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02/07/2015 | FRANCE | N°14NC02202

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre - formation à 3, 02 juillet 2015, 14NC02202


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL Toutimmo a demandé au tribunal administratif de Nancy de condamner la commune d'Uxegney à lui verser la somme de 332 540 euros, assortie des intérêts légaux majorés de cinq points à compter de la réclamation préalable ainsi que de la capitalisation des intérêts, en réparation du préjudice subi en raison de la participation à la réalisation d'équipements publics.

Par un jugement n° 1301165 du 14 octobre 2014, le tribunal administratif de Nancy a condamné la commune d'Uxegney à verse

r à la société la somme demandée.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mé...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL Toutimmo a demandé au tribunal administratif de Nancy de condamner la commune d'Uxegney à lui verser la somme de 332 540 euros, assortie des intérêts légaux majorés de cinq points à compter de la réclamation préalable ainsi que de la capitalisation des intérêts, en réparation du préjudice subi en raison de la participation à la réalisation d'équipements publics.

Par un jugement n° 1301165 du 14 octobre 2014, le tribunal administratif de Nancy a condamné la commune d'Uxegney à verser à la société la somme demandée.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 5 décembre 2014 et le 5 juin 2015, la commune d'Uxegney, représentée par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1301165 du 14 octobre 2014 du tribunal administratif de Nancy ;

2°) de rejeter la demande de première instance de la société Toutimmo et de la condamner à lui restituer la somme de 332 540 euros ;

3°) de mettre à la charge de la SARL Toutimmo une somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le tribunal administratif a commis une erreur de droit en faisant peser sur la commune la charge de démontrer la légalité des participations imposées au lotisseur ;

- les équipements réalisés constituent des équipements propres que la commune pouvait mettre à la charge du bénéficiaire en application de l'article L. 332-15 du code de l'urbanisme ;

- si les voies d'accès sont ouvertes à la circulation, elles constituent les seuls accès au lotissement et ne sont dimensionnées que pour les usagers du lotissement ; les constructions projetées à proximité du lotissement ont été réalisées postérieurement à la création du lotissement ;

- l'installation du calvaire était nécessaire à la construction du lotissement ;

- l'aire de jeux était nécessaire à la construction du lotissement et est implantée dans les espaces verts du lotissement ;

- seule la rétrocession des équipements à la commune a conféré à ses équipements propres un caractère public.

Par un mémoire en défense enregistré le 4 mai 2015, la SARL Toutimmo, représentée par MeC..., conclut au rejet de la requête, à ce que la somme de 332 540 euros soit augmentée des intérêts au taux légal majoré de cinq points à compter de la réclamation préalable ainsi que de la capitalisation des intérêts et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la commune d'Uxegney au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le maire de la commune d'Uxegney ne justifie pas d'une habilitation à interjeter appel ;

- le calvaire n'avait pas de lien direct avec le lotissement et ne pouvait être regardé comme un équipement propre ;

- l'aire de jeux est ouverte à tous et son installation a été réalisée par la commune sur un lot affecté aux espaces verts et situé à proximité du futur groupe scolaire ;

- les travaux de voirie et sur réseaux ont excédé les seuls besoins du lotissement et ont permis la réalisation d'opérations ultérieures que la commune avait prévues au moment où elle a demandé ces travaux ;

- la circonstance que la société Toutimmo a intégré ces travaux dans son permis et n'a émis aucune réserve en signant la convention avec le maire après la délivrance de l'autorisation de lotir, n'est pas de nature à faire obstacle à la répétition de l'indu ; en tout état de cause, les voies n'étaient pas concernées par la convention ;

- elle a démontré ses allégations et c'est à bon droit que le tribunal administratif a jugé au vu de l'instruction et en l'absence de contestation de la commune ;

- elle ne peut être condamnée à restituer les sommes en litige que la commune ne lui a pas versées ;

- elle peut prétendre aux intérêts et à leur capitalisation.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Stefanski, président,

- les conclusions de M. Favret, rapporteur public,

- et les observations de MeB..., pour la commune d'Uxegney, ainsi que celles de Me C...pour la société Toutimmo.

La commune d'Uxegney a présenté une note en délibéré enregistrée le 19 juin 2015.

Considérant ce qui suit :

1. Par arrêté modificatif du 3 octobre 2006, l'autorisation de réaliser un lotissement au lieu-dit ''Les champs Zélots'', accordée le 2 juin 2006 à M. A...par le maire d'Uxegney, a été transférée à la société Toutimmo, qui a réalisé à ses frais des travaux de voirie et de réseaux portant sur les rues de la Croix et des Champs Zélots. Par convention du 13 octobre 2006, la commune d'Uxegney et la société Toutimmo ont convenu du transfert dans le domaine public communal de l'ensemble des équipements communs du lotissement à l'issue des travaux. Au cours du mois de mai 2008, la commune a demandé à la société de verser une somme de 22 500 euros correspondant à la réalisation, par la commune, d'une aire de jeu située dans les espaces verts du lotissement et en 2009, la société Toutimmo a également pris à sa charge le coût de réinstallation d'un calvaire dans la rue de la Croix. Le transfert des biens, effectué en application de la convention du 13 octobre 2006, est intervenu par acte authentique du 6 août 2009. Par courrier du 28 janvier 2013, la société Toutimmo a demandé à la commune d'Uxegney de lui rembourser le coût des travaux d'équipements qu'elle estime avoir indument supporté en méconnaissance des articles L. 332-6 et L. 332-15 du code de l'urbanisme. Cette demande a été rejetée par courrier du 28 mars 2013. La commune d'Uxegney interjette appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Nancy l'a condamnée à verser à la société Toutimmo les sommes que celle-ci demandait.

