Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La commune de Vesly a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 12 décembre 2011 par lequel le préfet de l'Eure a délivré à la société Juwi EnR un permis de construire un parc éolien comprenant quatre éoliennes et un poste de livraison électrique sur la commune de Vesly (Eure).
Par un jugement n° 1201612 du 27 mai 2014, le tribunal administratif de Rouen a annulé ce permis de construire.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 25 juillet 2014, et deux mémoires complémentaires, enregistrés le 19 juin 2015 et le 5 juillet 2016, la société Juwi Enr, nouvellement dénommée Neoen Développement, représentée par Me C...D...du cabinet Volta, demande à la cour dans le dernier état de ses conclusions :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de rejeter la demande de la commune de Vesly ;
3°) de mettre à la charge de la commune la somme de 4 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement ne comporte pas la signature du président de la formation de jugement et du rapporteur, en violation de l'article R. 741-7 du code de justice administrative ;
- le motif d'annulation du tribunal tiré d'un vice de procédure à défaut de consultation du maire de la commune de Vesly doit être censuré comme manquant en fait et en droit ;
- les autres moyens présentés en première instance doivent être écartés, en particulier :
- le défaut de consultation des collectivités limitrophes ;
- l'absence de demande d'autorisation au titre des installations classées pour la protection de l'environnement ;
- les insuffisances de l'étude d'impact ;
- le défaut de titre habilitant à construire ;
- les irrégularités de l'enquête publique ;
- le caractère incomplet du dossier de demande ;
- les méconnaissances du plan d'occupation des sols ;
- la méconnaissance de la distance minimale d'implantation par rapport aux habitations ;
- l'existence d'erreurs manifestes d'appréciation du risque pour la sécurité publique et de l'atteinte aux paysages et aux sites ;
- la méconnaissance de l'article R. 111-15 du code de l'urbanisme.
Par un mémoire en défense, enregistré le 12 mars 2015, et un mémoire complémentaire, enregistré le 9 mai 2016, la commune de Vesly, représentée par Me B...F..., conclut :
1°) au rejet de la requête ;
2°) à la mise à la charge de la société Juwi EnR de la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- les conclusions de la société Neoen Développement sont irrecevables à défaut de reprise de l'instance engagée par la société Juwi EnR ;
- les moyens de la requête ne sont pas fondés ;
- ils confirment leurs moyens de première instance tirés du défaut de consultation des collectivités limitrophes, de demande d'autorisation d'exploiter une installation classée, des insuffisances de l'étude d'impact quant à ses volets acoustique, faunistique, paysager, environnemental, de l'absence de titre habilitant la société à déposer la demande de permis et à construire, des irrégularités de l'enquête publique, de la méconnaissance des dispositions des articles 2,4,6,7,10 et 11 du règlement de la zone NC et 2,10 et 11 du règlement de la zone ND du plan d'occupation des sols, de la méconnaissance de la distance minimale de 500 mètres par rapport aux habitations, des erreurs manifestes d'appréciation au regard des dispositions des articles R. 111-2 et R. 111-21 du code de l'urbanisme, et de la méconnaissance de l'article R. 111-15 du code de l'urbanisme.
La requête a été communiquée le 31 juillet 2014 au ministre chargé de l'urbanisme qui n'a pas produit de mémoire.
Une ordonnance a fixé la clôture d'instruction au 9 septembre 2016.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- le code de l'environnement ;
- le code de l'urbanisme ;
- l'arrêté du 26 août 2011 relatif aux installations de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent au sein d'une installation soumise à autorisation au titre de la rubrique 2980 de la législation des installations classées pour la protection de l'environnement ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Olivier Yeznikian, président,
- les conclusions de M. Jean-Michel Riou, rapporteur public,
- et les observations de Me Me H...E..., substituant Me C...D..., représentant la société Neoen Développement et Me G...A..., substituant Me B...F..., représentant la commune de Vesly.
