LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X..., engagée le 14 janvier 2000 par la société Foncia groupe en qualité de responsable juridique, a occupé, à partir de l'année 2003, le poste de directrice juridique développement ; qu'à la suite de son congé maternité qui s'est achevé le 7 septembre 2004, elle a pris ses congés payés du 8 septembre au 20 octobre 2004 ; que convoquée par une lettre remise en main propre le 21 octobre 2004 à un entretien préalable, elle a été licenciée le 16 novembre pour motif personnel ; qu'elle a saisi la juridiction prud'homale ;
Sur le troisième moyen :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ce moyen qui n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Sur le premier moyen, pris en sa première branche :
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de dire que le licenciement de la salariée était nul et de le condamner à lui payer diverses sommes à titre de dommages et intérêts, alors, selon le moyen, que selon l'article L. 1225-4 du code du travail « aucun employeur ne peut rompre le contrat de travail d'une salariée lorsqu'elle est en état de grossesse médicalement constaté et pendant l'intégralité des périodes de suspension du contrat de travail auxquelles elle a droit au titre du congé de maternité, qu'elle use ou non de ce droit, ainsi que pendant les quatre semaines suivant l'expiration de ces périodes » ; que la période de quatre semaines dite de « protection relative » instaurée par ce texte court à compter de l'expiration des périodes de suspension du contrat de travail au titre du congé de maternité, et non à compter de la reprise effective du travail par la salariée, en sorte que la prise de congés payés accolée au congé de maternité n'a pas pour effet de suspendre, ni de reporter le point de départ du cycle de protection relative de quatre semaines ; qu'en décidant au contraire, pour retenir que le licenciement avait été prononcé pendant cette phase de protection relative et déduire la nullité du licenciement, que la période de protection de quatre semaines avait été suspendue pendant les congés payés de la salariée accolés à son congé de maternité, la cour d'appel a violé par fausse application l'article L. 1225-4 du code du travail ;
Mais attendu que la cour d'appel a exactement décidé que la période de protection de quatre semaines suivant le congé de maternité étant suspendue par la prise des congés payés, son point de départ était reporté à la date de la reprise du travail par la salariée ; que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche :
Vu les articles L. 1225-4, L. 1225-17 et L. 1225-71 du code du travail ;
Attendu que pour dire le licenciement nul et condamner l'employeur à payer à la salariée diverses sommes, l'arrêt retient que le licenciement a été prononcé le 16 novembre 2004 pendant la période de protection qui s'achevait le 17 novembre 2004 ;
Qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il lui était demandé si le licenciement n'était pas justifié par une faute grave, non liée à l'état de grossesse ou par l'impossibilité de maintenir le contrat de travail pour un motif étranger à la grossesse ou à l'accouchement, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
Vu l'article 624 du code de procédure civile ;
Attendu que la cassation sur le premier moyen entraîne, par voie de conséquence, la cassation de l'arrêt sur le deuxième moyen ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il soit nécessaire de statuer sur la troisième branche du premier moyen :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il condamne la société Foncia groupe à payer à Mme X... la somme de 67 812 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice causé par l'exécution d'une clause de non-concurrence illicite, l'arrêt rendu le 20 décembre 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne Mme X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trente avril deux mille quatorze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
.Moyens produits par la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat aux Conseils, pour la société Foncia groupe.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR dit que le licenciement de la salariée était nul, et d'AVOIR condamné la société FONCIA Groupe SA à lui payer les sommes de 37.962 € à titre de dommages et intérêts par application de l'article L. 1225-71 alinéa 1er du code du travail, de 60.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice consécutif à la perte de la possibilité d'exercer les options de souscription d'actions et de 2.000 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;
AUX MOTIFS QUE « Agnès X... soutient que le licenciement prononcé à son encontre est nul, la procédure ayant été engagée pendant la période de protection de 4 semaines suivant son congé de maternité, cette période ayant été suspendue pendant la durée des congés payés ayant succédé au congé maternité. En effet, à l'issue de son congé de maternité qui s'est achevé le 7 septembre 2004, la salariée a pris ses congés payés du 8 septembre au 20 octobre 2004. La procédure a été engagée à la date de sa reprise, le 21 octobre 2004, et le licenciement prononcé le 16 novembre 2004. La période de protection de quatre semaines suivant le congé de maternité, instituée par l'article L. 1225-4 du Code du travail, nécessairement liée à l'exercice effectif de son travail par la salariée, est suspendue pendant la durée des absences régulières ou des périodes de suspension du contrat de travail. En l'espèce, ce délai de protection