La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

18/12/2014 | FRANCE | N°13NT02499

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 18 décembre 2014, 13NT02499


Vu la requête, enregistrée le 20 août 2013, présentée pour Mme B... A..., demeurant..., par Me Labey-Guimard, avocat au barreau de Coutances ; Mme A... demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 12-2169 du 27 juin 2013 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la commune de Rampan et de la compagnie Groupama à l'indemniser des préjudices résultant de l'accident dont elle a été victime le 21 octobre 2007 sur la voie publique ;

2°) de condamner la commune de Rampan à lui verser une somme globale de 63 189,3

9 euros en réparation des préjudices qu'elle a subis ;

3°) de mettre à la ...

Vu la requête, enregistrée le 20 août 2013, présentée pour Mme B... A..., demeurant..., par Me Labey-Guimard, avocat au barreau de Coutances ; Mme A... demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 12-2169 du 27 juin 2013 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la commune de Rampan et de la compagnie Groupama à l'indemniser des préjudices résultant de l'accident dont elle a été victime le 21 octobre 2007 sur la voie publique ;

2°) de condamner la commune de Rampan à lui verser une somme globale de 63 189,39 euros en réparation des préjudices qu'elle a subis ;

3°) de mettre à la charge de cette commune une somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les dépens ;

elle soutient que :

- alors qu'elle circulait à bicyclette sur le chemin communal, la roue de sa bicyclette s'est prise dans un trou de la chaussée ; le défaut d'entretien normal de l'ouvrage est établi ;

- elle n'a pas fait preuve d'imprudence dès lors que, si elle connaissait l'état médiocre de la voie, celle-ci était inondée et elle ne pouvait donc en repérer les excavations ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 27 janvier 2014 et la pièce complémentaire enregistrée le 14 mars 2014, présentés pour la commune de Rampan par Mes Gorand et Godard, avocats au barreau de Caen ; la commune conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de

1 500 euros soit mise à la charge de Mme A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

elle soutient que :

- le lien de causalité entre l'ouvrage public et le dommage subi par Mme A... n'est pas établi ;

- Mme A... a commis une faute d'imprudence, dès lors qu'elle circulait à bicyclette, par mauvais temps, sur une voie dont elle connaissait l'état, et portait au surplus une attelle à la main gauche suite à une luxation de l'auriculaire ; cette faute est de nature à exonérer totalement la commune de la responsabilité qu'elle encourt ou à tout le moins, de la réduire substantiellement ;

Vu, enregistrées le 2 juin 2014, les pièces complémentaires produites pour Mme A... ;

Vu la lettre en date du 19 novembre 2014, informant les parties, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la décision à intervenir est susceptible d'être fondée sur un moyen soulevé d'office tiré de ce que c'est à tort que le tribunal administratif a rejeté les conclusions dirigées contre la société Groupama, assureur de la commune de Rampan, comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître ;

Vu le mémoire, enregistré le 21 novembre 2014, présenté pour la commune de Rampan en réponse au moyen d'ordre public soulevé, qui conclut au rejet de ce moyen ;

elle fait valoir que le juge administratif est incompétent pour statuer sur les obligations de droit privé d'un assureur de l'auteur d'un dommage à l'égard de la victime ;

Vu le mémoire, enregistré le 24 novembre 2014, présenté pour Mme A... ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu le code des assurances ;

Vu la loi n° 2011-1168 du 11 décembre 2001 portant mesures urgentes de réformes à caractère économique et financier ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 27 novembre 2014 :

- le rapport de Mme Specht, premier conseiller ;

- et les conclusions de M. Giraud, rapporteur public ;

1. Considérant que le 21 octobre 2007, aux alentours de 16h30, alors qu'elle circulait à bicyclette dans la commune de Rampan (Manche) sur le chemin communal desservant le lieudit " l'hôtel Perrat " menant à son domicile, la jeune B...A..., âgée de 14 ans, a fait une chute, imputable selon elle à l'existence d'excavations sur la chaussée ; que l'intéressée relève appel du jugement en date du 27 juin 2013 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la commune de Rampan à l'indemniser des préjudices qu'elle a subis à l'occasion de cette chute ;

Sur la régularité du jugement :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 2 de la loi du 11 décembre 2001 portant mesures urgentes de réformes à caractère économique et financier, entrée en vigueur le 13 décembre 2001 : " Les marchés passés en application du code des marchés publics ont le caractère de contrats administratifs. / Toutefois, le juge judiciaire demeure compétent pour connaître des litiges qui relevaient de sa compétence et qui ont été portés devant lui avant la date d'entrée en vigueur de la présente loi. " ; que, par ailleurs, en application de l'article 29 du code des marchés publics dans sa version issue du décret n° 2006-975 du 1er août 2006, entré en vigueur le 1er septembre 2006, un contrat d'assurance passé par une des personnes morales de droit public soumises aux dispositions de ce code en application de son article 2, notamment par une collectivité territoriale, présente le caractère d'un contrat administratif ; que, par ailleurs, si l'action directe ouverte par l'article L. 124-3 du code des assurances à la victime d'un dommage, ou à l'assureur de celle-ci subrogé dans ses droits, contre l'assureur de l'auteur responsable du sinistre, tend à la réparation du préjudice subi par la victime, elle poursuit l'exécution de l'obligation de réparer qui pèse sur l'assureur en vertu du contrat d'assurance ; qu'elle relève par suite, comme l'action en garantie exercée, le cas échéant, par l'auteur du dommage contre son assureur, de la compétence de la juridiction administrative, dès lors que le contrat d'assurance présente le caractère d'un contrat administratif et que le litige n'a pas été porté devant une juridiction judiciaire avant la date d'entrée en vigueur de la loi du 11 décembre 2001 ;

3. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les conclusions présentées par Mme A... devant le tribunal administratif contre l'assureur de la commune de Rampan, lié à cette collectivité par un contrat de droit public, étaient recevables ; que c'est à tort que le tribunal administratif de Caen les a rejetées comme portées devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître ; que le jugement étant entaché sur ce point d'une irrégularité qu'il y a lieu de relever d'office, il doit être annulé en tant qu'il a rejeté ces conclusions ;

4. Considérant qu'il y a lieu de statuer par la voie de l'évocation sur les conclusions de Mme A... en première instance dirigées contre l'assureur de la commune de Rampan et de statuer par la voie de l'effet dévolutif sur les autres conclusions de la requête ;

Sur la responsabilité de la commune de Rampan et l'obligation de réparer de la société Groupama :

5. Considérant que, pour obtenir réparation, par le maître de l'ouvrage, des dommages qu'il a subis, l'usager de la voie publique doit démontrer, d'une part, la réalité de son préjudice et, d'autre part, l'existence d'un lien de causalité direct entre l'ouvrage et le dommage ; que pour s'exonérer de la responsabilité qui pèse ainsi sur elle, il incombe à la collectivité maître d'ouvrage, soit d'établir qu'elle a normalement entretenu l'ouvrage, soit de démontrer la faute de la victime ou l'existence d'un événement de force majeure ;

6. Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment des termes de l'attestation du seul témoin direct de l'accident, que la roue de la bicyclette sur laquelle circulait la jeune B...A...s'est enfoncée dans un des trous du chemin communal, ce qui a provoqué sa chute ; que la présence de nombreuses excavations sur le chemin communal litigieux à la date de l'accident est établie et révèle un défaut d'entretien normal de la voie de nature à engager la responsabilité de la commune de Rampan au titre du dommage causé à la jeune B...A...en tant qu'usager de cet ouvrage public ; que cependant il résulte également de l'instruction qu'aux jour et heure de l'accident, dont le lieu exact n'a d'ailleurs pas été déterminé, il faisait jour, que la jeuneB..., qui connaissait les lieux puisque la voie empruntée se situe à proximité du domicile de ses parents, ne pouvait ignorer l'état de la chaussée et que les excavations qui s'y trouvaient pouvaient être aisément évitées par un cycliste normalement attentif à sa conduite et observant la prudence qui s'imposait sur un tel passage ; que si la requérante soutient que le jour de l'accident le chemin était inondé en raison d'une récente averse et que l'eau masquait l'emplacement de trous, une telle circonstance, à la supposer établie, aurait dû conduire la cycliste à une vigilance accrue ; que, dans ces conditions, la faute commise par la jeune B...A...est de nature à exonérer en totalité la commune de Rampan de sa responsabilité ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté les conclusions de sa demande dirigées contre la commune de Rampan ; que les conclusions dirigées par Mme A... contre la société Groupama ne peuvent, de même, qu'être rejetées ;

Sur les frais d'expertise :

8. Considérant qu'il y a lieu de maintenir les frais d'expertise, taxés et liquidés par une ordonnance du vice-président du tribunal administratif de Caen du 26 mai 2011 à la somme de 233 euros, à la charge définitive de Mme A... ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Rampan, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que Mme A... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de Mme A... la somme que la commune de Rampan demande au titre des mêmes frais ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 12-2169 du 27 juin 2013 du tribunal administratif de Caen est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions de Mme A... dirigées contre l'assureur de la commune de Rampan comme portées devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître.

Article 2 : Les conclusions de la demande de Mme A... dirigées contre l'assureur de la commune de Rampan et le surplus des conclusions de sa requête sont rejetés.

Article 3 : Les conclusions de la commune de Rampan tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...A..., à la commune de Rampan, à la compagnie Groupama et à la caisse primaire d'assurance maladie de la Manche.

Délibéré après l'audience du 27 novembre 2014, où siégeaient :

- Mme Perrot, président de chambre,

- Mme Specht, premier conseiller,

- M. Lemoine, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 18 décembre 2014.

Le rapporteur,

F. SPECHT Le président,

I. PERROT

Le greffier,

A. MAUGENDRE

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

''

''

''

''

5

N° 13NT02499


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 13NT02499
Date de la décision : 18/12/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme PERROT
Rapporteur ?: Mme Frédérique SPECHT
Rapporteur public ?: M. GIRAUD
Avocat(s) : LABEY-GUIMARD

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2014-12-18;13nt02499 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award