Une note en délibéré a été enregistrée le 6 avril 2017 pour la société Neoen Développement.
1. Considérant que la société Juwi EnR a déposé le 8 juin 2007, à la mairie de Vesly, commune couverte par un plan local d'urbanisme, une demande de permis de construire un parc éolien composé de quatre aérogénérateurs et d'un poste de livraison électrique ; que ce permis de construire a été refusé par le préfet de l'Eure le 18 janvier 2008 ; que, par un jugement du 4 novembre 2010, devenu définitif, le tribunal administratif de Rouen a annulé le refus opposé à la demande de la société et a enjoint au préfet de procéder au réexamen de la demande ; qu'à la suite d'un nouvel examen et par un arrêté du 12 décembre 2011, le préfet de l'Eure a accordé le permis de construire sollicité ; qu'à la demande de la commune de Vesly, le tribunal administratif de Rouen en a prononcé l'annulation pour excès de pouvoir, par un jugement du 27 mai 2014, dont la société Juwi EnR, qui se désigne comme étant nouvellement dénommée Neoen Développement, relève appel ;
Sur la régularité du jugement :
2. Considérant qu'il ressort de la minute du jugement produite avec les pièces du dossier de première instance que cette décision a été signée par le président de la formation de jugement et le rapporteur ; qu'elle est ainsi conforme aux prescriptions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative ; que, par suite, le moyen tiré de l'irrégularité du jugement à défaut de ces signatures doit être écarté ;
3. Considérant que le préfet de l'Eure a délivré, par arrêté du 12 décembre 2011, à la société Juwi Enr un permis de construire quatre éoliennes et un poste de livraison sur le territoire de la commune de Vesly ; qu'une commune justifie toujours d'un intérêt propre lui donnant qualité pour demander l'annulation d'un permis de construire délivré sur son territoire ; que, par suite, la fin de non-recevoir opposée en défense par le préfet de l'Eure et par la société Juwi Enr doit être écartée ;
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne les dispositions d'urbanisme opposables au pétitionnaire :
4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 600-2 du code de l'urbanisme : " Lorsqu'un refus opposé à une demande d'autorisation (...) régie par le présent code a fait l'objet d'une annulation juridictionnelle, la demande d'autorisation (...) confirmée par l'intéressée ne peut faire l'objet d'un nouveau refus ou être assortie de prescriptions spéciales sur le fondement de dispositions d'urbanisme intervenues postérieurement à la date d'intervention de la décision annulée sous réserve que l'annulation soit devenue définitive et que la confirmation de la demande (...) soit effectuée dans les six mois suivant la notification de l'annulation au pétitionnaire " ;
5. Considérant que lorsqu'une juridiction, à la suite de l'annulation d'un refus opposé à une demande d'autorisation d'occuper ou d'utiliser le sol, fait droit à des conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint à l'administration de réexaminer cette demande, ces conclusions aux fins d'injonction du requérant doivent être regardées comme confirmant sa demande initiale ; que, par suite, la condition posée par l'article L. 600-2 du code de l'urbanisme imposant que la demande ou la déclaration soit confirmée dans les six mois suivant la notification de l'annulation au pétitionnaire doit être regardée comme remplie lorsque la juridiction enjoint à l'autorité administrative de réexaminer la demande présentée par le requérant ; que, dans un tel cas, l'autorité administrative doit, sous réserve que l'annulation soit devenue définitive et que le pétitionnaire ne dépose pas une demande d'autorisation portant sur un nouveau projet, réexaminer la demande initiale sur le fondement des dispositions d'urbanisme applicables à la date de la décision annulée, en application de l'article L. 600-2 du code de l'urbanisme ;