2. L'article L. 332-30 du code de l'urbanisme dispose que : " Les taxes et contributions de toute nature qui sont obtenues ou imposées en violation des dispositions des articles L. 311-4 et L. 332-6 sont réputées sans cause ; les sommes versées ou celles qui correspondent au coût de prestations fournies sont sujettes à répétition. L'action en répétition se prescrit par cinq ans à compter du dernier versement ou de l'obtention des prestations indûment exigées (...)/ Les sommes à rembourser au titre des deux alinéas précédents portent intérêt au taux légal majoré de cinq points ". Aux termes de l'article L. 332-6 du code de l'urbanisme, applicables aux lotisseurs en vertu de l'article L. 332-12 du même code, dans sa version applicable au litige : " Les bénéficiaires d'autorisations de construire ne peuvent être tenus que des obligations suivantes : / (...) 3° La réalisation des équipements propres mentionnés à l'article L. 332-15 (...) ". Aux termes de l'article L. 332-15 du même code, dans sa rédaction alors en vigueur : " L'autorité qui délivre l'autorisation de construire, d'aménager, ou de lotir exige, en tant que de besoin, du bénéficiaire de celle-ci la réalisation et le financement de tous travaux nécessaires à la viabilité et à l'équipement de la construction, du terrain aménagé ou du lotissement, notamment en ce qui concerne la voirie, l'alimentation en eau, gaz et électricité, les réseaux de télécommunication, l'évacuation et le traitement des eaux et matières usées, l'éclairage, les aires de stationnement, les espaces collectifs, les aires de jeux et les espaces plantés (...) ".

3. Il résulte des dispositions de ces deux derniers articles que seul peut être mis à la charge du bénéficiaire d'une autorisation de lotir le coût des équipements propres à son lotissement ; que dès lors que des équipements excèdent, par leurs caractéristiques et leurs dimensions, les seuls besoins constatés et simultanés d'un ou, le cas échéant, plusieurs lotissements et ne peuvent, par suite, être regardés comme des équipements propres au sens de l'article L. 332-15, leur coût ne peut être, même pour partie, supporté par le lotisseur.

4. Il résulte des termes mêmes de l'article L. 332-30 du code de l'urbanisme que l'action en répétition de l'indu qu'il prévoit concerne non seulement les taxes et contributions imposées aux constructeurs en violation des dispositions des articles L. 311-4 et L. 332-6 du code de l'urbanisme mais également celles qui sont obtenues d'eux, avec leur accord, en méconnaissance des mêmes textes. En conséquence, la circonstance que la société Toutimmo ne s'est pas opposée au paiement des sommes en litige ne fait pas obstacle à ce qu'elle exerce une action en répétition de l'indu en application de l'article L. 332-30 du code de l'urbanisme.

Sur les travaux de voiries et de réseaux :

5. Il ressort des pièces du dossier que si la rue de la Croix et la rue des Champs Zélots sont ouvertes à la circulation, elle constituent, pour le lotissement, les seules voies d'accès ou de sortie en direction de la route départementale qui le longe et qu'elles ont été aménagées et élargies à cette occasion, afin de permettre la circulation des futurs occupants du lotissement et de leurs visiteurs, ainsi que, pour la rue de la Croix, des véhicules d'incendie et de secours. Ces rues n'ont pas d'autre objet que de desservir essentiellement le lotissement depuis la route départementale et ne permettent pas de relier d'autres quartiers de la commune. Les réseaux nécessaires aux occupants du lotissement ont été également réalisés sous ces voies lors des travaux. Si la société Toutimmo soutient que ces installations excèdent les besoins du lotissement ou qu'elles ont été conçues dès l'origine pour desservir une zone plus large autour du lotissement, elle n'apporte aucun élément précis à l'appui de ses allégations en se bornant à produire les factures des travaux, qui ne démontrent pas que les aménagements ne sont pas dimensionnés pour les seuls besoins du lotissement. La circonstance que quelques riverains, très peu nombreux, qui étaient installés avant la création du lotissement et empruntaient alors les chemins non aménagés qui existaient, peuvent maintenant utiliser ces mêmes voies aménagées pour permettre l'accès des occupants du lotissement à la route départementale, n'est pas de nature à enlever à ces rues leurs caractéristiques de voies essentiellement destinées à desservir le lotissement et aménagées pour ses besoins. De même, la circonstance que plusieurs années après la création de ce lotissement de 70 lots, la commune ait décidé d'implanter un groupe scolaire avec bibliothèque et un petit lotissement communal de 9 lots susceptibles d'emprunter la rue de la Croix n'est pas de nature à retirer à cette voie et aux réseaux qu'elle comporte la nature d'équipement propres au lotissement, aucun élément ne démontrant que lors de la réalisation des travaux, les projets de création du groupe scolaire et du lotissement communal étaient connus et précisés et que le lotisseur aurait réalisé des aménagements destinés à ces constructions projetées.

