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12/05/2016 | FRANCE | N°14PA00758

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1ère chambre, 12 mai 2016, 14PA00758


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Aéroports de Paris a demandé au tribunal administratif de Paris, d'une part de prononcer la résolution de la convention en date du 22 octobre 2009 portant attribution d'une aide financière pour la réalisation de travaux d'insonorisation du centre hospitalier intercommunal de

Villeneuve-Saint-Georges, d'autre part, de condamner le centre hospitalier intercommunal de Villeneuve-Saint-Georges à lui verser la somme de 2 581 705,92 euros assortie des intérêts au taux légal à compter de la résolution,

en restitution de la part de l'aide qui a été versée les 3 mars et

21 novembr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Aéroports de Paris a demandé au tribunal administratif de Paris, d'une part de prononcer la résolution de la convention en date du 22 octobre 2009 portant attribution d'une aide financière pour la réalisation de travaux d'insonorisation du centre hospitalier intercommunal de

Villeneuve-Saint-Georges, d'autre part, de condamner le centre hospitalier intercommunal de Villeneuve-Saint-Georges à lui verser la somme de 2 581 705,92 euros assortie des intérêts au taux légal à compter de la résolution, en restitution de la part de l'aide qui a été versée les 3 mars et

21 novembre 2011.

Par un jugement n° 1308164/7-3 du 19 décembre 2013, le tribunal administratif de Paris a prononcé la résolution de la convention du 22 octobre 2009 et condamné le centre hospitalier intercommunal de Villeneuve-Saint-Georges à restituer à Aéroports de Paris la somme de 2 581 705,92 euros.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 18 février 2014 et 22 mars 2016, le centre hospitalier intercommunal de Villeneuve-Saint-Georges, représenté par la Selarl Gaia, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1308164 du 19 décembre 2013 du tribunal administratif de Paris et de rejeter la demande présentée par Aéroports de Paris devant le tribunal administratif de Paris ;

2°) à titre principal, de prononcer la résiliation de la convention du 22 octobre 2009 portant attribution d'une aide financière pour la réalisation de travaux d'insonorisation du Centre hospitalier intercommunal de Villeneuve-Saint-Georges ;

3°) à titre subsidiaire, de condamner Aéroports de Paris à lui verser la somme de 5 227 504,16 euros à titre de dommages et intérêts ;

4°) de mettre à la charge d'Aéroports de Paris le versement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- il appartenait aux premiers juges d'apprécier les circonstances de fait et de droit pour mettre fin au contrat dans des conditions acceptables pour les deux parties et de tenir compte de la nature de l'irrégularité entachant la convention ;

- la convention n'a pas été entièrement exécutée et le juge du contrat peut ainsi envisager sa résiliation ; la résolution du contrat fait naître entre les parties un déséquilibre important au préjudice du seul centre hospitalier ; la résolution de la convention est en effet prononcée aux seuls torts du centre hospitalier intercommunal alors que ce dernier n'était pas chargé de l'instruction de la demande de financement, mission à la charge d'Aéroports de Paris et de la commission consultative d'aide aux riverains ; les premiers juges n'ont pas pris en considération la nature de l'illégalité entachant la convention litigieuse dont la responsabilité incombe à Aéroports de Paris et à la commission consultative d'aide aux riverains ;

- l'intérêt général s'oppose à la résolution de la convention compte tenu des difficultés financières auxquelles est confronté le centre hospitalier intercommunal et de la situation des patients et du personnel de l'hôpital victimes des nuisances sonores de l'aéroport ;

- c'est à tort que les premiers juges ont condamné le centre hospitalier au reversement de la subvention déjà perçue alors que cette mesure menace le fonctionnement d'un service public de santé ;

- la responsabilité quasi délictuelle d'Aéroports de Paris est engagée compte tenu de la faute qu'il a commise en concluant la convention litigieuse ; la nullité de la convention résulte de la seule faute d'Aéroports de Paris.

Par des mémoires en défense enregistrés les 13 janvier 2015 et 8 avril 2016, Aéroports de Paris, représenté par la SCP Baker et Mckenzie, conclut au rejet de la requête et, dans le dernier état de ses écritures, à ce que le versement de la somme de 5 000 euros soit mis à la charge du Centre hospitalier intercommunal de Villeneuve-Saint-Georges sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la requête d'appel se heurte à l'autorité de la chose jugée, la résolution de la convention ayant été ordonnée par un jugement devenu définitif ;

- le tribunal a pris en compte l'intérêt général avant de prononcer la résolution ; l'objet même de la convention était illégal ; la résolution n'entraîne aucune gêne sonore pour les patients ou le personnel puisque les travaux ont été exécutés ; la situation financière de l'établissement a été prise en compte ;

- il n'est pas le seul responsable de l'attribution fautive de la subvention, dès lors que le centre hospitalier intercommunal l'a sollicitée et que la commission consultative d'aide aux riverains a donné un avis favorable à son attribution.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Amat,

- les conclusions de M. Romnicianu, rapporteur public,

- les observations de Me Delarue, avocat du centre hospitalier intercommunal de Villeneuve-Saint-Georges,

- et les observations de Me Guillaume, avocat d'Aéroports de Paris.

