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16/10/2014 | FRANCE | N°12VE04204

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 7ème chambre, 16 octobre 2014, 12VE04204


Vu la requête, enregistrée le 19 décembre 2012, présentée pour la société anonyme (SA) GECOP, dont le siège social est 10, rue Volta à Alfortville (94140), par Me Michaud, avocat ; la société GECOP demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1106590 en date du 30 octobre 2012 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et les majorations correspondantes au titre de l'année 2008, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er janvi

er 2008 au 30 avril 2009 et des majorations correspondantes ainsi que de l'am...

Vu la requête, enregistrée le 19 décembre 2012, présentée pour la société anonyme (SA) GECOP, dont le siège social est 10, rue Volta à Alfortville (94140), par Me Michaud, avocat ; la société GECOP demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1106590 en date du 30 octobre 2012 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et les majorations correspondantes au titre de l'année 2008, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er janvier 2008 au 30 avril 2009 et des majorations correspondantes ainsi que de l'amende infligée sur le fondement de l'article 1759 du code général des impôts dont la société Pep 75 était redevable mise à sa charge à hauteur respectivement de 31 060 euros, 80 465,99 euros et 128 484 euros en sa qualité de codébiteur solidaire en application de l'article 1724 quater du code général des impôts ;

2°) de prononcer la décharge de l'obligation de payer les sommes correspondantes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- elle établit par les pièces qu'elle produit qu'elle a appliqué les textes légaux en procédant aux vérifications légales, les dispositions de l'article 1724 quater du code général des impôts ne trouvent donc pas à s'appliquer ;

- le fait de l'imposer en lieu et place du débiteur réel constitue une sanction disproportionnée contraire à l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'impossibilité de la détermination de sa dette fiscale et du contrôle des sommes qui seraient dues et mises à sa charge à titre solidaire est contraire au principe du droit à un procès équitable prévu par l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la procédure engagée par l'administration est contraire aux règles d'ordre public de la preuve fiscale et du respect du contradictoire ; elle n'a reçu que les avis de mise en recouvrement et n'a pas eu communication des pièces de la procédure à l'encontre du débiteur principal, ce qui est contraire au principe de loyauté des débats reconnus par la Cour de cassation dans la procédure de solidarité de paiement des droits de mutation prévue à l'article 1709 du code général des impôts ;

- la solidarité financière prévue à l'article 1724 quater du code général des impôts s'appliquant aux pénalités est contraire à l'article 6 § 2 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dans la mesure où cette solidarité s'applique indépendamment de toute faute dans la commission de l'infraction commise par le débiteur principal ;

- la solidarité financière prévue à l'article 1724 quater du code général des impôts concernant les pénalités est contraire au principe constitutionnel de la personnalité des peines résultant des articles 8 et 9 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ;

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son premier protocole additionnel ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code du travail ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 2 octobre 2014 :

- le rapport de Mme Van Muylder, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Garrec, rapporteur public,

- et les observations de Me Michaud, pour la société GECOP ;

Connaissance prise de la note en délibéré enregistrée le 9 octobre 2014, présentée pour la société GECOP, par Me Michaud, avocat ;

1. Considérant que la société Pep 75, sous-traitant de la société GECOP qui exerce une activité de maitre d'oeuvre a fait l'objet d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle l'administration a mis à sa charge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre de l'année 2008 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er janvier 2008 au 30 avril 2009 ainsi que des majorations correspondantes ; qu'elle a également estimé que les sommes résultant des rehaussements des résultats imposables à l'impôt sur les sociétés constituaient des revenus distribués et en l'absence de réponse à la demande de désignation des bénéficiaires de ces distributions, a mis à la charge de la société, l'amende prévue à l'article 1759 du code général des impôts ; qu'à défaut de paiement des impositions et de l'amende par la société Pep 75 , le comptable public, sur le fondement de l'article 1724 quater du code général des impôts alors applicable a émis des avis de mise en recouvrement constituant le titre exécutoire nécessaire pour réclamer à la société GECOP en sa qualité de débiteur solidaire de la société Pep 75 le paiement des impositions et de l'amende dues par cette dernière à hauteur respectivement des sommes de 31 060 euros, 80 465,99 euros et 128 484 euros ; que la société GECOP a présenté une réclamation contestant la mise en oeuvre par le comptable de la solidarité de paiement prévue par les dispositions de l'article 1724 quater du code général des impôts : que la société GECOP, donneur d'ouvrage de la société PEP 75, relève appel du jugement en date du 30 octobre 2012 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à la décharge de la quote-part des impositions et pénalités en litige ainsi que de l'amende contestée qui lui a été réclamée en sa qualité de codébiteur solidaire ;

