administration de combattre la présomption de ce que les titres cédés constituaient des titres de participation ;

13. Considérant, à cet égard, que le ministre soutient que la SA SUEZ poursuivait principalement un objectif de rentabilité financière et, qu'absente du pacte conclu par les deux autres actionnaires principaux de Gas Natural et dépourvue de représentants au sein des organes de direction, elle n'a jamais exercé de contrôle ou d'influence sur ladite société ; que, toutefois, d'une part, l'administration n'apporte aucun élément pertinent de nature à révéler une pure intention spéculative alors que, outre que les titres cédés ont été conservés pendant quatre ans, il ressort en particulier des procès-verbaux du conseil d'administration de la société SUEZ des 7 janvier 2004, 24 février 2006, 7 mars et 7 juillet 2007 ainsi que des analyses parues dans la presse spécialisée que la montée progressive du groupe SUEZ au capital de Gas Natural, qui a d'ailleurs nécessité une autorisation de l'autorité de régulation espagnole pour franchir le seuil des 10 %, s'est inscrite dans une stratégie à moyen-long terme visant à s'implanter sur le marché espagnol de l'énergie, stratégie participant elle-même de l'objectif, plus vaste, de renforcer la position en Europe en profitant de la croissance de certains pays ; que, du reste, l'administration, qui relève elle-même que la société avait déjà tenté, en vain, une alliance avec une autre société espagnole d'énergie, ne conteste pas sérieusement la volonté d'implantation de la société SUEZ en Espagne ni que sa participation au capital de Gas Natural était susceptible d'avoir un impact favorable sur son activité en concourant notamment à son développement à l'étranger ; que, d'autre part, dans ce contexte, les prises de participation successives dans la société cible, représentant un investissement total de 1,2 milliards d'euros dans ladite société dont le groupe SUEZ est devenu, en six ans, le troisième actionnaire, ne peuvent être regardées que comme ayant eu pour objet d'accroître son influence sur la politique industrielle et financière de la société Gas Natural ; que, si la SA SUEZ n'était pas partie au pacte d'actionnaires réunissant les sociétés Repsol et Caixa et ne disposait d'aucun administrateur, ces circonstances, au demeurant conformes à la stratégie définie par l'entreprise telle qu'évoquée publiquement par le président du groupe, ne l'ont pas privée de tout pouvoir d'influence, étant par ailleurs relevé que si in fine, après la fusion avec GDF, le groupe GDF SUEZ a renoncé à poursuivre son alliance avec Gas Natural, il n'en demeure pas moins que, par son importance relative, l'acquisition des titres, inscrits dès l'origine dans un compte de titres de participation, visait à exercer une influence sur la société cible, peu important que ce but n'ait pas pu être ultérieurement atteint ; que, dans ces conditions, l'administration n'établit pas que cette inscription comptable était erronée ; que c'est donc à tort qu'elle a refusé d'appliquer à la plus-value de cession en litige le bénéfice de l'imposition au taux de 0 % prévu par les dispositions précitées du a quinquies du I de l'article 219 du code général des impôts ;

14. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société GDF SUEZ est fondée à demander la majoration de son résultat déficitaire de l'exercice 2008 à hauteur de la somme 28 629 051 euros ;

Sur les conclusions de la société GDF SUEZ présentées dans les instances n° 14VE02708 et n° 14VE02722 sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

15. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation " ;

16. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme globale de 3 000 euros au titre des frais exposés par la société GDF SUEZ dans les deux instances en cause et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Les résultats déficitaires de l'exercice 2008 de la société GDF SUEZ sont majorés d'une somme de 28 629 051 euros.

Article 2 : Le jugement n° 1307279 du 10 juillet 2014 du Tribunal administratif de Montreuil est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 1er ci-dessus.

Article 3 : L'Etat versera à la société GDF SUEZ une somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le recours du MINISTRE DES FINANCES ET DES COMPTES PUBLICS et le surplus des conclusions présentées par la société GDF SUEZ sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.

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Nos 14VE02708...


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