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07/04/2016 | FRANCE | N°14PA02307

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 5ème chambre, 07 avril 2016, 14PA02307


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...B...a demandé au Tribunal administratif de Paris, d'une part, d'annuler la décision du 21 février 2012 de La Poste refusant de reconnaître l'existence d'un harcèlement moral à son encontre et, implicitement, de lui octroyer la protection fonctionnelle ainsi que la décision implicite de La Poste rejetant sa demande du 13 février 2012, en ce qu'elle lui refuse la communication de son dossier administratif, la révision de son évaluation au titre de 2010, la saisine du comité d'hygiène, de sécurité

et des conditions de travail et la reconstitution de sa carrière, et, d'aut...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...B...a demandé au Tribunal administratif de Paris, d'une part, d'annuler la décision du 21 février 2012 de La Poste refusant de reconnaître l'existence d'un harcèlement moral à son encontre et, implicitement, de lui octroyer la protection fonctionnelle ainsi que la décision implicite de La Poste rejetant sa demande du 13 février 2012, en ce qu'elle lui refuse la communication de son dossier administratif, la révision de son évaluation au titre de 2010, la saisine du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail et la reconstitution de sa carrière, et, d'autre part, d'enjoindre à La Poste de diligenter des procédures disciplinaires à l'encontre des agents harceleurs et de mettre en oeuvre les mesures assurant sa protection fonctionnelle, enfin, de condamner La Poste à lui verser la somme de 53 802 euros au titre de la revalorisation de son traitement et de la reconstitution de sa carrière, la somme de 10 000 euros au titre de l'absence de saisine du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, la somme de 15 000 euros en réparation de son préjudice moral consécutif au harcèlement moral subi et au refus illégal de protection fonctionnelle qui lui a été opposé et une somme à parfaire au titre des frais de procédure engagés en l'absence de protection fonctionnelle.

Par un jugement n° 1207596/5-2 du 27 mars 2014, le Tribunal administratif de Paris a annulé la décision implicite de La Poste rejetant la demande du 13 février 2012 de M. B... en tant qu'elle lui refuse l'octroi de la protection fonctionnelle et la révision de son évaluation et de sa part variable au titre de l'année 2010, ainsi que la décision du 21 février 2012 en tant qu'elle rejette implicitement la demande de protection fonctionnelle de M. B..., a condamné La Poste à verser à l'intéressé une indemnité de 8 000 euros en réparation de son préjudice moral, a enjoint à La Poste de mettre en oeuvre la protection fonctionnelle au bénéfice de M. B...et, enfin, a rejeté le surplus des conclusions de la demande de M.B....

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 26 mai 2014, La Poste, représentée par le président du conseil d'administration en exercice, par la SCP Granrut, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1207596/5-2 du 27 mars 2014 du Tribunal administratif de Paris en tant que, par ce jugement, celui-ci a annulé sa décision implicite rejetant la demande du 13 février 2012 de M. B...en tant qu'elle lui refuse l'octroi de la protection fonctionnelle, la révision de son évaluation et de sa part variable au titre de l'année 2010 ainsi que sa décision du 21 février 2012 en tant qu'elle rejette implicitement la demande de protection fonctionnelle de M.B..., l'a condamnée à verser à l'intéressé une indemnité de 8 000 euros et lui a enjoint de mettre en oeuvre la protection fonctionnelle au bénéfice de M.B... ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. B...devant le Tribunal administratif de Paris ;

3°) de mettre à la charge de M. B...le versement de la somme de 4 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier en ce qu'il a fait droit à la demande de M. B...qui était toutefois irrecevable faute pour l'intéressé d'avoir présenté des demandes distinctes à l'encontre des différentes décisions qu'il contestait et qui ne présentaient pas entre elles un lien suffisant ; sa demande n'était recevable qu'à l'égard de la décision du 21 février 2012, laquelle ne fait pas grief dès lors qu'elle a pour seul objet de communiquer à l'intéressé le sens des conclusions du groupe pluridisciplinaire à la suite du déclenchement de la procédure de prévention de harcèlement moral et à l'informer des suites de sa demande ;

