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22/12/2015 | FRANCE | N°14NT01840

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 22 décembre 2015, 14NT01840


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 23 janvier 2012 par laquelle le directeur de la société d'économie mixte d'aménagement de l'agglomération nazairienne a exercé le droit de préemption sur une parcelle lui appartenant située rue de Bretagne à Saint-André-des-Eaux (Loire-Atlantique).

Par un jugement n° 1203264 du 24 juin 2014, le tribunal administratif de Nantes a fait droit à cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête en

registrée le 10 juillet 2014 et des mémoires complémentaires des 22 décembre 2014 et 16 novembre...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 23 janvier 2012 par laquelle le directeur de la société d'économie mixte d'aménagement de l'agglomération nazairienne a exercé le droit de préemption sur une parcelle lui appartenant située rue de Bretagne à Saint-André-des-Eaux (Loire-Atlantique).

Par un jugement n° 1203264 du 24 juin 2014, le tribunal administratif de Nantes a fait droit à cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 10 juillet 2014 et des mémoires complémentaires des 22 décembre 2014 et 16 novembre 2015, la société d'économie mixte d'aménagement de l'agglomération nazairienne (SONADEV), représentée par MeE..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. B...devant le tribunal administratif de Nantes ;

3°) de mettre à la charge de M. B...une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé ;

- contrairement à ce que le tribunal a jugé, son droit de préemption créé par l'arrêté préfectoral du 22 mars 2010 créant une zone d'aménagement différé, n'est pas exercé pour le compte de la commune ou de l'établissement public intercommunal, mais pour son propre compte.

Par un mémoire en défense, enregistré le 12 décembre 2014 et un mémoire complémentaire du 23 octobre 2015, M. B..., représenté par MeF..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la SONADEV une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens soulevés par l'appelante ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. François, premier conseiller ;

- les conclusions de M. Delesalle, rapporteur public,

- et les observations de MeA..., substituant MeE..., représentant la SONADEV, et de MeD..., substituant MeF..., représentant M.B....

Une note en délibéré présentée par M. B...a été enregistrée le 3 décembre 2015.

1. Considérant que la société d'économie mixte d'aménagement de l'agglomération nazairienne( SONADEV) relève appel du jugement du 24 juin 2014 par lequel le tribunal administratif de Nantes a annulé, à la demande de M.B..., la décision du 23 janvier 2012 par laquelle son directeur a exercé le droit de préemption sur la parcelle cadastrée BS n° 438 appartenant à ce dernier, située rue de Bretagne à Saint-André-des-Eaux ;

Sur la légalité de la décision du 23 janvier 2012.

2. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 212-2 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction applicable au présent litige : " Dans les zones d'aménagement différé, un droit de préemption, qui peut être exercé pendant une période de quatorze ans renouvelable à compter de la publication de l'acte qui a créé la zone (...) est ouvert soit à une collectivité publique ou à un établissement public y ayant vocation, soit au concessionnaire d'une opération d'aménagement. L'acte créant la zone désigne le titulaire du droit de préemption. " ; que d'autre part, aux termes de l'article L. 2131-1 du code général des collectivités territoriales : " Les actes pris par les autorités communales sont exécutoires de plein droit dès qu'il a été procédé à leur publication ou à leur notification aux intéressés ainsi qu'à leur transmission au représentant de l'Etat dans la département (...) " ; que l'article L. 2131-2 du même code dispose que: " Sont soumis aux dispositions de l'article L. 2131-1 les actes suivants : (...) 8° Les décisions relevant de l'exercice de prérogatives de puissance publique, prises par les sociétés d'économie mixte locales pour le compte d'une commune ou d'un établissement public de coopération intercommunale. " ;

