Vu la requête, enregistrée le 3 septembre 2013, présentée pour l'association " Eolienne s'en naît trop ", dont le siège est Forgette à Courçais (03370) ;
L'association " Eolienne s'en naît trop " demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1201224 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 28 juin 2013 qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation des huit arrêtés
du 12 janvier 2012 par lesquels le préfet de la région Auvergne a délivré à la SNC MSE La Tombelle des permis de construire six éoliennes et deux postes de livraison sur le territoire des communes de Courçais et Viplaix (Allier) ;
2°) d'annuler ces permis de construire ;
3°) de mettre les dépens de l'instance à la charge de l'Etat et de la SNC MSE La Tombelle ;
4°) de condamner l'Etat et la SNC MSE La Tombelle à lui verser une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
L'association " Eolienne s'en naît trop " soutient que :
- le tribunal, qui n'a pas répondu à ses moyens tirés de ce que l'irrégularité de l'avis du maire de la commune de Viplaix a privé les habitants de cette commune d'une garantie et de ce que la légalité des permis de construire ne pouvait être subordonnée à l'accord de tiers, a dès lors insuffisamment motivé son jugement au regard des exigences de l'article L. 9 du code de justice administrative ;
- le préfet de la région Auvergne ne disposant d'aucun motif valable pour mettre en oeuvre l'article 2 du décret du 29 avril 2004 et prendre les arrêtés litigieux à la place du préfet de l'Allier, ceux-ci sont par suite entachés d'incompétence ;
- contrairement à ce qu'impose l'article R. 431-13 du code de l'urbanisme, alors que le parc éolien nécessite l'enfouissement de câbles sur des terrains appartenant au domaine public pour relier les postes de livraison au poste source, les demandes de permis de construire ne comportaient pas l'accord exprès des gestionnaires du domaine public routier et du réseau de distribution d'électricité d'engager la procédure d'autorisation d'occupation temporaire du domaine public ;
- les développements de l'étude d'impact consacrés aux chiroptères et aux grues cendrées et le volet acoustique de cette étude sont insuffisants au regard des exigences de l'article R. 122-3 du code de l'environnement ;
- contrairement à ce que le tribunal a estimé, les dispositions du XI de l'article 90 de la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010, imposant certaines consultations, ne nécessitaient aucune mesure d'application pour entrer en vigueur et sont dès lors applicables en l'espèce ;
- l'avis que le maire de la commune de Viplaix a émis sur le projet en application de l'article R. 423-72 du code de l'urbanisme méconnaît le principe d'impartialité, dès lors en effet que son frère va tirer un avantage financier de la réalisation du projet ;
- contrairement à ce qu'impose l'article R. 123-22 du code de l'environnement, le commissaire enquêteur n'a pas suffisamment motivé son avis, notamment s'agissant de la question de la préservation des paysages et monuments historiques, et n'a pas examiné les observations du public ;
- en méconnaissance de l'article R. 123-6 du code de l'environnement, le dossier d'enquête publique ne comportait pas l'accord du ministre de la défense et les avis des maires des communes de Courçais et Viplaix ;
- les permis de construire en litige ne sont pas suffisamment motivés au regard des exigences de l'article L. 424-4 du code de l'urbanisme ;
- les arrêtés autorisant la construction des postes de livraison ne peuvent pas légalement comporter une prescription relative à l'aspect extérieur modifiant substantiellement le projet initial ;
- compte tenu des conséquences du projet sur les chiroptères et les grues cendrées, en délivrant les permis de construire sans les assortir de prescriptions propres à assurer la préservation de ces espèces, le préfet a commis une erreur manifeste dans l'application de l'article R. 111-15 du code de l'urbanisme ;
- le parc éolien projeté, qui portera atteinte aux paysages et aux monuments historiques, n'a dès lors pu être autorisé qu'à la faveur d'une erreur manifeste d'appréciation dans la mise en oeuvre de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme ;
Vu le jugement et les arrêtés attaqués ;
Vu le mémoire, enregistré le 8 novembre 2013, présenté pour la SNC MSE La Tombelle, qui demande à la cour :
- de rejeter la requête ;
- de condamner l'association " Eolienne s'en naît trop " à lui verser une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
La SNC MSE La Tombelle soutient que :
- la requête, qui est tardive, est par suite irrecevable ;
- les moyens invoqués par l'association requérante ne sont pas fondés ;
En application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative, par une ordonnance du 2 décembre 2013, la clôture de l'instruction a été fixée au 14 janvier 2014 ;
Vu le mémoire, enregistré le 10 janvier 2014, présenté par le ministre de l'égalité des territoires et du logement, qui demande à la cour de rejeter la requête ;
Le ministre soutient que les moyens invoqués par l'association requérante ne sont pas fondés ;
Vu le mémoire, enregistré le 13 janvier 2014, présenté pour l'association " Eolienne s'en naît trop ", tendant aux mêmes fins que précédemment ;
L'association requérante soutient, en outre, que, contrairement à ce que fait valoir la SNC MSE La Tombelle, sa requête n'est pas tardive ;
En application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative, par une ordonnance du 15 janvier 2014, la clôture de l'instruction a été reportée au 19 février 2014 ;
