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14/01/2014 | FRANCE | N°13LY01281

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1ère chambre - formation à 3, 14 janvier 2014, 13LY01281


Vu la requête, enregistrée le 22 mai 2013, présentée pour la commune de Montmélian (Savoie), représentée par son maire ;

La commune de Montmélian à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1100992 du tribunal administratif de Grenoble du 21 mars 2013 en tant que, par ce jugement, le tribunal l'a condamnée à verser à la société Lidl une somme de 23 784,50 euros, outre intérêts, en réparation des préjudices résultant du refus d'abroger l'arrêté du 9 juin 2010 par lequel son maire a rejeté la demande de permis de construire un supermarché présentée par cette

société ;

2°) de rejeter la demande de la société Lidl devant le tribunal administra...

Vu la requête, enregistrée le 22 mai 2013, présentée pour la commune de Montmélian (Savoie), représentée par son maire ;

La commune de Montmélian à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1100992 du tribunal administratif de Grenoble du 21 mars 2013 en tant que, par ce jugement, le tribunal l'a condamnée à verser à la société Lidl une somme de 23 784,50 euros, outre intérêts, en réparation des préjudices résultant du refus d'abroger l'arrêté du 9 juin 2010 par lequel son maire a rejeté la demande de permis de construire un supermarché présentée par cette société ;

2°) de rejeter la demande de la société Lidl devant le tribunal administratif ;

3°) de condamner la société Lidl à lui verser une somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

La commune de Montmélian soutient que, comme le tribunal l'a jugé, à la suite de l'avis négatif de la commission départementale d'aménagement commercial, le maire était tenu de rejeter la demande de permis de construire de la société Lidl ; que, par contre, c'est à tort que le tribunal a estimé que le maire était tenu d'abroger ce refus de permis de construire ; qu'en effet, aucun changement dans les circonstances n'est intervenu après l'édiction de cette décision, la Commission nationale d'aménagement commercial n'ayant pas statué dans le délai d'un mois imparti sur le recours formé par la société Lidl à l'encontre de l'avis négatif de la commission départementale et, par suite, étant réputée avoir implicitement rejeté ce recours ; que la commission nationale, qui était ainsi dessaisie, n'était plus compétente pour prendre les deux décisions explicites des 12 mai 2010 et 22 juillet 2010 ; qu'ainsi, le maire n'a commis aucune faute susceptible d'engager la responsabilité de la commune ; que le préjudice allégué n'existe pas ; qu'en effet, le tribunal, qui a rejeté les demandes que la société Lidl a présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative dans les différentes instances dont cette société l'a saisi, ne pouvait condamner la commune à réparer le préjudice résultant des frais d'avocat engagés par la société lors de ces instances ; que le refus d'abroger le refus de permis de construire ne constitue pas la cause directe des contentieux initiés par la société Lidl ; que cette dernière ne démontre pas que les frais d'avocat allégués sont liés à la première instance et strictement nécessaires à la défense de ses intérêts ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré le 12 juillet 2013, présenté pour la société Lidl, qui demande à la cour :

- de rejeter la requête ;

- par la voie de l'appel incident, d'annuler le jugement attaqué du 21 mars 2013 en tant que, par ce jugement, le tribunal a rejeté ses conclusions tendant à la réparation du préjudice lié aux frais de constitution du dossier de permis de construire ;

- de condamner la commune de Montmélian à lui verser :

. une somme de 50 615,84 euros, outre intérêts, en réparation dudit préjudice et en raison de la nécessité d'actualiser le préjudice résultant des frais d'avocat qu'elle a dû engager,

. une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

La société Lidl soutient que la Commission nationale d'aménagement commercial pouvait légalement substituer un avis favorable exprès à l'avis défavorable implicite né au terme du délai d'un mois imparti à cette commission pour se prononcer, ce délai n'étant en effet pas prescrit à peine de dessaisissement de la commission ; que cette dernière doit simplement se prononcer dans le délai d'instruction du permis de construire ; qu'en l'espèce, ce délai arrivait à expiration le 17 août 2010 ; que la Commission nationale d'aménagement commercial était donc fondée à se prononcer par un avis exprès favorable le 12 mai 2010, ainsi qu'à rectifier le 22 juillet 2010 cet avis, affecté d'une erreur matérielle ; que le maire de la commune a commis des fautes en refusant de tenir compte de cet avis pour rejeter la demande de permis de construire, puis en maintenant ce refus ; que le montant du préjudice lié aux frais d'avocat doit être actualisé ; que la circonstance, invoquée par la commune, que le tribunal n'ait pas condamné cette dernière au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative est sans incidence sur son droit à obtenir réparation de ce préjudice ; qu'en outre, les frais exposés pour constituer le dossier de demande de permis de construire devront donné lieu à indemnisation, en l'absence de toute décision faisant droit à cette demande ;

En application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative, par une ordonnance du 17 juillet 2013, la clôture de l'instruction a été fixée au 10 septembre 2013 ;

