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15/04/2014 | FRANCE | N°13PA03601

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 15 avril 2014, 13PA03601


Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés les 20 septembre 2013 et

28 mars 2014, présentés pour Mme D...E..., élisant domicile..., par Me A... ; Mme E... demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1205331 du 19 juillet 2013 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge de l'obligation de payer la somme de 2 231 706,63 euros dont le paiement lui est réclamé en qualité d'épouse solidaire à raison d'impositions établies au nom de M. C...au titre des années 1991, 1992 et 1993, à ce que soit prononcée

la mainlevée de l'hypothèque inscrite sur l'immeuble situé 4 rue du Boccador à P...

Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés les 20 septembre 2013 et

28 mars 2014, présentés pour Mme D...E..., élisant domicile..., par Me A... ; Mme E... demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1205331 du 19 juillet 2013 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge de l'obligation de payer la somme de 2 231 706,63 euros dont le paiement lui est réclamé en qualité d'épouse solidaire à raison d'impositions établies au nom de M. C...au titre des années 1991, 1992 et 1993, à ce que soit prononcée la mainlevée de l'hypothèque inscrite sur l'immeuble situé 4 rue du Boccador à Paris 8ème arrondissement, à ce que soit déclaré nul le mariage conclu avec M.C..., à ce que soit prononcée la nullité des poursuites engagées à son encontre et la restitution de toutes les sommes engagées ou bloquées en paiement de la dette de M.C... et à ce que soit mise à la charge de l'État la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) de dire l'imposition indûment réclamée et la procédure de recouvrement prescrite ;

3°) de prononcer la décharge des impositions et la restitution des sommes versées ;

4°) de mettre à la charge de l'État les dépens, ainsi que le versement de la somme de

10 000 euros hors taxes sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

..................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 1er du protocole additionnel à cette convention ;

Vu le code civil ;

Vu le code général des impôts ;

Vu le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 2 avril 2014 :

- le rapport de M. Magnard, premier conseiller,

- les conclusions de M. Egloff, rapporteur public,

- et les observations de MeB..., substituant MeA..., pour MmeE... ;

1. Considérant que Mme D... E...fait appel du jugement n° 1205331 du

19 juillet 2013 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge de l'obligation de payer la somme de 2 231 706,63 euros dont le paiement lui est réclamé en qualité d'épouse solidaire à raison d'impositions établies au nom de M. C...au titre des années 1991, 1992 et 1993, à ce que soit prononcée la mainlevée de l'hypothèque inscrite sur l'immeuble situé 4 rue du Boccador à Paris 8ème arrondissement, à ce que soit déclaré nul le mariage conclu avec M.C..., à ce que soit prononcée la nullité des poursuites engagées à son encontre et la restitution de toutes les sommes engagées ou bloquées en paiement de la dette de M.C... et à ce que soit mise à la charge de l'État la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Sur les conclusions tendant à la décharge des impositions en litige :

2. Considérant que les conclusions susmentionnées sont nouvelles en appel, les premiers juges ayant été saisis dans le cadre d'un contentieux ayant trait au recouvrement de l'impôt à l'occasion de l'hypothèque légale prise par le comptable du Trésor le 10 novembre 2008 à titre de sûreté ; qu'elles sont par suite irrecevables ;

Sur les conclusions tendant à la mainlevée de l'hypothèque légale prise par le Trésor :

3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 281 du livre des procédures fiscales : " Les contestations relatives au recouvrement des impôts, taxes, redevances et sommes quelconques dont la perception incombe aux comptables publics compétents mentionnés à l'article L. 252 doivent être adressées à l'administration dont dépend le comptable qui exerce les poursuites. Les contestations ne peuvent porter que : 1° Soit sur la régularité en la forme de l'acte ; 2° Soit sur l'existence de l'obligation de payer, sur le montant de la dette compte tenu des paiements effectués, sur l'exigibilité de la somme réclamée, ou sur tout autre motif ne remettant pas en cause l'assiette et le calcul de l'impôt. Les recours contre les décisions prises par l'administration sur ces contestations sont portés, dans le premier cas, devant le juge de l'exécution, dans le second cas, devant le juge de l'impôt tel qu'il est prévu à l'article L. 199 " ; qu'en application de ces dispositions, la juridiction administrative n'est pas compétente pour connaître de conclusions tendant à la mainlevée d'une hypothèque légale prise par le comptable du Trésor ; que, par suite, les conclusions de la requête de Mme E...tendant à la mainlevée de l'hypothèque inscrite sur un bien dont elle est propriétaire au 4 rue du Boccador à Paris 8ème arrondissement doivent être rejetées comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître ;

Sur les conclusions tendant à la décharge de l'obligation de payer :

