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21/03/2018 | FRANCE | N°14PA03016

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3ème chambre, 21 mars 2018, 14PA03016


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société SMEG a demandé au Tribunal administratif de Paris de condamner l'Office national interprofessionnel des grandes cultures (ONIGC) à lui verser la somme de 1 957 671 euros ainsi que les intérêts moratoires au taux légal à compter de la réception de la demande indemnitaire du 28 décembre 2006 et la capitalisation des intérêts, en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi du fait de sa radiation du registre des déclarations d'agrément en qualité de collecteur exportateur de céréale

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Par un jugement n° 0706879 du 17 décembre 2010, le Tribunal administratif de ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société SMEG a demandé au Tribunal administratif de Paris de condamner l'Office national interprofessionnel des grandes cultures (ONIGC) à lui verser la somme de 1 957 671 euros ainsi que les intérêts moratoires au taux légal à compter de la réception de la demande indemnitaire du 28 décembre 2006 et la capitalisation des intérêts, en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi du fait de sa radiation du registre des déclarations d'agrément en qualité de collecteur exportateur de céréales.

Par un jugement n° 0706879 du 17 décembre 2010, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 11PA00829 du 30 avril 2012, la Cour administrative d'appel de Paris a rejeté la requête présentée par la société SMEG.

Par une décision n° 360568 du 4 juillet 2014, le Conseil d'Etat a annulé cet arrêt et renvoyé l'affaire devant la Cour.

Par un arrêt n° 14PA03016 du 10 mars 2016, la Cour a annulé le jugement du Tribunal administratif de Paris du 17 décembre 2010 et a décidé, avant de statuer sur la demande indemnitaire présentée par la société SMEG, de procéder à une expertise comptable par un expert désigné par son président.

Le rapport d'expertise de M.A..., expert agricole, a été déposé au greffe de la Cour le 6 avril 2017.

Procédure devant la Cour :

Par deux mémoires, enregistrés les 16 mai 2017 et 28 février 2018, la société SMEG, représentée par la SELARL Picavant-C..., demande à la Cour :

1°) d'ordonner un complément d'expertise afin de déterminer la perte du flux d'affaires que lui a occasionné le retrait de son agrément de collecteur de céréales ;

2°) de faire droit à ses conclusions de première instance ;

3°) de mettre à la charge de FranceAgriMer les frais d'expertise ainsi que la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- alors qu'elle a souligné que son préjudice résultait d'une part, de l'annulation par des agriculteurs de contrats de livraison de céréales conclus en raison du retrait de l'agrément ainsi que des publicités organisées par l'ONIC à cet égard, d'autre part, de la désaffection provoquée par le retrait d'agrément de nombreux agriculteurs n'ayant pas voulu lui céder leur production de céréales lors des campagnes de collecte ultérieures, l'expert judiciaire a décidé de ne prendre en considération que les seules conséquences des annulations de contrats déjà conclus et a refusé de prendre en compte la baisse d'activité provoquée les années suivantes par le retrait en cause ;

- les pertes découlant de la chute de la passation de nouveau contrats d'achat de céréales à partir de 2003 ont pourtant été démontrées dans l'analyse du cabinet SCEC ;

- en limitant son raisonnement sur la seule base des contrats déjà conclus et annulés, l'expert a exclu de sa base de calcul l'immense majorité de ses fournisseurs, n'a pas tenu compte de la tendance nettement orientée à la hausse de son chiffre d'affaires dans le domaine de la collecte fin septembre 2003 et a donc considérablement limité le calcul de son préjudice.

Par un mémoire, enregistré le 22 février 2018, l'établissement FranceAgriMer, représenté par MeB..., conclut au rejet de la requête, subsidiairement et pour le cas où sa responsabilité viendrait à être reconnue, à ce que le montant des réparations allouées n'excède pas celui évalué par l'expert, à la mise à la charge de la société SMEG des frais d'expertise ainsi que la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les raisons l'ayant conduit à retirer l'agrément sont pleinement avérées ;

- le préjudice invoqué par la société ne présente pas de caractère personnel et une certitude suffisante pour justifier sa requête.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Pena,

- les conclusions de Mme Delamarre, rapporteur public,

- et les observations de MeC..., représentant la société SMEG NV, et de MeB..., représentant FranceAgrimer.

Une note en délibéré présentée pour FranceAgriMer a été enregistrée le 13 mars 2018.

Une note en délibéré présentée pour la société SMEG NV a été enregistrée le 19 mars 2018.

1. Considérant que la société SMEG NV, société de droit belge exerçant une activité de collecte, de commercialisation et de stockage des céréales dans plusieurs Etats de l'Union européenne, a été, par une décision du 3 juin 2002 du directeur général de l'Office national interprofessionnel des céréales (ONIC), radiée du registre des déclarations d'agrément en qualité de collecteur exportateur de céréales, sur le fondement de l'article L. 621-35 alors en vigueur du code rural, au motif qu'elle n'exerçait plus d'activité depuis cinq années ; que cette décision a été suspendue par le Conseil d'Etat par décision du 11 juin 2004, puis annulée par un jugement du 14 janvier 2005 du Tribunal administratif de Paris, confirmé par un arrêt définitif de la Cour de céans du 11 décembre 2007 ; que la société SMEG NV, après avoir vainement demandé réparation auprès de l'office national interprofessionnel des grandes cultures (ONIGC) venant aux droits de l'ONIC, du préjudice qu'elle estime avoir subi du fait de la décision du 3 juin 2002, a saisi le 27 avril 2007 le Tribunal administratif de Paris d'une demande tendant à la condamnation de l'ONIGC à lui verser une somme de 1 957 671 euros TTC en réparation dudit préjudice pour la période du 1er juillet 2003 au 30 juin 2004 ; que cette requête a été rejeté par jugement du 17 décembre 2010 du Tribunal administratif de Paris, confirmé par un arrêt du 30 avril 2012 de la Cour ; que, par une décision du 4 juillet 2014, le Conseil d'Etat a annulé l'arrêt du 30 avril 2012 de la Cour au motif qu'elle n'avait pu " sans entacher son arrêt de dénaturation, nier l'exercice par la société de toute activité de collecte de céréales pendant la période antérieure au retrait d'agrément " et lui a renvoyé l'affaire ; que, par un arrêt du 10 mars 2016, la Cour a annulé le jugement du tribunal administratif de Paris et a décidé qu'il serait, avant de statuer sur la demande indemnitaire présentée par la société SMEG NV, procédé à une expertise comptable par un expert désigné par son président ; que le 6 avril 2017, M. D...A..., ingénieur-conseil indépendant, a déposé son rapport au greffe de la Cour ;

