LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 12 novembre 2013), que Mme X... a été engagée par la société Skills action sensation savoir agir sentir, le 1er septembre 2008, en qualité de chef de projet ; que licenciée pour motif économique le 20 mai 2009, elle a avisé son employeur, par lettre recommandée du 4 juin 2009, qu'elle était enceinte et lui a demandé de lui communiquer quelles étaient les modalités de sa réintégration dans l'entreprise ; qu'elle a saisi la juridiction prud'homale le 17 juillet 2009, alors que l'employeur lui a notifié sa réintégration dans l'entreprise par courrier du 16 juillet 2009, reçu le 20 du même mois ;
Sur le premier moyen :
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer à la salariée des sommes en conséquence du caractère illicite de la rupture, alors, selon le moyen :
1°/ que la cour d'appel, pour considérer comme tardive la proposition de réintégration faite à la salariée, a dit qu'elle était intervenue un mois et demi après la notification de la grossesse quand il résultait de ses propres constatations que la lettre informant l'exposante de la grossesse de Mme X... lui était parvenue le 12 juin 2009 et que la lettre lui proposant de la réintégrer, expédiée le 16 juillet suivant, avait été reçue le 20 juillet ; que la cour d'appel qui, pour caractériser la tardiveté, n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations, a violé l'article L. 1225-4 du code du travail ;
2°/ que la cour d'appel qui a considéré que la société Entrepart aurait pu substituer Mme X... à une autre salariée occupant le même poste pour satisfaire aux exigences légales a statué par un motif inopérant, privant ainsi sa décision de sa base légale au regard de l'article L. 1225-4 du code du travail ;
3°/ qu'une offre de réintégration faite pendant la période de délai-préavis alors que la salariée perçoit son salaire ne saurait être considérée comme tardive, le point de départ de l'appréciation de la tardiveté du délai étant l'expiration du délai-congé ; qu'en statuant comme elle l'a fait quand il résultait de ses propres constatations que la salariée s'était vu proposer d'être réintégrée avant l'expiration du délai de préavis, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article L. 1225-4 du code du travail ;
Mais attendu que lorsqu'une salariée, en application de l'article L. 1225-5 du code du travail, notifie à l'employeur son état de grossesse, de sorte que le licenciement est annulé, le juge doit apprécier le caractère tardif de la décision de réintégrer cette salariée au regard de la date de connaissance par l'employeur de cet état ;
Et attendu que le moyen, sans portée en sa deuxième branche visant un motif surabondant, ne tend qu'à contester l'appréciation souveraine, par les juges du fond, du caractère tardif de la décision de l'employeur, notifiée par courrier recommandé du 16 juillet 2009, de réintégrer la salariée ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen :
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer à la salariée diverses sommes à titre de rappel de salaire correspondant à la période de protection et les congés payés afférents, à titre d'indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents, à titre de dommages-intérêts pour licenciement illicite, au titre de la contrepartie de la clause de non-concurrence et au titre d'un prorata de treizième mois et les congés payés afférents, alors, selon le moyen :
1°/ que la cassation à intervenir du chef du premier moyen de cassation entraînera par voie de conséquence et par application des articles 624 et 625 du code de procédure civile la cassation du chef du présent moyen ;
2°/ que l'indemnisation de la salariée qui refuse sa réintégration après l'avoir demandée et obtenue est limitée au paiement d'une somme correspondant à la totalité du préjudice subi au cours de la période qui s'est écoulée entre son licenciement et son refus de la réintégration, dans la limite du montant des salaires dont elle a été privée ; que la cour d'appel en condamnant la société Entrepart au paiement des salaires pendant la totalité de la période de protection, à l'indemnité compensatrice de préavis et à des dommages et intérêts pour licenciement illicite a violé les articles L. 1225-4 et L. 1225-71 du code du travail ;
