LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
- M. John X...,
contre l'arrêt n°96 de la cour d'appel de NÎMES, chambre correctionnelle , en date du 1er février 2013, qui, pour diffamation publique envers un citoyen chargé d'un mandat public, l'a condamné à 13 000 euros d'amende, a ordonné une mesure de publication, et a prononcé sur les intérêts civils ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 25 février 2014 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Louvel, président, M. Monfort, conseiller rapporteur, M. Beauvais, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : M. Bétron ;
Sur le rapport de M. le conseiller MONFORT, les observations de la société civile professionnelle GASCHIGNARD, avocat en la Cour et les conclusions de M. l'avocat général MATHON ;
Vu le mémoire personnel et le mémoire en défense produits ;
Sur le sixième moyen de cassation, pris de la violation des articles 31 et 50 de la loi du 29 juillet 1881 ;
Vu lesdits articles ;
Attendu qu'en matière de presse, il appartient à la Cour de cassation de contrôler le sens et la portée des écrits incriminés, et de vérifier si dans les propos retenus dans la prévention se retrouvent les éléments légaux de la diffamation publique tels qu'ils sont définis par la loi du 29 juillet 1881 ;
Attendu que l'article 31 de la loi du 29 juillet 1881 ne punit de peines particulières les diffamations dirigées contre les personnes revêtues des qualités qu'il énonce que lorsque ces diffamations, qui doivent s'apprécier non d'après le mobile qui les ont inspirées ou le but recherché par leur auteur, mais d'après la nature du fait sur lequel elles portent, contiennent la critique d'actes de la fonction ou d'abus de la fonction, ou encore que la qualité ou la fonction de la personne visée a été soit le moyen d'accomplir le fait imputé, soit son support nécessaire ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que M. Jacques Y..., maire de la commune de Coucouron (Ardèche), a porté plainte et s'est constitué partie civile, du chef de diffamation publique envers un citoyen chargé d'un mandat public, contre M. John X..., à la suite de la diffusion, par voie de tracts, lors de la campagne des élections cantonales, des propos suivants : "Ghislaine Z..., Maire de LANARCE. La dame avec son conseil municipal s'est opposée au saccage de nos campagnes par l'industrie éolienne. 0n a donc mis le feu à sa maison. C'est signé la mafia UMP locale, Jacques Y... en tête. Le rapport de gendarmerie précise que I'incendie devait être accidentel, toutes les portes et fenêtres étant fermées à clé à l'arrivée des militaires. C'est complètement faux. A l'arrivée des gendarmes, des portes et des fenêtres, il ne restait déjà plus rien. Mettre le feu aux maisons, ça fait désordre " ;
Que M. X..., renvoyé devant le tribunal correctionnel, du chef du délit susvisé, au visa des articles 29 et 31 de la loi du 29 juillet 1881, a été déclaré coupable ; que le prévenu et le ministère public ont relevé appel du jugement ;
Attendu que, pour confirmer cette décision et dire la prévention établie, l'arrêt énonce notamment que le texte litigieux, dont M. X... reconnaît être l'auteur, désigne M. Y... en sa qualité de membre de l'UMP, et donc d'élu local, comme l'un des auteurs de l'incendie du domicile de Mme Z..., maire de Lanarce ; que les juges relèvent qu'il s'agit là de l'imputation de faits susceptibles de recevoir la qualification pénale d'incendie volontaire, infraction particulièrement grave et passible de lourdes peines, imputation portant de toute évidence atteinte à l'honneur et à la considération de M. Y... , pris en sa qualité de maire ;
Mais attendu qu'en prononçant ainsi, alors que le fait imputé ne constituait ni un acte, ni un abus de la fonction de maire du plaignant, et se trouvait dépourvu de lien avec ladite fonction, la diffamation ne concernant que le particulier, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus rappelé ;
D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ; que n'impliquant pas qu'il soit à nouveau statué sur le fond, elle aura lieu sans renvoi, ainsi que le permet l'article L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire ;
Sur la demande aux fins de suppression des passages injurieux et diffamatoires contenus dans le mémoire personnel, et de réserve des actions :
Attendu que M. Y..., défendeur au pourvoi, demande à la Cour de cassation, sur le fondement des dispositions de l'article 41 de la loi du 29 juillet 1881, d'ordonner la suppression des propos injurieux et diffamatoires contenus dans le mémoire personnel de M. X..., et de réserver ses actions en diffamation et injure ;
Attendu qu'il convient de faire droit à la demande de suppression des passages figurant en page 5 du mémoire personnel, commençant par les mots "On voit mal par ailleurs..;", et se terminant par "...(voir à ce sujet mon cinquième moyen)", qui contiennent des expressions diffamatoires et injurieuses à l'égard de M. Y... ;
Attendu cependant que les faits diffamatoires ne sont pas étrangers à la cause ;
Par ces motifs, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de cassation proposés par le demandeur :
Vu l'article 41 de la loi du 29 juillet 1881 ;
PRONONCE la suppression, dans le mémoire personnel produit par M. X..., du passage figurant en page 5, commençant par les mots "On voit mal par ailleurs...", et s'achevant par "...(voir à ce sujet mon cinquième moyen de cassation)" ;
DIT n'y avoir lieu de réserver les actions en diffamation et injures du défendeur ;
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt n° 96 susvisé de la cour d'appel de Nîmes, en date du 1er février 2013,
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
DIT n'y avoir lieu à application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Nîmes et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le huit avril deux mille quatorze ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;