Vu le mémoire, enregistré le 17 février 2014, présenté pour la SNC MSE La Tombelle, tendant aux mêmes fins que précédemment, le montant de la somme réclamée au titre de l'article L. 761-1 étant porté à 3 000 euros ;
En application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative, par une ordonnance du 19 février 2014, la clôture de l'instruction a été reportée au 26 mars 2014 ;
Vu le mémoire, enregistré le 25 mars 2014, présenté pour l'association " Eolienne s'en naît trop ", tendant aux mêmes fins que précédemment ;
L'association requérante soutient, en outre, que le volet paysager de l'étude d'impact, n'étant pas fiable, l'article R. 431-10 du code de l'urbanisme et l'article R. 122-3 du code de l'environnement ont été méconnus ;
En application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative, par une ordonnance du 27 mars 2014, la clôture de l'instruction a été reportée au 6 mai 2014 ;
Vu le mémoire, enregistré le 29 avril 2014, présenté pour la SNC MSE La Tombelle, tendant aux mêmes fins que précédemment ;
Vu le mémoire, enregistré le 12 mai 2014, présenté pour l'association " Eolienne s'en naît trop ", après la clôture de l'instruction ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 8 octobre 2014, présentée pour la
SNC MSE La Tombelle ;
Vu le code de l'aviation civile ;
Vu le code de l'environnement ;
Vu le code de l'urbanisme ;
Vu la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l'environnement ;
Vu le décret n° 2004-374 du 29 avril 2004 relatif aux pouvoirs des préfets, à l'organisation et à l'action des services de l'Etat dans les régions et départements ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 7 octobre 2014 :
- le rapport de M. Chenevey, premier conseiller ;
- les conclusions de M. Vallecchia, rapporteur public ;
- les observations de Me Monamy, avocat de l'association " Eolienne s'en naît trop ", et celles de Me Enckell, avocat de la SNC MSE La Tombelle ;
1. Considérant que, par un jugement du 28 juin 2013, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté la demande de l'association " Eolienne s'en naît trop " tendant à l'annulation des huit arrêtés du 12 janvier 2012 par lesquels le préfet de la région Auvergne a délivré à la SNC MSE La Tombelle des permis de construire en vue de l'édification d'un parc éolien, composé de six éoliennes et deux postes de livraison, sur le territoire des communes de Courçais et Viplaix (Allier) ; que cette association relève appel de ce jugement ;
Sur la recevabilité de la requête :
2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 811-2 du code de justice administrative : " Sauf dispositions contraires, le délai d'appel est de deux mois. Il court contre toute partie à l'instance à compter du jour où la notification a été faite à cette partie (...) " ;
3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier de première instance qui a été transmis à la cour par le tribunal administratif de Clermont-Ferrand que le jugement attaqué a été notifié le 5 juillet 2013 à l'association " Eolienne s'en naît trop " ; que la requête de cette dernière a été enregistrée le 3 septembre 2013 au greffe de la cour ; qu'ainsi, la fin de
non-recevoir opposée par la SNC MSE La Tombelle, tirée de la tardiveté de cette requête, ne peut qu'être écartée ;
Sur la recevabilité de la demande :
4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 600-1-1 du code de l'urbanisme : " Une association n'est recevable à agir contre une décision relative à l'occupation ou l'utilisation des sols que si le dépôt des statuts de l'association en préfecture est intervenu antérieurement à l'affichage en mairie de la demande du pétitionnaire. " ;
5. Considérant que les statuts de l'association " Eolienne s'en naît trop " ont été déposés le 21 avril 2009 à la sous-préfecture de Montluçon ; que l'affichage en mairie des demandes de permis de construire présentées par la SNC MSE La Tombelle est nécessairement postérieure au 21 juin 2010, date de dépôt de ces demandes ; que, par suite, contrairement à ce que cette société a soutenu en première instance, les dispositions précitées de l'article L. 600-1-1 du code de l'urbanisme ne peuvent être opposées à la demande d'annulation de l'association " Eolienne s'en naît trop " ;
Sur la légalité des arrêtés litigieux :
6. Considérant qu'aux termes de l'article R. 123-22 du code de l'environnement, dans sa rédaction alors applicable : " (...) Le commissaire enquêteur (...) établit un rapport qui relate le déroulement de l'enquête et examine les observations recueillies. Le commissaire enquêteur (...) consigne, dans un document séparé, ses conclusions motivées, en précisant si elles sont favorables ou non à l'opération (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions que si le commissaire-enquêteur n'est pas tenu de répondre à chacune des observations présentées lors de l'enquête publique, il doit indiquer, au moins sommairement, en donnant son avis personnel, les raisons qui déterminent le sens de cet avis ;
7. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, d'une part, que lors de l'enquête publique, le commissaire enquêteur a été saisi de nombreuses observations, notamment relatives à l'impact paysager du projet de parc éolien, dont certaines, manifestant une opposition à ce projet, étaient très argumentées ; qu'après avoir, dans la partie de son rapport intitulé " Descriptif des travaux ", très sommairement décrit le paysage, en indiquant que " le projet (...) se situe (...) dans un secteur occupé par un bocage agricole avec aussi quelques cultures céréalières ", le commissaire enquêteur s'est borné, dans ses conclusions, à indiquer que le parc éolien projeté " (respecte) au maximum l'environnement habité de ce paysage de bocage, en limitant aussi les emprises sur les terres agricoles ", et que les mesures compensatoires prévues " destinées à amoindrir l'impact paysager de ces éoliennes, telles que la plantation de haies aux abords des hameaux et la mise en valeur des postes de livraison par un recouvrement en pierres permettent leur intégration aux constructions locales ", avant de relever que " l'impasse a été faite concernant la barrière visuelle constituée par la RD 71, qui a été signalée par plusieurs personnes " ; qu'à aucun moment le commissaire enquêteur n'expose, même sommairement, au regard des caractéristiques essentielles du paysage, les raisons pour lesquelles, selon lui, le parc éolien pourra s'intégrer à ce paysage sans y porter une atteinte excessive ; que, par suite, eu égard au nombre et au contenu des observations présentées, le commissaire enquêteur ne peut être regardé comme ayant suffisamment motivé l'avis favorable qu'il a émis sur le projet ;
8. Considérant, d'autre part, que le commissaire enquêteur a listé et résumé les observations du public, effectuées en mairie, sur le registre ou par courrier ; que, toutefois, il s'est ensuite borné à indiquer que, après examen et analyse des observations recueillies, trois points méritent des informations supplémentaires, en l'occurrence la vitesse du vent sur le site, la dépréciation des biens susceptible de résulter du projet et la capacité financière de la société pétitionnaire, et a en conséquence demandé des précisions à la société MSE La Tombelle, dont il a indiqué les réponses ; qu'ainsi, le commissaire enquêteur, alors pourtant qu'il était saisi de nombreuses observations, dont certaines très circonstanciées, n'a pas répondu, même sommairement, aux principaux points abordés par le public, s'agissant notamment de l'impact du parc éolien projeté sur le paysage ; que si, néanmoins, certains éléments de réponse peuvent être trouvés dans ses conclusions, ces dernières ne comportent aucun développement suffisant s'agissant de cette question d'une éventuelle atteinte au paysage ; que le commissaire enquêteur n'a donc pas respecté son obligation d'examen des observations recueillies au cours de l'enquête publique ;
9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'association " Eolienne s'en naît trop " est fondée à soutenir que l'article R. 123-22 précité du code de l'environnement a été méconnu ; que les irrégularités relevées ci-dessus ayant été de nature à nuire à l'information de l'ensemble des personnes intéressées par l'opération, les arrêtés litigieux sont dès lors entachés d'illégalité ;
10. Considérant que, pour l'application de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, aucun autre moyen n'apparaît, en l'état de l'instruction, également susceptible de fonder l'annulation des permis contestés ;
11. Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que l'association " Eolienne s'en naît trop " est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande d'annulation des huit arrêtés du 12 janvier 2012 par lesquels le préfet de la région Auvergne a délivré à la SNC MSE La Tombelle des permis de construire en vue de l'édification d'un parc éolien ; qu'en conséquence, sans qu'il soit besoin d'examiner la régularité du jugement attaqué, il y a lieu d'annuler ce jugement, ainsi que ces arrêtés ;
Sur les dépens :
12. Considérant qu'en vertu de l'article R. 761-1 du code de justice administrative : " Les dépens comprennent la contribution pour l'aide juridique prévue à l'article 1635 bis Q du code général des impôts (...). / Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties (...) " ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat la contribution pour l'aide juridique que l'association requérante a acquittée lors de l'introduction de sa requête ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
13. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'association " Eolienne s'en naît trop ", qui n'est pas, dans la présente instance, partie perdante, soit condamnée à payer à la société SNC MSE
La Tombelle la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 500 euros au bénéfice de cette association sur le fondement de ces mêmes dispositions ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 28 juin 2013 est annulé.
Article 2 : Les huit arrêtés du 12 janvier 2012 par lesquels le préfet de la région Auvergne a délivré à la SNC MSE La Tombelle des permis de construire en vue de l'édification d'un parc éolien sont annulés.
Article 3 : Les dépens sont mis à la charge de l'Etat.
Article 4 : L'Etat versera à l'association " Eolienne s'en naît trop " une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Les conclusions de la SNC MSE La Tombelle tendant à l'application de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à l'association " Eolienne s'en naît trop ", à la SNC MSE La Tombelle et au ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité.
Copie en sera transmise au préfet de la région Auvergne ainsi qu'au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Montluçon, en application de l'article
R. 751-11 du code de justice administrative.
Délibéré après l'audience du 7 octobre 2014, à laquelle siégeaient :
M. Picard, président de formation de jugement,
M. Chenevey, premier conseiller,
Mme Vaccaro-Planchet, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 28 octobre 2014.
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N° 13LY02395
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