Mais attendu, d'abord, que le premier moyen étant rejeté, la première branche du second est devenue sans portée ;
Attendu, ensuite, que, selon l'article L. 1225-71 du code du travail, lorsque, en application des dispositions de l'alinéa 1er, le licenciement est nul, l'employeur verse le montant du salaire qui aurait été perçu pendant la période couverte par la nullité ; que si, à la suite de la notification par la salariée d'un certificat médical justifiant qu'elle est enceinte, l'employeur revient tardivement sur sa décision de licencier, la salariée, qui n'est pas tenue d'accepter la réintégration proposée, a droit, outre les indemnités de rupture et une indemnité au moins égale à six mois de salaire réparant intégralement le préjudice subi résultant du caractère illicite du licenciement, aux salaires qu'elle aurait perçus pendant la période couverte par la nullité ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS,
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Skills action sensation savoir agir sentir aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Skills action sensation savoir agir sentir et condamne celle-ci à payer à Mme X... la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quinze décembre deux mille quinze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour la société Skills action sensation savoir agir sentir
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
LE
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué D'AVOIR condamné la société ENTREPART à payer à Madame X... les sommes de 33 567,91 euros à titre de rappel de salaire correspondant à la période de protection et les congés payés afférents, 3 385 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents, 22 000,24 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement illicite, 14 521,56 euros au titre de la contrepartie de la clause de non concurrence, 1 974,58 euros au titre d'un prorata de treizième mois au 31 juillet 2009 et les congés payés afférents ainsi que la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;AUX MOTIFS QUE sur la rupture du contrat de travail, il est constant qu'il a été mis fin au contrat de travail liant les parties par une lettre de licenciement du 20 mai 2009 qui énonce des motifs économiques pour justifier la suppression du poste occupé dans l'entreprise par Elise X.... Au-delà de ce constat et de l'analyse de la causalité de ce licenciement, la question centrale posée dans le présent litige résulte du fait que par lettre recommandée du 4 juin 2009, reçue par la société ENTREPART SARL le 12 juin 2009 (après une présentation du 8 juin 2009), Elise X... a fait savoir à cette même société qu'elle était en état de grossesse et entendait bénéficier des dispositions protectrices de l'article L 1225-5 du code du travail qui prévoit que dans un tel cas le licenciement doit être annulé. Dans cette même lettre du 4 juin 2009, la salariée sollicite « dans les plus brefs délais » qu'il lui soit fait part « des modalités afférentes à son retour au sein de la société ENTREPART ». La cour constate, à ce stade, que la société ENTREPART, à la suite de la lettre reçue le 12 juin 2009, ne répond pas à bref délai et que, de ce fait, Elise X... est amenée à prendre légitimement des dispositions pour assurer son avenir professionnel. C'est ainsi que par une lettre recommandée datée du 24 juin 2009 dont la salariée a signé l'avis de réception le 10 juillet 2009, elle est avisée de son recrutement à partir du 1er septembre 2009 comme chef du service Marketing et partenariat médias par l'Etablissement public du Musée et du Domaine national de Versailles. L'employeur, pour sa part, va répondre à la lettre reçue par lui le 12 juin 2009, par une lettre recommandée avis de réception du 16 juillet 2009, reçue par Elise X... le 20 juillet qui « notifie » à celle-ci sa réintégration dans l'entreprise en considération expresse de la nullité de son licenciement. Le 22 juillet 2009, Elise X... explique à son employeur que sa proposition a « un caractère tardif » et qu'elle a bénéficié d'une évolution de sa situation (lettre d'embauche du 24 juin 2009 reçue le juillet 2009,voir plus haut) par rapport à l'emploi qui l'amène à refuser la réintégration. Elle relève que l'employeur