2. Considérant que, par son arrêt avant-dire droit du 10 mars 2016, la Cour a jugé que l'illégalité dont est entachée la décision du 3 juin 2002 du directeur général de l'ONIC, radiant la société SMEG NV du registre des déclarations d'agrément en qualité de collecteur exportateur de céréales, constituait une faute de nature à engager la responsabilité de FranceAgriMer, venant aux droits de l'ONIGC, lui-même venant aux droits de l'ONIC, et ouvrant droit pour la société requérante à réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi, à condition que ce dernier soit établi et en lien direct avec cette faute ;

3. Considérant qu'il résulte de l'expertise du 4 avril 2017 de M.A..., ingénieur-conseil, que si l'activité de collecte de céréales de la société SMEG était inexistante durant les années précédant le retrait de son agrément par la décision du 3 juin 2002, cette dernière, ainsi que la lettre-circulaire adressée aux directeurs régionaux par le directeur de l'ONIC le 23 septembre 2003 pour leur rappeler l'existence de ce retrait et leur demander par là-même de lui assurer la plus grande publicité auprès des producteurs de céréales, lui ont néanmoins causé un certain nombre de préjudices en terme de marge bénéficiaire ; que l'expert a ainsi tout d'abord relevé un préjudice lié à la marge nette directe perdue au titre des contrats résiliés ayant pu résulter de la publicité du retrait d'agrément intervenue à compter de l'automne 2003, se situant aux alentours de 3 899 tonnes à raison de 4,92 euros la tonne, soit une somme évaluée et arrondie à 19 200 euros ; qu'il a également relevé un préjudice en terme de coûts de substitution des volumes contractés et résiliés estimé, pour un même poids et à raison de 38,5 euros par tonne, à la somme de 150 100 euros ; qu'un préjudice résultant de la perte de contrats futurs a enfin été admis par l'expert, contrats qui auraient pu naître en l'absence de publicité du retrait d'agrément, visant les périodes allant du 25 septembre 2003 au 11 juin 2004, du 11 juin 2004 au 14 janvier 2005, avec une probabilité de conclure des contrats de 100 % pour ces 2 périodes, puis une période postérieure à cette dernière date qui correspond à celle de l'annulation de la décision de retrait, avec une probabilité évaluée à 50 %, pour un montant arrondi à la somme de 43 400 euros ; que, par suite, FranceAgriMer, venant aux droits de l'ONIGC, lui-même venant aux droits de l'ONIC, doit être condamné à verser la somme totale de 232 000 euros à la société SMEG en réparation des préjudices liés à la perte de contrats d'approvisionnement et à la chute de ventes de céréales qu'elle a subis à compter du dernier trimestre de l'année 2003, du fait de sa radiation du registre des déclarations d'agrément en qualité de collecteur exportateur de céréales ;

4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise complémentaire, que la société SMEG est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande indemnitaire ;

Sur les frais d'expertise :

5. Considérant qu'aux termes de l'article R. 761-1 du code de justice administrative :

" Les dépens comprennent les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'Etat. Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties. L'Etat peut être condamné aux dépens " ;

6. Considérant les frais de l'expertise ordonnée par le président de la Cour administrative d'appel de paris ont été taxés et liquidés à la somme de 9 761,15 euros ; qu'il y a lieu de mettre à la charge définitive de la société SMEG le paiement desdits frais ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

7. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de FranceAgriMer la somme de 3 000 euros à verser à la société SMEG ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 0706879 du 17 décembre 2010 du Tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 2 : FranceAgriMer est condamnée à verser la somme de 232 000 euros à la société SMEG.

Article 3 : Les frais de l'expertise taxée et liquidée à la somme de 9 761,15 euros sont mis à la charge définitive de FranceAgriMer.

Article 4 : FranceAgriMer versera à la société SMEG la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société SMEG NV et à l'Etablissement national des produits de l'agriculture et de la mer (FranceAgriMer). Copie en sera adressée, pour information, au ministre de l'agriculture et de l'alimentation.

Délibéré après l'audience du 6 mars 2018, à laquelle siégeaient :

- M. Bouleau, premier vice-président,

- M. Bernier, président assesseur,

- Mme Pena, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 21 mars 2018.

Le rapporteur,

E. PENALe président,

M. BOULEAU

Le greffier,

E. MOULIN

La République mande et ordonne au ministre de l'agriculture et de l'alimentation en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 10PA03855

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N° 14PA03016


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 14PA03016
Date de la décision : 21/03/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. BOULEAU
Rapporteur ?: Mme Marianne JULLIARD
Rapporteur public ?: Mme DELAMARRE
Avocat(s) : SCP GOUTAL et ALIBERT

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2018-03-21;14pa03016 ?
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