- elle n'a commis aucune faute de nature à engager sa responsabilité à l'égard de M. B... ; ce dernier n'a fait l'objet d'aucun harcèlement moral susceptible de justifier que lui soit accordée la protection fonctionnelle ;

- l'évaluation de l'intéressé au titre de 2010 est parfaitement fondée sur sa manière de servir au cours de l'année en cause et M. B...a obtenu la note globale maximale ;

- c'est à tort que les premiers juges ont estimé qu'elle avait commis une erreur manifeste d'appréciation en refusant de réviser la part variable attribuée à l'intéressé au titre de l'année 2010 ;

- le tribunal a statué ultra petita en estimant que si le recours préalable de l'intéressé ne visait pas de manière détaillée la réparation du préjudice généré par le défaut fautif de saisine du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, il avait pour objet de formuler une demande indemnitaire en réparation de ce préjudice et que l'intéressé pouvait, par suite, préciser celui-ci devant le tribunal ;

- les premiers juges ont fait une appréciation excessive du préjudice moral de M. B... ;

- en tout état de cause, la décision du 21 février 2012 n'est pas entachée d'illégalité ; M. B...n'a pas présenté de demande visant à obtenir le bénéfice de la protection fonctionnelle en application de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983 et, en tout état de cause, les divergences entre l'intéressé et sa hiérarchie quant à son positionnement au sein de l'entreprise et à la qualité de son travail ne sauraient justifier la mise en oeuvre de cette protection ;

- Mme C...était compétente, en sa qualité de directrice opérationnelle des ressources humaines des centres financiers, pour prendre les décisions contestées ;

- la décision contestée du 21 février 2012 est suffisamment motivée ; elle n'était pas tenue de communiquer à M. B...le " rapport d'enquête interne " ; elle a informé l'intéressé du sens des conclusions du protocole ;

- elle n'a pas tardé à déclencher le protocole de prévention du harcèlement moral compte tenu des exigences de l'instruction du 15 juin 2009, alors que ce n'est que par un courrier du 10 octobre 2011 que M. B...a sollicité le recours à cette procédure ;

- les moyens tenant à l'irrégularité de la procédure suivie par La Poste à la suite du déclenchement du protocole de prévention du harcèlement moral sont irrecevables en ce qu'ils sont dépourvus de précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé ; par ailleurs, aucune disposition de l'instruction du 15 juin 2009 ne fait obligation à La Poste de transmettre à son agent les conclusions du rapport ou le rapport d'enquête interne ; les entretiens requis par l'instruction ont été réalisés ; l'instruction ne rend pas obligatoire l'audition de tiers ;

- elle a communiqué à M.B..., le 20 juillet 2012, l'ensemble des documents qu'il sollicitait ;

- l'évaluation de M. B...au titre de l'année 2010 n'est entachée d'aucune illégalité externe ;

- de même, la décision implicite refusant la révision du traitement et de la part variable de M. B...n'est entachée d'aucune illégalité externe ;

- en tout état de cause, M. B...ne démontre pas la réalité des préjudices qu'il invoque.

Par un mémoire en défense, enregistré le 31 août 2015, M. A...B..., représenté par Me Mazza, conclut au rejet de la requête et à ce que le versement de la somme de 4 000 euros soit mis à la charge de La Poste sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- ses demandes présentaient entre elles un lien suffisant pour être jugées par un seul jugement ;

- la décision par laquelle La Poste a implicitement rejeté sa demande de protection fonctionnelle lui fait grief ;

- il a formalisé à plusieurs reprises par écrit auprès des autorités compétentes sa demande de protection fonctionnelle ;

- Mme C...n'était pas compétente pour rejeter sa demande ;

- la décision du 21 février 2012 est entachée d'une insuffisance de motivation ;