Sur l'aire de jeux :

6. Il ressort de l'instruction que l'aire de jeux financée par la société Toutimmo a été réalisée dans les espaces verts implantés à l'intérieur du lotissement, à l'occasion des travaux de réalisation du lotissement. Dans ces conditions, l'aire de jeux a la nature d'un équipement propre réalisé, à la date de son aménagement, pour les besoins du lotissement, sans qu'y fasse obstacle la circonstance que, plusieurs années après sa création, la commune ait prévu l'implantation d'un lotissement communal sur des parcelles contiguës à l'aire de jeux et un groupe scolaire sur une parcelle située au-delà du lotissement communal. En tout état de cause, il n'est pas établi que les occupants du nouveau lotissement auront accès à cette aire de jeux, ni les enfants du groupe scolaire qui sera clos.

Sur la réinstallation du calvaire :

7. Il ne résulte pas de l'instruction que la réinstallation d'un calvaire en bordure de l'espace vert réalisé dans le lotissement des Champs Zélots correspondrait à un besoin du lotissement. Ainsi, il constitue un équipement public de la commune d'Uxegney. En conséquence, le montant des travaux de 1 315,60 euros TTC doit être remboursé par la commune d'Uxegney à la société Toutimmo.

8. La commune d'Uxegney ne peut utilement se prévaloir des dispositions de l'avant-dernier alinéa de l'article L. 332-15 du code de l'urbanisme, selon lesquelles " en cas de classement ultérieur dans la voirie et les réseaux publics, les travaux exigés au titre des équipements propres n'ouvrent pas droit à l'action en répétition " dès lors qu'elle n'établit pas par la seule production d'un acte de rétrocession que l'équipement litigieux aurait fait l'objet d'un classement ultérieur dans la voirie et les réseaux publics.

9. Il résulte de ce qui précède que la commune est fondée à demander l'annulation du jugement attaqué du tribunal administratif à l'exception de la condamnation correspondant aux frais relatifs à la réinstallation d'un calvaire.

Sur les intérêts et leur capitalisation :

10. La société Toutimmo a droit, en application des dispositions précitées de l'article L. 332-30 du code de l'urbanisme, aux intérêts au taux légal majoré de cinq points sur la somme de 1 315,60 euros, à compter de la date du 28 mars 2013 à laquelle la commune a répondu à sa réclamation, à défaut de preuve de la date de réception de cette dernière. La société a demandé la capitalisation des intérêts le 21 mai 2013 devant le tribunal administratif et a renouvelé cette demande dans son mémoire en défense enregistré devant la cour le 4 mai 2015. Cette demande ne peut, toutefois, prendre effet que lorsque les intérêts sont dus au moins pour une année entière. Dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, il y a lieu de faire droit à cette demande à compter du 28 mars 2014, date à laquelle les intérêts étaient dus pour une année entière, et à chaque échéance annuelle à compter de cette date.

11. Il résulte de ce qui précède que la commune d'Uxegney est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif l'a condamnée à verser à la société Toutimmo une somme excédant un montant de 1 315,60 euros assorti des intérêts au taux légal majoré de cinq points à compter du 28 mars 2013 et de la capitalisation des intérêts. Dès lors qu'il ne résulte pas de l'instruction que les sommes mises à la charge de la commune par le tribunal administratif ont été versées, il n'y a pas lieu d'ordonner leur restitution.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune d'Uxegney, qui n'est pas pour l'essentiel la partie perdante dans la présente instance, le versement des sommes demandées par la société Toutimmo au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de la société Toutimmo le versement à la commune d'Uxegney d'une somme à ce titre.

D E C I D E :

Article 1er : La somme que la commune d'Uxegney a été condamnée à verser à la société Toutimmo par l'article 1er du jugement du tribunal administratif est ramenée à la somme de 1 315,60 euros, assortie des intérêts au taux légal majoré de cinq points à compter du 28 mars 2013 et de la capitalisation des intérêts.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Nancy est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la commune d'Uxegney est rejeté.

Article 4: Le surplus des conclusions d'appel de la SARL Toutimmo est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la commune d'Uxegney et à la société Toutimmo.

Copie en sera adressée au préfet des Vosges.

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N° 14NC02202


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14NC02202
Date de la décision : 02/07/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

68-02-04-02 Urbanisme et aménagement du territoire. Procédures d'intervention foncière. Lotissements. Autorisation de lotir.


Composition du Tribunal
Président : Mme PELLISSIER
Rapporteur ?: Mme Colette STEFANSKI
Rapporteur public ?: M. FAVRET
Avocat(s) : CMS BUREAU FRANCIS LEFEBVRE

Origine de la décision
Date de l'import : 29/09/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2015-07-02;14nc02202 ?
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