Vu le mémoire, enregistré le 10 septembre 2013, présenté pour la commune de Montmélian, représentée par son maire, tendant aux mêmes fins que précédemment et, en outre, au rejet de l'appel incident de la société Lidl ;

La commune soutient, en outre, que l'appel incident de la société Lidl ne pourra qu'être rejeté, dès lors que, comme indiqué précédemment, le maire était tenu, à la suite de la confirmation par la Commission nationale d'aménagement commercial de l'avis défavorable de la commission départementale, de rejeter la demande de permis de construire ; que l'arrêté du 9 juin 2010 n'est donc pas entaché d'illégalité ; que la société Lidl ne démontre pas les frais d'avocat supplémentaires allégués ; que les frais de constitution du dossier de permis de construire n'ont pas été engagés en pure perte ;

En application de l'article R. 613-4 du code de justice administrative, par une ordonnance du 12 septembre 2013, l'instruction a été rouverte ;

Vu le mémoire, enregistré le 24 octobre 2013, présenté pour la société Lidl, tendant aux mêmes fins que précédemment, le montant de la condamnation demandée de la commune de Montmélian étant porté à 53 551,85 euros ;

La société soutient, en outre, que le montant du préjudice résultant des frais d'avocat doit être réévalué du fait de la poursuite de la procédure contentieuse ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 12 décembre 2013, présentée pour la société Lidl ;

Vu le code de commerce ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 10 décembre 2013 :

- le rapport de M. Chenevey, premier conseiller ;

- les conclusions de M. Vallecchia, rapporteur public ;

- et les observations de MeB..., représentant le cabinet CMS Bureau Francis Lefebvre Lyon, avocat de la commune de Montmélian, et celles de MeA..., représentant la SCP Baker et Mckenzie, avocat de la société Lidl ;

1. Considérant que, par un jugement du 21 mars 2013, le tribunal administratif de Grenoble a condamné la commune de Montmélian à verser à la société Lidl une somme de 23 784,50 euros, outre intérêts, en réparation des préjudices résultant du refus d'abroger l'arrêté du 9 juin 2010 par lequel le maire a rejeté la demande de permis de construire un supermarché présentée par cette société, et a rejeté le surplus des conclusions indemnitaires de cette société ; que la commune de Montmélian relève appel de ce jugement, en tant qu'il procède à cette condamnation ; que, par la voie de l'appel incident, la société Lidl demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures, de condamner cette commune à lui verser une somme de 53 551,85 euros, en réparation des préjudices résultant aussi bien de l'arrêté du 9 juin 2010 que de la décision rejetant implicitement son recours gracieux ;

2. Considérant qu'aux termes des dispositions alors applicables de l'article L. 752-4 du code de commerce : " Dans les communes de moins de 20 000 habitants, le maire ou le président de l'établissement public de coopération intercommunale compétent en matière d'urbanisme peut, lorsqu'il est saisi d'une demande de permis de construire un équipement commercial dont la surface est comprise entre 300 et 1 000 mètres carrés, proposer au conseil municipal ou à l'organe délibérant de cet établissement de saisir la commission départementale d'aménagement commercial afin qu'elle statue sur la conformité du projet aux critères énoncés à l'article L. 752-6. / Dans ces communes, lorsque le maire ou le président de l'établissement public compétent en matière d'urbanisme est saisi d'une demande de permis de construire un équipement commercial visé à l'alinéa précédent, il notifie cette demande dans les huit jours au président de l'établissement public de coopération intercommunale ou du syndicat mixte visé à l'article L. 122-4 du code de l'urbanisme sur le territoire duquel est projetée l'implantation. Celui-ci peut proposer à l'organe délibérant de saisir la commission départementale d'aménagement commercial afin qu'elle statue sur la conformité du projet aux critères énoncés à l'article L. 752-6. / La délibération du conseil municipal ou de l'organe délibérant de l'établissement public de coopération intercommunale est motivée. Elle est transmise au pétitionnaire sous un délai de trois jours. / En cas d'avis défavorable de la commission départementale d'aménagement commercial ou, le cas échéant, de la Commission nationale d'aménagement commercial, le permis de construire ne peut être délivré. / La commission départementale d'aménagement commercial se prononce dans un délai d'un mois. / En cas d'avis négatif, le promoteur peut saisir la Commission nationale d'aménagement commercial qui se prononce dans un délai d'un mois. Le silence de la commission nationale vaut confirmation de l'avis de la commission départementale " ; qu'aux termes de l'article R. 425-22-1 du code de l'urbanisme : " Lorsque le projet a été soumis pour avis à la commission départementale d'aménagement commercial en application de l'article L. 752-4 du code de commerce, le permis de construire ne peut être délivré en cas d'avis défavorable de la commission départementale d'aménagement commercial ou, le cas échéant, de la Commission nationale d'aménagement commercial " ; qu'enfin, aux termes de l'article R. 423-36-1 du même code : " Lorsque le projet a été soumis pour avis à la commission départementale d'aménagement commercial en application de l'article L. 752-4 du code de commerce et a fait l'objet d'un avis défavorable, le délai d'instruction est prolongé de deux mois à compter du recours si le promoteur a déposé un recours devant la Commission nationale d'aménagement commercial dans le délai d'instruction déterminé comme il est dit à la section IV du présent chapitre " ;

