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23/06/2015 | FRANCE | N°13DA01567

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2e chambre - formation à 3 (bis), 23 juin 2015, 13DA01567


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D...B...a demandé au tribunal administratif de Lille de condamner le centre hospitalier de Valenciennes à lui verser les sommes de 300 000 euros et de 150 000 euros en réparation des préjudices physique et moral subis à la suite de l'hystérectomie totale dont elle a fait l'objet en octobre 2007.

Par un jugement n° 0904686 du 17 juillet 2013, le tribunal administratif de Lille a, d'une part, condamné le centre hospitalier de Valenciennes à verser à Mme B...une somme de 23 000 euros avec intér

êts au taux légal à compter du 22 juillet 2009 et capitalisation de ces intérêt...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D...B...a demandé au tribunal administratif de Lille de condamner le centre hospitalier de Valenciennes à lui verser les sommes de 300 000 euros et de 150 000 euros en réparation des préjudices physique et moral subis à la suite de l'hystérectomie totale dont elle a fait l'objet en octobre 2007.

Par un jugement n° 0904686 du 17 juillet 2013, le tribunal administratif de Lille a, d'une part, condamné le centre hospitalier de Valenciennes à verser à Mme B...une somme de 23 000 euros avec intérêts au taux légal à compter du 22 juillet 2009 et capitalisation de ces intérêts à compter du 23 juillet 2010 et, d'autre part, condamné cet établissement à verser à la caisse primaire d'assurance maladie du Hainaut une somme de 30 532,40 euros en remboursement de ses débours ainsi qu'une somme de 1 015 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 13 septembre 2013 et le 12 novembre 2013, le centre hospitalier de Valenciennes, représenté par MeC..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Lille du 17 juillet 2013 ;

2°) de rejeter les conclusions présentées par Mme B...et la caisse primaire d'assurance maladie du Hainaut devant le tribunal administratif de Lille.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Milard, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Perrine Hamon, rapporteur public,

- et les observations de Me A..., représentant MmeB....

1. Considérant que MmeB..., alors âgée de 49 ans, a été admise au centre hospitalier de Valenciennes le 24 octobre 2007 pour y subir une ablation totale de l'utérus ; qu'à la suite d'une complication post-opératoire caractérisée par l'apparition d'une fistule vésico-vaginale, Mme B...a recherché la responsabilité pour faute du centre hospitalier de Valenciennes ; que l'établissement hospitalier relève appel du jugement du 17 juillet 2013 par lequel le tribunal administratif de Lille a estimé qu'il avait commis des fautes de nature à engager sa responsabilité à raison tant du défaut de diagnostic de cette fistule, que des déficiences dans la prise en charge du suivi post-opératoire de MmeB... et l'a condamné, d'une part, à verser à l'intéressée une somme de 23 000 euros en réparation de ses préjudices et, d'autre part, à verser à la caisse primaire d'assurance maladie du Hainaut une somme de 30 532,40 euros en remboursement de ses débours ainsi qu'une somme de 1 015 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion ; que, par la voie de l'appel incident, Mme B...demande la réformation du même jugement en tant qu'il a limité à 23 000 euros la somme que le centre hospitalier de Valenciennes a été condamné à lui verser en réparation de ses préjudices ;

Sur l'appel principal :

Sur la responsabilité du centre hospitalier de Valenciennes :

2. Considérant qu'il résulte de l'instruction, en particulier du rapport établi le 7 novembre 2012 par les experts désignés par le président du tribunal administratif de Lille, que le diagnostic de fistule vésico-vaginale n'a pas été posé par le praticien ayant opéré Mme B... malgré des pertes urinaires importantes incontrôlées ; qu'il a proposé une nouvelle intervention chirurgicale en juin 2008 par la mise en place, sans examen complémentaire, d'une bandelette sous urétrale ayant eu pour effet d'aggraver cette fistule ; qu'une nouvelle intervention réalisée en septembre de la même année a entraîné une incontinence totale et une éventration douloureuse de la cicatrice ; qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments que la prise en charge post-opératoire de Mme B...n'a pas été conforme aux règles de l'art ; que le retard de diagnostic de cette fistule et les manquements commis dans la prise en charge médicale de Mme B... constituent des fautes de nature à engager la responsabilité du centre hospitalier de Valenciennes ;

Sur les conclusions de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales tendant à sa mise hors de cause :

3. Considérant qu'ainsi qu'il a été dit au point 2, le centre hospitalier de Valenciennes a commis des fautes à raison du défaut de diagnostic de la fistule vésico-vaginale dont Mme B... a été victime et d'une prise en charge non conforme aux règles de l'art du suivi post-opératoire de celle-ci ; qu'il ne résulte pas en outre de l'instruction que les conditions de mise en oeuvre d'une réparation au titre de la solidarité nationale définies par les dispositions du II de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique aient été réunies au cas particulier ; que, par suite, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales est ainsi fondé à demander sa mise hors de cause ;