- elle a été prise au terme d'une procédure irrégulière dès lors que le rapport d'enquête ne lui a pas été communiqué et que des agents souhaitant témoigner n'ont pas été entendus ;

- La Poste a commis une faute en tardant à mettre en place le protocole de prévention du harcèlement moral ;

- la décision implicite de rejet de son recours hiérarchique est illégale dès lors qu'elle a aggravé la faute de La Poste ;

- son évaluation au titre de 2010 est entachée d'illégalité externe et d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- le refus de La Poste de réviser sa part variable attribuée au titre de 2010 est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- ses préjudices sont établis et n'ont pas été évalués de manière excessive.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 ;

- le décret n° 2001-614 du 9 juillet 2001 ;

- le décret n° 2011-619 du 31 mai 2011 ;

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Larsonnier,

- les conclusions de M. Lemaire, rapporteur public.

- les observations de MeD..., substituant Me Bellanger, avocat de La Poste ;

- et les observations de Me Mazza, avocat de M.B....

Une note en délibéré, enregistrée le 25 mars 2016, a été présentée pour La Poste.

Une note en délibéré, enregistrée le 4 avril 2016, a été présentée pour M.B....

1. Considérant que M.B..., fonctionnaire de La Poste, est affecté depuis 1994 au centre financier de Paris ; qu'en 2005, il a été mis à la disposition de la Banque Postale nouvellement créée en qualité de responsable du pôle informatique, réseaux et téléphonies (IRT), avec le grade de cadre supérieur (classe IV) ; qu'à partir de l'année 2010, M.B..., estimant que ses conditions de travail ainsi que celles des agents de son service se dégradaient et qu'il était victime de harcèlement moral, a saisi sa hiérarchie de plusieurs demandes d'intervention ; que, le 8 février 2012, il a adressé au président de La Poste un recours sollicitant la communication de son dossier administratif, la révision de son évaluation pour 2010, la révision de sa rémunération, la requalification de son congé maladie en accident de service, la saisine du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT), la mise en oeuvre de la protection fonctionnelle et la communication du rapport de l'enquête interne, enfin, la réparation indemnitaire des préjudices subis ; que le 12 mars 2012, il a sollicité le paiement de ses astreintes ; que, par un courrier du 21 février 2012, La Poste a informé M. B...que l'enquête menée selon le protocole interne concluait à l'absence de harcèlement moral ; que La Poste fait appel du jugement du 27 mars 2014 du Tribunal administratif de Paris en tant qu'il a annulé sa décision implicite rejetant le recours administratif de M. B...du 8 février 2012 en tant qu'elle lui refuse l'octroi de la protection fonctionnelle ainsi que la révision de son évaluation et de sa part variable au titre de l'année 2010 et sa décision du 21 février 2012 en tant qu'elle rejette implicitement la demande de protection fonctionnelle de M.B..., l'a condamnée à verser à l'intéressé une indemnité de 8 000 euros et lui a enjoint de mettre en oeuvre la protection fonctionnelle au bénéfice de M. B... ;

Sur la recevabilité de la demande de première instance :

2. Considérant, en premier lieu, que M. B...a sollicité du Tribunal administratif de Paris, par la même demande, l'annulation de la décision du 21 février 2012 par laquelle La Poste a refusé de reconnaître l'existence d'un harcèlement moral à son encontre et, implicitement, de lui octroyer la protection fonctionnelle, et de la décision implicite par laquelle elle a rejeté sa demande du 13 février 2012 en ce qu'elle lui refuse la communication de son dossier administratif, la révision de son évaluation au titre de 2010, la révision de sa rémunération, la saisine du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail et la reconstitution de sa carrière, ainsi que la condamnation de La Poste à lui verser des indemnités en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis ; que les refus de La Poste d'accéder aux différentes demandes de M. B...sont présentés par celui-ci comme autant d'agissements constitutifs de harcèlement moral ; que, dès lors, les différentes conclusions présentées devant le tribunal, eu égard à leur objet et aux moyens invoqués, possèdent entre elles un lien suffisant pour que la demande de M. B...devant le tribunal soit regardée comme recevable ;