6. Considérant qu'ainsi qu'il a été dit au point 1, le tribunal administratif de Rouen, par un jugement du 4 novembre 2010, devenu définitif, a annulé pour excès de pouvoir le refus de permis de construire opposé par le préfet de l'Eure à la société alors dénommée Juwi EnR et a enjoint, à la demande de la société, à l'administration de procéder au réexamen de la demande ; qu'il ressort des pièces du dossier que la société pétitionnaire n'a pas déposé, après ce jugement, une demande portant sur un nouveau projet ; que, par suite, et compte tenu de ce qui a été dit aux pointx 4 et 5, notamment en ce qui concerne l'obligation de confirmation de la demande réputée satisfaite, le préfet devait réexaminer la demande initiale déposée le 8 juin 2007 en mairie de Vesly, sur le fondement des dispositions d'urbanisme applicables au 18 janvier 2008, date du refus de permis de construire annulé ;
En ce qui concerne le motif unique d'annulation retenu par le jugement du 27 mai 2014 :
7. Considérant que, pour prononcer l'annulation de l'arrêté du 12 décembre 2011 par lequel le préfet de l'Eure a accordé un permis de construire un parc éolien à la société Juwi EnR, le tribunal administratif de Rouen s'est fondé sur un unique motif tiré de ce que l'avis du maire de la commune d'implantation, soit la commune de Vesly, n'avait pas été recueilli par le préfet ; qu'en application de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, il appartient à la cour de se prononcer sur ce motif d'annulation qui est contesté devant elle ;
8. Considérant, d'une part, qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 423-1 du code de l'urbanisme dans sa rédaction applicable conformément au 18 janvier 2008 : "Les demandes de permis de construire, (...) sont présentées et instruites dans les conditions et délais fixés par décret en Conseil d'Etat " ; qu'aux termes de l'article R. 423-50 du même code, pris pour l'application de l'article L. 423-1 et figurant dans une sous-section intitulée " consultation des personnes publiques, services ou commissions intéressés " : " L'autorité compétente recueille auprès des personnes publiques, services ou commissions intéressés par le projet, les accords, avis ou décisions prévus par les lois ou règlements en vigueur " ;
9. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 422-2 du code de l'urbanisme dans sa version applicable au 18 janvier 2008 : " Par exception aux dispositions du a de l'article L. 422-1, l'autorité administrative de l'Etat est compétente pour se prononcer sur un projet portant sur : / (...) / b) Les ouvrages de production, de transport, de distribution et de stockage d'énergie, (...) ; un décret en Conseil d'Etat détermine la nature et l'importance de ces ouvrages ; / (...) / Lorsque la décision est prise par le préfet, celui-ci recueille l'avis du maire (...) " ; et qu'aux termes de l'article R. 422-2 du même code : " Le préfet est compétent pour délivrer le permis de construire, (...) dans les cas prévus par l'article L. 422-2 dans les hypothèses suivantes : / (...) / b) Pour les ouvrages de production, de transport, de distribution et de stockage d'énergie lorsque cette énergie n'est pas destinée, principalement, à une utilisation directe par le demandeur ; / (...) " ; que le premier alinéa de l'article R. 423-72 du même code, situé dans une section de ce code intitulée " Dispositions particulières aux demandes et aux déclarations lorsque la décision est de la compétence de l'Etat ", dispose que : " Lorsque la décision est de la compétence de l'Etat, le maire adresse au chef du service de l'Etat dans le département chargé de l'instruction son avis sur chaque demande de permis (...). Cet avis est réputé favorable s'il n'est pas intervenu dans le délai d'un mois à compter du dépôt à la mairie de la demande de permis (...) " ;
10. Considérant qu'il résulte des dispositions citées aux deux points précédents que, lorsqu'il est prévu que le préfet, comme autorité désignée pour se prononcer sur une demande de permis de construire, recueille l'avis du maire, cette consultation n'impose pas que l'autorité préfectorale lui adresse une demande expresse en ce sens dès lors qu'il est prévu que le maire étant informé par le dépôt du dossier de demande de permis de construire en mairie, son avis peut être réputé favorable s'il n'est pas intervenu dans un délai d'un mois à compter de ce dépôt ;
11. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le maire de Vesly a émis, le 8 juin 2007, un avis favorable, sur le fondement de l'article R. 423-72 du code de l'urbanisme, sur la demande de permis de construire présentée, au demeurant le jour même, par la société Juwi EnR ; que la circonstance que cette société ait produit, au cours de l'instruction de sa demande, des documents complémentaires est sans incidence sur la régularité de la consultation du maire ; que, par suite, les dispositions de l'article R. 423-72 du code de l'urbanisme, prises pour l'application de l'article L. 422-2 du même code, n'ont pas été méconnues lors de la première instruction de la demande ;
12. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le projet soumis au réexamen de l'administration était le même que le projet initial ; qu'ainsi qu'il a été dit au point 6, le nouvel examen du dossier devait également se faire en application des mêmes dispositions légales que celles en vigueur à la date de la première décision du préfet ; que la procédure d'instruction pouvait ainsi se poursuivre en tenant compte des éléments de procédure non remis en cause par le jugement d'annulation et acquis lors de la décision initiale ; qu'ainsi, les modifications dans la législation n'avaient pas, en tout état de cause, à être pris en compte par le maire pour rendre, le cas échéant, un nouvel avis sur le projet ; qu'il était loisible au maire de le formuler au cours d'une procédure dont il ne pouvait, dans les circonstances de l'espèce, ignorer l'existence ; que si, d'ailleurs, le conseil municipal a exprimé, lors de la procédure de réexamen, son désaccord au projet après y avoir été initialement favorable, cette circonstance a été, en tout état de cause, portée à la connaissance du préfet ; que, dès lors, un nouvel avis du maire n'avait pas à être obligatoirement sollicité ou recueilli par le préfet sur le fondement de l'article R. 423-72 du code de l'urbanisme ; que, par suite, la société Neoen Développement est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Rouen s'est fondé sur le motif unique tiré du défaut de consultation du maire de la commune de Vesly pour annuler le permis de construire qui lui avait été accordé le 12 décembre 2011 ;
13. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la commune de Vesly devant la juridiction administrative ;
Sur la fin de non recevoir opposée en défense :
14. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la société requérante a modifié sa raison sociale à compter du 28 janvier 2015 pour prendre la dénomination de Neoen Développement ; qu'elle pouvait de ce fait, sans avoir à justifier d'une qualité d'ayant-droit de la société Juwi EnR, présenter des écritures complémentaires à sa requête introductive d'instance ; que la fin de non-recevoir tirée du défaut de justification d'une reprise d'instance doit être écartée ;
En ce qui concerne la méconnaissance de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme et des articles NC 11 et ND 11 du règlement du plan d'occupation des sols :
15. Considérant qu'ainsi qu'il a été dit au point 6, le préfet devait, en vertu des dispositions de l'article L. 600-2 du code de l'urbanisme, procéder au réexamen de la demande de permis de construire sur le fondement des dispositions applicables à la date du refus de permis de construire annulé, soit au 18 janvier 2008 ; qu'il ressort des pièces du dossier que la révision simplifiée du plan d'occupation des sols approuvée le 14 décembre 2007, qui vise à permettre expressément l'implantation d'éoliennes dans les zones naturelles NC et ND, n'est entrée en vigueur que le 3 mars 2008, date de sa réception en sous-préfecture ; que si le document d'urbanisme dans sa rédaction issue de cette révision simplifiée ne pouvait pas servir de fondement à la décision attaquée, il convient d'examiner si la construction autorisée méconnaissait, comme le soutient la commune, le plan d'occupation des sols dans sa rédaction antérieure à cette révision ;
16. Considérant qu'aux termes, identiques, du premier alinéa des articles NC 11 et ND 11, relatif à l'aspect extérieur des constructions : " Les constructions et installations de quelque nature qu'elles soient doivent respecter l'harmonie créée par les bâtiments existants et le site. Elles doivent présenter une simplicité de volume et une unité d'aspect et de matériaux compatibles avec la bonne économie de la construction " ; qu'aux termes de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales " ; que les dispositions du plan d'occupation des sols ont le même objet que celles, également invoquées par la commune, de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme et posent des exigences qui ne sont pas moindres ; que, dès lors, c'est par rapport aux dispositions du règlement du plan d'occupation des sols que doit être appréciée la légalité de la décision attaquée ;
