LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu l'article 1147 du code civil ;
Attendu que, pour débouter M. X... de ses demandes à l'encontre de son avocat, M. Y..., et de la SCP d'avocats Y...- Z... tendant à les voir condamner solidairement à l'indemniser de la perte de chance de recouvrer sa créance consacrée par un jugement réputé contradictoire obtenu à l'encontre d'un débiteur, en raison à la fois du défaut de notification, dans les six mois de sa date, de ce jugement, dès lors non avenu, et de l'absence d'opposition au partage successoral dont son débiteur avait bénéficié, l'arrêt retient qu'il disposait encore d'une action non prescrite à l'encontre de son débiteur, dont il n'établissait pas l'insolvabilité, et qu'en conséquence son action en réparation n'était pas fondée ;
Qu'en se déterminant ainsi, alors qu'est certain le dommage subi par une personne par l'effet de la faute d'un professionnel du droit, quand bien même la victime disposerait, contre un tiers, d'une action consécutive à la situation dommageable née de cette faute et propre à assurer la réparation du préjudice et que l'action que M. X... se voyait contraint d'exercer à nouveau contre son débiteur pour être rétabli dans son droit par suite de la situation dommageable créée par les fautes, non contestées, de son avocat, n'était pas de nature à priver la perte de chance invoquée de son caractère actuel et certain, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 23 octobre 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Dijon ;
Condamne M. Y... et la SCP Y...- Z... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. Y... et de la SCP Y...- Z... ; les condamne à payer à M. X... la somme de 3 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf décembre deux mille treize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par Me Balat, avocat aux Conseils, pour M. X...
Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir débouté M. X... de ses demandes à l'encontre de Maître Bertrand Y... et de la SELARL Y...- Z... ;
AUX MOTIFS QU'il convient tout d'abord de rappeler que la responsabilité professionnelle de l'avocat n'a aucun caractère subsidiaire mais que seul est sujet à réparation le préjudice direct, actuel et certain ; que celui qui s'en prévaut doit, avant d'engager la responsabilité de son conseil, avoir épuisé toutes les possibilités de contraindre son cocontractant débiteur à l'exécution de ses obligations et ainsi prouver son insolvabilité pour établir que la perte de sa créance est définitive et lui occasionne un préjudice direct, actuel et certain ; qu'en l'espèce, M. X... dispose désormais d'un jugement caduc, ce qu'il a appris en 2010 au cours de la première instance et son débiteur qui a perçu sa part d'héritage n'a jamais payé sa dette volontairement malgré ses engagements ; que M. A... a en outre changé de régime matrimonial le 23 mai 2003 et adopté le régime de séparation de biens comme cela ressort de la lecture de l'acte de vente du 30 juin 2005 ; que pour autant, M. X... qui n'établit pas que son débiteur est à ce jour insolvable, dispose encore d'une action qui n'est pas prescrite à l'encontre de M. A... comme le relève à juste titre Maître Y..., étant précisé que si la localisation de M. A... est incertaine, il n'est pas indifférent de noter qu'en sa qualité de retraité de l'éducation nationale, il perçoit une pension de l'Etat, ce qui peut faciliter certaines recherches et que sur l'acte de vente des immeubles de sa mère figure son adresse au ... Saint Denis 97400 ; que dans ces circonstances, il appartenait à M. X... de rapporter la preuve de l'insolvabilité de M. A... pour pouvoir établir le lien de causalité entre les fautes de Maître Y... et le préjudice dont il se prévaut, lequel reste encore à ce jour la conséquence de l'inexécution par M. A... de ses obligations contractuelles, préexistant aux fautes de l'appelant ; que faute de démontrer cette insolvabilité, la demande de M. X... en réparation dirigée contre Maître Y... et la SCP Y...- Z... n'est pas fondée ;
ALORS QUE l'avocat doit assurer l'efficacité des procédures qui lui sont confiées ; qu'en considérant que, nonobstant l'absence de signification en temps utile du jugement du 20 juillet 2000 condamnant M. A..., qui avait entraîné la caducité de cette décision, et nonobstant l'absence d'opposition faite au partage successoral auquel était partie son débiteur, M. X... se trouvait en mesure d'engager une nouvelle action en justice à l'encontre de M. A..., de sorte que, sa créance ne pouvant être considérée comme éteinte et l'état d'insolvabilité de M. A... n'étant pas établi, aucun préjudice ne se trouvait caractérisé à la suite des carences imputables à Maître Y... (arrêt attaqué, p. 13), sans rechercher si le simple fait de n'avoir pas pu faire exécuter le jugement du 20 juillet 2000 et de n'avoir pu appréhender une somme parfaitement identifiable à l'époque, n'avait pas directement causé un préjudice à M. X..., obligé d'engager une nouvelle procédure tendant aux mêmes fins, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions de l'article 1147 du code civil.