3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que par un arrêté du 22 mars 2010, le préfet de la Loire-Atlantique a créé la zone d'aménagement différé du " centre-bourg " sur le territoire de la commune de Saint-André-des-Eaux et désigné la SONADEV comme titulaire du droit de préemption dans cette zone ; que M.B..., dont le terrain est inclus dans le périmètre de la zone a, en novembre 2011, conclu un compromis de vente pour ce terrain ; qu'au vu de la déclaration d'intention d'aliéner transmise le 7 décembre 2011, la SONADEV, à qui avait été conférée par le traité de concession d'aménagement conclu le 13 octobre 2009 avec la Communauté d'agglomération de la région nazairienne et de l'estuaire (CARENE) la qualité d'aménageur et de maître d'ouvrage de la zone d'aménagement concertée du " centre-bourg " à Saint-André-des-Eaux, recouvrant la zone d'aménagement différé ( ZAD) éponyme, a décidé le 23 janvier 2012 d'exercer son droit de préemption sur cette parcelle ;

4. Considérant que lorsqu'une société d'économie mixte a la qualité d'aménageur dans le cadre d'une convention d'aménagement conclue avec un établissement public de coopération intercommunale, elle ne peut être regardée, en l'absence de conditions particulières, comme un mandataire agissant pour le compte de cet établissement ; que la concession d'aménagement conclue le 13 octobre 2009 n'avait pas pour seul objet la réalisation d'équipements destinés à être remis à la communauté d'agglomération dès leur achèvement, mais confiait également à l'aménageur la gestion des biens acquis et leur cession à des personnes privées ou à d'autres personnes publiques ; que, dans ces conditions, elle n'avait pas le caractère d'un mandat donné par la personne publique à l'aménageur ; qu'il suit de là que la SONADEV ne peut être regardée comme ayant exercé le droit de préemption qui lui a été ouvert par l'arrêté préfectoral du 22 mars 2010, ni pour le compte de la CARENE, ni pour celui de la commune de Saint-André-des-Eaux ; que, par suite, le caractère exécutoire de la décision de préemption litigieuse n'était pas subordonné à sa transmission au représentant de l'Etat prescrite par les dispositions précitées de l'article L. 2131-1 du code général des collectivités territoriales; que, dès lors, c'est à tort que le tribunal administratif de Nantes a prononcé l'annulation de cette décision au motif que, n'ayant pas été transmise au représentant de l'Etat, conformément à ces dispositions, elle n'était pas devenue exécutoire ;

5. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B...devant le tribunal administratif de Nantes ;

6. Considérant, en premier lieu, que la décision de préemption n'a pas été adressée directement au requérant mais a été transmise à son notaire, mentionné comme destinataire de la déclaration d'intention d'aliéner dans le formulaire prévu à cet effet, dans le délai de deux mois imparti au titulaire du droit de préemption par les dispositions de l'article L. 213-2 du code de l'urbanisme ;

7. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme : " " Les droits de préemption institués par le présent titre sont exercés en vue de la réalisation, dans l'intérêt général, des actions ou opérations répondant aux objets définis à l'article L. 300-1 (...) ou pour constituer des réserves foncières en vue de permettre la réalisation desdites actions ou opérations d'aménagement. Toute décision de préemption doit mentionner l'objet pour lequel ce droit est exercé. Toutefois, lorsque le droit de préemption est exercé à des fins de réserves foncières dans le cadre d'une zone d'aménagement différé, la décision peut se référer aux motivations générales mentionnées dans l'acte créant la zone (...)" ; qu'il résulte de ces dispositions que, lorsqu'une collectivité publique décide d'exercer le droit de préemption pour constituer une réserve foncière à l'intérieur d'une zone d'aménagement différé, les exigences de motivation résultant de l'article L. 210-1 doivent être regardées comme remplies lorsque la décision fait référence aux dispositions de l'acte créant cette zone ; qu'à cette fin, la collectivité peut soit indiquer l'action ou l'opération d'aménagement prévues par cet acte, soit renvoyer à ce dernier dès lors qu'il permet d'identifier la nature de l'opération ou de l'action d'aménagement poursuivies ;

8. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la décision de préemption litigieuse vise l'arrêté préfectoral du 22 mars 2010 créant la zone d'aménagement différé du " centre-bourg " à Saint-André-des-Eaux, lequel est annexé à cette décision ; que cet arrêté mentionne que la création de la zone d'aménagement différé est destinée, dans le cadre de la maîtrise de la spéculation foncière, à la constitution de réserves foncières en vue d'un aménagement futur en terme d'habitat individuel et/ou collectif, de la réalisation d'équipements publics et d'implantations commerciales ; que, dans ces conditions, la décision de préemption litigieuse satisfait aux conditions posées par les dispositions susrappelées de l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme ;