qui devait commencer le 8 septembre 2004 s'est trouvé suspendu pendant la période de suspension du contrat de travail résultant de la prise de congés et reporté au terme de ceux-ci. Il a donc commencé à courir le 21 octobre 2004, de sorte que le licenciement, prononcé le 16 novembre 2004, l'a été pendant la période de protection qui s'achevait le 17 novembre 2004 et, de ce fait, se trouve entaché de nullité. Le salaire devant être versé pendant la période couverte par la nullité, soit pendant le congé maternité et les 4 semaines de protection, du 21 octobre au 17 novembre 2004, ayant été réglé à Agnès X..., celle-ci ne peut réclamer un mois de salaire et les congés payés afférents sur le fondement de l'article L. 1225-71 alinéa 2 du Code du travail. En revanche, les circonstances du licenciement justifient la réparation du préjudice que lui a causé la rupture de son contrat de travail dans les termes de sa réclamation fondée sur l'article L. 1225-71 alinéa 1er du même Code, soit à hauteur de 37.962 €. Par ailleurs, et dès lors que le licenciement est illicite, il n'y a pas à rechercher s'il était justifié ou non par une cause réelle et sérieuse » ;
ALORS, D'UNE PART, QUE selon l'article L. 1225-4 du code du travail « aucun employeur ne peut rompre le contrat de travail d'une salariée lorsqu'elle est en état de grossesse médicalement constaté et pendant l'intégralité des périodes de suspension du contrat de travail auxquelles elle a droit au titre du congé de maternité, qu'elle use ou non de ce droit, ainsi que pendant les quatre semaines suivant l'expiration de ces périodes » ; que la période de quatre semaines dite de « protection relative » instaurée par ce texte court à compter de l'expiration des périodes de suspension du contrat de travail au titre du congé de maternité, et non à compter de la reprise effective du travail par la salariée, en sorte que la prise de congés payés accolée au congé de maternité n'a pas pour effet de suspendre, ni de reporter le point de départ du cycle de protection relative de quatre semaines ; qu'en décidant au contraire, pour retenir que le licenciement avait été prononcé pendant cette phase de protection relative et déduire la nullité du licenciement, que la période de protection de quatre semaines avait été suspendue pendant les congés payés de la salariée accolés à son congé de maternité, la cour d'appel a violé par fausse application l'article L. 1225-4 du code du travail ;
ALORS, D'AUTRE PART ET A TITRE SUBSIDIAIRE, QU'en application des dispositions de l'article L. 1225-4 alinéa 2 du code du travail, pendant les quatre semaines suivant l'expiration des périodes de suspension du contrat de travail pour congé de maternité, le licenciement pour faute grave ou pour impossibilité de maintenir le contrat pour un motif étranger à la grossesse ou à l'accouchement reste possible ; qu'aussi, en admettant que le licenciement de Madame X... ait été prononcé pendant la période de protection relative de quatre semaines, en se contentant de retenir, pour déduire sa nullité, qu'il était intervenu pendant cette période, sans rechercher si, comme le soutenait l'employeur, le licenciement n'avait pas été notifié à la salariée en raison de l'impossibilité de maintenir son contrat de travail pour un motif étranger à la grossesse ou à l'accouchement comme l'autorise pendant cette période l'article L. 1225-4 alinéa 2 du code du travail, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du texte susvisé ;
ALORS, DE TROISIEME PART ET A TITRE PLUS SUBSIDIAIRE, QU'en toute hypothèse ayant été prononcé, tel qu'il ressort de la lettre de licenciement visée par l'arrêt, en raison de l'impossibilité de maintenir le contrat de la salariée pour un motif étranger à la grossesse ou à l'accouchement, le licenciement était fondé sur l'un des deux motifs autorisés par l'article L. 1225-4 du code du travail pendant la période de protection relative de quatre semaines suivant le congé de maternité ; qu'à le supposer même insuffisamment fondé, ce dernier pouvait donc tout au plus être jugé dépourvu de cause réelle et sérieuse et non être frappé de nullité ; qu'en prononçant néanmoins la nullité du licenciement, la cour d'appel a violé les articles L. 1235-3, L. 1225-4 et L. 1225-71 du code du travail.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR condamné la société FONCIA Groupe SA à payer à la salariée la somme de 60.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice consécutif à la perte de la possibilité d'exercer les options de souscription d'actions et de 2.000 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;
AUX MOTIFS QUE « la société FONCIA Groupe a attribué à Agnès X... 2265 actions d'une valeur de 22.978 €, la valeur unitaire de l'action s'établissant à 10,10 €. Les options de souscription de ces actions devaient être levées à compter du 30 octobre 2005, soit postérieurement au licenciement de la salariée. Du fait de son licenciement entaché de nullité, cette dernière n'a pu lever ses options et a nécessairement subi un préjudice qui sera réparé par l'allocation d'une indemnité de 60.000 € » ;
ALORS, D'UNE PART, QUE la perte d'une chance ne peut dépendre que d'un événement futur et incertain dont la réalisation ne peut résulter de l'attitude de la victime ; que l'arrêt retient que la salariée a perdu le droit, du fait de son licenciement nul, de lever les options de souscription des actions qui lui ont été attribuées, ce qui lui a causé un préjudice dont elle était fondée à demander réparation ; qu'en statuant ainsi, sans répondre au moyen de la société FONCIA Groupe (conclusions p. 37) soutenant au contraire que, conformément au plan de stock option de la société, lequel ne comportait ni clause d'indisponibilité ni clause de présence, la salariée avait conservé le droit de lever les options de souscription de ses actions après son licenciement, faculté dont elle n'a toutefois pas usé par sa seule faute, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
