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13/02/2015 | FRANCE | N°13NT02182

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 13 février 2015, 13NT02182


Vu la requête, enregistrée le 26 juillet 2013, présentée pour l'EARL de Kergoten, dont le siège est à Kergoten à Saint-Nicolas-du-Pélem (22480), par Me Le Blanc, avocat ; l'EARL de Kergoten demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1100648 en date du 31 mai 2013 par lequel le tribunal administratif de Rennes a, d'une part, rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser une somme de 399 918 euros en réparation des préjudices subis par la société du fait d'un arrêté du 28 février 2005 du préfet du Finistère lui imposant une réduction de l

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Vu la requête, enregistrée le 26 juillet 2013, présentée pour l'EARL de Kergoten, dont le siège est à Kergoten à Saint-Nicolas-du-Pélem (22480), par Me Le Blanc, avocat ; l'EARL de Kergoten demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1100648 en date du 31 mai 2013 par lequel le tribunal administratif de Rennes a, d'une part, rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser une somme de 399 918 euros en réparation des préjudices subis par la société du fait d'un arrêté du 28 février 2005 du préfet du Finistère lui imposant une réduction de l'effectif des poules pondeuses présentes dans son élevage et, d'autre part, mis à la charge de l'EARL de Kergoten les frais d'expertise, liquidés et taxés à la somme de 14 286,91 euros ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 399 918 euros ;

3°) de condamner l'Etat aux entiers dépens ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

elle soutient que :

- sur la régularité du jugement attaqué : le préfet ayant admis sa responsabilité le tribunal administratif ne pouvait fonder le rejet de ses prétentions indemnitaires sur une contestation qui n'existait pas ;

- sur le bien-fondé du jugement attaqué :

- il résulte du jugement du 19 avril 2007 que la réduction du cheptel n'était pas justifiée ; elle doit être indemnisée du préjudice résultant la destruction illégale de son cheptel par l'arrêté du 28 février 2005 ; l'exception d'illégitimité tirée de ce que l'EARL exploitait l'établissement sans autorisation ne peut lui être opposée ;

- elle doit être indemnisée

. à concurrence de 224 330 euros, au titre du préjudice lié au manque à gagner subi depuis l'arrêté, à parfaire jusqu'à ce que l'exploitant soit indemnisé ;

. à concurrence de 99 588 euros, au titre de l'indemnisation partielle du fait de la réduction anticipée de la capacité des poulaillers ;

. à concurrence de 76 000 euros, au titre de la remise en état du poulailler ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 22 juillet 2014, présenté pour le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, qui conclut au rejet de la requête ;

il soutient que :

- la requête est irrecevable faute d'être revêtue de la signature de son auteur en méconnaissance de l'article R. 431-2 du code de justice administrative ;

- la requérante ne démontre pas que les préjudices dont elle demande l'indemnisation seraient la conséquence directe et nécessaire de l'illégalité de l'arrêté du 28 févier 2005 ; ces chefs de préjudice découlent en réalité directement et exclusivement de la situation irrégulière de l'exploitant :

- en ce qui concerne le quantum du préjudice :

. en ce qui concerne le manque à gagner, ne saurait être pris en considération qu'un effectif de 16 384 poules et non de 20 480 comme demandé, ce dernier chiffre signifiant que l'EARL de Kergoten ne respectait pas la réglementation relative au nombre maximal de poules admis dans une cage de 2 550 cm² ;

. il ressort du rapport d'expertise qu'aucune remise en état du poulailler n'est nécessaire ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 14 janvier 2015, présenté par l'EARL de Kergoten, qui persiste dans ses précédentes conclusions par les mêmes moyens ;

elle soutient en outre

- qu'il existe un lien direct et certain entre le préjudice né de la réduction du cheptel et l'arrêté préfectoral de 2005 ayant imposé cette réduction ;

- que par son jugement de 2007, le tribunal administratif de Rennes a invalidé le motif

de l'arrêté de 2005, d'où il résulte que la production d'azote n'était pas compatible avec le plan d'épandage et que par suite une réduction d'effectifs était nécessaire ;

Vu le nouveau mémoire, enregistré le 19 janvier 2015, présenté par le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, qui persiste dans ses précédentes conclusions par les mêmes moyens ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 23 janvier 2015 :

- le rapport de M. Francfort, président-assesseur,

- les conclusions de Mme Grenier, rapporteur public,

- et les observations de MeA..., pour l'EARL de Kergoten ;