9. Considérant, en troisième lieu, que le directeur de la SONADEV a consulté pour avis par lettre du 21 décembre 2011 le service des domaines sur la valeur vénale de la parcelle sur laquelle cette société exerçait son droit de préemption ; que l'estimation de France Domaine lui est parvenue par courrier du 9 janvier 2012 ; qu'il a ainsi été satisfait à l'obligation de transmission de la déclaration d'aliéner au service des domaines posée par l'article R. 213-6 du code de l'urbanisme et à celle de consultation de ce service prescrite par l'article R..213-21 du même code ;

10. Considérant, en quatrième lieu, qu'il ressort du traité de concession d'aménagement conclu entre la CARENE et la SONADEV le 29 octobre 2009 que l'aménageur doit réaliser un projet urbain cohérent à l'échelle du centre-bourg de Saint-André-des-Eaux, concourant à son renouvellement, en organisant le maintien et le renforcement des activités économiques, commerciales et de service liées à l'activité résidentielle et en mettant en oeuvre une politique locale de l'habitat ; qu'ainsi, le moyen tiré de ce que la SONADEV ne justifiait d'aucun projet précis d'aménagement à la date de la décision litigieuse ne peut qu'être écarté ;

11. Considérant, en cinquième lieu, que le moyen tiré des prétendues irrégularités qui affecteraient la délibération du 14 septembre 2007 du conseil municipal de Saint-André-des-Eaux instituant le droit de préemption urbain ne peut être utilement soulevé à l'encontre de la décision contestée, prise en application de l'arrêté préfectoral du 22 mars 2010 qui autorise la création d'une ZAD du " centre-bourg "; qu'est de même inopérant le moyen tiré de l'inadéquation du terrain de M. B...à un projet d'aménagement urbain ;

12. Considérant, enfin, que le détournement de pouvoir allégué, qui résulterait de l'acharnement de la commune de Saint-André-des-Eaux à faire échec à toute vente par l'intimé de sa parcelle, n'est pas établi ;

13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement attaqué, que la SONADEV est fondée à soutenir que c'est à tort que, par ce jugement, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision du 23 janvier 2012 par laquelle elle a exercé son droit de préemption sur la parcelle cadastrée BS n° 438 appartenant à M. B...;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

14. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application de ces dispositions, de mettre à la charge de M. B...une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par la société d'économie mixte d'aménagement de l'agglomération nazairienne et non compris dans les dépens ; que ces mêmes dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de la société d'économie mixte d'aménagement de l'agglomération nazairienne, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme demandée à ce même titre par M. B...;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 24 juin 2014 du tribunal administratif de Nantes est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. B...devant le tribunal administratif de Nantes et le surplus de ses conclusions devant la cour sont rejetés.

Article 3 : M. B...versera à la société d'économie mixte d'aménagement de l'agglomération nazairienne une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions présentées par M. B...sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société d'économie mixte d'aménagement de l'agglomération nazairienne et à M. C... B....

Délibéré après l'audience du 1er décembre 2015 où siégeaient :

- M. Pérez, président de chambre,

- M. Millet, président-assesseur,

- M. François, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 22 décembre 2015.

Le rapporteur,

E. FRANÇOISLe président,

A. PEREZ

Le greffier,

S. BOYERE

La République mande et ordonne au ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 14NT01840


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 14NT01840
Date de la décision : 22/12/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-02-01-01-02 Urbanisme et aménagement du territoire. Procédures d'intervention foncière. Préemption et réserves foncières. Droits de préemption. Zones d'aménagement différé.


Composition du Tribunal
Président : M. PEREZ
Rapporteur ?: M. Eric FRANCOIS
Rapporteur public ?: M. DELESALLE
Avocat(s) : SELARL CORNET VINCENT SEGUREL

Origine de la décision
Date de l'import : 12/11/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2015-12-22;14nt01840 ?
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