3. Considérant, en deuxième lieu, que si le courrier du 21 février 2012 de la directrice opérationnelle des ressources humaines des centres financiers informe M. B...que l'enquête diligentée dans le cadre du protocole de prévention de harcèlement moral permet de conclure à l'absence d'éléments susceptibles de laisser penser à l'existence d'un harcèlement moral, il doit être regardé comme constituant un rejet implicite de la demande du 8 février 2012, reçue le 13 février 2012, par laquelle M. B...dénonçait des agissements constitutifs selon lui de harcèlement moral et demandait le bénéfice de la protection fonctionnelle ; que, par suite, c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que cette lettre du 21 février 2012 constituait une décision faisant grief, susceptible de faire l'objet d'un recours en excès de pouvoir ;

4. Considérant, enfin, que si le recours préalable de M. B...ne vise pas de façon détaillée la réparation du préjudice résultant de l'absence de saisine du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, il a pour objet de formuler une demande indemnitaire en réparation de ce préjudice, qu'il a pu préciser dans le cours de sa demande ; que, dès lors, c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que le contentieux était lié sur ce point ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne le rejet de la demande de protection fonctionnelle pour harcèlement moral :

5. Considérant qu'aux termes de l'article 6 quinquiès de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. Aucune mesure concernant notamment le recrutement, la titularisation, la formation, la notation, la discipline, la promotion, l'affectation et la mutation ne peut être prise à l'égard d'un fonctionnaire en prenant en considération : 1° Le fait qu'il ait subi ou refusé de subir les agissements de harcèlement moral visés au premier alinéa ; 2° Le fait qu'il ait exercé un recours auprès d'un supérieur hiérarchique ou engagé une action en justice visant à faire cesser ces agissements ; 3° Ou bien le fait qu'il ait témoigné de tels agissements ou qu'il les ait relatés. Est passible d'une sanction disciplinaire tout agent ayant procédé ou ayant enjoint de procéder aux agissements définis ci-dessus. (...) " ; qu'aux termes de l'article 11 de cette loi : " Les fonctionnaires bénéficient, à l'occasion de leurs fonctions et conformément aux règles fixées par le code pénal et les lois spéciales, d'une protection organisée par la collectivité publique qui les emploie à la date des faits en cause ou des faits ayant été imputés de façon diffamatoire au fonctionnaire. (...) La collectivité publique est tenue de protéger les fonctionnaires contre les menaces, violences, voies de fait, injures, diffamations ou outrages dont ils pourraient être victimes à l'occasion de leurs fonctions, et de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté. (...) " ;

6. Considérant, d'une part, qu'il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement ; qu'il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement ; que la conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile ;

7. Considérant, d'autre part, que, pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'agent auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral ; qu'en revanche, la nature même des agissements en cause exclut, lorsque l'existence d'un harcèlement moral est établie, qu'il puisse être tenu compte du comportement de l'agent qui en a été victime pour atténuer les conséquences dommageables qui en ont résulté pour lui ; que le préjudice résultant de ces agissements pour l'agent victime doit alors être intégralement réparé ;