4. Considérant qu'aux termes de l'article 1685 du code général des impôts, applicable jusqu'à son abrogation par la loi n° 2007-1822 du 24 décembre 2007 : " 1. Chacun des époux, lorsqu'ils vivent sous le même toit, est solidairement responsable des impositions assises au nom de son conjoint, au titre de la taxe d'habitation. / 2. Chacun des époux est tenu solidairement au paiement de l'impôt sur le revenu. Il en est de même en ce qui concerne le versement des acomptes prévus par l'article 1664, calculés sur les cotisations correspondantes mises à la charge des époux dans les rôles concernant la dernière année au titre de laquelle ils ont été soumis à une imposition commune. / Chacun des époux peut demander à être déchargé de cette obligation. " ; qu'aux termes de l'article 1691 bis du code général des impôts, dans sa rédaction issue du I de l'article 9 de la loi n° 2007-1822 du 24 décembre 2007: " I. - Les époux (...) sont tenus solidairement au paiement : 1. De l'impôt sur le revenu lorsqu'ils font l'objet d'une imposition commune ; 2° De la taxe d'habitation lorsqu'ils vivent sous le même toit. II. - 1. Les personnes divorcées ou séparées peuvent demander à être déchargées des obligations de paiement prévues au I (...) 2. La décharge de l'obligation de paiement est accordée en cas de disproportion marquée entre le montant de la dette fiscale et, à la date de la demande, la situation financière et patrimoniale, nette de charges, du demandeur. " ;

5. Considérant, en premier lieu, que Mme E...conteste son obligation solidaire de payer les impositions dont le recouvrement est poursuivi par l'hypothèque légale prise par le comptable du Trésor le 10 novembre 2008 à titre de sûreté, ainsi que l'exigibilité de ces impositions établies au nom de son ancien foyer fiscal au titre des années 1991, 1992 et 1993 ; qu'il est constant que le divorce du couple n'a été prononcé qu'en 1998 ; que l'annulation du mariage par l'Église ne saurait être utilement invoquée ; que, par suite, en vertu des dispositions de l'article 1685 du code général des impôts applicable jusqu'au 1er janvier 2008, puis de l'article 1691 bis du même code, issues de la loi du 24 décembre 2007, Mme E...est tenue solidairement au paiement des impositions en cause, dès lors que le couple faisait l'objet d'une imposition commune au titre des années susmentionnées ;

6. Considérant, en deuxième lieu, que les moyens tirés de l'impossibilité d'établir une imposition commune et de l'absence de résidence fiscale en France de l'ex-époux de

Mme E...au cours des années d'imposition en cause sont inopérants dans le cadre du présent litige, qui est relatif, non au bien-fondé de l'impôt, mais à l'obligation de payer la somme en cause ;

7. Considérant, en troisième lieu, que, si Mme E...se prévaut de la résidence fiscale séparée des époux depuis 1989 et de l'autorité de la chose jugée dont serait revêtu à cet égard un jugement du 14 janvier 1998 du Tribunal de grande instance de Paris, un tel moyen permettait seulement à l'intéressée de solliciter, auprès de l'administration, en raison de la séparation du couple, sur le fondement des dispositions de l'article 1691 bis du code général des impôts, une décharge de son obligation solidaire ; qu'il ne résulte pas de l'instruction qu'une telle demande ait été faite ; que Mme E...ne fournit en tout état de cause aucune précision sur sa situation permettant d'apprécier le bien-fondé de sa demande au regard des dispositions du 2. du II de l'article 1691 bis du code général des impôts ; qu'à supposer même que la Cour puisse être regardée comme saisie d'une demande présentée sur ce fondement, une telle demande ne peut en conséquence qu'être rejetée ;

8. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article L. 274 du livre des procédures fiscales : " Les comptables du Trésor qui n'ont fait aucune poursuite contre un contribuable retardataire pendant quatre années consécutives, à partir du jour de la mise en recouvrement du rôle perdent leur recours et sont déchus de tous droits et de toute action contre ce redevable. / Le délai de quatre ans mentionné au premier alinéa, par lequel se prescrit l'action en vue du recouvrement, est interrompu par tous actes comportant reconnaissance de la part des contribuables et par tous autres actes interruptifs de la prescription. " ; qu'une imposition qui n'est pas prescrite à l'égard d'un contribuable ne l'est pas davantage à l'égard du débiteur solidaire ; que, notamment, les versements opérés par l'un des codébiteurs, qui valent reconnaissance de dette, ont pour effet d'interrompre la prescription tant à l'égard de leur auteur qu'à l'égard du débiteur solidaire ; qu'il est constant que, postérieurement à l'acte de poursuite notifié à Mme E... le 8 novembre 2001, l'ex-époux de l'intéressée a procédé, régulièrement et chaque année, à des versements en exécution d'un accord de règlement relatif aux impositions en cause, signé le 28 novembre 2001 ; qu'il suit de là que le moyen tiré de ce que le recouvrement de l'imposition serait prescrit à l'égard de Mme E...en l'absence de poursuites à son égard depuis le 8 novembre 2001, dans le délai prévu à l'article L. 274 du livre des procédures fiscales, ne peut qu'être écarté ;