a admis expressément le caractère nul du licenciement dont elle a été l'objet et précise qu'elle a saisi la juridiction prud'homale à ce sujet le 17 juillet 2009. Pour expliquer la tardiveté de sa réaction, la société ENTREPART fait valoir que, face à la nécessité légale d'envisager une réintégration, elle a été amenée à procéder à une étude des conditions économiques de celle-ci en requérant de son expert-comptable qu'il produise un arrêté des comptes fin juin 2009 (pièce n° 4) et en sollicitant une consultation de son banquier qui précise lui-même que « M. Christian Y... ¿ gérant de la société ENTREPART SARL a demandé, courant juillet 2009, à me rencontrer » (pièce n° 5). La cour relève que ces diverses démarches de l'employeur prennent place alors qu'il vient de licencier Elise X... pour des motifs économiques impliquant la suppression de son poste alors qu'il n'est pas contesté qu'une autre salariée occupait encore le même poste au sein de la société et qu'une substitution était possible pour satisfaire aux exigences légales impératives bénéficiant à Elise X.... Il résulte de l'analyse factuelle et chronologique qui précède que le délai d'un mois et demi dont a usé la société ENTREPART SARL pour prendre position est manifestement abusif au regard notamment du silence dont il a été entouré, laissant nécessairement la salariée dans l'expectative au mépris de sa situation personnelle protégée, sachant qu'elle ne peut être critiquée d'avoir cherché efficacement un nouvel emploi (par ailleurs moins bien rémunéré que celui qu'elle occupait au sein de la société intimée). C'est donc à tort que le premier juge a rejeté la demande de nullité du licenciement ainsi prononcé, en estimant que la société ENTREPART avait, à raison, procédé à des investigations sur ses propres capacités économiques à maintenir le contrat de travail rompu malgré l'état de grossesse de la salariée. Dans ces conditions, le refus de réintégration opposé par la salariée est légitime et ne saurait permettre de lui imputer la rupture du contrat de travail, l'annulation du licenciement étant acquise du fait de l'employeur seul. Le jugement est donc réformé sur ce point avec toutes les conséquences de droit.
ALORS TOUT D'ABORD QUE la cour d'appel, pour considérer comme tardive la proposition de réintégration faite à la salariée, a dit qu'elle était intervenue un mois et demi après la notification de la grossesse quand il résultait de ses propres constatations que la lettre informant l'exposante de la grossesse de Madame X... lui était parvenue le 12 juin 2009 et que la lettre lui proposant de la réintégrer, expédiée le 16 juillet suivant, avait été reçue le 20 juillet ; que la cour d'appel qui, pour caractériser la tardiveté, n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations, a violé l'article L 1225-4 du code du travail ;
ALORS ENSUITE QUE la cour d'appel qui a considéré que la société ENTREPART aurait pu substituer Madame X... à une autre salariée occupant le même poste pour satisfaire aux exigences légales a statué par un motif inopérant, privant ainsi sa décision de sa base légale au regard de l'article L 1225-4 du code du travail ;
ALORS ENFIN QU'une offre de réintégration faite pendant la période de délaipréavis alors que la salariée perçoit son salaire ne saurait être considérée comme tardive, le point de départ de l'appréciation de la tardiveté du délai étant l'expiration du délai-congé ; qu'en statuant comme elle l'a fait quand il résultait de ses propres constatations que la salariée s'était vu proposer d'être réintégrée avant l'expiration du délai de préavis, la Cour d'appel a volé les dispositions de l'article L.1225-4 du code du travail.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
LE
SECOND MOYEN DE CASSATION :
fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR condamné la société ENTREPART à payer à Madame X... les sommes de 33 567,91 euros à titre de rappel de salaire correspondant à la période de protection et les congés payés afférents, 3 385 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents, 22 000,24 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement illicite, 14 521,56 euros au titre de la contrepartie de la clause de non concurrence, 1 974,58 euros au titre d'un prorata de treizième mois au 31 juillet 2009 et les congés payés afférents et la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;AUX MOTIFS QUE sur le rappel de salaire correspondant à la période de protection : Elise X... demande à ce titre une somme de 33 567,91 ¿ correspondant aux salaires d'août 2009 à mi mai 2010, incluant le prorata de treizième mois pour la période août 2009 à décembre 2009. En effet, compte tenu du refus par la salariée de sa réintégration tardive et consécutivement à la nullité de la rupture en raison de son état de grossesse, il doit lui être accordé les salaires correspondants à l'intégralité de la période de protection dont elle bénéficiait tout au long du congé de maternité, couvrant nonobstant la critique formée à ce sujet par la société intimée, à la fois la période précédant la naissance et celle qui suivait, quelle que soit la situation de l'emploi d'Elise X... à ces époques. Il doit être en conséquence, accordé à Elise X... la somme de 33 567,91 ¿ pour les clauses sus-énoncées, outre la somme de 3 356,79 ¿ pour les congés payés afférents ; sur l'indemnité compensatrice de préavis : le contrat de travail étant considéré comme poursuivi jusqu'au terme de la période de protection, une indemnité compensatrice de préavis reste due prenant naissance à cette date ; l'appelante sollicite, à ce titre, une somme de 10 155 ¿ (3 mois de salaire) et 1 015,50 ¿ (une erreur s'est glissée sur ce point dans le dispositif des conclusions d'appel qui mentionne à tort 101,50 ¿). La société ENTREPART forme subsidiairement une objection au paiement de trois mois de salaire pour ce préavis en invoquant le fait qu'il lui a déjà été payé deux mois de préavis dans le cadre du licenciement initial. La cour estime, en conséquence, qu'il n'est dû à Elise X... une somme de 3 385 ¿ correspondant à un mois de salaire, outre celle de 338,50 ¿ (¿) Sur la demande de dommages et intérêts pour licenciement illicite : Il est demandé, sur ce point une somme de 33 000 ¿. Il résulte du droit positif qu'en l'occurrence, ces dommages et intérêts, par analogie avec les dispositions de l'article L 1235-3 du code du travail, ne sauraient être inférieures au salaire des six derniers mois. La demande supérieure à ce minimum tiré de la loi doit être justifiée par un préjudice spécifique résultant de la rupture du contrat de travail puisque les conséquences, sur le plan de l'illicéité et de la perte fautive de la protection due à la salariée, ont d'ores et déjà été indemnisées. La cour ne peut que constater qu'Elise X... a retrouvé immédiatement un emploi, certes moins rémunéré, mais de nature à écarter toute majoration dans ce cadre. Il est alloué, en conséquence, à l'appelante la somme de 22 000,24 ¿, correspondant à six mois de salaire, à titre de dommages et intérêts de ce chef, Sur la contrepartie de la clause de non concurrence : Elise X... sollicite, sur ce point, l'application de la clause contractuelle de non-concurrence et réclame une somme de 14 521,56 ¿ (3 667,08 ¿ x 33%x12). L'employeur s'oppose à cette demande en soutenant à tort, au vu de la présente décision, que la rupture est imputable à la salariée. Il résulte néanmoins du droit positif en la matière, que l'annulation du licenciement entraîne la nullité de la dispense que l'employeur a fait figurer dans la lettre de licenciement. Dès lors, il y a lieu de faire droit à cette demande.
ALORS D'UNE PART QUE la cassation à intervenir du chef du premier moyen de cassation entraînera par voie de conséquence et par application des articles 624 et 625 du code de procédure civile la cassation du chef du présent moyen ;
ALORS D'AUTRE PART QUE, subsidiairement, l'indemnisation de la salariée qui refuse sa réintégration après l'avoir demandée et obtenue est limitée au paiement d'une somme correspondant à la totalité du préjudice subi au cours de la période qui s'est écoulée entre son licenciement et son refus de la réintégration, dans la limite du montant des salaires dont elle a été privée ; que la cour d'appel en condamnant la société ENTREPART au paiement des salaires pendant la totalité de la période de protection, à l'indemnité compensatrice de préavis et à des dommages et intérêts pour licenciement illicite a violé les articles L 1225-4 et l 1225-71 du code du travail.