8. Considérant que M. B...soutient, alors que le service dont il était responsable rencontrait des conditions de travail très difficiles dues à un accroissement de tâches et un personnel en sous-effectif, avoir subi des pressions et avoir été menacé d'une sanction disciplinaire le 25 janvier 2011 s'il ne relevait pas la notation d'un agent pour favoriser sa mobilité et l'écarter du service, que son évaluation au titre de 2010, notifiée trois mois après l'entretien du 17 janvier 2011, comprenait des appréciations moins favorables et une note revue à la baisse par rapport à ce qui avait été évoqué lors de cet entretien, que sa rémunération au titre de la part variable a été diminuée, que les alertes effectuées par ses agents auprès de la médecine du travail ont été " instrumentalisées " et dirigées contre lui, qu'il a multiplié en vain les alertes hiérarchiques sur l'état préoccupant de ses équipes et les difficultés opérationnelles rencontrées au quotidien, que sa hiérarchie l'a volontairement laissé seul face à ses agents en souffrance afin qu'il soit considéré responsable des dysfonctionnements qu'il avait mis en évidence depuis plusieurs mois, que ses demandes de communication de son dossier administratif et de saisine du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail ont été rejetées ; que les éléments de fait produits par M.B..., qui a connu une altération de son état de santé ayant conduit à des arrêts pour maladie du 18 mars au 27 juin 2011, puis du 30 mars 2012 au 3 mai 2012 pour dépression, sont susceptibles de faire présumer l'existence d'agissements constitutifs d'un harcèlement moral à son encontre ;

9. Considérant que La Poste fait valoir qu'en septembre 2010, le médecin du travail a été alerté par trois agents dénonçant le management autoritaire de M.B..., ce qui a motivé les réserves et la légère diminution de la note de la rubrique management dans son évaluation au titre de 2010, alors qu'au demeurant les appréciations générales sont restées excellentes ; que la diminution de la part variable de M. B...au titre de 2010 s'explique également par la diminution de l'enveloppe financière destinée aux cadres supérieurs ;

10. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. B...a rencontré des difficultés relationnelles avec deux agents, dont l'un a été placé en congé de maladie à la suite d'une demande de M. B...de lui communiquer quotidiennement par mail la liste de ses activités ; que, par une lettre du 25 janvier 2011, le directeur technique informatique et logistique supérieur du centre financier de Paris, supérieur hiérarchique direct de M.B..., lui a reproché ses commentaires portés sur le travail de cet agent " très en dessous du niveau attendu d'un cadre supérieur et peu respectueux du collaborateur, quelles que soient par ailleurs ses compétences " et l'a informé que compte tenu de ses " résultats excellents et dès lors qu'il s'agit d'un acte isolé, ce courrier tiendra lieu d'unique avertissement versé à votre dossier " ; que, toutefois, il est constant que le mode de management mis en oeuvre par M. B...a été agréé par ses supérieurs hiérarchiques ; qu'en outre, il ressort de nombreux courriels versés au dossier que M. B...était attentif à la situation des agents en difficultés qu'il avait sous sa responsabilité pour lesquels il avait saisi le médecin de prévention ; qu'il avait également informé sa hiérarchie, en particulier par un courriel du 22 décembre 2012 et une note d'analyse de risques du 16 janvier 2011, des difficultés récurrentes rencontrées par son service ; qu'enfin, l'un des trois agents ayant alerté le médecin de prévention sur sa charge de travail, interrogé par le supérieur hiérarchique de M.B..., a refusé de demander l'engagement d'une procédure de harcèlement à son encontre ; que, dans ces conditions, les difficultés relationnelles et de management de M. B...ne peuvent justifier les appréciations réservées et la baisse de sa note correspondant aux compétences managériales de son évaluation professionnelle au titre de 2010, appréciations qui étaient auparavant " excellentes " ; que si La Poste soutient que l'ensemble des cadres ont connu une diminution de leur part variable en 2010, elle ne produit aucune pièce en ce sens ; que, dans les circonstances de l'espèce, et même si La Poste a mis en place à la demande de M. B...le dispositif de prévention du harcèlement moral, sans toutefois au demeurant entendre tous les agents du service souhaitant témoigner, et l'a autorisé à recruter des collaborateurs supplémentaires de manière temporaire, les agissements ci-dessus énoncés sont constitutifs d'un harcèlement moral à l'encontre de M.B..., lui ouvrant droit au bénéfice de la protection prévue à l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983 ;