Sur la solidarité de paiement de la société GECOP relative aux cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée :

2. Considérant qu'il résulte des dispositions des articles 1724 quater du code général des impôts, de l'article L. 324-14 du code du travail repris par les dispositions des articles L. 8222-1, L. 8222-2 et L. 8222-3 du code du travail à compter du 1er mai 2008, que toute personne qui ne procède pas aux vérifications prévues à l'article L. 8222-1 du code du travail ou qui a été condamnée pour avoir recouru directement ou par personne interposée aux services de celui qui exerce un travail dissimulé est tenue solidairement au paiement des impôts, taxes et cotisations obligatoires ainsi que des pénalités et majorations dus par celui-ci au Trésor ou aux organismes de protection sociale à due proportion de la valeur des travaux réalisés, des services fournis, du bien vendu et de la rémunération en vigueur dans la profession ; qu'aux termes de l'article R.8222-5 du code du travail : " La personne qui contracte, lorsqu'elle n'est pas un particulier répondant aux conditions fixées par l'article D. 8222-4, est considérée comme ayant procédé aux vérifications imposées par l'article L. 8222-1 si elle se fait remettre par son cocontractant, lors de la conclusion et tous les six mois jusqu'à la fin de son exécution : 1° Une attestation de fourniture des déclarations sociales et de paiement des cotisations et contributions de sécurité sociale prévue à l'article L. 243-15 émanant de l'organisme de protection sociale chargé du recouvrement des cotisations et des contributions datant de moins de six mois dont elle s'assure de l'authenticité auprès de l'organisme de recouvrement des cotisations de sécurité sociale. 2° Lorsque l'immatriculation du cocontractant au registre du commerce et des sociétés ou au répertoire des métiers est obligatoire ou lorsqu'il s'agit d'une profession réglementée, l'un des documents suivants : a) Un extrait de l'inscription au registre du commerce et des sociétés (K ou K bis) ; b) Une carte d'identification justifiant de l'inscription au répertoire des métiers ; c) Un devis, un document publicitaire ou une correspondance professionnelle, à condition qu'y soient mentionnés le nom ou la dénomination sociale, l'adresse complète et le numéro d'immatriculation au registre du commerce et des sociétés ou au répertoire des métiers ou à une liste ou un tableau d'un ordre professionnel, ou la référence de l'agrément délivré par l'autorité compétente ; d) Un récépissé du dépôt de déclaration auprès d'un centre de formalités des entreprises pour les personnes en cours d'inscription. "

3. Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'administration a, par courrier en date du 7 septembre 2009, demandé à la société GECOP les documents permettant d'établir qu'elle avait procédé aux vérifications prévues à l'article L. 8222-1 du code du travail ; que la société GECOP n'a pas communiqué l'attestation de fourniture de déclarations sociales émanant de l'organisme de protection sociale chargé du recouvrement des cotisations et des contributions sociales incombant au cocontractant et datant de moins de six mois ; que dans ces conditions, l'administration pouvait, à bon droit, mettre à la charge de la société GECOP, en application de la solidarité entre le donneur d'ordre et le sous-traitant, une quote-part des impositions mises à sa charge, sur le fondement des dispositions de l'article 1724 quater du code général des impôts ;

4. Considérant qu'aux termes de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle (...). " ;

5. Considérant que la solidarité de paiement prévue à l'article 1724 quater du code général des impôts n'est applicable qu'en cas de carence du donneur d'ordres à ses obligations de vérification prévues à l'article L. 8222-1 du code du travail ou en cas de condamnation de celui-ci pour avoir eu recouru directement ou par personne interposée aux services de celui qui exerce un travail dissimulé ; que cette solidarité financière, qui s'inscrit dans le dispositif de lutte contre le travail dissimulé, tend à empêcher la réitération des agissements qu'elle vise et, présente ainsi le caractère d'accusation en matière pénale au sens des stipulations de l'article 6 § 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

6. Considérant que les dispositions de l'article 1724 quater du code général des impôts proportionnent la solidarité de paiement au prorata de la valeur des travaux réalisés ou des services fournis à l'intéressé par une personne physique ou morale en infraction avec les dispositions du code du travail prohibant le travail dissimulé ; que le juge de l'impôt, après avoir exercé son plein contrôle sur les faits invoqués et la qualification retenue par l'administration, décide, dans chaque cas, selon les résultats de ce contrôle, soit de maintenir la solidarité de paiement, soit de décharger l'intéressé de son obligation de paiement au vu des arguments présentés par la société ; qu'ainsi la société GECOP n'est pas fondée à soutenir que la solidarité de paiement mise à la charge du donneur d'ordre serait incompatible avec les stipulations de l'article 6 § 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