Sur l'évaluation des préjudices et les droits de la caisse primaire d'assurance maladie du Hainaut :

En ce qui concerne les préjudices à caractère patrimonial :

4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 341-1 du code de la sécurité sociale : " L'assuré a droit à une pension d'invalidité lorsqu'il présente une invalidité réduisant dans des proportions déterminées, sa capacité de travail ou de gain, c'est-à-dire le mettant hors d'état de se procurer, dans une profession quelconque, un salaire supérieur à une fraction de la rémunération normale perçue dans la même région par des travailleurs de la même catégorie, dans la profession qu'il exerçait avant la date de l'interruption de travail suivie d'invalidité ou la date de la constatation médicale de l'invalidité si celle-ci résulte de l'usure prématurée de l'organisme " ; qu'eu égard à la finalité de réparation d'une incapacité permanente de travail qui lui est assignée par ces dispositions législatives et à son mode de calcul, en fonction du salaire, fixé par l'article R. 341-4 du code de la sécurité sociale, la pension d'invalidité doit être regardée comme ayant pour objet exclusif de réparer, sur une base forfaitaire, les préjudices subis par la victime dans sa vie professionnelle en conséquence de l'accident, c'est-à-dire ses pertes de revenus professionnels et l'incidence professionnelle de l'incapacité ; que, dès lors, le recours exercé par une caisse de sécurité sociale au titre d'une pension d'invalidité ne saurait concerner que ces deux postes de préjudice ;

5. Considérant que, pour l'application de ces principes, il convient de déterminer si l'incapacité permanente de Mme B...à la suite des fautes commises par le centre hospitalier de Valenciennes a entraîné des pertes de revenus professionnels et une incidence professionnelle et, dans l'affirmative, d'évaluer ces postes de préjudice sans tenir compte, à ce stade, du fait qu'ils donnent lieu au versement d'une pension d'invalidité ; que, pour déterminer ensuite dans quelle mesure ces préjudices étaient réparés par la pension, il y a lieu de regarder cette prestation comme réparant prioritairement les pertes de revenus professionnels et, par suite, comme ne réparant tout ou partie de l'incidence professionnelle que si la victime ne subit pas de pertes de revenus ou si le montant de ces pertes est inférieur au capital représentatif de la pension ;

6. Considérant que Mme B...était auxiliaire de vie à la maison de retraite d'Anzin dans le cadre d'un contrat aidé à durée déterminée arrivant à son terme le 30 octobre 2008 ; que si l'intéressée a connu du 23 octobre 2007 au 1er mars 2008, du 5 juin 2008 au 30 juin 2008 et du 18 septembre 2008 au 12 janvier 2009, une incapacité temporaire totale, elle a toutefois repris son activité professionnelle pendant la période du 2 mars au 4 juin 2008 puis du 8 juin au 17 septembre 2008 avant de cesser définitivement son activité professionnelle et de bénéficier, à compter du 1er mai 2010, du versement d'une pension d'invalidité ; qu'elle ne peut ainsi prétendre à une indemnisation de la perte temporaire de revenus au titre des périodes pendant lesquelles elle était en activité ; qu'en outre, la requérante ne produit, pas plus en appel qu'en première instance, d'éléments de nature à établir, pour les périodes d'incapacité relevées précédemment, qu'elle aurait effectivement subi une perte de revenus qui n'aurait pas été compensée par l'allocation des indemnités journalières versées par la caisse primaire d'assurance maladie du Hainaut ; qu'il en résulte qu'elle ne justifie pas de la perte de revenus professionnels pendant les périodes d'incapacité temporaire totale imputables à la faute du centre hospitalier ; que, par suite, Mme B...ne peut prétendre à une indemnisation au titre de ce chef de préjudice ;

7. Considérant que si Mme B...fait valoir que son état de santé a fait obstacle à ce qu'elle soit recrutée définitivement par la maison de retraite où elle travaillait jusqu'alors en qualité de contractuelle, générant par là-même des pertes de revenus futurs et qu'elle a, en outre, perdu une chance de faire évoluer favorablement sa carrière professionnelle après cette embauche, elle ne produit toutefois aucun élément de nature à établir la réalité de cette allégation ; que par suite, Mme B...ne peut prétendre à aucune indemnisation ni au titre des pertes de revenus futurs, ni au titre de l'incidence professionnelle qu'elle aurait subie du fait de son incapacité ;

En ce qui concerne les préjudices extra-patrimoniaux :