11. Considérant qu'il résulte des pièces du dossier que M. B...a sollicité explicitement, dans sa demande du 8 février 2012, reçu le 13 février 2012 par La Poste, le bénéfice de la protection fonctionnelle ; que La Poste n'a pas donné suite à cette demande ; que, dans ces conditions, c'est à bon droit que les premiers juges ont annulé la décision du 21 février 2012 de La Poste en tant qu'elle rejette implicitement le bénéfice de la protection fonctionnelle sollicité par M.B..., ainsi que, dans cette mesure, que la décision implicite rejetant la demande du 8 février 2012 de M. B...;

En ce qui concerne l'évaluation au titre de l'année 2010 :

12. Considérant qu'aux termes de l'article 1er du décret du 9 juillet 2001 : " La notation qui exprime la valeur professionnelle des fonctionnaires de La Poste et des fonctionnaires de France Télécom est établie annuellement et comporte pour chaque fonctionnaire : 1° Une appréciation d'ordre général qui rend compte de sa manière de servir, notamment de l'évolution de sa valeur professionnelle par rapport à l'année précédente ainsi que de son aptitude à exercer, dans l'immédiat ou dans l'avenir, au besoin après une formation appropriée, des fonctions différentes de même niveau ou d'un niveau supérieur ; 2° L'indication d'un niveau de valeur qui est déterminé d'après une échelle de cotation à quatre niveaux (...) " ; que l'article 2 dispose que " La notation définie à l'article 1er ci-dessus est arrêtée par le chef de service après un entretien qui réunit le fonctionnaire et son supérieur hiérarchique pour un examen des éléments qui caractérisent la valeur professionnelle de ce fonctionnaire. Elle donne lieu à l'établissement d'une notice individuelle de notation. Chaque fonctionnaire reçoit communication de sa notice de notation. Il peut y porter ses observations avant de la retourner au chef de service " ;

13. Considérant que La Poste soutient que la manière de servir de M. B...au cours de l'année 2010 était globalement très satisfaisante, qu'elle a seulement diminué la note attribuée à la rubrique aptitude à la conduite d'équipe et au développement des collaborateurs d'" excellente maîtrise " à " bonne maîtrise " sans pour autant que la note globale, qui était la note maximale, n'en soit affectée ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier, comme il a déjà été dit, que les critiques se rapportant aux difficultés relationnelles et de management de M.B..., dans le contexte décrit précédemment, ne peuvent justifier les réserves ainsi formulées quant à sa capacité à exercer des fonctions de responsable de pôle et à obtenir un poste de directeur technique et la diminution de la note correspondante ; que, dès lors, c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que l'évaluation de l'année 2010 contestée était entachée d'une erreur manifeste d'appréciation et qu'ils ont annulé, par conséquent, la décision implicite de La Poste refusant de réviser l'évaluation de M. B...au titre de l'année 2010 ;

En ce qui concerne l'attribution de la part variable au titre de 2010 :

14. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la part variable de M. B...est passée de 3 025 euros en 2009 à 2 220 euros en 2010, alors que son évaluation est restée globalement excellente et que, comme il vient d'être dit, les réserves se rapportant à ses difficultés relationnelles et de management ne sont pas justifiées ; que, si La Poste soutient que l'enveloppe du service des cadres supérieurs a baissé, elle ne le démontre pas alors que l'intéressé fait valoir que l'enveloppe allouée pour l'attribution de parts variables aux cadres de son pôle a augmenté de 30% par rapport à 2009 ; que, dans ces conditions, c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que La Poste, en refusant de réviser la part variable attribuée à M. B...au titre de 2010 avait commis une erreur manifeste d'appréciation et que la décision implicite rejetant le recours administratif de M. B...du 8 février 2012 en tant qu'il est dirigé contre l'attribution de la part variable au titre de 2010 devait être annulée ;

Sur les conclusions à fin d'indemnisation :

15. Considérant, d'une part, que le tribunal a fait une juste appréciation du préjudice moral subi par M. B...en raison du harcèlement moral dont il a été victime et du refus illégal de protection fonctionnelle qui lui a été opposé, en lui allouant la somme de 6 000 euros ;

16. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 4612-1 du code du travail, rendu applicable aux fonctionnaires de La Poste par l'article 31-3 de la loi du 2 juillet 1990 : " Le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail a pour mission : 1° De contribuer à la protection de la santé physique et mentale et de la sécurité des travailleurs de l'établissement et de ceux mis à sa disposition par une entreprise extérieure ; 2° De contribuer à l'amélioration des conditions de travail, notamment en vue de faciliter l'accès des femmes à tous les emplois et de répondre aux problèmes liés à la maternité ; 3° De veiller à l'observation des prescriptions légales prises en ces matières " ; que l'article L. 4612-2 de ce code dispose que : " Le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail procède à l'analyse des risques professionnels auxquels peuvent être exposés les travailleurs de l'établissement ainsi qu'à l'analyse des conditions de travail (...) " ; qu'enfin, selon l'article L. 4612-3 de ce code : " Le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail contribue à la promotion de la prévention des risques professionnels dans l'établissement et suscite toute initiative qu'il estime utile dans cette perspective. Il peut proposer notamment des actions de prévention du harcèlement moral et du harcèlement sexuel (...) " ;

17. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que ni les différents messages d'alerte, puis de dénonciation, que M. B...a adressés à sa hiérarchie les 22 décembre 2010, 17 janvier 2011, 30 mai 2011 et 10 octobre 2011, ce dernier demandant expressément l'ouverture d'une enquête pour harcèlement moral, ni le déclenchement du protocole interne de prévention du harcèlement moral en novembre 2011, puis sa conclusion, n'ont donné lieu à saisine ni même information du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail ; que ce n'est que le 22 juin 2012, alors que M B...avait indiqué, le 8 février 2012, qu'il transmettait sa dénonciation au comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, que celui-ci a été réuni en séance extraordinaire pour examiner ses conditions de travail ; qu'eu égard aux missions du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, en particulier en matière de prévention des situations de harcèlement moral et des risques psycho-sociaux et à l'importance de l'aggravation des conditions de travail au sein du pôle IRT entre 2010 et 2012, se caractérisant notamment par une proportion de 30 % d'agents ayant fait l'objet, fin 2011, d'un signalement au médecin du travail pour souffrance au travail, l'absence de saisine du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail avant le 22 juin 2012 constitue, comme l'a jugé à bon droit le tribunal, une faute de nature à engager la responsabilité de La Poste à l'égard de M. B...; que, dans les circonstance de l'espèce, les premiers juges ont fait une juste appréciation du préjudice subi par M. B...en lui allouant la somme de 2 000 euros ;

18. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que La Poste n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

19. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de M.B..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que La Poste demande au titre des frais qu'elle a exposés; qu'il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de La Poste une somme de 2 000 euros à verser à M. B...sur le fondement des mêmes dispositions ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de La Poste est rejetée.

Article 2 : La Poste versera à M. B...la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à La Poste, à M. A...B...et au ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique.

Délibéré après l'audience du 24 mars 2016, à laquelle siégeaient :

- M. Formery, président de chambre,

- Mme Coiffet, président assesseur,

- Mme Larsonnier, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 7 avril 2016 .

Le rapporteur,

V. LARSONNIERLe président,

S.-L. FORMERY Le greffier,

S. JUSTINE

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 14PA02307


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 14PA02307
Date de la décision : 07/04/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-07-01-01 Fonctionnaires et agents publics. Statuts, droits, obligations et garanties. Statut général des fonctionnaires de l'État et des collectivités locales. Droits et obligations des fonctionnaires (loi du 13 juillet 1983).


Composition du Tribunal
Président : M. FORMERY
Rapporteur ?: Mme Virginie LARSONNIER
Rapporteur public ?: M. LEMAIRE
Avocat(s) : SCP GRANRUT AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 21/04/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2016-04-07;14pa02307 ?
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