1. Considérant qu'il résulte de l'instruction que le GAEC de Kergoten a reçu récépissé de sa déclaration d'exploitation d'un élevage de 19 680 volailles le 24 juin 1982 ; que par arrêté 31 janvier 1994 abrogeant ce récépissé, l'EARL de Kergoten a été autorisé à étendre son élevage, qui passait de l'ancienne rubrique 58-6° de la nomenclature des installations classées à la rubrique 2111 de la nouvelle nomenclature, le soumettant au régime de l'autorisation compte tenu de l'effectif supplémentaire de 25 200 animaux équivalents, autorisé par ce même arrêté, qui portait l'effectif total de l'exploitation à 45 880 animaux-équivalents ; que par un arrêté modificatif du 21 juin 1999 l'exploitant voyait son plan d'épandage modifié, puis par un arrêté de prescriptions complémentaires du 22 septembre 2003, était invité à déposer un dossier de traitement ou de transfert des déjections animales conforme aux dispositions de l'arrêté préfectoral du 1er août 2002 modifiant l'arrêté préfectoral du 20 juillet 2001 établissant le deuxième programme d'action à mettre en oeuvre en vue de la protection des eaux contre la pollution par les nitrates d'origine agricole ; que la production d'azote de l'élevage n'étant pas compatible avec le plan d'épandage présenté, le préfet a, par arrêté du 28 février 2005, réduit l'effectif autorisé à 28 562 poules pondeuses ; que par jugement du 7 juin 2007 le tribunal administratif de Rennes a annulé cet arrêté du 28 février 2005 ; que l'EARL de Kergoten relève appel du jugement en date du 31 mai 2013 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'indemnisation des préjudices liés selon elle à l'arrêté irrégulier du 28 février 2005 ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant que, saisi de conclusions indemnitaires, le juge n'est pas tenu d'accorder une somme au moins égale à celle que l'administration s'était déclarée prête à verser à l'amiable au demandeur ; que l'EARL n'est dès lors pas fondée à soutenir que les premiers juges ne pouvaient, à peine d'irrégularité de leur décision, refuser toute indemnisation dès lors que le représentant de l'Etat avait admis que sa responsabilité était engagée à concurrence d'une partie des demandes indemnitaires de l'exploitant ;

Sur les conclusions indemnitaires de l'EARL de Kergoten :

En ce qui concerne le fondement de la responsabilité :

3. Considérant qu'il résulte du jugement du 7 juin 2007 du tribunal administratif de Rennes mentionné ci-dessus, devenu définitif à défaut d'appel, que l'arrêté du 28 février 2005 par lequel le préfet des Côtes d'Armor a ordonné la réduction du cheptel exploité par l'EARL de Kergoten est irrégulier ; que toute illégalité est fautive et susceptible d'engager la responsabilité de la personne publique qui en est l'auteur, à condition toutefois qu'il puisse être fait état d'un préjudice en lien personnel direct et certain avec cette faute ;

En ce qui concerne le lien de causalité :

4. Considérant que le préfet des Côtes d'Armor se prévaut de ce que la responsabilité de l'administration ne saurait être engagée pour la réparation des dommages invoqués par l'exploitant dès lors que ces derniers ne trouvent pas leur cause dans l'illégalité de l'arrêté du 28 février 2005, mais découlent directement et exclusivement de la situation irrégulière dans laquelle l'EARL de Kergoten s'est elle-même placée, indépendamment des faits commis par la puissance publique, et à laquelle l'administration aurait pu légalement mettre fin à tout moment ;

5. Considérant toutefois qu'il résulte des motifs qui forment le support nécessaire du dispositif du jugement du tribunal administratif de Rennes du 7 juin 2007, revêtu de l'autorité de la chose jugée, que le préfet des Côtes d'Armor ne pouvait régulièrement imposer à l'EARL de Kergoten la réduction de son effectif en conséquence de ce que la production d'azote n'était pas compatible avec le plan d'épandage de l'exploitation ; que le préfet des Côtes d'Armor, qui au demeurant ne précise ni les autres irrégularités dont l'EARL se serait rendu responsable, ni les voies, autres que la réduction irrégulière d'effectifs, par lesquelles l'administration aurait pu légalement mettre fin à cette situation, n'est dès lors pas fondé à soutenir que les préjudices consécutifs à la réduction de l'effectif du cheptel trouveraient leur cause directe et exclusive dans le comportement fautif de l'EARL de Kergoten, indépendamment de l'arrêté irrégulier du 28 février 2005 ;

En ce qui concerne le préjudice indemnisable :