Une note en délibéré enregistrée le 15 avril 2016 a été présentée pour Aéroports de Paris par Me Guillaume.

1. Considérant que le centre hospitalier intercommunal de Villeneuve-Saint-Georges a présenté une demande d'aide financière pour la réalisation de travaux d'insonorisation en application des dispositions des articles R. 571-81 et suivants du code de l'environnement ; qu'à la suite de l'avis favorable émis le 23 juin 2009 par la commission consultative d'aide aux riverains, Aéroports de Paris (ADP) a, par décision du 19 octobre 2009, alloué une aide d'un montant maximum de 5 227 504,16 euros ; que le centre hospitalier intercommunal de Villeneuve-Saint-Georges et Aéroport de Paris ont signé le 22 octobre 2009 une convention d'aide financière pour la réalisation de ces travaux d'insonorisation ; que, par jugement du 15 décembre 2011, confirmé par la Cour administrative d'appel de Paris le 22 novembre 2012, le tribunal administratif de Paris a annulé la décision du 19 octobre 2009 portant attribution de l'aide aux travaux d'insonorisation et la décision par laquelle ADP a conclu la convention d'aide financière du 22 octobre 2009 et enjoint à Aéroports de Paris de rechercher avec le centre hospitalier intercommunal un accord pour une résolution amiable de la convention ou, à défaut, de saisir le juge du contrat d'une action tendant à la résolution de la convention ; que, faute d'accord amiable et en exécution du jugement précité, Aéroports de Paris a saisi le tribunal administratif de Paris d'une demande tendant à ce que soit prononcée la résolution de la convention du 22 octobre 2009 ; que le centre hospitalier intercommunal de Villeneuve-Saint-Georges relève appel du jugement du 19 décembre 2013 par lequel le tribunal administratif de Paris a, d'une part, prononcé la résolution de la convention du 22 octobre 2009 et d'autre part condamné le centre hospitalier intercommunal de Villeneuve-Saint-Georges à restituer à ADP la somme de 2 581 705,92 euros qu'il a perçue en 2011 au titre des travaux exécutés ;

Sur les conclusions relatives à la résolution de la convention du 22 octobre 2009 :

2. Considérant, d'une part, qu'il résulte de l'instruction que dans son jugement du 15 décembre 2011, confirmé le 22 novembre 2012 par la Cour administrative d'appel de Paris, le tribunal administratif de Paris a annulé la décision de conclure la convention du 22 octobre 2009 au motif que les bâtiments du centre hospitalier objet des travaux d'insonorisation, bénéficiant de la subvention allouée par Aéroports de Paris, sont situés en dehors du plan de gêne sonore de l'Aéroport Paris Orly et ne sont ainsi pas susceptibles de bénéficier d'une aide financière par application des dispositions de l'article R. 571-86 du code de l'environnement ; que l'illégalité de la convention affecte ainsi son objet ;

3. Considérant, d'autre part, que si le centre hospitalier intercommunal de Villeneuve-Saint-Georges soutient que les travaux d'insonorisation sont nécessaires pour protéger du bruit les patients hospitalisés, il résulte de l'instruction que ces travaux ont été réalisés ; que, par ailleurs, les difficultés financières rencontrées par le centre hospitalier compte tenu du coût des travaux ne sont pas en elles-mêmes de nature à faire regarder la résolution de la convention comme portant une atteinte excessive à l'intérêt général ;

4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, compte tenu de la nature et de la gravité du vice affectant la convention d'aide financière du 22 octobre 2009, que le centre hospitalier intercommunal de Villeneuve-Saint-Georges n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris en a prononcé la résolution ;

Sur les conclusions indemnitaires :

5. Considérant que dans le cas où la nullité du contrat résulte d'une faute de l'administration, le cocontractant de l'administration peut, y compris pour la première fois en appel et sous réserve du partage de responsabilités découlant le cas échéant de ses propres fautes, prétendre à la réparation du dommage imputable à la faute de l'administration ;