17. Considérant qu'il résulte des dispositions du plan d'occupation des sols qui ont le même objet que celles de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme que, pour rechercher l'existence d'une atteinte à un paysage naturel de nature à fonder le refus de permis de construire ou les prescriptions spéciales accompagnant la délivrance de ce permis, il appartient à l'autorité administrative d'apprécier, dans un premier temps, la qualité du site naturel sur lequel la construction est projetée et d'évaluer, dans un second temps, l'impact que, compte tenu de sa nature et de ses effets, cette construction pourrait avoir sur le site ;
18. Considérant que le permis attaqué concerne un parc comprenant quatre aérogénérateurs d'une hauteur en bout de pale de 140 mètres ainsi qu'un poste de livraison devant être implanté, sur le territoire de la commune de Vesly, à une altitude moyenne de 130 mètres sur un plateau à la frontière entre le Vexin normand et les collines et vallons du " Vexin Bossu ", le long du rebord ouest de la vallée de l'Epte ; qu'un atlas régional des paysages mentionne la valeur patrimoniale de cette partie de la vallée historique de l'Epte marquée par de nombreuses forteresses et buttes féodales où les villages constituent des sites bâtis remarquables ; que si l'ensemble du plateau a été recensé au schéma régional de l'éolien comme étant favorable à l'implantation de ces équipements, il ressort des pièces du dossier que le parc en question se trouve plus précisément situé entre, d'une part, le village de Vesly où l'on dénombre de nombreux édifices anciens et monuments dont l'église Saint-Maurice, inscrite à l'inventaire départemental des monuments historiques le 27 octobre 2007, et, d'autre part, à peu près à la même distance, la vallée de l'Epte dont de vastes portions sont classées depuis 1982 et qui est traversée de chemin de randonnées, ainsi qu'à environ 2,5 kilomètres des ruines du château de Château-sur-Epte ; que cet ensemble comporte des paysages emblématiques de cette partie du Vexin ;
A propos de la chose jugée par le tribunal administratif de Rouen dans son jugement définitif du 4 novembre 2010 :
19. Considérant, d'une part, que, par son jugement du 4 novembre 2010, devenu définitif, le tribunal administratif de Rouen n'a pas censuré le motif sur lequel le préfet de l'Eure s'était notamment fondé pour refuser à l'époque la délivrance du permis de construire et qui était tiré des insuffisances de l'étude d'impact en ce qu'elle " ne comportait aucune analyse de la covisibilité du château de Château-sur-Epte, inscrit à l'inventaire des monuments historiques, et distant d'environ deux mille cinq cents mètres du projet " et du caractère tardif " du photomontage permettant d'apprécier les effets de cette covisibilité " qui " n'avait été produit que postérieurement à la date de l'arrêté en litige " ;
20. Considérant, d'autre part, que le tribunal administratif a néanmoins estimé qu'en dépit de l'existence d'une covisibilité et malgré l'insuffisance de l'étude d'impact, " il ressort des pièces du dossier que l'impact visuel est faible (avec le château de Château-sur-Epte) et n'est pas de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt du site " ; qu'il a également retenu " qu'en outre, si le projet en litige est situé à environ mille cinq cents mètres du périmètre du site classé de la vallée de l'Epte, il ressort des pièces du dossier que son incidence sur la qualité paysagère de ce site serait faible, les éoliennes n'étant visibles que depuis les collines situées au nord du site classé " ; qu'il en a alors déduit que le préfet en refusant le permis de construire sollicité avait commis une erreur d'appréciation en retenant que " le projet [était] de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants " pour censurer le refus du permis de construire ;