S'agissant des préjudices temporaires :

Sur le déficit fonctionnel temporaire :

8. Considérant que compte tenu des périodes d'incapacité temporaire précédemment indiquées, il sera fait une juste appréciation de ce chef de préjudice en l'évaluant à la somme de 1 800 euros ;

Sur les souffrances endurées :

9. Considérant que les douleurs éprouvées par la requérante estimées par l'expertise à 4 sur une échelle de 7 doivent être évaluées à la somme de 4 670 euros ;

S'agissant des préjudices permanents :

Sur le déficit fonctionnel permanent :

10. Considérant qu'il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise, que Mme B...conserve, depuis la consolidation de son état de santé intervenue le 11 mai 2009, un déficit fonctionnel permanent évalué à 10 % alors qu'elle était âgée de 49 ans ; qu'il sera fait une juste appréciation de ce chef de préjudice en lui allouant la somme de 14 000 euros ;

Sur le préjudice esthétique :

11. Considérant que le préjudice esthétique estimé à 2 sur une échelle de 7 doit être évalué à une somme de 1 800 euros ;

Sur le préjudice d'agrément :

12. Considérant que le préjudice d'agrément qualifié de léger par les experts sera indemnisé à concurrence d'une somme de 700 euros ;

En ce qui concerne les droits de la caisse primaire d'assurance maladie du Hainaut :

13. Considérant que Mme B...bénéficie depuis le 1er mai 2010 d'une pension temporaire d'invalidité de catégorie 2 versée par la caisse primaire d'assurance maladie du Hainaut ; que cette pension d'invalidité, calculée en fonction du salaire de l'intéressée, a réparé, sur une base forfaitaire, les pertes de revenus professionnels subies à raison de la réduction de la capacité de travail de deux tiers ; que l'attribution de cette pension est en lien direct avec les fautes commises par le centre hospitalier de Valenciennes ; que par suite, les arrérages échus afférents à cette pension d'un montant de 14 054,93 euros pour la période du 1er mai 2010 au 28 février 2013, dont la caisse primaire d'assurance maladie du Hainaut justifie le versement, doivent être mis à la charge du centre hospitalier de Valenciennes ; que, par suite, c'est à bon droit que les premiers juges ont, en l'absence d'accord sur le versement d'un capital, condamné le centre hospitalier de Valenciennes à indemniser la caisse primaire d'assurance maladie, sur présentation de justificatifs, au fur et à mesure du versement des arrérages de cette pension jusqu'à la fin de son versement ;

14. Considérant que la caisse primaire d'assurance maladie du Hainaut justifie des dépenses de santé et indemnités journalières qu'elle a exposées pour Mme B...à hauteur d'un montant total de 12 939,74 euros en lien avec les fautes commises par le centre hospitalier de Valenciennes ; que le centre hospitalier de Valenciennes n'est ainsi pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Lille l'a condamné à verser une somme de ce montant en remboursement des débours de la caisse ;

Sur l'appel incident de MmeB... :

15. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit aux points 6 et 7 que Mme B...ne peut prétendre à aucune indemnisation au titre de la perte de revenus futurs, ni au titre de la perte de revenus avant la consolidation de son état de santé et que les premiers juges ont fait une juste appréciation de l'ensemble des préjudices à caractère extra-patrimonial en allouant à Mme B... une indemnité globale de 23 000 euros ;

16. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le centre hospitalier de Valenciennes n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille l'a condamné à verser à Mme B...une somme de 23 000 euros en réparation de ses préjudices ainsi qu'une somme de 30 532,40 euros à la caisse primaire d'assurance maladie du Hainaut ; que Mme B...n'est pas fondée à demander, par la voie de l'appel incident, la réformation du même jugement en tant qu'il a limité à 23 000 euros la somme que le centre hospitalier de Valenciennes a été condamné à lui verser ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du centre hospitalier de Valenciennes le versement à Mme B...et à la caisse primaire d'assurance maladie du Hainaut d'une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du centre hospitalier de Valenciennes est rejetée.

Article 2 : L'appel incident de Mme B...et ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie du Hainaut présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au centre hospitalier de Valenciennes, à Mme D...B..., à la caisse primaire d'assurance maladie du Hainaut et à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales.

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N°13DA01567


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2e chambre - formation à 3 (bis)
Numéro d'arrêt : 13DA01567
Date de la décision : 23/06/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-01-01 Responsabilité de la puissance publique. Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. Service public de santé. Établissements publics d'hospitalisation.


Composition du Tribunal
Président : M. Hoffmann
Rapporteur ?: Mme Muriel Milard
Rapporteur public ?: Mme Hamon
Avocat(s) : LE PRADO

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2015-06-23;13da01567 ?
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