6. Considérant qu'il résulte du procès verbal du 22 septembre 2009 de la commission consultative d'aide aux riverains, à laquelle participe en vertu des dispositions de l'article L. 571-16 du code de l'environnement un représentant du gestionnaire de l'aéroport d'Orly, que l'aide financière a été allouée au centre hospitalier intercommunal de Villeneuve-Saint-Georges alors qu'il a été relevé au cours de la séance de la commission que les bâtiments à insonoriser se situaient en dehors du périmètre du plan de gêne sonore de l'aéroport de Paris Orly ; que si, en application des dispositions de l'article R. 571-90 du code de l'environnement, l'aide est accordée sur avis conforme de la commission consultative d'aide aux riverains, Aéroports de Paris qui n'était pas tenu d'accorder cette subvention, a néanmoins commis une faute de nature à engager sa responsabilité en signant la convention du 22 octobre 2009 alors qu'il avait connaissance de son illégalité ;

7. Considérant, d'une part, qu'il ne résulte pas de l'instruction, et qu'il n'est d'ailleurs même pas allégué, que le centre hospitalier intercommunal de Villeneuve-Saint-Georges, qui s'est borné à solliciter une subvention, aurait eu connaissance de cette illégalité ; qu'il a ainsi pu de bonne foi entreprendre les travaux pour lesquels l'aide financière avait été accordée et les poursuivre jusqu'à leur terme ;

8. Considérant, d'autre part, qu'il ne résulte pas davantage de l'instruction que, sans l'aide financière que lui avait promise Aéroports de Paris et sur laquelle cet établissement s'était engagé, le centre hospitalier intercommunal de Villeneuve-Saint-Georges aurait réalisé les travaux d'insonorisation dans les mêmes conditions et délais ; que, dès lors qu'il est constant que le centre hospitalier a réalisé l'ensemble des travaux prévus par la convention du 22 octobre 2009, d'un montant de 6 761 955,42 euros, supérieur à l'aide promise, il sera fait une juste appréciation du préjudice résultant de l'illégalité de la décision lui promettant une aide financière en l'évaluant à la somme de 5 227 504,16 euros, montant de la participation qui l'a déterminé à entreprendre ces travaux ;

9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le centre hospitalier intercommunal de Villeneuve-Saint-Georges est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a ordonné la restitution de la somme de 2 581 705,92 euros et rejeté ses conclusions indemnitaires ; qu'il y a lieu, de condamner Aéroports de Paris à verser au centre hospitalier intercommunal de Villeneuve-Saint-Georges la somme de 5 227 504,16 euros, sous réserve de la déduction de la somme de 2 581 705,92 euros correspondant aux versements partiels effectués par Aéroports de Paris à condition que cette somme n'ait pas été restituée par le centre hospitalier intercommunal de Villeneuve-Saint-Georges à Aéroports de Paris en exécution du jugement attaqué ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par le centre hospitalier intercommunal de Villeneuve-Saint-Georges et par Aéroports de Paris sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DÉCIDE :

Article 1er : L'article 2 du jugement n° 1308164 du 19 décembre 2013 du tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 2 : Aéroports de Paris est condamné à verser au centre hospitalier intercommunal de Villeneuve-Saint-Georges une somme de 5 227 504,16 euros en réparation de la faute commise. Le versement s'effectuera sous déduction de la somme de 2 581 705,92 euros correspondant aux versements partiels déjà effectués par Aéroports de Paris, à moins que cette somme n'ait été restituée par le centre hospitalier intercommunal de Villeneuve-Saint-Georges à Aéroports de Paris en exécution du jugement n° 1308164/7-3 du 19 décembre 2013 du tribunal administratif de Paris.

Article 3 : Le jugement n° 1308164/7-3 du 19 décembre 2013 du tribunal administratif de Paris est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au centre hospitalier intercommunal de Villeneuve-Saint-Georges et à Aéroports de Paris.

Délibéré après l'audience du 14 avril 2016, à laquelle siégeaient :

- Mme Pellissier, présidente de chambre,

- M. Diémert, président assesseur,

- Mme Amat, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 12 mai 2016.

Le rapporteur,

N. AMATLa présidente,

S. PELLISSIER Le greffier,

F. TROUYETLa République mande et ordonne au ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 14PA00758


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 14PA00758
Date de la décision : 12/05/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme PELLISSIER
Rapporteur ?: Mme Nathalie AMAT
Rapporteur public ?: M. ROMNICIANU
Avocat(s) : SELARL GAIA

Origine de la décision
Date de l'import : 16/06/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2016-05-12;14pa00758 ?
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