7. Considérant qu'aux termes de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes. " ;

8. Considérant que le mécanisme de solidarité financière prévue à l'article 1724 quater du code général des impôts constitue une ingérence dans le droit garanti par le premier alinéa de l'article premier du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que cette ingérence se justifie, conformément au second alinéa de cet article, qui prévoit expressément une exception pour ce qui est du paiement d'impôts, d'autres contributions ou amendes ; que ce mécanisme de solidarité, qui prévoit que la personne qui ne s'est pas assurée que son cocontractant respectait les règles relatives au droit du travail ou qui a été condamnée pour avoir recouru directement ou par personne interposée aux services de celui qui exerce un travail dissimulé, est tenue solidairement à due proportion de la valeur des travaux réalisés, des services fournis ou du bien vendu, n'est pas, au vu des buts de lutte contre la dissimulation du travail et de recouvrement de l'impôt, disproportionné et ne méconnaît, dès lors, pas les stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

9. Considérant qu'aux termes de l'article R. 256-2 du livre des procédures fiscales : " Lorsque le comptable poursuit le recouvrement d'une créance à l'égard de débiteurs tenus conjointement ou solidairement au paiement de celle-ci, il notifie préalablement à chacun d'eux un avis de mise en recouvrement " ; que l'article R. 256-1 du même livre dispose : " L'avis de mise en recouvrement individuel prévu à l'article L. 256 comporte : 1° Les indications nécessaires à la connaissance des droits, taxes, redevances, impositions ou autres sommes qui font l'objet de cet avis ; 2° Les éléments du calcul et le montant des droits et des pénalités, indemnités ou intérêts de retard, qui constituent la créance. Toutefois, les éléments du calcul peuvent être remplacés par le renvoi au document sur lequel ils figurent lorsque ce document a été établi ou signé par le contribuable ou son mandataire ou lui a été notifié antérieurement " ;

10. Considérant que, dans le cadre d'une solidarité de paiement, aucune disposition législative ou réglementaire n'impose à l'administration de communiquer au codébiteur solidaire les éléments de la procédure d'imposition à l'encontre du débiteur principal ; qu'en outre, les avis de mise en recouvrement notifiés à la société GECOP pour obtenir le paiement d'une partie des impositions et majorations mises à la charge de la société Pep 75 sur le fondement de l'article 1724 quater du code général des impôts, comportaient les indications nécessaires à la connaissance des sommes qui font l'objet de ces avis et la référence à la proposition de rectification et à la lettre de motivation des pénalités adressées à la société Pep 75 ; que le moyen tiré de ce que la société GECOP n'a pas été informée de la procédure engagée à l'encontre de la société Pep 75 et de l'étendue de la solidarité financière doit être écarté ;

Sur la solidarité de paiement de la société GECOP relative aux pénalités :

11. Considérant que le principe de personnalité des peines découle du principe de la présomption d'innocence posé au paragraphe 2 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales aux termes duquel : " Toute personne accusée d'une infraction est présumée innocente jusqu'à ce que sa culpabilité ait été légalement établie. " ;

12. Considérant que la mise en oeuvre du mécanisme de solidarité financière prévue à l'article 1724 quater du code général des impôts est conditionnée par la carence de la société qui n'a pas procédé aux vérifications prévues à l'article L. 8222-1 du code du travail ; qu'ainsi, contrairement à ce que soutient la société requérante, la solidarité financière dépend de ses propres agissements ; qu'elle ne méconnaît, dès lors, pas le principe de personnalité des peines découlant des stipulations de l'article 6 § 2 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

13. Considérant qu'il n'appartient pas au juge administratif de contrôler la conformité à la Constitution d'une disposition de valeur législative en dehors des cas et conditions prévus par le chapitre II bis du titre II de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, relatif à la question prioritaire de constitutionnalité ; que, par suite, le moyen tiré de ce que l'article 1724 quater du code général des impôts ne serait pas conforme à la Constitution ne peut qu'être écarté ;

14. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société GECOP n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter les conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société GECOP est rejetée.

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N° 12VE04204


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 12VE04204
Date de la décision : 16/10/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-01-05-02-03 Contributions et taxes. Généralités. Recouvrement. Paiement de l'impôt. Questions diverses.


Composition du Tribunal
Président : Mme HELMHOLTZ
Rapporteur ?: Mme Céline VAN MUYLDER
Rapporteur public ?: Mme GARREC
Avocat(s) : MICHAUD

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2014-10-16;12ve04204 ?
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