21. Considérant qu'il est constant que les compléments à l'étude d'impact ont été produits à l'occasion du nouvel examen du dossier et ont été soumis à l'enquête publique qui n'avait pas eu lieu lors du refus initial ; que le préfet, à qui il était enjoint de procéder à un réexamen du dossier de demande, s'est alors prononcé à l'issue d'une procédure nouvelle complète ; que l'autorisation qu'il a prise doit alors être appréciée à la lumière en particulier des circonstances et éléments de fait nouveaux intervenus depuis le jugement du 4 novembre 2010 ;
A propos des éléments de fait soumis au préfet lors de sa nouvelle décision :
22. Considérant qu'il ne résulte pas du complément d'étude d'impact produit relatif à l'impact paysager du parc éolien que l'appréciation des atteintes au site du château de Château-sur-Epte reposerait sur des éléments significativement différents de ceux qu'a retenus à titre définitif le tribunal administratif de Rouen dans son jugement du 4 novembre 2010 ;
23. Considérant qu'en revanche, il ressort des pièces du dossier qu'en dépit d'un caractère quelque peu parcellaire des vues et des photomontages concernant la commune de Vesly située dans l'environnement immédiat du parc, des éléments nouveaux font, tout d'abord, apparaître une forte covisibilité entre trois éoliennes sur quatre dans des proportions non négligeables en particulier avec le monument historique constitué de l'église Saint-Maurice et de son clocher ; qu'en outre, d'autres photomontages, en dépit de leur faible nombre, et les commentaires de l'étude d'impact font également ressortir une forte prégnance visuelle du parc éolien à partir de la vallée de l'Epte notamment des chemins de randonnées qui la traversent ; qu'en outre et ainsi que l'autorité environnementale l'avait analysé initialement, l'étude paysagère avait été jusque-là " davantage axée sur la visibilité du parc éolien depuis les axes routiers que depuis le site classé " ; que ces éléments nouveaux suffisent à caractériser, en dépit de la faible taille du parc mais eu égard à la sensibilité des lieux, à leur caractère emblématique et compte tenu de la hauteur des aérogénérateurs et de la faible distance les séparant de la commune de Vesly ou de la vallée de l'Epte, un défaut d' " harmonie " avec " le site " au sens des dispositions alors applicables du plan d'occupation des sols ou " une atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains " selon la rédaction de l'article R. 1111-21 du code de l'urbanisme ;
24. Considérant que, pour l'application de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, aucun des autres moyens soulevés par la commune de Vesly n'est, en l'état du dossier, susceptible de fonder l'annulation de l'arrêté en litige ;
25. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Neoen Développement n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a annulé le permis de construire du 12 décembre 2011 ;
Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
26. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées par la société Neoen Développement sur leur fondement ; qu'en revanche, qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Neoen Développement, qui a la qualité de partie perdante, la somme de 2 000 euros à verser à la commune de Vesly sur le même fondement ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société Neoen Développement est rejetée.
Article 2 : La société Neoen Développement versera à la commune de Vesly la somme de
2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Neoen Développement, à la commune de Vesly, et à la ministre du logement et de l'habitat durable.
Copie en sera transmise, en application des dispositions de l'article R. 751-11 du code de justice administrative, au procureur de la République près le tribunal de grande instance d'Evreux.
Délibéré après l'audience publique du 6 avril 2017 à laquelle siégeaient :
- M. Olivier Yeznikian, président de chambre,
- M. Christian Bernier, président-assesseur,
- M. Xavier Fabre, premier conseiller.
Lu en audience publique le 4 mai 2017.
Le président-assesseur,
Signé : C. BERNIERLe premier vice-président de la cour,
Président de chambre rapporteur,
Signé : O. YEZNIKIAN
Le greffier,
Signé : C. SIRE
La République mande et ordonne à la ministre du logement et de l'habitat durable, en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
Le greffier en chef,
Par délégation,
Le greffier,
Christine Sire
N°14DA01300 2