6. Considérant, en premier lieu, qu'il convient de tenir compte d'une période d'indemnisation commençant le 21 avril 2005, où il a été procédé à la réduction effective du cheptel en exécution de l'arrêté du 28 février 2005, et se terminant le 8 août 2007, date à laquelle le jugement annulant cet arrêté est devenu définitif faute d'appel, l'EARL de Kergoten ne justifiant pas de ce qu'elle n'aurait pu reprendre l'exploitation à compter de cette date ;

7. Considérant, en deuxième lieu, en ce qui concerne le manque à gagner, qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expert nommé par le président du tribunal administratif de Rennes, que la marge nette réalisée par l'EARL de Kergoten est de 1, 956 euros par animal ; que si le nombre de poules pondeuses ayant quitté l'élevage, à la suite de la décision irrégulière du préfet du 28 février 2005, s'établit à 20 480, il convient de limiter l'effectif à retenir à 16 384 animaux, pour ne tenir compte que des volailles exploitées en conformité avec la réglementation laquelle, réservant un espace de 550 cm² à chaque poule, interdisait de conserver plus de 4 animaux dans chacune des 4 096 cages détenues par la société requérante ; qu'à raison d'un renouvellement de l'effectif intervenant chaque année, ainsi qu'il résulte des travaux d'expertise, il sera, en conséquence de la période de responsabilité retenue plus haut, fait une exacte appréciation de la perte de marge subie par l'EARL de Kergoten en condamnant l'Etat à lui verser une somme de 76 290 euros ;

8. Considérant, en second lieu, en ce qui concerne le coût de remise en état des cages et du maintien du matériel, qu'il résulte de l'instruction, et notamment des mentions figurant à un récépissé de déclaration du 10 octobre 2013, que le bâtiment abritant les poules pondeuses qui ont quitté l'élevage de l'EARL de Kergoten a été réutilisé pour partie pour le stockage de la paille et pour partie pour l'élevage de bovins ; que, par suite, et dès lors qu'il résulte de l'instruction que les cages utilisées en 2005 par l'Earl ne pouvaient plus, compte tenu de leur vétusté, être utilisées, et en l'absence de toute justification d'un quelconque entretien du matériel correspondant à la partie de l'élevage dont l'EARL de Kergoten a été privée, il ne peut être accordé aucune indemnisation à ce titre ; que pour les mêmes motifs tenant à l'absence de toute démonstration que la requérante aurait procédé de manière anticipée à l'installation de cages au nouveau format de 750 cm² conforme à la réglementation applicable à l'échéance du 1er janvier 2012, l'EARL de Kergoten n'est fondée à solliciter aucune indemnisation de ce fait ;

9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'EARL de Kergoten est seulement fondée, d'une part, à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté la totalité de sa demande et, d'autre part, à solliciter le versement d'une indemnité d' un montant de 76 290 euros ;

Sur les frais d'expertise :

10. Considérant qu'aux termes de l'article R. 761-1 du code de justice administrative : " Les dépens comprennent les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'Etat. Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties " ;

11. Considérant que dans les circonstances de l'espèce il y a lieu de partager également entre les parties les frais de l'expertise taxés et liquidés par ordonnance du 6 avril 2009 du président du tribunal administratif de Rennes à la somme 14 286,91 euros ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à l'EARL de Kergoten d'une somme au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : L'Etat est condamné à verser à l'EARL de Kergoten une somme de 76 290 euros.

Article 2 : La charge définitive des frais d'expertise, liquidés à la somme de 14 286,91 euros, est partagée entre les parties, l'Etat et l'EARL de Kergoten étant redevable chacun pour moitié de cette somme.

Article 3 : Le jugement du 31 mai 2013 du tribunal administratif de Rennes est réformé en ce qu'il a de contraire aux articles ci-dessus.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la demande de l'EARL de Kergoten est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à l'EARL de Kergoten et au ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie.

Une copie en sera adressée au préfet des Côtes d'Armor.

Délibéré après l'audience du 23 janvier 2015, à laquelle siégeaient :

- M. Lenoir, président de chambre,

- M. Francfort, président-assesseur,

- Mme Piltant premier conseiller.

Lu en audience publique, le 13 février 2015.

Le rapporteur,

J. FRANCFORT Le président,

H. LENOIR

Le greffier,

C. GOY

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N° 13NT02182


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 13NT02182
Date de la décision : 13/02/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. LENOIR
Rapporteur ?: M. Jérôme FRANCFORT
Rapporteur public ?: Mme GRENIER
Avocat(s) : SELARL LRDL

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2015-02-13;13nt02182 ?
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