9. Considérant, en cinquième lieu, qu'il est constant que la requérante, qui a notamment réceptionné en 1997 un procès-verbal de saisie mobilière tendant au recouvrement des impositions en cause, était informée de la mise en recouvrement desdites impositions ; que le moyen tiré de ce qu'à la date de l'hypothèque légale prise par le comptable du Trésor, elle n'avait pas été informée de la mise en recouvrement de ces impositions manque par suite, et en tout état de cause, en fait ;

10. Considérant, en sixième lieu, qu'aucune disposition législative ou règlementaire n'oblige l'administration à informer un redevable des actes effectués par son co-débiteur ou à l'égard de ce dernier et ayant pour effet d'interrompre la prescription ; que MmeE..., qui a été avertie de la mise en recouvrement des impositions en cause, a eu la possibilité de porter un litige d'assiette devant le juge de l'impôt pour contester lesdites impositions, dont elle est redevable légal au même titre que son ex-époux ; qu'elle pouvait contester les actes de poursuite délivrés à son encontre dans les conditions prévues à l'article L. 281-1 du livre des procédures fiscales ; qu'en sa qualité de redevable légal des impositions en litige, et étant censée connaître les effets du régime légal de solidarité institué par le 2 de l'article 1685 du code général des impôts, dont les dispositions sont d'ailleurs claires et anciennes, elle devait normalement s'attendre à ce que l'administration fiscale mît en oeuvre les moyens dont elle dispose pour obtenir le recouvrement forcé d'impositions demeurées impayées alors qu'elles ont été légalement établies ; qu'il lui appartenait de prendre toutes les dispositions nécessaires pour être, le cas échéant, informée par son ex-époux des poursuites diligentées à son encontre et des modalités de règlement des impositions en cause ; qu'ainsi, et même si l'effet interruptif de la prescription de l'action en recouvrement vaut pour des actes de poursuite ou de reconnaissance de dettes que l'administration n'a pas portés à la connaissance de MmeE..., un juste équilibre a été ménagé entre les intérêts de cette dernière et ceux de l'État, créancier d'impositions légalement établies dont il doit assurer le recouvrement ; que la requérante n'est par suite, et en tout état de cause, pas fondée à soutenir que l'administration aurait méconnu le devoir de loyauté qui s'impose à elle, aurait porté atteinte aux droits de la défense, soumis les ex-époux à une inégalité de traitement ou porté une atteinte excessive à ses biens au sens de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 1er du protocole additionnel à cette convention ; que le passage invoqué de la réponse ministérielle n° 10787 JOAN du 18 mars 2008 est une recommandation au service relative à la procédure d'imposition et ne constitue en conséquence pas une interprétation formelle du texte fiscal invocable sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales ;

11. Considérant, en septième lieu, que les dispositions de l'article 1685 et 1691 bis du code général des impôts autorisent le comptable du Trésor à poursuivre indifféremment auprès de l'un ou l'autre des époux le recouvrement de la totalité de l'impôt sur le revenu et des pénalités mis à la charge du foyer fiscal pour la période d'imposition et ouvrent à l'un et l'autre époux le même droit à demander à être déchargé de l'obligation de s'en acquitter ; que, si Mme E...se prévaut de ce que le service a accordé à son ex-époux un échéancier de règlement sur la base de paiements périodiques à hauteur de 4 000 euros par an, ce moyen est, en tout état de cause, dépourvu de toute portée, dès lors que la solidarité prévue par l'article 1685 du code général des impôts à l'encontre de son ex-époux, ainsi que les modalités de règlement accordées à ce dernier, ne la déchargent en rien de son obligation de payer ces impositions ;

12. Considérant, enfin, que les dispositions de l'article 1208 du code civil ne sauraient faire obstacle à la qualité de redevable légal de l'impôt, solidairement tenue à son règlement, de MmeE..., ainsi qu'il vient d'être dit, en application des dispositions précitées des articles 1685 et 1691 bis du code général des impôts ;

13. Considérant qu'il suit de là que, sans qu'il soit besoin de statuer sur leur recevabilité, les conclusions de Mme E...tendant à la décharge de l'obligation de payer les sommes qui lui sont réclamées et à ce qu'en conséquence, les sommes qu'elle a versées lui soient restituées ne peuvent qu'être écartées ;

14. Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que

Mme E...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ; que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'État, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement des sommes que la requérante demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'en l'absence de toute circonstance justifiant qu'il en soit jugé autrement, les conclusions présentées sur le fondement de l'article R. 761-1 du même code doivent également être rejetées ;

DÉCIDE

Article 1er : La requête de Mme E...est rejetée.

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N° 13PA03601


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 13PA03601
Date de la décision : 15/04/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme TANDONNET-TUROT
Rapporteur ?: M. Franck MAGNARD
Rapporteur public ?: M. EGLOFF
Avocat(s) : CMS BUREAU FRANCIS LEFEBVRE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2014-04-15;13pa03601 ?
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