ALORS, D'AUTRE PART ET PLUS ENCORE, QU'en retenant que la salariée n'avait pu lever à leur terme ses options de souscription d'actions du fait de son licenciement entaché de nullité, sans constater que la levée de ses options était conditionnée à sa présence dans l'entreprise et que son licenciement faisait obstacle à cette levée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1147 et 1134 du code civil ;
ALORS, DE TROISIEME PART ET A TITRE SUBSIDIAIRE, QUE la réparation d'une perte de chance doit être mesurée à la chance perdue et ne peut être égale ou supérieure à l'avantage qu'aurait procuré cette chance si elle s'était réalisée ; que si le salarié attributaire d'options de souscription d'actions, n'ayant pas pu bénéficier de la possibilité de lever ses options du fait d'une faute de l'employeur, a droit à l'indemnisation du préjudice en résultant, celui-ci doit être limité à la perte de la chance de lever les options et non à l'indemnisation intégrale des sommes qu'il aurait perçues s'il avait exercé son droit d'option ; que dès lors en octroyant à la salariée la somme de 60.000 ¿ au titre de son impossibilité de lever les options, soit beaucoup plus que la plus value nette de 32.803 ¿ qu'elle aurait pu réaliser si elle avait effectivement levé ces options, cependant que seule sa perte de chance de lever les options devait être indemnisée, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil ;
ALORS, DE QUATRIEME PART ET A TITRE PLUS SUBSIDIAIRE, QUE la société FONCIA Groupe faisait valoir dans ses conclusions d'appel que l'éventuel préjudice résultant pour Madame X... de la perte de ses stocks options était limité à la plus-value nette qu'elle aurait pu réaliser, déduction faite de l'impôt sur les plus values, soit la somme de 32.803 ¿ ; qu'en retenant que « du fait de son licenciement entaché de nullité, cette dernière n'a pu lever ses options et a nécessairement subi un préjudice qui sera réparé par l'allocation d'une indemnité de 60.000 ¿ », sans répondre à ce moyen, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR condamné la société FONCIA Groupe SA à payer à la salariée la somme de 67.812 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice causé par l'exécution d'une clause de non-concurrence illicite et de 2 000 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;
AUX MOTIFS QUE « le contrat de travail d'Agnès X... comporte une clause de non-concurrence ainsi rédigée : « En cas de cessation du contrat, quelle qu'en soit la cause et la partie ayant pris l'initiative de la rupture, vous vous interdirez, à compter de la date de fin de contrat de vous intéresser directement ou indirectement, même sous forme de conseil, par personne physique ou morale interposée, fût-ce comme simple bailleur de fonds, associée ou salariée, à toute activité exerçant une activité d'administration de biens concurrente à celle de la société. Vous vous engagez à respecter la présente clause de non-concurrence pendant deux années » Cette clause qui n'est pas limitée dans l'espace et qui ne comporte pas une contrepartie pécuniaire est manifestement illicite. La société FONCIA Groupe qui, lors du licenciement de l'appelante, ne l'a pas libérée de l'exécution de la clause de non-concurrence, a néanmoins reconnu son ' inapplicabilité ' dans une lettre qu'elle lui a adressée le 18 mai 2006, soit 18 mois après le licenciement. Agnès X... qui justifie avoir perçu des indemnités de chômage du 14 février 2005 au 14 mars 2007 a respecté les obligations imposées par la clause de non-concurrence illicite et qui n'ont été levées que le 18 mai 2006. L'étendue et la durée de cette clause atteinte de nullité portent gravement atteinte à la liberté du travail et la présence d'une telle clause dans le contrat de travail cause nécessairement un préjudice à la salariée. Le dommage sera évalué au montant de la somme fixée par la clause au profit de l'employeur si la salariée avait violé cette clause, soit au total des salaires bruts perçus pendant les 12 mois civils précédant la rupture qui s'élève à 67.812 € » ;
ALORS QU'en cas de nullité de la clause de non-concurrence, l'employeur doit verser au salarié des dommages-intérêts correspondant au préjudice subi du fait de l'exécution d'une clause de non-concurrence illicite ; que ce préjudice s'apprécie au regard de l'atteinte à la liberté d'exercer une activité professionnelle du salarié et de la diminution de ses possibilités de retrouver un emploi correspondant à sa formation et à son expérience professionnelle ; qu'en accordant à la salariée la somme de 67.812 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice causé par l'exécution d'une clause de non-concurrence illicite, soit une année de salaire, sans relever en quoi, ne-serait que sommairement, Madame X..., qui a cessé toute activité à l'issue de son départ de la Société FONCIA Groupe pour s'occuper de son jeune enfant, aurait subi un préjudice justifiant une telle indemnisation, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard des articles L. 1121-1 du code du travail et 1147 du code civil ainsi que du principe de la réparation intégrale du préjudice.