3. Considérant qu'il résulte des dispositions précitées que la Commission nationale d'aménagement commercial ne peut utilement se prononcer après l'expiration du délai d'un mois au terme duquel elle est réputée, en vertu de l'article L. 752-4 du code de commerce, confirmer l'avis défavorable rendu par la commission départementale et que le maire, au vu de l'avis réputé défavorable résultant du silence de la commission nationale dans ce délai, est tenu de rejeter la demande de permis de construire ; que la Commission nationale d'aménagement commercial étant dessaisie après l'expiration du délai d'un mois, un promoteur ne peut utilement se prévaloir d'un avis favorable exprès rendu par cette commission postérieurement à ce délai ;

4. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société Lidl a déposé en décembre 2009 une demande de permis de construire un supermarché sur un terrain situé sur le territoire de la commune de Montmélian ; qu'en application de l'article L. 752-4 précité du code de commerce, le syndicat mixte Métropole Savoie a décidé de saisir pour avis la commission départementale d'équipement commercial de ce projet de supermarché, d'une surface de vente de 901 m² ; que le 8 février 2010, cette commission a rendu un avis défavorable ; qu'en application de l'article L. 752-4, la société Lidl a décidé de saisir la Commission nationale d'aménagement commercial ; que ce recours a été enregistré le 2 mars 2010 par cette dernière ; que, ne s'étant pas prononcée dans le délai d'un mois prévu par les dispositions précitées du même article, la commission nationale doit être réputée avoir confirmé l'avis défavorable de la commission départementale ; que, dès lors, le maire de la commune de Montmélian était tenu de rejeter la demande de permis de construire de la société Lidl, comme il l'a fait par son arrêté du 9 juin 2010, fondé sur la confirmation implicite par la Commission nationale d'aménagement commercial de l'avis défavorable du 8 février 2010 de la commission départementale ; que, de même, le maire avait compétence liée pour rejeter le recours gracieux que cette société a formé le 2 juillet 2010 à l'encontre de ce refus de permis de construire ; que, pour les motifs exposés précédemment, la société Lidl ne peut utilement invoquer le fait que, le 12 mai 2010, la commission nationale, après ledit délai d'un mois, s'est explicitement prononcée sur le projet de supermarché pour émettre un avis favorable ; qu'ainsi, l'arrêté du 9 juin 2010 et la décision rejetant implicitement le recours gracieux formé à l'encontre de cet arrêté ne sont pas entachés d'illégalité et, par suite, ne sont pas fautifs ; que ces décisions ne sont donc pas susceptibles d'engager la responsabilité de la commune de Montmélian ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la commune de Montmélian est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble l'a condamnée à verser une somme de 23 784,50 euros, outre intérêts, à la société Lidl ; que, par suite, ce jugement doit être annulé en tant qu'il procède à cette condamnation ; que la demande indemnitaire présentée devant le tribunal par la société Lidl doit être rejetée, ainsi que l'appel incident formé par cette société ;

6. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la commune de Montmélian, qui n'est pas, dans la présente instance, partie perdante, soit condamnée à payer à la société Lidl la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'en revanche, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de cette société le versement d'une somme de 1 500 euros au bénéfice de cette commune sur le fondement de ces mêmes dispositions ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 21 mars 2013 est annulé en tant que, par ce jugement, le tribunal a condamné la commune de Montmélian à verser une somme de 23 784,50 euros, outre intérêts, à la société Lidl.

Article 2 : La demande indemnitaire présentée devant le tribunal administratif de Grenoble par la société Lidl est rejetée.

Article 3 : L'appel incident de la société Lidl est rejeté.

Article 4 : La société Lidl versera à la commune de Montmélian une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Les conclusions de la société Lidl tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Montmélian et à la société Lidl.

Délibéré à l'issue de l'audience du 10 décembre 2013, à laquelle siégeaient :

M. Riquin, président,

M. Picard, président-assesseur,

M. Chenevey, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 14 janvier 2014.

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N° 13LY01281

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 13LY01281
Date de la décision : 14/01/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

68-03-06 Urbanisme et aménagement du territoire. Permis de construire. Contentieux de la responsabilité (voir : Responsabilité de la puissance publique).


Composition du Tribunal
Président : M. RIQUIN
Rapporteur ?: M. Jean-Pascal CHENEVEY
Rapporteur public ?: M. VALLECCHIA
Avocat(s) : BUREAU FRANCIS LEFEBVRE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2014-01-14;13ly01281 ?
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